samedi 25 novembre 2006

Le Christ Roi de l'univers

Le Christ, roi de l’univers / année B
26 novembre 2006
Page 1037 ; Jean 18, 33b-37

Pour introduire la méditation que je vous propose en cette fête, permettez-moi de citer un peu longuement les premiers versets du prologue de saint Jean :
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. L’univers n’a existé que par lui et rien n’a existé sans lui. Ce qui a existé, était vie grâce à lui, et pour les hommes la vie se faisait lumière.[1] »
Ce n’est pas hasard que Jean commence son Evangile avec ces mots : « au commencement »… Il nous renvoie ainsi au début du premier livre de la Bible, le livre de la Genèse :
« Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. »
Jean nous révèle que Dieu est le créateur de toutes choses par sa Parole, par son Verbe. Si Jésus est le Roi de l’univers, c’est d’abord parce qu’il est le Verbe fait chair, celui dans lequel et par lequel Dieu le Père a appelé à la vie toutes les créatures.
Au sommet de sa création, Dieu place l’humanité. Et il confie à l’homme et à la femme une mission bien particulière :
« Développez-vous, multipliez-vous, remplissez la terre et dominez-la. Ayez autorité sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui vont et viennent sur la terre.[2] »
Pourquoi citer ici ce verset du premier récit de Création ? Tout simplement pour mieux comprendre la première lecture :
« Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. »
Dieu donne à l’homme la domination et l’autorité sur toutes les autres créatures. Dieu donne au Fils de l’homme une domination éternelle. La royauté du Christ nous renvoie donc à la royauté de l’homme, et vice-versa. Mais seul le Christ est l’alpha et l’oméga, c’est-à-dire le commencement et la fin, le Tout Puissant.
Et nous savons par le livre de la Genèse que le péché d’Adam et Eve a été un péché d’orgueil. Ils ont voulu égaler Dieu, et de ce fait ils sont tombés. Cette domination que Dieu leur avait donnée sur l’univers va laisser la place à une malédiction : « le sol sera maudit à cause de toi ». Et c’est pour notre humanité une déchéance : « tu es poussière et tu retourneras en poussière. » En péchant l’homme a perdu sa gloire.
C’est le Christ roi de l’univers qui nous avait créé, c’est aussi lui qui dans son immense amour va nous sauver et nous racheter par le mystère de l’incarnation : « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. »
« A lui qui nous aime, qui nous a délivré de nos péchés par son sang, qui a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père, à lui gloire et puissance pour les siècles des siècles. »
Dans la création originelle, l’homme et la femme participaient à la royauté de Dieu en dominant la terre. Après le péché, c’est le Christ Roi de l’univers qui, par amour, leur redonne une participation à sa propre royauté. Nous savons que c’est par le baptême et la confirmation que nous sommes devenus prêtres, prophètes et rois, participants de la royauté du Christ. Cette royauté ne vient pas de ce monde, elle ne vient pas de la terre. Elle est donnée par Dieu. D’où la nécessité du sacrement de baptême pour en être rendus participants.
Comment pouvons-nous donc honorer le Christ Roi de l’univers ? En exerçant notre royauté baptismale à sa manière, en mettant nos pas dans ses pas :
« Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. » Cette mission pourrait nous sembler bien théorique. Nous savons bien qu’il n’en est rien. Par ses paroles et par ses actes, le Seigneur nous a montré très concrètement ce que pouvait bien signifier : « rendre témoignage à la vérité. » Honorer le Christ Roi, c’est donc chercher à l’accueillir chaque jour dans nos vies, c’est méditer ses paroles et ses exemples pour les faire passer dans nos actes et dans nos choix. La vérité chrétienne n’est pas seulement affaire d’intellect, elle n’est rien si elle ne va pas jusqu’à toucher le coeur, si elle n’a pas le pouvoir de nous mettre en mouvement…
Car c’est « celui qui pratique la vérité qui vient vers la lumière.[3] »
Amen
[1] Jean 1, 1-4
[2] Genèse 1, 28
[3] Jean 3, 21

vendredi 17 novembre 2006

Sermon de BOSSUET sur la Parole de Dieu

Une fois n'est pas coutume, je vous présente un commentaire sur un magnifique sermon de Bossuet, celui sur la Parole de Dieu (1661).
C'est l'occasion de vous faire connaître l'un des plus grands prédicateurs que la France ait connu:
Jacques Bénigne BOSSUET, né à Dijon en 1627, mort à Paris en 1704.

