dimanche 11 novembre 2007

32ème dimanche du temps ordinaire

32ème dimanche du TO / C
11 novembre 07
Luc 20, 27-38 (page 941)
La discussion byzantine que les Sadducéens ont avec Jésus dans l’Evangile de ce dimanche est pour nous l’occasion de méditer un article fondamental de notre foi chrétienne : « J’attends la résurrection des morts » ou bien dans le symbole des apôtres : « Je crois à la résurrection de la chair ».
Cette discussion qui nous semble ridicule ne peut se comprendre que si nous la replaçons dans le contexte religieux du judaïsme à l’époque de Jésus. En effet les Juifs étaient divisés entre eux quant à la résurrection des morts. Les Pharisiens y croyaient alors que les Sadducéens rejetaient cette croyance. Dans l’Ancien testament il y a comme une progression vers cette foi en la vie éternelle. Les textes les plus anciens n’y font pas allusion de manière claire alors que les plus récents, ceux qui ont été écrits peu de temps avant la venue du Christ, témoignent de la foi en la vie éternelle. Et ce sont justement ces écrits récents que les Sadducéens refusent de reconnaître…
La réponse de notre Seigneur se présente en deux parties. Dans la première partie, il semblerait que Jésus remette en question la valeur du mariage : « Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne se marient pas, car ils ne peuvent plus mourir. » Avant d’aborder le problème du statut du mariage dans cette affirmation, relevons tout d’abord un fait intéressant. Le mariage est perçu comme une institution permettant, par le moyen de la procréation, une certaine continuité entre les générations. Les parents survivent en quelque sorte dans leurs enfants. S’il n’y pas de vie éternelle personnelle, cela peut correspondre à une consolation de savoir qu’après le néant de la mort, nos enfants nous survivront. Ce serait donc un désir d’immortalité qui pousserait les parents à donner naissance à des enfants. Dans sa réponse, le Seigneur semble dire que les élus, ceux qui sont appelés à la résurrection, ne se marient pas. Ce qui ruinerait bien sûr le sacrement de mariage et qui obligerait tous les chrétiens au célibat en vue du Royaume des Cieux. Il est toujours intéressant lorsque nous rencontrons un problème d’interprétation d’un texte biblique d’aller voir les passages parallèles. Ce faisant nous remarquerons que seul Luc emploie cette formule ambiguë. Je me contenterai de citer ici la version de Matthieu : « Vous êtes dans l’erreur, vous ne connaissez pas les Ecritures et pas davantage la puissance de Dieu. A la résurrection on ne prend plus de femme ou de mari : tous sont comme des anges de Dieu dans le ciel. » Le Seigneur Jésus n’interdit donc pas le mariage, mais il le relativise. Le mariage est une réalité valable pour la vie humaine ici-bas. Donc une réalité transitoire qui disparaitra au moment de notre entrée dans la vie éternelle et au jour de notre résurrection. Les Mormons sont ainsi dans l’erreur lorsqu’ils parlent du mariage comme d’une réalité éternelle. La réponse de Jésus nous permet de comprendre ce que veut dire saint Paul lorsqu’il écrit aux Corinthiens : « Ceux qui ont pris femme doivent vivre comme s’ils n’en avaient pas. […] Car les situations de ce monde sont en train de passer. » Rien ici-bas n’est éternel, pas plus le mariage qu’autre chose. Le même Paul nous apprend que seule la charité subsistera dans la vie de gloire avec le Seigneur. L’erreur des Sadducéens consiste à avoir transposé une loi de Moïse, celle du lévirat, faite pour la vie humaine ici-bas, dans la vie éternelle. Ce débat nous permet aussi de mieux comprendre le sens du célibat ecclésiastique ainsi que de la vie religieuse consacrée. Si les moines, les moniales et les prêtres ne se marient pas, c’est justement pour témoigner de manière concrète de la foi de l’Eglise en la résurrection des morts. Leur célibat consacré est un signe qui anticipe la vie du Royaume des Cieux dans laquelle nous serons semblables aux anges.
La deuxième partie de la réponse du Seigneur se réfère à un passage du livre de l’Exode, livre reconnu par les Sadducéens : « Quant à dire que les morts doivent ressusciter, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur : le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts mais des vivants ; tous vivent en effet pour lui. » Jésus qui s’est présenté à Marthe comme la résurrection et la vie fait ici une magnifique interprétation du récit du buisson ardent. Il nous montre que de manière implicite l’Ecriture affirme la vie éternelle. C’est une question de logique. Si Dieu, le Vivant, se présente à Moïse, comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, cela signifie que ces derniers ne sont pas seulement des personnages illustres du passé, mais qu’ils sont des vivants en Dieu. L’amour de notre Dieu est fidèle, il est plus puissant que notre mort même. Ne cherchons donc pas à survivre dans nos enfants, cherchons plutôt à vivre pour Dieu notre Père. C’est ainsi que nous serons jugés dignes d’avoir part à la résurrection d’entre les morts. Amen.

jeudi 1 novembre 2007

Toussaint

Toussaint 2007 (page 1297)
Dans ses lettres Saint Paul appelle parfois les chrétiens du nom de « saints ». La liturgie de la Parole en cette fête de la Toussaint utilise des noms variés pour désigner les disciples du Christ et ainsi nous parler de la sainteté : « serviteurs de Dieu », « enfants de Dieu » et « bienheureux ». Quant au Psaume 23, il nous présente la sainteté comme une recherche de Dieu : « Voici le peuple de ceux qui le cherchent, qui recherchent la face de Dieu ! »
En effet la sainteté chrétienne ne se laisse pas enfermer dans une définition, encore moins dans une définition unique. Fêter la Toussaint, c’est d’abord rappeler que Dieu seul est Saint dans le mystère de la Sainte Trinité : Père, Fils et Saint Esprit. Dieu seul est Saint parce qu’il est communion d’amour et de vie, parce qu’il est l’Amour. Fêter la Toussaint, c’est nous redire que nous sommes personnellement appelés à participer à la sainteté de Dieu en recevant en nous son amour et sa vie. Et cette participation commence pour nous avec le sacrement de baptême et la foi en Jésus Sauveur. Si la première lecture nous montre le but à atteindre, le terme de notre cheminement, la deuxième lecture souligne que nous sommes encore en chemin. La sainteté, qui peut se confondre avec la vie véritablement chrétienne, est déjà donnée par la grâce de Dieu : « Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu ». En même temps notre sainteté ici-bas est toujours inachevée, imparfaite, car « ce que nous serons ne paraît pas encore clairement ». C’est donc entre l’aujourd’hui de notre vie chrétienne et son achèvement dans la gloire de Dieu que se situe le chemin de notre sanctification. Nous avons bien besoin de toute une vie humaine pour nous laisser de plus en plus envahir et saisir par l’amour de Dieu révélé en Jésus-Christ, pour nous laisser guider par l’Esprit d’amour.
L’Evangile des Béatitudes nous montre à la fois le fruit et le moyen de la sainteté chrétienne. Etre saint, participer à la sainteté de Dieu, doit nous combler de bonheur, nous rendre bienheureux, non seulement après notre mort mais dès maintenant. Et Jésus nous livre ici, de manière paradoxale il est vrai, les chemins pour atteindre ce bonheur que tous nous recherchons. Le bonheur spirituel étant d’un autre ordre que le bonheur simplement humain, il est logique que nous ne puissions pas l’atteindre en suivant l’esprit de ce monde. Cet esprit, opposé à celui des Béatitudes, Jean le résume ainsi dans sa première lettre : « la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la richesse » . Aspirer à la sainteté, la désirer de tout son cœur, ce n’est donc pas autre chose que de rechercher notre bonheur et notre bien véritables. Car Dieu seul est notre béatitude. Si notre chemin de sanctification passe inévitablement par la porte étroite et par la croix, le but reste le bonheur. D’où le paradoxe des Béatitudes : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le Royaume des cieux est à eux ! »
Pour approfondir notre réflexion, écoutons maintenant un passage de la lettre de l’apôtre Paul aux Galates : « Le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix, largeur d’esprit, générosité, bonté, foi, douceur, maîtrise de soi. Ce sont des choses qu’aucune loi ne condamne. » L’unique fruit de l’Esprit se décline en neuf réalités. Ces réalités, surtout les trois premières (amour, joie et paix), sont en quelque sorte le test qui nous permet de vérifier l’authenticité de notre vie spirituelle. Si nous sommes vraiment dans l’amour, la joie et la paix, c’est alors le signe évident que nous avons bien pris le chemin de la sainteté. Et ce n’est pas un hasard si nous retrouvons dans le fruit de l’esprit la paix et la douceur déjà rencontrées dans les Béatitudes.
Je terminerai en m’attachant à une manifestation de cet unique fruit de l’Esprit, la joie. Nos contemporains ont tellement besoin de redécouvrir la beauté de la joie, son rayonnement tout simple ! Déjà en 1975 Paul VI constatait que notre monde, en ignorant Dieu, passait à côté de la joie. Gilbert Cesbron écrivait quant à lui que « la seule vraie preuve de l’existence de Dieu, c’est la preuve par la joie. » Enfin je citerai Dominique Savio, le fils spirituel de Don Bosco, qui accueillait un nouvel arrivant au Valdocco en lui disant : « Sache qu’ici nous faisons consister la sainteté à être toujours joyeux. »
Dans notre prière à l’Esprit Saint, demandons-lui jour après jour la grâce d’être toujours joyeux et de progresser ainsi dans notre propre sanctification et celle de nos frères.
Amen

dimanche 29 juillet 2007

17ème dimanche du temps ordinaire

17ème dimanche du temps ordinaire / C
29 juillet 2007
Luc 11, 1-13 (page 218)

Après l’épisode de Jésus chez Marthe et Marie, l’Evangile de ce dimanche nous rapporte la transmission du Notre Père aux premiers disciples. Marie avait choisi la meilleure part, le nécessaire de toute vie humaine : la vie spirituelle, la vie qui se met à l’écoute de la Parole du Seigneur. Et voilà que Jésus va enseigner à ses disciples ce qui deviendra la prière de tous les chrétiens. Si Matthieu nous rapporte aussi la transmission du Notre Père, il y a toutefois quelques différences notables entre Luc et Matthieu. Chez ce dernier le Notre Père prend place dans le sermon sur la montagne, sermon qui commence avec les Béatitudes. L’atmosphère est donc chez le premier évangéliste celle de l’enseignement. Luc situe le Notre Père dans un tout autre contexte. Chez lui tout part de l’expérience de Jésus en prière. C’est en voyant prier leur Maître que les disciples lui ont en quelque sorte demandé une méthode d’oraison : « Un jour, quelque part, Jésus était en prière. » Cette introduction mériterait à elle seule un commentaire approfondi. Jésus était en prière. Pour lui la prière n’est pas seulement une activité. Elle est une composante fondamentale de sa personne. L’imprécision de Luc est aussi intéressante : un jour, quelque part… Comme s’il voulait nous dire que la prière ne dépend ni d’un jour précis ni d’un lieu particulier. Le chrétien qui est avancé dans la voie de la prière sait en effet qu’il faut prier en tout temps et en tout lieu, même si, bien sûr, on ne prie pas de la même manière dans le silence d’un oratoire ou dans le brouhaha du métro.
Entre Matthieu et Luc, il y a plus qu’une différence de contexte. Sans parler des nuances dans les mots mêmes du Pater, nous pouvons relever une insistance différente. Chez Matthieu, le Seigneur met l’accent sur le pardon des offenses en faisant suivre le Pater du commentaire suivant : « Si vous pardonnez aux autres leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux autres, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos offenses. » Chez Luc le Seigneur fait suivre l’enseignement du Pater par une petite parabole, celle de l’ami importun. La leçon est claire : nous devons prier avec insistance et sans nous lasser. Il est relativement facile de commencer dans la voie de la prière. Il est beaucoup plus difficile de persévérer sur ce chemin de vie. La tentation la plus fréquente pour le chrétien qui veut être fidèle à la vie de prière c’est bien celle du découragement. On se décourage car on ne ressent pas la présence paternelle et aimante de Dieu. On se décourage car on a l’impression de ne pas être entendu, de ne pas être exaucé. Le découragement dans la prière, l’abandon de la vie spirituelle régulière proviennent toujours d’un manque de foi de notre part. Nous n’avons pas assez confiance en Dieu et surtout notre amour pour Lui s’est refroidi. La fin de notre Evangile est un appel à la confiance : « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit-Saint à ceux qui le lui demandent ? » Cette conclusion est riche d’enseignements. En transmettant le Pater Jésus insiste sur la bonté de Dieu en tant que Père. Et il nous montre aussi que toutes les demandes du Pater peuvent se résumer en une seule : demander à Dieu notre Père l’Esprit-Saint. Car si nous avons en nous cette présence de l’Esprit-Saint et si nous suivons ses inspirations, non seulement nous éviterons le mal mais nous grandirons de jour en jour sur le chemin de la sainteté. Voilà ce que nous avons à demander en premier : le don de l’Esprit-Saint. Comme le dit le Seigneur dans l’Evangile nous devons rechercher d’abord le Royaume de Dieu et tout le reste nous sera donné par surcroît.
En guise de conclusion je voudrais faire allusion à l’expérience de deux saints espagnols du 16ème siècle. Tout d’abord sainte Thérèse de Jésus, la réformatrice du Carmel. Elle affirme avoir quelquefois passé tout le temps de son oraison à méditer seulement les deux premiers mots du Pater : « Notre Père ». Chaque mot du Pater est en effet d’une profondeur insoupçonnable. Si dans la prière communautaire nous n’avons pas le temps de méditer ces paroles, dans la prière personnelle nous avons tout intérêt à les savourer les unes après les autres, en prenant conscience sous l’action de l’Esprit de toute leur portée. L’autre saint est Ignace de Loyola, le fondateur des Jésuites. Dans ses Exercices spirituels il affirme que « ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie et satisfait l’âme, mais de sentir et de goûter les choses intérieurement. » Et il donne aux retraitants trois manières de prier, trois méthodes en quelque sorte. La deuxième manière de prier, écrit-il, « se fait en contemplant la signification de chaque mot de la prière. » Nous retrouvons l’expérience de Thérèse d’Avila avec le Pater. Et Ignace donne le détail de cette méthode : « Etant à genoux ou assis, selon qu’on s’y trouve plus disposé et accompagné de plus de dévotion, tenant les yeux fermés ou posés sur un endroit, sans les laisser aller ça et là, on dira : Pater. Et l’on restera dans la considération de ce mot aussi longtemps que l’on trouvera des significations, des comparaisons, du goût et de la consolation dans des considérations qui se rapportent à ce mot. Si celui qui contemple le Pater noster trouve dans un ou deux mots une bonne matière pour la pensée, et du goût et de la consolation, qu’il ne se soucie pas d’aller plus loin, même si l’heure devait se terminer sur ce qu’il trouve. Celle-ci terminée, il dira le reste du Pater noster de la manière habituelle. »
Amen

