dimanche 25 mars 2018

Dimanche des Rameaux et de la Passion / B


Dimanche des Rameaux et de la Passion

25/03/18

Voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs : c’est ainsi que Jésus lui-même, dans le jardin de Gethsémani, nous donne la signification de sa Passion et de sa mort en croix. Tout au long de son récit, saint Marc nous montre l’humanité de Jésus, le Fils de l’homme. Il ne nous est pas présenté comme un super héros insensible à la souffrance mais comme notre frère en humanité : il ressent frayeur et angoisse, et son âme est triste à en mourir. Avant d’entrer dans ses souffrances physiques, Jésus souffre intensément dans son âme. Cette souffrance atteindra son sommet avec le cri de Jésus crucifié, reprenant le début du psaume 22 : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? C’est dans l’obéissance à la volonté du Père qu’il accepte tout cela : non pas ce que je veux, mais ce que tu veux !

Le drame de la Passion et de la mort du Seigneur est un microcosme du drame de notre humanité soumise au pouvoir du mal et esclave du péché. En lisant ce récit, il nous semble entendre comme un écho des paroles de la Genèse juste avant le déluge : la terre s’était corrompue devant la face de Dieu, la terre était remplie de violence. Dieu regarda la terre, et voici qu’elle était corrompue car, sur la terre, tout être de chair avait une conduite corrompue. Les différents acteurs de ce drame témoignent par leurs paroles et leur comportement de cette corruption du cœur humain par le mal : la trahison (Judas), le reniement (Pierre), la jalousie et le fanatisme religieux (les chefs des prêtres), le mensonge (les faux témoins), la lâcheté (Pilate), la manipulation (les chefs des prêtres et la foule), la violence (les soldats romains) etc. Peu de personnes échappent à cette emprise mystérieuse du mal sur le cœur humain : le centurion, les saintes femmes, Joseph d’Arimathie. Face à ce déferlement de bassesse, de haine, d’injustice et de violence, Jésus, la plupart du temps, se tait. Il ne se bat pas par la parole, lui, la Parole de Dieu faite chair. Il s’oppose à ce déferlement du mal par le don de sa propre vie. Le temps de l’enseignement en paroles est terminé, le grand enseignement de la Passion est résumé dans les paroles de la dernière Cène : Prenez, ceci est mon corps. Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude. Jésus, par son attitude face à ses accusateurs et à ses ennemis, accomplit les prophéties de l’Ecriture, en particulier celles d’Isaïe : Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. Pour vaincre le mal qui est en nous, le Seigneur nous aime de l’amour même de la Sainte Trinité, et ce jusqu’à en mourir sur le bois de la croix. Deux mille ans après ce drame de la Passion, notre humanité ne semble pas avoir beaucoup changé. Nous ne sommes pas forcément plus évolués et plus civilisés, plus humains, que nos ancêtres. Nous pourrions nous décourager et penser que le fardeau du mal est une fatalité. Dans la foi nous savons que Jésus a vaincu une fois pour toutes ce mal par sa mort et sa résurrection. En tant que disciples, il nous est donné de participer à sa victoire en luttant pour la justice et pour la paix là où nous sommes. Nous ne pouvons pas changer le monde d’un coup de baguette magique, mais nous pouvons le transfigurer par notre fidélité à l’Evangile de l’Amour. Cette transfiguration commence dans notre cœur et là où nous vivons, à travers les humbles choix quotidiens. Cette transfiguration par la force de l’amour a pour condition de vaincre l’orgueil et la démesure qui habitent le cœur de l’homme depuis le péché des origines : Dieu éternel et tout-puissant, pour montrer au genre humain quel abaissement il doit imiter, tu as voulu que notre Sauveur, dans un corps semblable au nôtre, subisse la mort de la croix. Le grand enseignement de Jésus dans sa Passion consiste en la certitude que seuls l’amour et l’humilité sont capables de vaincre le mal et de libérer l’humanité des chaînes du péché.

dimanche 18 mars 2018

Cinquième dimanche de Carême / B



18/03/18

Jean 12, 20-33

Ce dimanche est le dernier du Carême avant la célébration des Rameaux et de la Passion. D’où sa tonalité dramatique. Jésus sait que sa mort est désormais toute proche et il est bouleversé au plus profond de son être. Malgré l’accueil triomphal qui lui a été réservé par les foules de Jérusalem, il est certain de son sort et se prépare à entrer dans sa Passion. L’Evangile de Jean nous décrit la lutte entre le Fils de l’homme et le prince de ce monde, c’est-à-dire Satan. Par son obéissance à la volonté du Père, Jésus est vainqueur du prince de ce monde. Par sa Passion et sa mort, Satan va être jeté dehors.