Le ministère de la Parole

Sermon de Bossuet sur la Parole de Dieu

La réforme liturgique voulue par le Concile Vatican II a donné à la Parole de Dieu une place essentielle dans la célébration des sacrements et tout particulièrement dans la célébration du sacrement de l’eucharistie. Les prédicateurs sont ainsi passés du sermon qui abordait l’un ou l’autre point de la foi catholique à l’homélie, c’est-à-dire à une mise en lumière de la Parole de Dieu. La constitution sur la Sainte Liturgie (Sacrosanctum Concilium, 4 décembre 1963) affirme d’une manière significative que le Christ « est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Eglise les Saintes Ecritures » (n°7). Dans la même constitution nous trouvons des expressions maintenant bien connues pour caractériser la liturgie de la Parole et la liturgie eucharistique : « La table de la parole de Dieu » (n°51) et « la table du Corps du Seigneur » (n°48). La conclusion logique de tout cela c’est bien sûr l’unité du sacrement de l’eucharistie : « Les deux parties qui constituent en quelque sorte la messe, c’est-à-dire la liturgie de la parole et la liturgie eucharistique, sont si étroitement unies entre elles qu’elles constituent un seul acte de culte » (n°56). Certains ont voulu voir dans la doctrine des « deux tables » une nouveauté. En fait cet enseignement du Concile s’enracine dans la Tradition patristique. Au 15ème siècle l’Imitation de Jésus-Christ utilise déjà le vocabulaire des « deux tables » : « L’une est la table de l’autel sacré, sur lequel repose un pain sanctifié, c’est-à-dire le Corps précieux de Jésus-Christ. L’autre est la table de la loi divine, qui contient la doctrine sainte, qui enseigne la vraie foi, qui soulève le voile du sanctuaire, et nous conduit avec sûreté jusque dans le Saint des saints » (IV, 11, 4). Au 17ème siècle le grand prédicateur que fut Bossuet développe avec vigueur et génie « cette alliance sacrée qui est entre la chaire et l’autel ». Son sermon sur la Parole de Dieu, donné le 13 mars 1661 à l’occasion du deuxième dimanche de Carême, est en effet une profonde méditation sur « ce rapport admirable entre l’autel et la chaire ». Bossuet part de l’Evangile de la Transfiguration, et tout particulièrement du verset 5 au chapitre 17 de saint Matthieu : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le : Ipsum audite ». La doctrine de Bossuet est nourrie bien sûr par l’Ecriture, la théologie mais aussi par les Pères de l’Eglise, tout particulièrement Saint Augustin qui est cité comme « fondement » de tout le développement. A peine âgé de 34 ans, Bossuet nous livre dans ce sermon une synthèse doctrinale d’une étonnante vérité quant au ministère de la Parole dans l’Eglise et son importance sacrée. Le plan du sermon est le suivant : l’exorde suivi par trois points de développement. Un texte aussi dense et aussi beau ne peut se résumer facilement. Je vous propose toutefois de le parcourir dans ses grandes lignes. Bossuet peut encore aujourd’hui nous aider à participer « consciemment, pieusement et activement à l’action sacrée » par excellence qu’est la célébration de l’eucharistie (Sacrosanctum Concilium, n°48).

Exorde : le rapport admirable entre l’autel et la chaire

Bossuet se propose d’emblée d’approfondir dans son sermon « ce secret rapport entre le mystère de l’Eucharistie et le ministère de la parole ». Et ceci dans un but unique : pour susciter chez les auditeurs de la Parole de Dieu et de la prédication de « saintes dispositions ». Je citerai ici un peu longuement un très beau passage de l’exorde. C’est la thèse du prédicateur, le fondement de tout son développement :
« Le temple de Dieu, mes Sœurs, a deux places augustes et vénérables, je veux dire l’autel et la chaire. Là, se présentent les requêtes ; ici, se publient les ordonnances ; là, les ministres des choses sacrées parlent à Dieu de la part du peuple ; ici, ils parlent au peuple de la part de Dieu ; là, Jésus-Christ se fait adorer dans la vérité de son corps ; il se fait reconnaître ici dans la vérité de sa doctrine. Il y a une très étroite alliance entre ces deux places sacrées, et les œuvres qui s’y accomplissent ont un rapport admirable. Le mystère de l’autel ouvre le cœur pour la chaire ; le ministère de la chaire apprend à s’approcher de l’autel ».