16ème dimanche du temps ordinaire

16ème dimanche du temps ordinaire / C
22 juillet 2007
Luc 10, 38-42 (page 168)
Après la parabole du bon samaritain, nous poursuivons notre lecture du chapitre 10 de saint Luc. L’épisode de Jésus chez Marthe et Marie comme la parabole du bon samaritain sont des textes propres à l’évangéliste Luc. Bien des commentateurs se sont heurtés à la difficulté d’une juste interprétation de ce passage évangélique. Cela fait maintenant un certain temps que la plupart des commentateurs ont abandonné l’interprétation qui consistait à opposer la vie active, représentée par Marthe, à la vie contemplative, représentée par sa sœur Marie. En fait cet Evangile semble bien être une leçon de vie chrétienne pour tous, et pas seulement pour les personnes consacrées.
Regardons tout d’abord l’attitude de Marthe recevant Jésus chez elle : elle « était accaparée par les multiples occupations du service. » Une autre traduction donne la version suivante : elle « était absorbée par tout le service. » Et lorsque Marthe se plaint de ne pas être aidée par sa sœur, le Seigneur lui répond : « tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. » Si l’intention de Marthe est louable, c’est sa état d’esprit qui est critiquable. Dans sa volonté de perfectionnisme, de bien recevoir son hôte de marque, elle passe à côté de l’essentiel, ce que Jésus nomme ici le « nécessaire ». Finalement elle est davantage absorbée par ses casseroles et par ses plats que par la présence du Seigneur Jésus. Recevoir quelqu’un, surtout si c’est le Seigneur, c’est le recevoir dans toutes ses dimensions. Certes le corps de Jésus a besoin de nourriture, mais Jésus n’est pas seulement un corps affamé. Le livre des Proverbes note avec humour : « Mieux vaut un morceau de pain sec et la paix, qu’une maison où les festins se terminent en dispute. » Recevoir quelqu’un c’est lui permettre d’entrer en relation, en dialogue, donc c’est toujours, d’une manière ou d’une autre, l’écouter. Nous avons tous faits l’expérience de repas succulents au cours desquels nous nous sommes ennuyés car nous n’étions pas réellement accueillis… Marthe oublie la relation entre les âmes, entre les esprits. Son souci excessif du service de la table lui fait rater cette occasion peut-être unique de rencontre en profondeur avec le Seigneur. Quand nous sommes inquiets et agités intérieurement, nous avons beau être là, physiquement présents, nous ne pouvons pas être présents véritablement à la personne que nous recevons. Les apôtres ont bien compris au commencement de l’Eglise le danger de l’activisme, même dans un but noble : aider les pauvres et rendre service aux prochain : « Ce ne serait pas normal que nous laissions de côté la parole de Dieu pour assurer le service des tables. »
Regardons maintenant l’attitude de Marie : elle écoute la parole de Jésus. C’est elle qui a choisi « la meilleure part ». Est-ce par hasard si, quelques versets plus haut, dans le même chapitre, saint Luc nous rapporte ces paroles du Seigneur : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez. Oui, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu ! » Marie a conscience de vivre un événement unique, bouleversant : une rencontre avec Celui qui est la Parole de Dieu faite chair. Marthe veut nourrir le corps de Jésus. Quant à elle, elle veut nourrir son âme en écoutant la Parole du Seigneur. L’une veut donner, l’autre se rend disponible pour recevoir. La première attitude du disciple est bien celle de l’écoute. L’écoute du Seigneur, voilà le nécessaire dans nos vies, la meilleure part sans laquelle tout le reste s’évanouit et perd finalement saveur et consistance.
Alors cet Evangile nous invite à un examen de conscience. Notre vie est peut-être chrétienne, mais est-elle vraiment spirituelle ? Et que signifierait une vie chrétienne sans spiritualité ? La vie de prière, de méditation, d’étude et de lecture de la Parole de Dieu est indispensable pour notre vie chrétienne. Si nous sommes en permanence inquiets et agités à cause des choses matérielles, comment pouvons-nous nous rendre présents à l’unique nécessaire ? Nous courons sans cesse, nous n’avons jamais le temps… Oui, nous courons après le vent. S’arrêter, faire une vraie pause quotidienne pour la rencontre avec le Seigneur est une véritable libération. Pour une fois on ne nous demande pas de donner ou de faire, mais de recevoir : quel bonheur ! Encore faut-il écarter tous les obstacles qui se dressent sur ce chemin de notre vie spirituelle. Et ils sont nombreux ! Le premier étant peut-être le bruit de notre vie moderne. Le silence est devenu une denrée de luxe. Oui, tout lâcher, tout quitter, y compris téléphones fixes et portables, pour vivre pleinement et avec toute notre foi, tout notre amour, ce temps privilégié de la prière. Amen.

dimanche 15 juillet 2007

15ème dimanche du temps ordinaire

15ème dimanche du temps ordinaire / C
15 juillet 07
Luc 10, 25-37 (page 118)
« Que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle ? » Le docteur de la Loi pose ici au Seigneur la question essentielle de toute vie humaine même si c’est avec une intention mauvaise, pour le mettre à l’épreuve. Cette question ne devrait pas se situer sur un plan théorique ou intellectuel… Or c’est bien à un jeu théologique que le docteur de la Loi veut se livrer ici. Cette question ne peut obtenir de réponse que sur un plan pratique, celui de l’engagement de toute notre personne en vue d’obtenir la vraie vie. La réponse de Jésus est désarmante de simplicité : tu es docteur de la Loi, tu as donc la réponse à ta propre question. Tu connais la Loi de vie, tu n’as plus qu’à la mettre en pratique : « Fais ainsi et tu auras la vie. » Cette simplicité n’est pas sans rappeler l’épisode de Lazare et du riche dans le même Evangile… « Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent… S’ils n’écoutent pas Moïse, et les prophètes, même avec la résurrection d’un mort on ne les convaincrait pas. » La première lecture, extraite de la Torah, insiste sur cette simplicité de la Loi. Croire et pratiquer notre religion n’est pas quelque chose de compliqué : « Cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte… Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur afin que tu la mettes en pratique. »
Même si son intention n’est pas pure, le docteur de la Loi veut se faire passer pour un homme juste auprès de Jésus, d’où sa volonté de poursuivre le débat par une nouvelle question : « Et qui donc est mon prochain ? » Peut-être espérait-il avec cette question apparemment difficile mettre Jésus en mauvaise posture… C’était bien sûr méconnaître la personne du Seigneur. Il n’est pas un docteur de la Loi, même excellent, il est la Parole de Dieu faite chair. Et c’est par la merveilleuse parabole du bon samaritain que le Seigneur va répondre et ainsi nous enseigner ce que signifie aimer notre prochain.
Sur ce chemin de Jérusalem à Jéricho vont passer un prêtre, un lévite et un samaritain. Seul ce dernier verra l’homme blessé au bord de la route : « Il le vit et fut saisi de pitié. » Le prêtre et le lévite l’ont eux aussi vu. Mais ils l’ont ignoré. Il ne suffit pas de voir la souffrance de l’autre pour l’aimer. Il faut encore que notre cœur soit bouleversé, capable de compassion, saisi de pitié comme le dit l’Evangile. Ne jetons pas trop vite la pierre sur le prêtre et le lévite en les traitant d’égoïstes ou de personnes insensibles. Bien souvent nous leur ressemblons, bien souvent, nous aussi, nous avons changé de trottoir pour éviter de voir de trop près ce mendiant ou ce clochard ou ce groupe de jeunes marginaux au look peu catholique. Il est certain que nous ne pouvons pas soulager toute la misère du monde. Mais alors comment faire pour aimer notre prochain ? Cela demande non seulement d’avoir un cœur capable de compassion, mais aussi de prendre le temps de nous faire proche de ce prochain au bord du chemin ou sur le trottoir de nos villes. Or, bien souvent, nous courrons, nous n’avons pas le temps, nous avons telle course à faire ou telle affaire à régler. Et puis si nous sommes en vacances nous considérons peut-être qu’il est temps de penser d’abord à nous… Voilà nos difficultés bien concrètes dans l’exercice de la charité. Sans oublier qu’il peut être des fois dangereux pour nous de nous approcher de certaines personnes. Il arrive aussi que sous le mendiant se cache un brigand, ou sous l’auto-stoppeur une personne malhonnête…
Qui est donc le prochain de l’homme pauvre ou en difficulté ? « Celui qui a fait preuve de bonté envers lui. » La traduction liturgique est inexacte. Il faudrait dire avec la Bible Osty : « Celui qui a exercé la miséricorde envers lui. » Aimer notre prochain, c’est donc faire preuve de miséricorde à son égard. Nous avons à demander au Seigneur un cœur de chair, un cœur capable d’aimer et d’être sensible. Si notre cœur est endurci, le sacrement de réconciliation nous sera d’une grande aide. Ensuite tout est dans le don de nous-mêmes. Sortir de notre égoïsme c’est bien difficile. Mais souvenons-nous que la Loi du Seigneur n’est pas au-dessus de nos forces. Le bon samaritain était peut-être lui aussi pressé. Il a donné de son temps. Il a aussi donné de son argent pour que cet homme puisse être accueilli et soigné par l’aubergiste. Ce qui signifie que dans l’exercice de la charité nous ne sommes pas seuls. Il ne nous est pas demandé de tout faire par nous-mêmes. Nous pouvons nous faire aider. Ce qui nous est demandé, c’est bien en quelque sorte de payer de notre personne pour que notre prochain soit réconforté et soulagé. Notre présence, notre sourire, notre parole, notre main tendue, tout cela fait partie de la miséricorde envers celui qui souffre pour une raison ou pour une autre. Cela ne demande pas forcément beaucoup de temps ni beaucoup d’argent. Si nous avons le cœur ouvert, alors nous trouverons bien, avec l’aide de l’Esprit Saint, la juste attitude au bon moment. Amen.

dimanche 1 juillet 2007

13ème dimanche du temps ordinaire

13ème dimanche du TO/C
1er juillet 2007
Luc 9, 51-62 (page 18)