Pour faire comprendre à ceux qui l’écoutent la signification de ce moment dramatique dans lequel il se prépare à entrer, le Seigneur utilise deux images qui semblent contradictoires : l’une nous fait regarder la terre, c’est le grain de blé tombé en terre, tandis que l’autre nous fait élever les yeux vers le ciel : quand j’aurai été élevé de terre. En fait ces deux images nous parlent de la même réalité : celle du sacrifice de Jésus par amour pour le Père et pour nous. L’élévation de Jésus en croix est en effet un abaissement et une mort. Qui s’abaisse sera élevé. L’instrument de supplice qu’est la croix est planté dans notre terre, comme le grain de blé qui est enfoui et caché dans la terre. Si les deux images nous décrivent une même et unique réalité, l’Evangile nous montre aussi un fruit commun : le grain de blé semé en terre donne beaucoup de fruit, le Fils de l’homme élevé sur la croix attire à lui tous les hommes. C’est la raison pour laquelle notre foi nous fait voir dans la mort de Jésus un événement salutaire, un événement qui nous obtient la grâce d’être délivré du pouvoir du prince de ce monde pour pouvoir entrer dans la Nouvelle Alliance entre Dieu et l’humanité. La prière d’ouverture de cette messe nous indique de quelle manière nous pouvons participer à la grâce du mystère pascal, grâce toujours actuelle et particulièrement agissante dans la célébration des sacrements mais aussi dans notre relation la plus intime avec la Sainte Trinité :

Que ta grâce nous obtienne, Seigneur, d’imiter avec joie la charité du Christ qui a donné sa vie par amour pour le monde.

dimanche 4 mars 2018

Troisième dimanche de Carême / B




Jean 2, 13-25

4/03/18

L’évangéliste saint Jean situe l’épisode des marchands chassés du temple au début du ministère public de Jésus, immédiatement après le signe des noces de Cana. Les autres évangélistes situent ce même épisode à la fin du ministère public de Jésus, juste avant sa Passion, après l’entrée triomphale des Rameaux. Quoi qu’il en soit du moment précis de cet événement, une chose est certaine : c’est l’unique scène des Evangiles où nous voyons Jésus utiliser une certaine violence contre des hommes, même si le texte ne nous dit pas qu’il frappa physiquement les marchands. Et nous imaginons aisément que cette violence est en lui l’expression d’une colère intérieure, d’une indignation. Qu’est-ce qui motive donc cette colère et cette violence du Seigneur ? Il nous le dit lui-même : Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. Dans la version de Mathieu, Jésus cite le prophète Isaïe : Ma maison s’appellera Maison de prière pour tous les peuples. L’opposition est donc claire entre la maison de commerce et la maison de prière. Le Temple est le lieu sacré de la présence de Dieu et le Temple ne doit servir qu’au culte et à la prière. Tout le reste est profanation. C’est l’amour de Dieu qui pousse donc Jésus à chasser hors du Temple les marchands et les changeurs. Son zèle nous rappelle celui d’Elie dans sa confrontation avec les prophètes de Baal. Mais Jésus, contrairement à Elie, n’utilise pas une violence qui tue. Même si nos églises chrétiennes n’ont pas exactement la même fonction que le Temple unique de Jérusalem, nous pouvons nous inspirer de cet Evangile pour nous interroger sur notre conduite et notre attitude à l’intérieur de l’église. Il est essentiel de nous rappeler que le but premier d’une église est la célébration des sacrements et la prière. Dans notre manière de participer à la messe, et de nous comporter avant et après la messe, favorisons-nous l’atmosphère de prière qui doit être celle de nos églises même si elles sont aussi un lieu légitime de rencontre de la communauté ?

L’objection des Juifs réclamant un signe permet à Jésus de donner un sens encore plus profond à son geste. Ce geste violent n’exprime pas seulement son amour ardent pour le Père mais il a aussi une valeur prophétique. Tout d’abord il accomplit une prophétie de Zacharie : Il n’y aura plus de marchand dans la maison du Seigneur de l’univers, en ce jour-là. Ensuite : Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai… Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. De fait le Temple sera détruit par les Romains en 70 et ne sera plus jamais reconstruit. En chassant les marchands du Temple, Jésus abolit le culte ancien qui reposait sur les sacrifices d’animaux. Dans le culte de la Nouvelle Alliance, le Temple véritable c’est le corps du Christ mort et ressuscité pour nous, c’est la personne même du Ressuscité. Et saint Paul en déduira que chaque baptisé est un sanctuaire de la Sainte Trinité, un temple de Dieu. Dans le culte chrétien ce qui est premier ce n’est donc pas le lieu matériel du culte, le bâtiment église, mais bien les fidèles qui se rassemblent pour prier. En français nous écrivons église avec un petit « e » pour indiquer le bâtiment et Eglise avec un grand « E » pour signifier la communauté des croyants. En suivant cette seconde lecture de l’événement rapporté par l’Evangile, nous comprenons que le Carême est ce temps privilégié de grâce qui nous permet de faire le ménage dans le temple intérieur de notre âme. Quels sont les marchands qui nous habitent et que nous devrions chasser hors de nous pour l’amour de Dieu ? Le rappel des dix commandements dans la première lecture peut nous aider à identifier les zones de notre être qui ont besoin de purification. Relevons par exemple la sanctification du sabbat, donc du dimanche, mais aussi le péché de convoitise : Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient.