Premier point : auditeurs fidèles et prédicateurs évangéliques

Pour Bossuet « le ministère de la parole » est le « plus grave, le plus important, le plus nécessaire emploi de l’Eglise ». Dans son sermon il s’adresse autant aux prédicateurs qu’aux auditeurs. Et le parallèle qu’il ne cesse de faire entre l’autel et la chaire doit amener les uns et les autres au plus grand respect envers la Parole de Dieu et la sainte prédication qui en découle. Le grand prédicateur qu’est l’aigle de Meaux (Bossuet était évêque de cette ville) s’élève contre une tendance de son époque : la prédication mondaine. Lorsque l’éloquence et les figures de style deviennent la priorité des prédicateurs, alors la sainte prédication est abaissée au rang d’un divertissement futile : « Il y a ici un ordre à garder : la sagesse marche devant comme la maîtresse, l’éloquence s’avance après comme la suivante ». L’éloquence doit donc toujours être secondaire. A la suite de saint Augustin, Bossuet affirme avec force l’éminente dignité du ministère de la prédication. Pour lui les prédicateurs de l’Evangile montent en chaire « dans le même esprit qu’ils vont à l’autel ; il y montent pour célébrer un mystère, et un mystère semblable à celui de l’Eucharistie. Car le corps de Jésus-Christ n’est pas plus réellement dans le sacrement adorable que la vérité de Jésus-Christ est dans la prédication évangélique ». Jésus-Christ est la Vérité. Le prédicateur évangélique doit se soumettre en toutes choses à cette divine vérité. L’auditeur évangélique doit désirer de toutes ses forces la vérité de l’Evangile en écoutant les saintes prédications. « D’où il faut tirer cette conséquence, qui doit faire trembler tout ensemble et les prédicateurs et les auditeurs, que, tel que serait le crime de ceux qui feraient ou exigeraient la célébration des divins mystères autrement que Jésus-Christ ne les a laissés, tel est l’attentat des prédicateurs et tel celui des auditeurs, quand ceux-ci désirent et que ceux-là donnent la parole de l’Evangile autrement que ne l’a déposée entre les mains de son Eglise ce céleste prédicateur que le Père nous ordonne aujourd’hui d’entendre : Ipsum audite. » Qui est donc le prédicateur évangélique ? « Celui qui fait parler Jésus-Christ […], un interprète fidèle qui n’altère, ni ne détourne, ni ne mêle, ni ne diminue sa sainte parole ». Le prédicateur est l’humble serviteur de la Parole de Dieu. Et si à certaines époques les prédicateurs évangéliques se font rares, c’est parce que les chrétiens ne cherchent plus « en vérité la saine doctrine ». Bossuet parle ici d’un mystère : « Ce sont les auditeurs fidèles qui font les prédicateurs évangéliques, parce que, les prédicateurs étant pour les auditeurs, ‘les uns reçoivent d’en haut ce que méritent les autres’ ». Bossuet cite ici saint Pierre Chrysologue pour évoquer ce mystère de l’interaction entre prédicateurs et auditeurs.

Deuxième point : la parole de Dieu doit aller au cœur de l’auditeur

« Le second rapport, Chrétiens, que nous avons remarqué entre la parole de Dieu et l’Eucharistie, c’est que l’une et l’autre doit aller au cœur, quoique par des voies différentes : l’une par la bouche, l’autre par l’oreille ». L’écoute attentive de la parole de Dieu s’impose donc à tout chrétien car « il ne faut pas croire que Jésus-Christ se sente moins outragé quand on écoute sa vérité avec peu d’attention que quand on manie son corps avec peu de soin ». Dans la prédication, il y a le prédicateur visible. Mais n’oublions pas le prédicateur invisible, Dieu lui-même. C’est Lui et Lui seul qui par l’Esprit Saint peut faire que « cette parole sensible et extérieure » aille jusqu’au cœur de l’auditeur : « Outre le son qui frappe l’oreille, il y a une voix secrète qui parle intérieurement, et ce discours spirituel et intérieur, c’est la véritable prédication, sans laquelle tout ce que disent les hommes ne sera qu’un bruit inutile ». Bossuet se réfère encore à saint Augustin pour développer d’une manière admirable la thèse de son deuxième point : « Tant que les lumières de Dieu demeurent simplement à l’intelligence, ce n’est pas encore la leçon de Dieu, ce n’est pas l’école du Saint-Esprit, parce qu’alors, dit saint Augustin, Dieu ne nous enseigne que selon la loi, et non encore selon la grâce ; selon la lettre qui tue, non selon l’esprit qui vivifie. Donc, mes Frères, pour être attentif à la parole de l’Evangile, il ne faut pas ramasser son attention au lieu où se mesurent les périodes, mais au lieu où se règlent les mœurs ; il ne faut pas se recueillir au lieu où l’on goûte les belles pensées, mais au lieu où se produisent les bons désirs ; ce n’est pas même assez se retirer au lieu où se forment les jugements, il faut aller à celui où se prennent les résolutions ». Comment ne pas penser ici à un autre génie spirituel du 17ème siècle français, Blaise Pascal ? « Qu’il y a loin de la connaissance de Dieu à l’aimer. […] C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison ».