En ce premier dimanche du mois de juillet, la liturgie de la Parole n’est pas précisément une invitation au farniente estival… « Le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête. »
Les quatre paroles du Seigneur rassemblées ici par saint Luc se situent à un moment charnière de l’Evangile, un moment décisif dans le ministère public du Seigneur : « Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem. » Au chapitre 9 de son Evangile, Luc signale une étape importante. Le temps de la prédication et des miracles en Galilée est terminé. Le temps de l’annonce du Royaume de Dieu est accompli. Maintenant Jésus durcit sa face en direction de Jérusalem. Tel est le sens du texte grec original. Et cette expression grecque nous renvoie directement à l’un des chants du serviteur en Isaïe : « Le Seigneur Dieu est de mon côté, et les insultes ne me touchent pas ; aussi je garde un visage de pierre, je sais que je n’aurai pas à rougir. » Autant dire que cette montée vers Jérusalem est synonyme d’entrée dans la Passion. C’est le temps où le Seigneur va enseigner davantage par son attitude de liberté et de courage que par ses paroles.
Sur la route qui va le conduire de la Galilée à Jérusalem, Jésus doit traverser la Samarie. « On refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem. » La première réalité à laquelle se heurte Jésus est bien celle du refus. Ce refus d’accueil annonce déjà le refus radical qui sera signifié à Jérusalem par le supplice de la Croix. C’est bien le chemin de Croix qui commence ici en filigrane. Ce refus est le symbole d’une humanité profondément divisée et déchirée. Les samaritains n’aiment pas les juifs et les juifs n’ont guère d’estime envers eux… Ce sont ces petites et grandes rivalités qui conduisent bien souvent à la haine et à la guerre. Comment ne pas penser ici aux merveilleuses paroles de Paul dans sa lettre aux Colossiens ? Dieu a jugé bon qu’habite dans le Christ toute plénitude « et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel. » Oui, le chemin de Croix est bien un chemin de souffrance en vue de la réconciliation, en vue de l’unité du genre humain.
Devant ce refus, Luc rapporte deux réactions : celle de Jacques et de Jean, puis celle du Seigneur. « Veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ? » Les apôtres suggèrent à leur Maître de punir les samaritains en employant la méthode forte. La violence est la méthode employée en tout temps et en tous les lieux par les fanatiques religieux. Dès le moment où des personnes refusent de les accueillir ou de les écouter, ils veulent s’imposer par la force, et cela au nom du Dieu qu’ils prétendent servir. Jacques et Jean ont des circonstances atténuantes, pourrait-on dire… Ils ont l’illustre exemple du prophète Elie dans l’Ancien Testament qui avait fait tomber le feu du ciel sur les messagers du roi Okozias : « Elie répondit au chef des cinquante : ‘Si je suis un homme de Dieu, que le feu du ciel descende et te dévore, toi et tes cinquante hommes !’ Et le feu du ciel descendit : il le dévora, lui et ses cinquante hommes. »
« Mais Jésus se retourna et les interpella vivement ». Le Seigneur, en route vers Jérusalem et vers le Golgotha, ne se met pas à l’école du prophète Elie. Son attitude est nouvelle. Il refuse la violence, il refuse de punir ces samaritains qui ne veulent pas lui offrir l’hospitalité… « Le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête ! » Un peu plus loin dans sa marche vers Jérusalem, Jésus choisira même un samaritain pour illustrer l’amour du prochain, c’est la parabole bien connue du bon samaritain . Les fanatiques religieux, eux, ont tendance à diviser le monde en deux camps : celui des bons auquel ils s’identifient bien sûr, et celui des mauvais, des ennemis. Jésus montre que si certains samaritains ont refusé de l’accueillir, d’autres peuvent être des modèles de charité. Il ne faut jamais généraliser dans nos jugements et dire : ce peuple ou ce groupe est mauvais. D’ailleurs Jésus nous demande de ne pas juger, de ne pas condamner notre prochain. Et même dans une personne, la plupart du temps, le bien et le mal cohabitent. C’est l’expérience de la lutte spirituelle que tous nous faisons. Il aura fallu beaucoup de temps à notre Eglise pour vivre en plénitude cet enseignement du Christ. Le texte du concile Vatican II sur la liberté religieuse a clairement condamné le fanatisme religieux comme antiévangélique : « Bien qu’il y ait eu parfois dans la vie du peuple de Dieu, cheminant à travers les vicissitudes de l’histoire humaine, des manières d’agir moins conformes, bien plus même contraires à l’esprit évangélique, l’Eglise a cependant toujours enseigné que personne ne peut être amené par contrainte à la foi. » Et le Concile se réfère évidemment à l’exemple du Christ : « Il a rendu témoignage à la vérité, mais il n’a pas voulu l’imposer par la force à ses contradicteurs. Son royaume, en effet, ne se défend pas par l’épée, mais il s’établit en écoutant la vérité et en lui rendant témoignage, il s’étend grâce à l’amour par lequel le Christ, élevé sur la Croix, attire à lui tous les hommes. »
Si les apôtres voulaient faire descendre le feu du ciel pour tuer les samaritains, Jésus, lui, veut faire descendre en chacun de nous le feu de l’Esprit, le feu de son amour divin, infini et universel : « Je suis venu jeter le feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! »
Amen

jeudi 28 juin 2007

Nativité de Jean le Baptiste

Nativité de Jean Baptiste
24/06/07
Luc 1, 57-80 (page 1346)

Nous célébrons en ce dimanche la solennité de la nativité de saint Jean Baptiste. La liturgie donne à Jean un grand privilège puisque en dehors de Jésus et de la Vierge Marie, c’est le seul saint dont nous fêtons la naissance. La nativité de Jean est même liturgiquement une célébration plus importante que la nativité de Marie. Cette dernière est seulement une fête, célébrée le 8 septembre, et non pas une solennité. Et pour être complet signalons la mémoire du martyre de Jean le 29 août. C’est dire l’importance du précurseur dans la liturgie catholique. Le Seigneur Jésus lui-même a célébré la grandeur de Jean : « Oui, je vous le dis, on n’a pas vu se lever plus grand que Jean parmi les fils de la femme. » Cependant la grandeur de Jean nous renvoie à notre propre dignité de baptisés : « Et pourtant le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que Jean. »
La liturgie de la Parole nous invite à saisir quelle est l’identité profonde de Jean. Et par-delà la figure du précurseur à contempler notre propre identité avec le regard même de Dieu.
La question qui résonne dans l’Evangile de Luc est posée au futur : « Que sera donc cet enfant ? » Mais la Parole de Dieu nous ramène aux origines de Jean, et par conséquent à nos propres origines. Notre identité réelle résulte de cette tension entre nos origines et notre avenir.
La magnifique première lecture ainsi que le psaume nous montre d’une manière poétique que nous existons dans le cœur de Dieu avant même notre naissance : « J’étais encore dans le sein maternel quand le Seigneur m’a appelé ; j’étais encore dans les entrailles de ma mère quand il a prononcé mon nom.[…] Maintenant le Seigneur parle, lui qui m’a formé dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur. » Les paroles du Psaume confirment cette vision d’Isaïe : « C’est toi qui as créé mes reins, qui m’a tissé dans le sein de ma mère. Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis. » La nativité de Jean provoque, elle aussi, l’étonnement dans sa famille et parmi ses voisins… Ce qui est étonnant, c’est bien la manière qu’a Dieu notre Père de nous créer, de nous donner la vie. Avant même notre naissance, Dieu notre Père, en nous créant dans le sein de notre mère, nous donne aussi notre vocation, donc notre avenir de bonheur et d’accomplissement. Pour Dieu créer c’est toujours appeler. Créer c’est donner un sens. Et c’est dans la découverte de cette vérité que se trouve la clef de notre bonheur. Beaucoup sont malheureux et désespérés tout simplement parce qu’ils ne savent pas d’où ils viennent ni où ils vont. Ils se sentent inutiles parce qu’ils n’ont pas découvert leur divine vocation, le plan de Dieu pour eux. Ignorer la paternité de Dieu à notre égard, c’est ignorer notre identité la plus profonde : nous sommes en effet des créatures bien-aimées du Père. Nous avons du prix à ses yeux. Tellement de prix que cette histoire d’amour éternel a abouti au scandale de la croix… Ignorer Dieu, c’est prendre le risque de ne pas voir quelle est notre mission unique et irremplaçable dans notre monde et pour notre temps, c’est peut-être passer à côté de notre véritable vocation…
Dès sa naissance, le petit Jean reçoit son identité de Dieu. Tel est le sens de la discussion à propos de son prénom. On veut l’appeler Zacharie comme son père. Mais sa mère puis son père choisissent un prénom inhabituel dans la famille, celui de Jean. Prénom révélé par l’ange à Zacharie alors qu’il officiait dans le sanctuaire… Au jour de sa circoncision l’enfant reçoit donc son nom de Dieu lui-même. Et ce nom est nouveau par rapport aux traditions familiales. Si Dieu nous crée, si Dieu nous donne une famille, jamais il ne nous enferme dans les limites de notre famille. Car il nous crée libres. Les parents ne sont pas créateurs. Ils ne font que transmettre la vie. Aujourd’hui nous parlons beaucoup, et avec raison, des nombreux conditionnements qui façonnent notre personnalité : les gènes, la famille, l’éducation, le milieu social etc. Il ne faudrait pas oublier notre liberté profonde, celle qui nous vient de notre condition d’enfants de Dieu.
Si la famille et les voisins du petit Jean ont voulu l’enfermer dans le passé familial en oubliant sa nouveauté dans le plan de Dieu, plus tard Jean devra aussi s’affirmer pour vivre selon son identité profonde. La deuxième lecture en témoigne, je la cite ici dans la traduction de la Bible des peuples : « Et lorsque Jean était sur le point de terminer sa propre course, il disait : ‘Je ne suis pas ce que vous voudriez que je sois. Mais après moi vient un autre à qui je ne suis pas digne de retirer la sandale. » Notre famille, notre entourage, notre milieu ont souvent tendance à nous dicter ce que nous devons être. Comme Jean, nous puisons en Dieu et en son appel notre liberté authentique. De ce point de vue là, il est toujours plus libérateur de faire la volonté de Dieu que de se conformer aux attentes des hommes. C’est en effet uniquement dans la vérité de notre condition de créatures et d’enfants de Dieu que nous découvrirons avec émerveillement notre identité profonde ainsi que le sens de notre course ici-bas.
Amen

lundi 18 juin 2007

11ème dimanche du temps ordinaire

11ème dimanche du TO/C
17 juin 07
Luc 7,36-8,3 (page 1065)