vendredi 2 mars 2018

Quatrième dimanche du temps ordinaire / B



Marc 1, 21-28

28/01/18

Après avoir appelé ses quatre premiers disciples au bord du lac, Jésus commence avec eux sa mission. Nous avons entendu, dimanche dernier, le contenu de sa première prédication : Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. Il s’agit maintenant pour le Seigneur de présenter cette Bonne Nouvelle à ses contemporains. Pour ce faire il choisit un lieu et un jour : la synagogue de Capharnaüm et le sabbat. Saint Marc ne nous dit rien de l’enseignement donné par Jésus ce jour-là. Il se limite à décrire la réaction des auditeurs : ce prédicateur est différent des autres, il émane de sa personne une autorité particulière. Cela nous montre à quel point, dès le début, Jésus a touché les cœurs par sa parole. Puis survient l’intervention d’un homme tourmenté par un esprit mauvais. La prédication de Jésus est interrompue par ses cris. A travers la voix de ce pauvre homme, ce sont bien les démons qui s’expriment avec l’emploi du « nous ». Eux aussi comprennent qu’en Jésus réside une autorité toute divine et qui menace leur pouvoir. Puis le récit passe du « nous » au « je » : je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu. L’homme possédé révèle l’identité messianique du nouveau prédicateur dans la synagogue. Il affirme que Jésus est en effet le Messie, l’envoyé de Dieu. Ce que Jésus refuse : silence ! Sors de cet homme. Ce n’est pas au démon de révéler qui est Jésus. Dans l’Evangile selon saint Marc, cette révélation de l’identité du Christ se fait par étapes, et elle implique une adhésion à sa personne par la foi et l’amour. Elle suppose toujours la liberté, donc le contraire de la possession démoniaque. Ce n’est que bien plus tard, au chapitre 8, que Pierre, l’un des premiers disciples, sera capable de faire cet acte de foi : Tu es le Messie. Et à ce moment-là, Jésus demande à Pierre et aux autres disciples de garder pour eux cette révélation, cette vérité sur sa personne. Un passage de la lettre de saint Jacques peut nous aider à comprendre pourquoi Jésus condamne au silence l’homme possédé qui confesse, presque malgré lui, dans les cris et la souffrance, qu’il est le Messie : Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte. En revanche, on va dire : Toi, tu as la foi ; moi, j’ai les œuvres. Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. Toi, tu crois qu’il y a un seul Dieu. Fort bien ! Mais les démons, eux aussi, le croient et ils tremblent. Homme superficiel, veux-tu reconnaître que la foi sans les œuvres ne sert à rien ?  La seule profession de foi que Jésus peut donc accepter est celle de la foi agissant par la charité. Comme l’affirme saint Paul, seule vaut la foi qui agit grâce à l’amour. Les démons de par leur intelligence supérieure à la nôtre sont capables de dire une vérité sur Jésus, mais ils sont incapables d’aimer. Croire en la Bonne Nouvelle et se convertir sont donc une seule et même chose. L’autorité du témoignage de l’Eglise, comme de celui de chacun d’entre nous, provient de son engagement concret en vue de la libération de tout homme et de tous les hommes. Lorsque notre témoignage est animé par la foi qui agit grâce à l’amour, il révèle avec autorité qui est Jésus Seigneur. C’est en libérant du mal que Jésus manifeste qu’il est Seigneur. L’Eglise et les chrétiens participent à cette œuvre de salut en travaillant, avec la grâce de Jésus et l’inspiration de l’Esprit, à la libération intégrale de tout homme : libération tout d’abord du mal moral, le péché, et du Mal inspiré par Satan, Prince de ce monde, mais aussi du mal de la misère et de l’injustice. Le christianisme est un enseignement nouveau parce qu’il a le pouvoir non seulement de changer les cœurs de pierre en cœurs de chair, mais aussi de transformer les structures de péché régissant nos sociétés en bien commun. C’est tout l’objet de la doctrine sociale de l’Eglise, malheureusement trop méconnue par beaucoup de catholiques. A ce propos, le pape François affirme : un chrétien, s’il n’est pas un révolutionnaire en ce temps, n’est pas un chrétien.