Troisième point : la parole de Dieu accueillie dans le cœur nous fait accomplir la volonté de Dieu

Comment savoir si nous écoutons avec attention la parole de Dieu et la sainte prédication ? Comment savoir si nous ouvrons réellement notre cœur à cette divine parole ? Bossuet répond en poursuivant le parallèle avec l’Eucharistie : « Comme nous ne connaissons si nous avons reçu dignement le corps du Sauveur qu’en nous mettant en état qu’il paraisse qu’un Dieu nous nourrit, ainsi nous ne remarquons que nous ayons bien écouté sa sainte parole qu’en vivant de telle manière qu’il paraisse qu’un Dieu nous enseigne ». Bref si la parole de Dieu et le ministère de la prédication ne nous convertissent pas, c’est le signe évident que nous sommes de mauvais auditeurs. Nous écoutons d’une manière distraite et superficielle, nous arrêtant davantage à l’éloquence et à l’aspect du prédicateur qu’au contenu de la vérité évangélique qu’il est chargé de nous transmettre dans toute sa pureté. Nous ne nous laissons pas toucher par la grâce du prédicateur invisible. Le troisième point du sermon avait été annoncé dès l’exorde par une belle comparaison entre la transsubstantiation eucharistique et la transformation des fidèles : « Là, par l’efficace (comprendre : l’efficacité) du Saint-Esprit et par des paroles mystiques, auxquelles on ne doit point penser sans tremblement, se transforment les dons proposés au corps de Notre Seigneur Jésus-Christ ; ici, par le même Esprit et encore par la puissance de la parole divine, doivent être secrètement transformés les fidèles de Jésus-Christ pour être faits son corps et ses membres ». Et Bossuet de conclure sur « ce nouveau rapport entre la doctrine sacrée et l’Eucharistie. Celle-ci, s’approchant des hommes, vient discerner les consciences avec une autorité et un œil de juge ; elle couronne les uns, elle condamne les autres : ainsi la divine parole, ce pain des oreilles, ce corps spirituel de la vérité ; ceux qu’elle ne touche pas, elle les juge ; ceux qu’elle ne convertit pas, elle les condamne ; ceux qu’elle ne nourrit pas, elle les tue. »

Au terme de ce merveilleux parcours sur la parole de Dieu et le ministère de la prédication en compagnie de Bossuet, je lui laisserai une dernière fois la parole. Une parole qui nous appelle à avoir une même vénération, un même respect pour les deux parties constitutives du sacrement de l’Eucharistie que sont la liturgie de la Parole et la liturgie eucharistique :
« Mes Frères, ces mystères sont amis ; ne soyons pas assez téméraires pour en rompre la société. Adorons Jésus-Christ avant qu’il nous parle ; contemplons en respect et en silence ce Verbe divin à l’autel, avant qu’il nous enseigne dans cette chaire. Que nos cœurs seront bien ouverts à la doctrine céleste par cette sainte préparation ! Pratiquez-là, Chrétiens : ainsi Notre Seigneur Jésus-Christ puisse être votre docteur ! »