Pendant les trois années de son ministère public, le Seigneur Jésus a participé à de nombreux repas. Saint Luc nous rapporte au chapitre 5 de son Evangile le repas chez Lévi. Le collecteur d’impôts a entendu l’appel du Maître et l’a immédiatement suivi pour être son disciple. Ce repas avec les collecteurs d’impôts va susciter une vive réaction de la part des pharisiens et des maîtres de la Loi : « Comment pouvez-vous manger et boire avec les collecteurs de l’impôt et les pécheurs ? » Au regard de la loi juive, l’attitude de Jésus est proprement scandaleuse, car on ne mélange pas les torchons et les serviettes, le pur et l’impur. Manger avec quelqu’un, c’est en quelque sorte communier avec lui. Si Jésus mange avec les pécheurs et les publicains, il se rend impur car il approuve alors leur vie et leur attitude… Nous connaissons bien la réponse du Seigneur : « Les biens portants n’ont pas besoin du médecin, il est pour les malades. Ce ne sont pas les justes que je viens appeler à la conversion, mais les pécheurs ». Deux logiques s’affrontent ici : celle de la Parole de Dieu faite chair en Jésus, celle de l’incarnation d’une part, et d’autre part celle de la pureté légale. Les repas sont pour Jésus des lieux d’évangélisation. Lui qui a rappelé au Tentateur que l’homme ne vit pas seulement de pain, il mange, certes, parce qu’il est vraiment homme et qu’il en a besoin pour vivre. Il mange aussi pour, au cours de ces repas, partager aux hommes le pain de la Parole de Dieu. Juste avant notre Evangile de ce dimanche, ce débat sur les repas du Christ revient. Et c’est le Seigneur lui-même qui y fait allusion : « Rappelez-vous Jean : il ne mangeait pas de pain, il ne buvait pas de vin, et quand il est venu on a dit : ‘Il a un démon’. Et puis vient le Fils de l’homme qui mange et qui boit, et l’on dit : ‘Voilà un mangeur et un buveur de vin, un ami des collecteurs de l’impôt et des pécheurs !’ » Toujours dans la logique de l’incarnation, le Seigneur choisira, au cours du dernier repas, le pain et le vin pour en faire les signes sacramentels de sa présence parmi nous, les moyens de notre communion avec lui. Et notons bien que le repas sacré du jeudi saint est étroitement lié au pardon des péchés : « Buvez-en tous ; ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est versé pour une multitude, pour le pardon des péchés . » Ce qui nous conduit directement à l’évangile de cette liturgie.
Jésus n’a pas mangé que chez les pécheurs et les publicains… Dans notre page évangélique, il accepte l’invitation de Simon le pharisien. Et chez saint Luc nous avons deux autres épisodes où nous voyons Jésus manger à la table des pharisiens. Jésus est vraiment venu pour tous, sans aucune exception, et il le montre par son attitude très ouverte et très libre. Tous, d’une manière ou d’une autre, nous sommes malades du péché, même le pharisien Simon qui s’estime juste. C’est le premier enseignement de notre Evangile, éclairé par la deuxième lecture. Et c’est l’apparition inattendue de la femme, son attitude envers Jésus, qui va révéler le péché de Simon. Sa réflexion intérieure en dit long sur le chemin qu’il a encore à parcourir pour passer de la justice de la loi à la miséricorde du Seigneur : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse. » La religion de Simon est manichéenne : d’un côté il y a les bons, de l’autre les méchants. Son péché, c’est le jugement qui enferme une personne, une créature de Dieu dans son attitude extérieure contraire à la loi. C’est une pécheresse ! Il n’y a aucun appel possible dans ce jugement qui est déjà une condamnation. Au chapitre 6 de son évangile, Luc nous rapporte des paroles du Seigneur très importantes et que nous devons réentendre dans ce contexte : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés. Ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et l’on vous pardonnera. Donnez, et l’on vous donnera. […] Car on utilisera pour vous la même mesure que vous utilisez. » Ces derniers jours, j’ai lu la biographie d’un prêtre suisse, un grand auteur spirituel, Maurice Zundel. Ceux qui l’on fréquenté s’accordent tous pour dire que jamais ils ne l’ont entendu émettre une parole de médisance ou de jugement sur son prochain. C’est là le signe certain de sa sainteté de vie ! Nous ressemblons bien souvent à Simon, car c’est notre pente naturelle de critiquer autrui au lieu de l’aimer. Cet amour du prochain inclue la compréhension et le pardon. Et surtout la capacité de voir d’abord ce qu’il y a de bon en chaque personne.
Le deuxième grand enseignement de cet Evangile, c’est le lien entre amour et pardon, foi et salut. Cette femme, dont nous ne connaissons pas le nom, en est l’icône vivante. « Si ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, c’est à cause de son grand amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. » Entre l’amour et le pardon, c’est un peu l’histoire de la poule et de l’œuf… On ne sait jamais ce qui vient en premier. Une chose est certaine : pour faire intérieurement l’expérience de l’amour de Dieu et de l’amour pour Dieu, nous devons faire l’expérience de sa miséricorde et de son pardon. De ce point de vue là, la femme pécheresse est plus avancée que Simon le pharisien. Même les grands saints qui ne commettaient que des péchés très véniels ont reconnu leurs péchés, c’est-à-dire leur besoin d’être sauvés. Nous avons, nous aussi, à entendre dans notre vie ces paroles de Jésus : « Ta foi t’a sauvé. Va en paix ! » Nous les entendons chaque fois que nous nous confessons avec une véritable contrition, contrition représentée par les larmes de la femme. Nous les entendons chaque fois que nous nous engageons à réparer nos fautes par le don de nous-mêmes, réparation représentée par le vase précieux plein de parfum, répandu sur les pieds du Seigneur.
Amen

dimanche 10 juin 2007

Le Saint Sacrement

Le Saint Sacrement / C
10 juin 2007
Luc 9, 11-17 (page 1190)

En partant du rituel de la messe et du concile Vatican II, je voudrais mettre en lumière certains aspects du sacrement de l’eucharistie que nous fêtons en ce dimanche.
Le soir du jeudi saint, le Seigneur Jésus a choisi le pain et le vin pour être la matière du saint sacrement. Lors de la préparation des dons, rite qui sert de transition entre la liturgie de la parole et la liturgie eucharistique, le prêtre prononce des paroles significatives, paroles qu’il peut aussi dire à voix basse ou intérieurement. La préparation des dons peut passer inaperçue dans le déroulement de la messe car elle correspond au moment de la quête, ce qui ne favorise guère l’attention des fidèles… « Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes ; nous te le présentons : il deviendra le pain de la vie. » Cette prière enracine le sacrement de l’eucharistie dans la création. Le pain comme le vin sont des dons de Dieu. Ils sont en même temps le fruit du labeur humain. Lorsque vous donnez votre offrande à la quête, c’est votre travail que vous présentez au Seigneur avec toute votre vie et toute votre personne. Dans les simples signes du pain et du vin nous devons voir toute la création, nous devons percevoir tout l’immense effort de l’activité humaine. Le concile Vatican II a parlé de manière admirable du sens de cette activité humaine dans l’univers. Je le citerai ici un peu longuement : « De même qu’elle procède de l’homme, l’activité humaine lui est ordonnée. De fait, par son action, l’homme ne transforme pas seulement les choses et la société, il se parfait lui-même. Il apprend bien des choses, il développe ses facultés, il sort de lui-même et se dépasse. Cet essor, bien conduit, est d’un tout autre prix que l’accumulation possible de richesses extérieures. L’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a. De même, tout ce que font les hommes pour faire régner plus de justice, une fraternité plus étendue, un ordre plus humain dans les rapports sociaux, dépasse en valeur les progrès techniques. Car ceux-ci peuvent bien fournir la base matérielle de la promotion humaine, mais ils sont tout à fait impuissants, par eux seuls, à la réaliser. » Célébrer l’eucharistie avec le pain et le vin, c’est faire entrer toute la création dans le salut du Christ par la force de l’Esprit. Célébrer l’eucharistie, c’est reconnaître la valeur spirituelle de notre travail et de notre vocation. Le concile dit plus loin que l’Esprit appelle les hommes « à se vouer au service terrestre des hommes, préparant par ce ministère la matière du royaume des cieux. » De la même manière que le pain et le vin sont la matière du sacrement, notre travail accompli selon l’Esprit du Christ est la matière du royaume des cieux.
C’est par la prière à l’Esprit Saint, prière nommée épiclèse, et par les paroles de la consécration, que la substance du pain et du vin se transforme en la substance du corps et du sang du Christ : « Sanctifie ces offrandes par ton Esprit pour qu’elles deviennent le corps et le sang de ton Fils, Jésus Christ, notre Seigneur, qui nous a dit de célébrer ce mystère. » Chaque fois qu’une messe est célébrée, c’est toute la création divine et l’activité humaine qui sont assumées dans le corps et le sang du Ressuscité. L’eucharistie est une anticipation du banquet céleste, elle est le royaume de Dieu déjà présent au milieu de nous. Dans l’eucharistie la création, « livrée au pouvoir du néant », commence à être libérée, transfigurée.
Lorsque nous communions au corps du Christ, nous nous unissons bien sûr à son mystère pascal de mort et de résurrection. Nous vivons alors une profonde intimité avec le Ressuscité. Nous sommes dans son amour et dans sa paix. Avec lui, par lui et en lui, nous sommes déjà victorieux de la mort et du péché. Nous devenons véritablement des vivants. Mais n’oublions pas la deuxième épiclèse, celle qui se situe après la consécration : « Regarde, Seigneur, le sacrifice de ton Eglise, et daigne y reconnaître celui de ton Fils qui nous a rétablis dans ton Alliance ; quand nous serons nourris de son corps et de son sang et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ. Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire. » Toute la création est comme rassemblée dans le pain et le vin. La matière est spiritualisée en étant offerte au Père. En communiant au sacrement de l’eucharistie nous sommes appelés à être et à devenir, dans la communion de l’Eglise, « une éternelle offrande » à la gloire du Père. En communiant nous nous engageons à vivre la consécration de notre baptême, nous nous engageons à vivre en étant tournés vers Dieu et vers nos frères. Communier, c’est donc recevoir le plus grand don, Dieu lui-même qui se donne en nourriture, pour nous donner à notre tour selon notre vocation.
En conclusion, je citerai encore un merveilleux passage du dernier Concile :
« De tous l’Esprit fait des hommes libres pour que, renonçant à l’amour-propre et rassemblant toutes les énergies terrestres pour la vie humaine, ils s’élancent vers l’avenir, vers ce temps où l’humanité elle-même deviendra une offrande agréable à Dieu. […] Mystérieusement, le royaume est déjà présent sur cette terre ; il atteindra sa perfection quand le Seigneur reviendra. »
« Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (2ème lecture).

dimanche 3 juin 2007

Dimanche de la sainte Trinité

La Sainte Trinité / C
3 juin 2007
Jean 16, 12-15 (page 1168)

Le livre des Proverbes dans l’Ancien Testament appartient aux livres sapientiaux. C’est-à-dire à cette littérature de sagesse qui prépare plus directement l’avènement du Christ. Et cela après la Torah et les livres prophétiques. Dans cet ensemble de sept livres nous avons même un livre qui porte le nom de la Sagesse. Cette littérature de sagesse témoigne de la communication entre la foi juive et la culture hellénistique. Dans le livre des Proverbes nous trouvons un long discours de la Sagesse qui commence au début du chapitre 8. Notre première lecture est extraite de ce discours. Notons tout de suite que la Sagesse est personnifiée. Elle n’existe pas seulement comme une idée, une théorie ou une contemplation comme chez les philosophes grecs. La Sagesse est une réalité bien vivante, c’est un être en lien très étroit avec Dieu, existant avant toute la création. Je cite ici la fin de notre première lecture dans la traduction de la Bible Osty :
« J’étais aux côtés du Seigneur comme un enfant chéri et je faisais ses délices chaque jour, jouant devant lui en tout temps, jouant sur le sol de sa terre et trouvant mes délices avec les fils d’homme. »
Ce texte est pour nous plus que surprenant. Spontanément lorsque nous pensons à la sagesse, nous pensons à quelque chose de sérieux, de solennel, voire d’un peu lointain et compliqué. Nous assimilons généralement la sagesse à l’intelligence et à la raison. Rien de tel dans la présentation que la Sagesse divine fait ici d’elle-même : enfant chéri de Dieu, elle se plaît à jouer et trouve ses délices autant auprès du Seigneur que des créatures humaines. On comprend pourquoi les théologiens chrétiens ont vu dans ce portrait de la Sagesse une annonce du Christ dans le mystère de son Incarnation. Le Christ est à la fois du côté de Dieu et du côté des hommes, vrai Dieu et vrai homme. Et comme le dit saint Jean dans son prologue c’est bien par le Verbe, la Parole, le Logos en grec, que Dieu a créé toutes choses. Ce qui implique que ce Logos existe avant même la création, comme la Sagesse ici préexiste aux œuvres de Dieu.
Pourquoi tant insister sur cette première lecture alors que nous fêtons le mystère central de notre foi, celui de la Sainte Trinité ?
Pour montrer que nous ne devons surtout pas nous limiter à une approche théologique de ce mystère, puisqu’en Dieu il y a le jeu et les délices, puisqu’en Dieu il y a l’enfant.
Les plus grands théologiens chrétiens, je pense à saint Augustin et à saint Thomas d’Aquin, ont consacré toutes les ressources de leur foi et de leur intelligence à mettre en lumière Dieu Trinité. Ils nous ont laissé des œuvres stimulantes et magnifiques. Mais ils sont restés très humbles dans leur approche de ce grand mystère. Augustin avait passé de longues journées et de longues nuits à essayer de comprendre ce mystère d'un Dieu en trois personnes. Puis un jour, alors qu'il se promenait sur une plage, il aperçut un enfant qui avait creusé un trou dans le sable et qui cherchait à y transvaser la mer à l'aide d'un coquillage. Augustin sourit et lui dit : "Comment veux-tu vider cette mer sans fin dans un si petit trou ?" et l'enfant lui répondit alors : "Et toi, comment veux-tu comprendre ce Dieu éternel avec ta si petite raison ?" À son secrétaire qui le pressait de reprendre la dictée, Thomas répondit : « Réginald, je ne peux plus. Devant ce que j'ai vu et qui m'a été révélé, tout ce que j'ai écrit me semble de la paille. » Quant à Boèce, un autre théologien, il affirmait ceci : « Au bout de notre connaissance, nous connaissons Dieu comme inconnu ».
La deuxième lecture nous donne une autre voie pour connaître Dieu Trinité. Cette voie ne s’oppose pas à la réflexion théologique. Elle est simplement plus directe et plus vivante : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » Nous connaissons mieux le mystère trinitaire par l’amour que par la seule intelligence théologique. Car Dieu est Amour, Dieu est communion d’amour, circulation d’amour et de vie entre le Père, le Fils et le Saint Esprit. La sainte Trinité est un mystère d’amour, et c’est uniquement dans l’amour, donc dans l’expérience vivante de la foi et de la prière, que nous en vivrons. Il ne nous servira à rien de connaître et de comprendre toutes les œuvres de saint Thomas d’Aquin si nous ne sommes pas des mystiques, c’est-à-dire des chrétiens unis à Dieu par la foi, la prière et les sacrements. En Dieu Trinité, c’est la Personne Amour, l’Esprit Saint qui nous initie au mystère même de Dieu, et cela bien mieux que les concepts des grands théologiens.
Le Verbe éternel de Dieu est aussi cette Sagesse enfant jouant en présence de Dieu, jouant sur notre terre. Le Verbe éternel de Dieu réjouit le cœur de Dieu et est attiré depuis toujours par notre humanité, trouvant en nous ses délices. Nous comprenons alors peut-être mieux pourquoi Jésus donne à ses apôtres les enfants en exemple :
« Laissez les enfants venir vers moi, ne les empêchez pas ; car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume de Dieu. Quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera pas. » Il est frappant de constater que des siècles plus tard, le philosophe athée Nietzsche reprend ces images bibliques du jeu et de l’enfant : « L’enfant est innocence et oubli, un nouveau commencement et un jeu, une roue qui roule sur elle-même, une premier mouvement, un oui sacré. »
Demandons à l’Esprit Saint la force de devenir comme des enfants en présence du mystère de Dieu Trinité ! Que toute notre personne et notre vie soit un « oui sacré » au Père, au Fils et à l’Esprit Saint ! Amen

lundi 28 mai 2007

Pentecôte

Pentecôte 2007 / C
Jean 14 (page 797)