Père Robert Culat
3. I.2006

33ème dimanche du temps ordinaire

33ème dimanche du temps ordinaire / B
19 novembre 2006
Page 984, Marc 13, 24-32

Dimanche prochain, notre année chrétienne s’achèvera avec la solennité du Christ Roi. C’est dans cette perspective que la liturgie de la Parole nous propose aujourd’hui un passage du discours eschatologique de Jésus en saint Marc. A la fin de notre année liturgique correspond ainsi un enseignement sur la fin des temps, sur le retour du Christ dans la gloire. Il nous est toujours difficile de bien comprendre ces textes eschatologiques. Ils nous renvoient du point de vue du vocabulaire et du contenu au dernier livre de la Bible, l’Apocalypse. Le sens véritable du mot « apocalypse » nous est donné par le premier et le dernier verset de ce livre biblique. Le livre de l’Apocalypse s’ouvre avec les mots suivants :
« Voici la révélation de Jésus-Christ. Dieu lui a donné de montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt. »
Et le dernier livre de la Bible s’achève ainsi :
« Oui, viens, Seigneur Jésus ! Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec vous tous. »
Ce qui est donc au centre de ces révélations bibliques, ce ne sont pas d’abord des catastrophes, mais bien la personne de Jésus : Jésus ressuscité, Jésus qui revient dans sa gloire. L’Apôtre Paul parle lui aussi de cette parousie du Christ :
« Alors viendra la fin. Le Christ aura dominé toutes les lois, les forces et les souverains de l’univers, et il remettra le Royaume à Dieu le Père. […] Quand tout lui sera soumis, le Fils se soumettra à celui qui lui a soumis toutes choses, et Dieu sera désormais tout en tous.[1] »
Dieu sera tout en tous : c’est une très belle manière de parler du salut de l’humanité et de la création dans le Royaume du Christ. Ce salut est en germe dans l’Eglise et par l’action de l’Esprit tant que dure notre histoire humaine. Mais lorsque notre histoire et avec elle, la création tout entière, atteindra son terme, c’est alors que le salut du Christ sera pleinement accompli et manifesté :
« Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel. »
Pour comprendre l’ébranlement cosmique dont il est question dans cet Evangile, reportons-nous à la parole centrale de Jésus, celle qui donne sens à tout ce passage :
« Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. »
A l’ébranlement du ciel et de la terre, il faut donc opposer la stabilité et la permanence de la parole du Christ. Les chartreux ont choisi comme devise : « Stat Crux dum volvitur orbis. » La croix demeure tandis que le monde tourne et passe… Nous préparer à la venue du Christ, c’est donc vivre notre aujourd’hui non pas dans la peur ou dans la recherche de nouvelles révélations, mais dans la foi, l’espérance et la charité. Car c’est bien par ces vertus théologales que nous pouvons nous accrocher à ce qui demeure, et mettre à leur juste place les réalités transitoires de notre monde et de notre histoire.
Je conclurai en faisant allusion au thème de la collecte nationale du Secours Catholique en ce dimanche :
« Rompre la solitude. »
Une enquête du Secours Catholique montre qu’en France et dans notre département la solitude ne cesse de progresser depuis les années 60. Le psaume 101 décrit d’une manière dramatique l’isolement d’un croyant qui s’en remet à Dieu dans la prière :
« Mes jours s’en vont en fumée, mes os comme un brasier sont en feu ; mon cœur se dessèche comme l’herbe fauchée. […] Je ressemble au corbeau du désert, je suis pareil à la hulotte des ruines : je veille la nuit, comme un oiseau solitaire sur un toit. »
Toute la Bible nous rappelle que la vocation de l’homme c’est la communion et l’amour, car « il n’est pas bon que l’homme soit seul. »
Au baptême et à la confirmation, nous avons reçu la charité de Dieu, cet amour qui nous pousse vers les autres pour nous mettre à leur service. Que les bénévoles du Secours Catholique soient en ce jour remerciés pour leur engagement et encouragés par notre offrande. Surtout que chacun d’entre nous ait le souci des personnes souffrant de solitude et d’isolement : dans le cercle familial et dans le voisinage immédiat. Enfin pensons à toutes les personnes malades et âgées qui dans les hôpitaux ou à domicile subissent aussi le poids de la solitude. Une équipe de pastorale de la santé existe dans notre paroisse pour répondre à l’attente de ces frères et sœurs. Comme souvent, « la moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux ! » Que l’Esprit Saint nous éclaire sur notre engagement de chrétiens !
Amen