Pour nous chrétiens la fête de Pentecôte marque la plénitude et la fin du temps pascal. C’est dire que Pâques, l’Ascension et la Pentecôte sont comme trois facettes d’une même réalité, celle de la victoire définitive de la vie sur la mort, de la grâce de Dieu sur notre péché. Avant la venue du Christ, le peuple Juif célébrait déjà la fête de Pentecôte nommée aussi fête des semaines. A l’origine cette fête était agricole, puis elle a pris un sens nettement plus religieux. Elle commémorait le don de la Loi à Moïse sur le mont Sinaï. C’était donc la fête des dix commandements. Ce rappel historique est très utile pour bien comprendre la Pentecôte chrétienne. Nous savons que notre Seigneur a résumé toute la loi de Moïse dans le double commandement de l’amour, et ce commandement, nous dit-il, n’en fait qu’un. Ce qui signifie que nous ne pouvons pas séparer dans notre vie l’amour de Dieu de l’amour du prochain. Si la Pentecôte juive célébrait le don de la Loi de Dieu, la Pentecôte chrétienne célèbre le don de l’Esprit Saint. Or dans le mystère de la Sainte Trinité l’Esprit est l’amour du Père et du fils. Il est, pourrait-on dire, la personne divine Amour. L’événement de Pentecôte est donc riche de signification. Il nous indique que c’est dans l’amour et par l’amour que nous devons vivre de la loi de Dieu révélée à Moïse et accomplie dans le Christ. D’où l’affirmation de Paul dans la deuxième lecture : « L’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur, c’est un Esprit qui fait de vous des fils. » L’événement de Pentecôte nous invite aussi à une religion de l’intériorité, à une religion d’abord spirituelle. En donnant l’Esprit à la première Eglise et à l’Eglise qui est la notre aujourd’hui, le Père et le Fils accomplissent la prophétie d’Ezéchiel : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’enlèverai votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit : alors vous suivrez mes lois, vous observerez mes commandements et vous y serez fidèles. » Dans l’Evangile, Jésus se fait l’écho de cette prophétie : « Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. » L’apôtre Paul a bien compris ce passage d’une Loi extérieure à l’homme à une Loi intérieure, celle de la Nouvelle Alliance. Ecoutons-le : « Notre lettre, c’est vous, une lettre écrite en nos cœurs, connue et lue de tous les hommes. Vous êtes manifestement une lettre du Christ commise à nos soins, écrite non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les cœurs… Car la lettre tue, mais l’Esprit fait vivre. »
Je voudrais maintenant souligner dans la première lecture un aspect riche de signification pour notre vie en Eglise. Nous connaissons bien ce récit de Luc qui nous rapporte la première Pentecôte sur l’Eglise. Dans le vocabulaire utilisé par Luc, il y a un perpétuel va et vient entre deux termes : « tous » et « chacun ». Les apôtres étaient « réunis tous ensemble » avec Marie, dans un même lieu. Et ils furent « tous remplis de l’Esprit Saint ». En même temps c’est bien sur chacun d’eux que la flamme, symbole de l’Esprit, s’est posée. Et « chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit »… Au jour de Pentecôte comme aujourd’hui le don de l’Esprit est à la fois ecclésial et personnel. Dans notre Eglise nous ne vivons pas la communion et l’unité à la manière d’un troupeau de moutons rassemblés. Nous ne sommes pas tous identiques. Nous avons une personnalité unique et une vocation qui est la notre. Non seulement l’Esprit nous donne les grâces sacramentelles, mais il nous donne à chacun et à chacune, des dons, des talents, des charismes, qui ne sont pas forcément ceux du voisin. C’est ainsi que l’Esprit construit l’unique corps du Christ dans la diversité des charismes. Si nous comprenions cela dans nos communautés chrétiennes, il nous serait beaucoup plus facile de travailler ensemble à l’avènement du Règne de Dieu. Nous n’avons pas, en effet, à être jaloux des dons du voisin. Nous devons faire fructifier tous les talents qui sont les nôtres. Mais pour ce faire, nous devons les connaître et les reconnaître… avec l’aide d’un accompagnateur spirituel si besoin est. Bref dans le corps du Christ nous sommes complémentaires, nous ne sommes pas en concurrence. L’Eglise n’est pas une entreprise ! Saint Paul nous donne un critère pour savoir si un don vient de l’Esprit. C’est le critère du partage et de l’ouverture aux autres :
« Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous. »
Amen

lundi 21 mai 2007

7ème dimanche de Pâques

7ème dimanche de Pâques/ C
20 mai 07
Jean 17, 20-26 (page 740)

Le dimanche entre l’Ascension et la Pentecôte nous fait méditer chaque année un passage du chapitre 17 de saint Jean. Ce chapitre est le dernier avant l’entrée du Christ dans sa Passion. L’évangéliste écrit ce chapitre sous la forme d’une prière que Jésus adresse à son Père, à haute voix, en présence de ses apôtres. C’est dans cette prière du Christ que nous trouvons l’une des plus belles révélations du mystère trinitaire. Et c’est dans cette lumière trinitaire que Jésus nous demande d’envisager notre unité, notre communion dans l’Eglise.
A la source de l’unité des chrétiens il y a l’amour du Père : « Tu les as aimés comme tu m’as aimé ». Le Père aime divinement son Fils unique depuis toujours et pour toujours. Cet amour, puisque c’est l’amour même de Dieu, ne connaît ni commencement ni fin, ni haut ni bas. Et bien c’est avec ce même amour divin que le Père nous aime ! Révélation bouleversante entre toutes ! Saint Paul l’avait bien compris, lui qui osait écrire aux chrétiens d’Ephèse : « Qu’il soit béni, le Dieu et Père de notre Seigneur, Jésus, le Christ ! Il nous a choisis, dans le Christ, avant que le monde fût créé, pour être saints et sans péchés devant sa face grâce à son amour. Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ. » Que demande le Christ à son Père ? Que nous ayons en nous cet amour par lequel le Père a aimé son Fils !
Dans sa prière Jésus demande pour ses disciples une unité parfaite. Nous en sommes apparemment bien éloignés… Il y a le scandale de la division des chrétiens. Mais il y aussi la division des catholiques entre eux ! Nous avons une fâcheuse tendance à nous réclamer de telle sensibilité, de tel mouvement avant de nous réclamer du Christ et de son Eglise. Nous inversons ainsi l’ordre normal des choses. Car ce qui compte finalement, ce qui est essentiel, ce n’est pas d’être progressiste, traditionaliste, charismatique ou intégriste ! Ce qui compte c’est d’être tout simplement catholique en communion avec notre évêque et notre pape. Chaque célébration eucharistique nous le rappelle dans la prière pour l’évêque et pour le pape. Dès le début de l’histoire de l’Eglise, Satan a voulu diviser pour bien sûr mieux régner, et retarder ainsi l’évangélisation des cœurs. Saint Paul a dû fermement s’opposer aux divisions de la communauté de Corinthe. Son langage est clair et sans détour. Puissions-nous l’accueillir pour notre temps et notre manière de nous situer dans l’unique Eglise du Christ : « N’y a-t-il pas chez vous des rivalités et de la jalousie ? C’est donc que vous êtes charnels et vous vous conduisez comme les gens ordinaires. Tant que vous dites ; « Je suis pour Paul », ou : « Je suis pour Apollos », n’êtes-vous pas comme tout le monde ? Qu’est-ce que Paul ? Qu’est-ce qu’Apollos ? Des serviteurs qui ont reçu de Dieu des dons différents, et grâce à eux vous avez cru. Moi j’ai planté, Apollos a arrosé, mais c’est Dieu qui a fait pousser. Celui qui compte, ce n’est pas le semeur ni l’arroseur, mais Dieu qui fait que cela pousse . » Nous ne pouvons pas être catholiques tout en ayant l’esprit partisan. Etre catholique, c’est toujours être ouvert sur l’universel, c’est refuser la tentation du repli sectaire. Et celui qui, dans l’Eglise, garantit notre ouverture sur l’universel c’est bien le pape.
Il y a différentes manières d’envisager l’unité des chrétiens. Malgré la division des chrétiens en plusieurs Eglises et communautés, il peut exister une unité spirituelle. Le centre unique et indispensable de cette unité c’est le Seigneur Jésus-Christ : « Qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux, et toi en moi. » Jésus est en nous, le Père est en Jésus. C’est parce que Jésus est vraiment Dieu et vraiment homme qu’il est le principe vivant de l’unité de tous les chrétiens, au-delà des divisions ecclésiales. C’est l’unique Médiateur qui réalise l’unité et la conduit à sa perfection jusqu’à la consommation des siècles. Saint Paul a parfaitement traduit ce passage de la prière de Jésus avec son image du Corps du Christ. L’Eglise est comparable à un corps. La tête de ce corps c’est le Christ et les membres ce sont les chrétiens. Les membres sont tous différents les uns des autres, ils ont des fonctions différentes. Mais ils sont tous unis à un unique corps en étant rattachés à la tête de ce corps.
Alors que faire pour répondre personnellement au désir du Christ, celui de notre parfaite unité ?
Nous avons tout d’abord à acquérir le réflexe catholique : mettre toujours en avant l’universel sur le particulier, ce qui rassemble sur ce qui peut diviser. Nous avons une boussole donnée par le Seigneur à son Eglise, c’est le ministère du pape.
Nous avons ensuite à réaliser, chacun pour notre part, ce que je nommerais l’unité de la sainteté. Si le modèle et la source de notre unité c’est Dieu Trinité, alors au plus nous vivrons de la vie trinitaire, au plus nous avancerons vers l’unité parfaite voulue par le Seigneur. La cause de l’unité des chrétiens et des catholiques progressera davantage par notre implication dans la prière et dans les sacrements que par nos discussions et nos débats.
Amen

Ascension du Seigneur

Ascension du Seigneur 2007 / C
Luc 24, 46-53 (page 710)

Avouons-le : il n’est pas facile de bien parler du mystère glorieux de l’Ascension du Seigneur. Tout simplement parce que nous avons bien du mal à nous représenter ce mystère. Et les mots de la Bible comme ceux de la foi peuvent nous rendre cette tache encore plus difficile : « Ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus d’en allait… ». Pris de manière littérale le récit de Luc nous montrerait un Jésus s’envolant dans le ciel. Notre profession de foi se contente de dire qu’il monta au ciel, après en être descendu par l’incarnation. Nous voyons bien que ce vocabulaire biblique et théologique ne peut pas être compris de manière littérale : ce sont des images et nous avons à trouver le sens profond qu’elles nous transmettent à propos de Jésus ressuscité.
Relevons dans un premier temps l’état d’esprit des apôtres le jour de l’Ascension. Souvenons-nous avec saint Luc que « pendant quarante jours, Jésus leur était apparu, et leur avait parlé du Royaume de Dieu. » Eh bien ces 40 jours de catéchisme donné par le Ressuscité en personne ont été un véritable échec ! La question des apôtres prouve qu’ils n’ont toujours rien compris : « Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël ? » Les apôtres se font une image de la religion bien terrestre et bien matérialiste, une image limitée à leurs intérêts patriotiques. Ce manque de spiritualité des apôtres montre à quel point ils ont besoin de l’aide du Saint Esprit. Non seulement les 40 jours de catéchisme entre Pâques et l’Ascension ont été inutiles, mais en plus ils ont oublié toute leur formation initiale, une formation de trois ans tout de même ! Ils ont oublié la réponse donnée par leur Maître à la question des Pharisiens, bien proche de la leur : « Quand viendra le Règne de Dieu ? » « La venue du Royaume de Dieu ne fait pas l’objet d’un constat. On ne va pas dire : Il est ici ! Il est là ! Et voyez, le Royaume de Dieu est au milieu de vous. » Entre les apôtres au jour de l’Ascension et le pape Grégoire le Grand au 6ème siècle quel progrès spirituel ! Ce grand pape enseignait que « le ciel, c’est l’âme du juste ». C’est l’œuvre du Saint Esprit dans son Eglise qui a permis ce grand bond en avant, ce passage d’une religion matérialiste et nationaliste à une religion intérieure et universelle.
Nous fêtons donc Jésus qui monte au ciel. Essayons de traduire cette image. Nous fêtons Jésus glorieux qui disparaît à nos yeux de chair et qui introduit définitivement notre humanité dans la vie et la gloire de la Sainte Trinité. Le ciel, c’est Dieu Trinité. Jésus semble disparaître, mais il ne devient pas absent pour autant. Il sera présent par le don de l’Esprit, il sera présent dans son Eglise et dans le monde d’une nouvelle manière, à la manière du Ressuscité. Il ne connaîtra plus la limitation propre à ceux qui doivent encore passer par la mort : les limites du temps et de l’espace.
En montant au ciel, le Seigneur nous invite, comme il le fit pour ses apôtres autrefois, à un double passage. Nous devons passer tout d’abord du particulier à l’universel. Eux rêvaient de rétablir la royauté en Israël. Lui leur répond en leur donnant une mission universelle : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » Nous devons ensuite passer d’une religion extérieure à l’intériorité de la foi. Et cela justement par le don de l’Esprit Saint, force venue d’en haut. Dans l’Evangile il nous est dit que les Apôtres étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu. Quelques années plus tard ce temple sera réduit à néant par les armées romaines. Alors les premiers chrétiens pourront comprendre le sens de la lettre aux Hébreux : « C’est avec pleine assurance que nous pouvons entrer au sanctuaire du ciel grâce au sang de Jésus : nous avons là une voie nouvelle et vivante… Avançons-nous donc vers Dieu avec un cœur sincère, et dans la certitude que donne la foi, le cœur purifié de ce qui souille notre conscience, le corps lavé par une eau pure. Continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis. »
Depuis l’Ascension et la Pentecôte, Jésus veut être présent dans notre âme. Il n’est jamais absent. C’est nous qui nous rendons absents à cette présence intérieure, à cette inhabitation divine.
L’Esprit du Christ Ressuscité ne cesse de nous redire intérieurement : « Le ciel, c’est l’âme du juste. » Selon les belles paroles de Maurice Zundel, « le ciel, on n’y entre pas, il faut le devenir. »
Amen

lundi 14 mai 2007

6ème dimanche de Pâques

6ème dimanche de Pâques / C
13 mai 2007
Jean 14, 23-29 (page 685)

« C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne. »
Le président de l’eucharistie redit ces paroles de Jésus avant la communion. Ces paroles qui font partie du testament du Seigneur dans l’Evangile selon saint Jean. C’est à l’heure où Jésus passe de ce monde à son Père qu’il prononce ces paroles en présence de ses apôtres. Jésus a vécu en pauvre. Il n’avait aucun bien matériel à laisser à ses disciples. L’héritage de Jésus c’est le Royaume de Dieu. Et l’un des biens les plus précieux de ce Royaume c’est la paix.
Tous nous désirons ardemment cette paix, nous pressentons qu’elle est le bien suprême. Nous savons aussi par expérience à quel point nous nous rendons incapables de l’accueillir dans nos vies et de la rayonner autour de nous. « Ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. » Nous sommes avertis. Nous ne devons pas confondre la paix selon le monde et la paix spirituelle. Qu’est-ce que la paix selon le monde ? L’absence de guerres, de conflits, de tensions, de disputes etc. Et pour obtenir cette absence de guerres quelle est la méthode du monde ? Pas seulement la diplomatie et la discussion… Mais aussi la dissuasion par la possession d’armes plus performantes que celles du voisin ! Cette paix selon le monde est plus que fragile car elle s’appuie sur un délicat équilibre des forces. Cette paix est fragile car elle ne vient pas de l’amour mais de la crainte. Ce qui est vrai à l’échelle de la planète peut aussi se vérifier à l’échelle des relations humaines qu’elles soient politiques, professionnelles ou familiales… La paix selon le monde n’est souvent qu’une paix de façade, une paix hypocrite. Nous savons combien il est facile d’acheter cette paix là par des menaces ou au contraire par des récompenses. C’est la méthode du bâton et de la carotte pour que surtout il n’y ait pas de vagues, pour que toute opposition ou contestation devienne impossible. Bref la paix selon le monde ressemble parfois à la paix des dictatures.
La paix de Jésus, elle, ne s’achète pas, elle se reçoit comme un don, comme un héritage sacré. La paix de Jésus n’est pas superficielle. Elle est au contraire intérieure, spirituelle. Cette paix est l’un des plus beaux dons du mystère pascal et c’est dans l’Esprit Saint que nous la recevons et la rayonnons autour de nous. La paix spirituelle n’exclut pas les conflits et les tensions. Car cette paix ne peut pas aller contre la vérité et la justice. Le prophète Jérémie avait dénoncé en son temps les faux prophètes : « Ils ne font que recouvrir la blessure de mon peuple, ils disent : ‘Ce sera la paix !’ quand il n’y a pas de paix. » Quelle est donc la « méthode » évangélique pour recevoir ce don de la paix, pour en vivre et le rayonner ? Nous avons un début de réponse dans la première partie de l’Evangile de ce dimanche : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. » Ce qui est donc premier c’est l’amour de Jésus et à la fidélité à son Evangile. Alors la Sainte Trinité vient faire sa demeure en nous, alors nous goûtons la paix que seul Dieu peut nous donner par sa présence. L’expérience de la paix chrétienne est une expérience spirituelle : sans la vie de prière, sans l’aide des sacrements, particulièrement la grâce du sacrement du pardon, nous ne pouvons pas goûter cette paix donnée par le Seigneur. Vivre de cette paix divine suppose de notre part l’humilité, c’est-à-dire la vérité par rapport à notre incapacité d’y arriver par nos propres forces. En reconnaissant notre péché, nos fautes, nos chutes, nos faiblesses, et en demandant le pardon de Dieu nous nous réconcilions. Non seulement avec Dieu notre Père, mais aussi avec nos frères en humanité et avec nous-mêmes. Les guerres les plus terribles sont parfois celles qui nous déchirent intérieurement. La paix chrétienne est donc à la fois un don et une exigence pour nous. Nous savons bien que la plupart des blessures infligées à la paix proviennent de l’égoïsme, de l’injustice et de l’orgueil. Chaque fois qu’avec le Christ nous sommes victorieux de ces travers humains nous faisons progresser non seulement en nous mais dans le monde entier la cause de la paix.
En ce mois de Marie comment ne pas évoquer celle que nous appelons avec raison la reine de la paix ? Oui, Marie est vraiment la reine de la paix parce qu’elle a toujours accompli la volonté du Seigneur, parce qu’elle a été l’humble servante du Seigneur. Tout chrétien qui prie Marie, particulièrement dans la méditation des mystères du chapelet, sait à quel point il est rempli de la paix du Seigneur. Contempler avec Marie les mystères de la vie du Seigneur est une méthode sûre et simple pour recevoir pleinement le don de la paix et le rayonner autour de nous. Que Marie intercède pour nous, ses enfants, afin que nous vivions toujours plus la béatitude de la paix !
« Heureux ceux qui sèment la paix, ils seront appelés enfants de Dieu. »
Amen

lundi 7 mai 2007

5ème dimanche de Pâques

5ème dimanche de Pâques / C
6 mai 2007
Jean 13, 34.35 (page 641)

« Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. » L’évangéliste Jean nous présente le commandement de l’amour fraternel d’une manière originale par rapport aux autres évangélistes. Il situe la parole de Jésus sur ce commandement lors de la dernière cène, le soir du jeudi saint, après le geste significatif du lavement des pieds. Ce qui donne à ce commandement une valeur de testament. En outre Jean ne mentionne ici que l’amour envers le prochain.
Regardons rapidement les évangiles synoptiques pour mieux saisir l’originalité du quatrième évangile sur ce point. Les autres évangélistes situent la parole sur le commandement de l’amour pendant la vie publique du Seigneur. Chez eux elle va toujours de pair avec le commandement de l’amour envers Dieu. Enfin la parole sur le commandement de l’amour est une réponse à une question. Chez Matthieu c’est un pharisien qui veut mettre Jésus à l’épreuve en lui posant la question suivante : « Maître, quel est le grand commandement de la Loi ? » Chez Marc c’est un maître de la Loi qui pose la question au Seigneur : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Quant à Luc il présente la question d’une manière différente et la met dans la bouche d’un maître de la Loi qui veut embarrasser Jésus : « Maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle ? »
Nous comprenons à quel point Jean est l’évangéliste du commandement nouveau. Toute la première lettre de Jean est un développement sur ce même commandement. Et c’est dans cette lettre que le rapport entre amour de Dieu et amour du prochain est mis en lumière. Jean redit à sa manière l’enseignement des autres évangélistes : l’amour de Dieu et l’amour du prochain sont deux réalités interdépendantes. Ces deux commandements n’en font qu’un un peu à la manière des deux faces d’une médaille : « Quand nous aimons Dieu et faisons ce qu’il nous demande, nous savons que nous aimons aussi les enfants de Dieu » Pour le disciple bien-aimé on ne peut pas séparer la connaissance de Jésus de l’amour donc de la mise en pratique de ses commandements : « Et voilà comment nous saurons que nous le connaissons : si nous gardons ses commandements. Celui qui prétend le connaître et ne garde pas ses commandements est un menteur : la vérité n’est pas chez lui. Mais si quelqu’un garde sa parole, c’est chez lui que l’amour de Dieu est vraiment achevé. » L’amour du prochain est donc le test infaillible de l’authenticité de notre foi chrétienne.
« Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. » L’amour chrétien comme l’amour du chrétien est toujours une imitation du Christ. C’est un amour à la manière du Christ. Et quelle est donc cette manière ? Jean nous le dit dans sa première lettre : « Lui, il a donné sa vie pour nous, et c’est là que nous avons connu l’amour. Aussi nous-mêmes, nous devons donner notre vie pour nos frères. » Le mouvement de l’amour chrétien est tout entier dans le don. Il est inconciliable avec l’égoïsme et l’égocentrisme. Et Jean nous met bien en garde contre une vision théorique de ce que doit être notre amour du prochain : « Mes enfants, n’aimons pas seulement en paroles, avec nos lèvres, mais en vérité, avec des œuvres. » Si nous sommes avares de notre temps, de notre argent et de nos biens, alors nous ne sommes pas dans le réalisme de l’amour. Si nous sommes refermés sur nous-mêmes, calfeutrés dans notre confort et nos habitudes, alors nous risquons bien de fermer notre cœur à la relation avec notre prochain. Sans ouverture du cœur et des mains, nous ne pouvons pas suivre le Christ.
« Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » Pour Jésus nous ne pouvons pas donner de plus grand témoignage de notre foi que celui de l’amour fraternel. Le plus grand obstacle à l’évangélisation se trouve dans les mesquineries, les jalousies, les querelles et les divisions qui peuvent saper la vie de nos communautés chrétiennes. Pourquoi l’amour fraternel est-il le témoignage suprême ? Tout simplement parce que « personne n’a jamais contemplé Dieu, mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour s’épanouit au milieu de nous. »
L’Evangile de ce 5ème dimanche de Pâques est vraiment pascal. Parce que l’amour fraternel est source de vie. Il est le signe que grâce au Christ et avec Lui nous sommes déjà vainqueurs du péché et de la mort : « Nous voyons que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères ; celui qui n’aime pas reste en état de mort » Le commandement que Jésus nous donne avant sa Passion est nouveau. Jean nous explique pourquoi : « Il est vraiment neuf en Jésus et chez nous, et déjà les ténèbres reculent cependant que luit la vraie lumière . » L’événement de Pâques fait mentir l’Ecclésiaste selon lequel il n’y a rien de nouveau sous le soleil : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. »
Amen

vendredi 27 avril 2007

3ème dimanche de Pâques

3ème dimanche de Pâques / C
22 avril 07
Jean 21, 1-19 (page 546)

La page évangélique de ce dimanche est magnifique. Jean nous rapporte la troisième manifestation du Ressuscité à ses disciples : nous ne sommes pas à Jérusalem mais au bord du lac de Tibériade, bien plus au nord, en Galilée. Souvenons-nous du message adressé par un jeune homme aux saintes femmes dans le tombeau vide : « Allez dire à ses disciples, et à Pierre, qu’il vous précède en Galilée ; là vous le verrez comme il vous l’a dit. » Matthieu parle d’une montagne alors que Jean situe ces retrouvailles au bord du lac. Tout avait commencé en Galilée, la première prédication du Christ, l’appel des premiers disciples, et voilà que tout s’accomplit dans cette même province. L’évènement de la Résurrection n’efface pas l’histoire, ce qui a été vécu et partagé entre le Seigneur et ses disciples. La Pâque de Jésus accomplit au contraire tout leur compagnonnage avec le Christ. En Galilée le Ressuscité retrouve ses disciples pour un nouveau départ, pour une nouvelle aventure : celle de la foi et de la mission. A partir de l’Ascension il ne sera plus visible à leurs yeux de chair. Ce que les Evangiles synoptiques placent pendant la vie publique de Jésus, la pêche miraculeuse , Jean le situe après Pâque. Cette pêche surabondante permet à Jean de reconnaître cet homme qui les rejoint au bord du lac : « C’est le Seigneur ! » Jean est toujours le premier à croire, et il entraîne Pierre à sa suite. Ce dernier toujours aussi impulsif se jette à l’eau pour rejoindre le Seigneur à la nage. La suite du récit est touchante de simplicité et d’humanité : voilà Jésus qui invite ses apôtres à partager un repas. Nous savons bien qu’un corps entré dans la gloire comme celui du Ressuscité n’a plus besoin de nourriture pour vivre. Et pourtant Jésus se plie à ce rituel humain pour rejoindre ses disciples, sans paroles, mais en partageant avec eux, gratuitement, un moment de convivialité. « Aucun des disciples n’osait lui demander : ‘Qui es-tu ?’ Ils savaient que c’était le Seigneur. » La pêche miraculeuse et le repas au bord du lac ont permis chez eux la reconnaissance de la foi. La suite de l’Evangile va nous conduire de la profession de foi à la déclaration d’amour.
Ce dialogue entre le Seigneur et Simon, fils de Jean, est très beau. Ce que Matthieu plaçait pendant la vie publique de Jésus , Jean le situe, une fois encore, après le mystère pascal. Pour Matthieu c’est la foi de Pierre qui est importante. Pour Jean c’est son amour pour le Seigneur. Jésus Ressuscité donne véritablement à Simon-Pierre sa vocation, c’est-à-dire le sens de sa vie. S’il le fait en lui posant trois questions, ce n’est pas pour le culpabiliser en lui rappelant son triple manque de foi, son triple reniement. C’est plutôt pour lui signifier que sa mission de chef de l’Eglise ne repose pas sur ses mérites mais sur la miséricorde et le pardon de son Maître et Seigneur. C’est aussi pour permettre à Pierre de réparer par l’amour ce que le manque de foi avait brisé. Les trois questions ont l’air quasiment identiques.
Seule la première comporte la précision : « Plus que ceux-ci ». Ce qui signifie que dans l’Eglise la responsabilité et le ministère doivent aller de pair avec la ferveur de l’amour : ce qui compte avant toutes choses pour un apôtre c’est son attachement sincère au Christ. Le « plus que ceux-ci » n’est pas un appel à la comparaison avec les autres mais un appel à la perfection de l’amour. D’ailleurs Pierre le comprend bien. Il ne répond pas : « Je t’aime plus que tous les autres ». Ce qui serait de l’orgueil. Sa propre expérience lui a servi de leçon. Il se souvient avoir dit à Jésus, avant l’épreuve de la Passion : « Même si tous doutent de toi et chutent, moi non ! » L’humilité est indispensable pour exercer un service dans l’Eglise : « Oui, Seigneur, je t’aime, tu le sais ».
Ceux qui ont la chance de pouvoir lire notre Evangile dans le texte grec savent que le verbe « aimer » en français traduit des expressions différentes en grec. Pour les deux premières questions, Jésus utilise le verbe « aimer » dans le sens d’ « Agapè ». Il s’agit ici de l’amour divin, l’amour même de Dieu, qui est d’abord don, gratuité. Pierre, m’aimes-tu de cet amour divin ? Pierre est devenu humble, et il répond en disant : Je t’aime, Seigneur, d’un amour d’amitié (« Philia »). A cette humilité de Pierre, Jésus répond en se mettant à son niveau lors de sa troisième question : « Simon, fils de Jean, est-ce que tu m’aimes d’un amour d’amitié ? » Et Pierre renouvelle l’expression de son amour pour le Seigneur, certes imparfaite, mais sincère et forte.
La prophétie de Jésus sur la mort de son apôtre nous montre que cet amour proclamé au bord du lac ne cessera de grandir. En gouvernant la première Eglise selon l’Esprit du Ressuscité, Pierre grandira dans sa vie de foi, d’espérance et de charité. Le Seigneur s’était contenté de son amour d’amitié pour lui faire confiance, pour lui confier une très grande mission. A la fin, au moment du martyre, cet amour d’amitié sera pleinement un amour « Agapè ». En donnant sa vie pour la foi et pour l’Eglise, Pierre, l’humble pécheur du lac, imitera l’amour même du Christ. Non pas par ses forces humaines, mais par la grâce et la vie de Jésus ressuscité en lui.
Amen

lundi 16 avril 2007

Deuxième dimanche de Pâques

Deuxième dimanche de Pâques / C
15 avril 07 (page 494)
Jean 20, 19-31

Il est toujours enrichissant de lire et de méditer la Parole de Dieu dans son contexte. Ce qui implique de ne pas isoler le texte évangélique qui nous est proposé par la liturgie dominicale…
L’Evangile de ce dimanche appartient au chapitre 20 de l’Evangile selon saint Jean. Dimanche dernier, nous avons entendu le commencement de ce chapitre. Marie de Magdala se rend au tombeau à l’aube, et annonce aux apôtres Pierre et Jean son étrange découverte : la pierre qui fermait l’entrée du tombeau a été enlevée… Puis c’est la manifestation du Ressuscité à Marie Madeleine. C’est bien la pécheresse convertie, Marie Madeleine, qui est au centre du récit pascal du quatrième Evangile. De l’aube nous passons au crépuscule du même jour, puis une semaine plus tard avec la présence de Thomas. Il y a un contraste évident entre la situation du matin et celle du soir. Marie constate que la pierre qui fermait le tombeau a été enlevée… Jésus constate que ses apôtres se sont enfermés par peur des Juifs. Ils ont verrouillé les portes du lieu où ils se trouvaient. Le tombeau de Jésus est bel et bien vide, ouvert. Et voilà que ses apôtres s’enterrent en quelque sorte, emmurés par la peur. Le ressuscité est sorti vivant du tombeau ; ses disciples s’emmurent en refusant d’affronter la vie extérieure. Le matin, Jean voit et croit. Le signe du tombeau ouvert et des linges funéraires suffit à ouvrir son cœur à l’intelligence des Ecritures. Marie Madeleine est aussi une femme de foi. Et voilà que l’absence de Thomas va introduire l’incrédulité au sein du récit de Pâques. Huit jours plus tard, le ressuscité se manifeste à nouveau dans le « tombeau de ses apôtres », car les portes sont toujours verrouillées… Ils sont toujours dans la crainte malgré la manifestation du Ressuscité et le don de l’Esprit. Le Vivant revient pour son apôtre Thomas et se manifeste à lui dans sa miséricorde et dans sa délicatesse. Pour Jean le signe du tombeau vide et des linges suffisait. Pour Thomas il en faut davantage : lui veut voir et toucher avant de croire. « Cesse d’être incrédule, sois croyant » ; « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » : telles sont les paroles fortes qui résonnent dans la maison des apôtres, paralysés par la peur.
Et cela nous amène à lire cette page évangélique dans un contexte encore plus large. Remontons, dans le même Evangile, au chapitre 14. Les paroles du Christ sont, dans tout ce chapitre, un appel à la foi et à la confiance, une préparation au mystère pascal : « Que votre cœur ne se trouble pas : croyez en Dieu et croyez aussi en moi. […] Ne restez pas dans le trouble et dans la crainte. » Les apôtres semblent avoir tout oublié. Ils n’ont pas profité de cette préparation spirituelle que Jésus leur avait donnée avant sa Passion et sa mort en croix. Le Maître et Seigneur leur avait alors promis de ne pas les laisser orphelins, de leur envoyer l’Esprit Saint. Il leur avait même déjà donné, comme par avance, le don de Pâques pour que leurs coeurs ne se troublent pas dans le scandale de la Passion : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Vous avez appris ce que je vous ai dit, que je m’en vais et je reviens vers vous. »
Le soir de Pâques, le Seigneur renouvelle ce don merveilleux de la paix spirituelle : « La paix soit avec vous ! » En ce dimanche de la divine miséricorde, relevons comment le Seigneur associe au don de l’Esprit le pouvoir de remettre les péchés. Ce pouvoir spirituel est apostolique. Et la rémission des péchés semble être comme le premier fruit, le fruit essentiel, de la victoire de Pâques. Le ministère de la réconciliation est central dans la mission de l’Eglise. Satan nous trompe et nous met dans l’illusion : c’est lorsque tu pèches que tu es vraiment libre ! C’est lorsque tu te rends indépendant de Dieu, que tu exerces ta liberté ! L’enfermement des apôtres dans leur cénacle est probablement le signe de leur péché qui est d’abord un manque de confiance en Dieu, un manque de foi. S’ils avaient été vraiment libres, ils n’auraient pas eu peur des Juifs. C’est l’Esprit qui, peu à peu, va les éduquer dans cette liberté spirituelle. Elle ira pour la plupart d’entre eux jusqu’au martyre, manifestation suprême de la liberté chrétienne.
Je conclurai en revenant sur l’absence de Thomas, le soir de Pâques. On ne nous dit pas pourquoi il était absent. En tout cas il n’était pas enfermé avec ses frères dans la maison. C’est peut-être le signe que Thomas était le seul apôtre qui n’avait pas peur ! Il ne donne pas sa foi facilement, mais il est probablement plus courageux que les autres. Bref il n’a pas que des défauts. Thomas l’incrédule ne serait-il pas aussi Thomas l’audacieux ?
Dans le corps du Christ, nous sommes des membres différents les uns des autres. Dans le souffle de l’Esprit, essayons de voir toujours en premier ce qui ouvre un chemin de liberté. Rendons grâce, sans jalousie ni rivalité, pour les dons et les talents de nos frères dans la foi, pour la variété de ces mêmes dons ! Evitons d’enfermer, d’emmurer nos frères dans le tombeau de leurs défauts et de leurs péchés. Soyons miséricordieux comme Jésus est miséricordieux pour chacun d’entre nous. Respectons le rythme de nos frères, acceptons avec patience ce que nous considérons comme leurs lenteurs. Et surtout redisons au ressuscité notre acte de foi :
« Jésus, j’ai confiance en toi ! »
Amen

dimanche 8 avril 2007

Dimanche de Pâques

Pâques
8 avril 07 (page 433)
Jean 20, 1-9

« Et voici que Dieu a ressuscité Jésus le troisième jour. Il lui a donné de se montrer, non pas à tout le peuple, mais seulement aux témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. » Nous venons d’entendre ces paroles de Pierre dans la première lecture. Cependant, pour la fête des fêtes, Pâques, l’Eglise n’a pas choisi comme Evangile une manifestation du Ressuscité à ses disciples… Chaque année nous entendons l’Evangile du tombeau ouvert et vide en saint Jean.
Alors que la nuit se transforme lentement en jour, Marie Madeleine se rend au tombeau. Contrairement aux Evangiles de Marc et de Luc, Jean ne nous dit pas le but de sa visite. Il est suivi sur ce point par Matthieu. Les deux autres évangélistes sont clairs. Ecoutons la version de Marc : « Une fois terminé le sabbat, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums afin d’embaumer le corps. » Dans le quatrième Evangile nous ne savons donc pas ce qui pousse Marie Madeleine à se rendre au tombeau de si bonne heure. A propos de Marie, relevons deux choses : c’est une femme et une ancienne pécheresse. Et c’est elle qui, la première, va constater que la grosse pierre qui ferme l’entrée du tombeau a été roulée : bref le tombeau est ouvert ! C’est curieux mais Jean ne nous dit pas que Marie a été voir l’intérieur du sépulcre. Elle retourne immédiatement en arrière pour annoncer la nouvelle à deux Apôtres : Pierre, et l’autre disciple, celui que Jésus aimait : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. » Marie parle de Jésus comme Seigneur, elle lui donne ainsi le titre divin. Elle n’annonce pas du tout la résurrection aux apôtres, elle parle tout simplement d’un enlèvement, d’un vol de cadavre.
Et voilà que Pierre et Jean se mettent, eux aussi, à courir, mais dans l’autre sens, pour constater ce que Marie vient de leur annoncer. Après le signe du tombeau ouvert, Jean, le plus rapide, découvre le signe des linges funéraires. Jean a couru plus vite certainement parce que son amour pour Jésus était le plus fort. Il est le disciple aimé du Seigneur. « Cependant il n’entre pas. » Il laisse la préséance à Pierre, celui que Jésus a choisi pour être le chef de son Eglise. Pierre, lui aussi, voit les linges, et c’est alors que l’autre disciple entre dans le sépulcre vide. Et là c’est comme un espèce d’éclair, une illumination subite : « Il vit et il crut. » Le signe du linceul ouvre à Jean l’univers de la foi en la Résurrection. Et à ce deuxième signe s’en ajoute un troisième, celui de l’Ecriture, selon laquelle « il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. » En fait la Parole de Dieu était le premier signe, mais il a fallu les deux autres pour que tout s’illumine d’un seul coup. Si la résurrection du Seigneur est un objet de foi, j’y reviendrai, la Bible ne prend tout son sens que dans la foi au Seigneur Jésus. C’est ce que Paul affirme aux Corinthiens :
« Les pensées des Israélites se sont endurcies. Car jusqu’au jour d’aujourd’hui, lors de la lecture de l’ancienne Alliance, le même voile demeure sans qu’il y ait dévoilement, parce que c’est en Christ qu’il est aboli. Mais jusqu’à ce jour, chaque fois qu’on lit Moïse, un voile est posé sur leur cœur. C’est quand on se tourne vers le Seigneur que le voile est enlevé. »
Je conclurai en insistant sur le fait suivant : il n’y a pas de preuves et il n’y aura jamais de preuves de la Résurrection du Seigneur. L’Evangile de cette liturgie montre tous les signes que Dieu a destiné aux premiers témoins de Pâques : le tombeau vide, les linges funéraires soigneusement rangés, et la Sainte Ecriture elle-même. Au matin de Pâques, Marie, Pierre et Jean ne découvrent pas la plénitude de la vie ou une manifestation éclatante du Ressuscité. Ils découvrent plutôt une absence, un vide. Oui, le tombeau est bien vide, donc inutile. Jean, pour le moment, n’a pas vu le Seigneur ressuscité. Ce n’est qu’après que viendront les manifestations du ressuscité aux saintes femmes et aux apôtres. Il n’a vu que des signes, et pourtant il croit.
Nous aussi nous croyons en la résurrection du Seigneur, non pas comme en un simple symbole, mais comme en une réalité. Le crucifié, enseveli au tombeau, est vraiment ressuscité d’entre les morts par la puissance du Père et l’amour de l’Esprit. Pâques n’est pas une allégorie, un mythe ou une légende qui nous consolerait de notre condition mortelle et finie… Pâques est véritablement le centre et le pivot de notre histoire humaine. Jésus, le Vivant, se révèle à nous dans l’Apocalypse comme le commencement et la fin, l’Alpha et l’Oméga. Avec saint Paul, nous savons que si le Christ n’est pas ressuscité, alors notre foi est vaine : c’est-à-dire inutile et vide. « Si c’est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus misérables de tous les hommes. » Oui, nous sommes bien à plaindre dans ce cas-là ! Nous n’avons plus les signes du tombeau ouvert et des linges. Notre foi de Pâques s’appuie donc sur un double témoignage : celui des Ecritures et celui des Apôtres, toujours vivant dans notre Eglise. Depuis 2000 ans, la foi pascale a véritablement déplacé des montagnes. L’histoire de l’Eglise est d’abord une histoire de sainteté, même si elle a traversé des zones d’ombre. Les saints sont les meilleurs témoins de la force du ressuscité à l’œuvre dans notre existence et dans l’histoire de notre humanité. Si vraiment nous croyons en Jésus ressuscité, alors nous pouvons être certains que Dieu fera des merveilles dans notre vie et pour la vie éternelle.
Amen

mercredi 4 avril 2007

Dimanche des rameaux et de la Passion

Dimanche des Rameaux et de la Passion / année C
Premier avril 2007 (page 302)

Cette année nous avons entendu le récit de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem dans la version qu’en donne saint Luc. Le troisième évangéliste est original à bien des égards. Lui se contente de parler des manteaux et ne mentionne pas les rameaux ! Avec saint Luc nous devrions donc parler du dimanche des Manteaux ou des vêtements pour suivre la traduction liturgique… Mais le plus important n’est pas là. Ecoutons plutôt la foule des disciples : « Déjà Jésus arrivait à la descente du mont des Oliviers, quand toute la foule des disciples, remplie de joie, se mit à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus : ‘Béni soit celui qui vient, lui, notre Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux !’ » La louange des disciples nous rappelle le chant du Sanctus qui clôt la Préface et ouvre la Prière eucharistique. Mais comment ne pas penser ici au récit de la Nativité ? Le jour de l’entrée triomphale du Christ dans la ville sainte, les disciples reprennent presque mot à mot le chant des anges dans la nuit de la Nativité : « Gloire à Dieu dans les cieux, et sur la terre paix aux hommes, car il les prend en grâce » . Le contexte de la Nativité est aussi celui de la joie pour tout le peuple. De la nuit de Bethléem à l’entrée triomphale dans Jérusalem, la louange divine passe des anges à la foule des disciples… Car si eux se taisent, « les pierres crieront » ! La paix proclamée passe de la terre au ciel. Relevons le motif de cette louange divine : « pour tout les miracles qu’ils avaient vus ». Jean précise même que c’est à cause de la réanimation de Lazare que la foule acclame Jésus comme son Roi. Dans la deuxième lecture, ce magnifique passage de la lettre de Paul aux Philippiens, nous retrouvons ces réalités du ciel et de la terre : « C’est pourquoi Dieu a élevé Jésus au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : ‘Jésus Christ est le Seigneur’, pour la gloire de Dieu le Père. » Cet homme qui entre à Jérusalem sur un petit âne n’est pas seulement le Roi d’Israël, il est le Sauveur, il est le Fils de Dieu : vraiment homme et vraiment Dieu ! Le paradoxe est que pour comprendre cela il faudra l’abaissement volontaire de la Passion et de la mort en croix. Luc a une expression qui pourrait presque nous choquer à la fin de son récit de la Passion : « Et tous les gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, voyant ce qui était arrivé, s’en retournaient en se frappant la poitrine. » La Passion serait-elle un spectacle ? Les personnes qui étendaient leurs vêtements sur le chemin louaient Dieu dans la joie « pour tous les miracles qu’ils avaient vus ». Ils confessaient en Jésus leur Roi. Et si la Passion était le plus grand miracle du Christ ? Le plus spectaculaire, justement ? Celui de son abaissement volontaire, de sa victoire définitive sur le mal et notre péché… Un Dieu qui consent à mourir pour nous offrir la vie en abondance ! Ceux qui ont contemplé le spectacle de la Passion n’honorent pas Jésus en jetant leurs manteaux à terre. Ils l’honorent en se frappant la poitrine. Le spectacle de la Passion nous conduit en effet à nous reconnaître pécheurs, et à reconnaître dans cet homme humilié, torturé, mort, bien plus qu’un Roi : le Sauveur, le Seigneur !
Que cette liturgie des Rameaux et de la Passion nous introduise dans une connaissance toujours plus vraie et plus intérieure du Christ notre Sauveur ! Puissions-nous tomber à genoux et confesser la divinité du Christ ! Ne lui offrons pas des choses extérieures, des vêtements ou des rameaux : offrons-lui plutôt notre cœur brisé et contrit. Demandons-lui de changer notre coeur de pierre en un cœur de chair. Tout au long de cette grande semaine sainte, laissons jaillir au plus profond de nous-mêmes l’Amour divin, laissons toute la place à l’Esprit du Seigneur.
Amen

samedi 31 mars 2007

5ème dimanche de Carême

5ème dimanche de Carême / année C
25 mars 2007
Jean 8, 1-11 (page 232)

Dimanche dernier nous avons médité en saint Luc la parabole du fils prodigue. Pour ce cinquième dimanche de Carême, l’Eglise nous propose l’Evangile de la femme adultère en saint Jean. Ces deux Evangiles ont bien des points communs. Ils sont de magnifiques enseignements sur la miséricorde du Seigneur. Ils ont aussi le même cadre historique : la confrontation entre les scribes et les pharisiens d’une part, et Jésus de l’autre. Comme souvent dans les évangiles, les scribes et les pharisiens interrogent Jésus « pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. » Autant dire tout de suite qu’ils ne sont pas à la recherche de la vérité ! Alors ne nous étonnons pas, si aujourd’hui encore, l’Eglise et les chrétiens sont interrogés, entre autre par les media, pour être mis à l’épreuve… Rien de nouveau sous le soleil, dirait l’Ecclésiaste !
« Jésus s’était baissé, et, du doigt, il traçait des traits sur le sol. » Voilà la première réponse du Seigneur : un silence éloquent ! Par ce geste il montre la distance qu’il prend par rapport à ses contradicteurs… Bref, il les ignore eux et leur question, non pas par mépris, mais parce qu’il connaît bien l’intention perverse de leur cœur.
Devant leur insistance, il se redresse et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. » Puis de nouveau il se baisse et se met à tracer des traits sur le sol. Cette réponse de Jésus n’en est pas vraiment une. Les scribes et les pharisiens attendaient un « oui » ou un « non » pour pouvoir l’accuser. Il ne répond ni « oui », ni « non ». Mais la réponse qu’il donne correspond en fait à un refus de la lapidation. Eux se réfèrent à la loi de Moïse pour pouvoir lapider la femme adultère. Le Seigneur les renvoie à leur conscience, au plus intime de leur coeur, à la loi intérieure inscrite par Dieu dans les cœurs. Il y a donc ce contraste fondamental entre la loi et la conscience, entre la loi extérieure et la loi intérieure. Jésus rappelle que la loi qui doit primer est la loi naturelle, c’est-à-dire la loi de la conscience. Et cette loi naturelle correspond plus ou moins aux dix commandements. Parmi ces commandements il y a bien sûr : « Tu ne commettras pas d’adultère », mais il y a aussi : « Tu ne tueras pas » ! On ne peut pas mettre sur le même plan les dix commandements et les développements de la loi tels qu’on les trouve dans le Lévitique et le Deutéronome. L’ordre de lapider les femmes adultères se trouve par exemple au chapitre 22 du Deutéronome. Il est intéressant de relever la motivation de cet homicide, licite du point de vue moral pour les Juifs de l’époque de Jésus : « C’est ainsi que tu ôteras le mal d’Israël. Ainsi tu ôteras le mal du milieu de toi . » La lapidation de la femme adultère était donc perçue comme une protection de la société contre le mal. Mais on oubliait qu’on ne peut pas supprimer le mal en commettant un autre mal : tuer. Et surtout cette loi qui nous semble bien barbare aujourd’hui identifiait le mal au pécheur. Comme si la femme adultère n’était qu’une pécheresse et rien d’autre… Comme si cette femme pouvait être réduite à l’adultère qu’elle vient de commettre… La magnifique réponse de Jésus met à mal cette vision primitive des choses et de la vie morale : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. » Le Seigneur distingue la femme de son péché. Il condamne son péché sans la condamner elle. Voilà toute la différence entre les pharisiens accrochés à la loi extérieure et Jésus qui rappelle la dignité de tout homme, même du pécheur. Si Jésus refuse la lapidation de la femme, Lui qui est sans péché, c’est non seulement par miséricorde, c’est aussi parce qu’il espère en sa conversion. Si cette femme avait été tuée, comment aurait-elle pu se convertir et exprimer son repentir ? Saint Augustin a cette belle sentence : « Ils ne restèrent que deux : la misère et la miséricorde. »
En guise de conclusion, relevons un détail significatif. Les pharisiens appellent Jésus « Maître ». Lorsque la femme adultère s’adresse à Lui, elle lui dit « Seigneur ». C’est une manière pour saint Jean de souligner qu’elle est croyante malgré son péché. Cette femme croit que Jésus peut la sauver, alors que les pharisiens refusent précisément de croire en Jésus. Cette différence nous ramène à l’expérience de saint Paul dans la deuxième lecture :
« Cette justice ne vient pas de moi-même, - c’est-à-dire de mon obéissance à la loi de Moïse- mais de la foi au Christ : c’est la justice qui vient de Dieu et qui est fondée sur la foi. »
Amen