[1] 1 Corinthiens 15, 24.28

dimanche 12 novembre 2006

32ème dimanche du temps ordinaire

32ème dimanche du TO/B
12 novembre 06
Page 935

L’évangéliste Marc nous invite à méditer en ce dimanche deux petits tableaux : celui dépeignant les scribes, et celui dépeignant la pauvre veuve. Le second tableau oppose les gens riches à la pauvre veuve, j’y reviendrai. Mais il y a aussi une opposition entre les scribes du premier tableau et la veuve du second tableau.
Ce n’est pas sans raison que Jésus souligne l’une des attitudes des scribes :
« Ils dévorent les biens des veuves. »
Cette remarque nous renvoie bien sûr à la pauvre veuve. Les scribes étaient des gens respectés et aisés. Et ils avaient tendance à abuser de leur pouvoir spirituel pour s’en mettre plein les poches, et cela aux dépens des plus pauvres. Dans la mentalité biblique, les plus pauvres ce sont les veuves et les orphelins. Cette fâcheuse tendance à instrumentaliser la spiritualité en vue de gains matériels n’appartient pas qu’au passé. L’Eglise a dû condamner la simonie tant les abus pouvaient être nombreux et scandaleux. C’est la vente des indulgences en vue de la reconstruction de la basilique saint Pierre qui a provoqué la révolte de Luther et le mouvement de la Réforme. Et aujourd’hui certains télévangélistes américains utilisent la foi chrétienne pour s’en mettre plein les poches, et cela en abusant bien souvent de la crédulité des personnes les plus simples et les plus pauvres.
Nous avons donc d’un côté les scribes qui exploitent les veuves, et de l’autre une pauvre veuve qui dépose dans le tronc tout ce qu’elle a pour vivre.
De cette scène, Jésus tire bien plus qu’un simple enseignement sur la générosité ou encore un enseignement de sagesse. Car en comparant les gens riches et la pauvre veuve, la sagesse nous enseigne que ce qui compte ce n’est pas la quantité de notre don, considérée en soi, mais bien le don relatif. C’est-à-dire notre don mis en relation avec notre situation personnelle. Une star du ciné qui donne 1000 euros à une œuvre caritative donne moins qu’un chômeur qui se sacrifie pour faire un don de 50 euros. C’est évident !
La pointe de cet Evangile n’est donc pas à chercher de ce côté-là. Tant que nous ne sommes pas scandalisés par l’attitude de cette pauvre veuve, nous ne pouvons pas comprendre cet Evangile. Car soyons honnêtes, qui d’entre nous, à la sortie de cette messe, serait prêt à donner tout le contenu de son compte en banque ? Or, c’est bien ce que fait cette veuve, en prenant sur son indigence, sur son nécessaire. Et nous pouvons bien qualifier son attitude de folie ou d’irraisonnable…
Avant d’aller plus avant établissons ce qui pourrait nous sembler au premier abord un paradoxe : moins une personne a de biens, plus elle peut être généreuse. Ce sont souvent les personnes riches qui ont le plus de mal à donner… C’est dans une certaine mesure assez logique : au plus notre capital est important, au plus nous risquons de nous y attacher… Et alors il coûte davantage de s’en défaire, même si ce n’est que du superflu…
C’est la deuxième lecture qui peut nous aider à trouver la fine pointe de cette scène évangélique :
« C’est une fois pour toutes, au temps de l’accomplissement, que le Christ s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. »
En fait l’offrande de la pauvre veuve est une image du sacrifice du Christ :
« Elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. » Ce geste est fou, car sans aide extérieure, la veuve se condamne ainsi à mort, car elle n’a littéralement parlant plus rien pour vivre. C’est donc un sacrifice qu’elle fait, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit d’un holocauste. C’est-à-dire un sacrifice total, dans lequel celui qui offre donne absolument tout et ne garde rien pour lui.
En s’offrant tout entier sur le bois de la croix, le Christ, grand prêtre de la nouvelle Alliance, réalise un holocauste. Non pas avec le sang des animaux, mais avec son propre sang, sa propre vie. Dans l’holocauste il n’y a pas de retour possible en arrière. Ce qui est donné est donné. Les holocaustes de l’ancienne Alliance consistaient à brûler entièrement la victime, à la réduire en cendres.
Le geste de la pauvre veuve est fou car il nous rappelle une autre folie, celle de l’amour divin dans le sacrifice de la Croix :
« C’est que le monde, avec sa sagesse, n’a pas reconnu Dieu quand il mettait en œuvre sa sagesse. Il a donc plu à Dieu de sauver des croyants grâce à une folie que nous proclamons.[1] »
Mis en présence de la pauvre veuve, nous nous sentons bien petits et incapables. Elle nous ouvre cependant un chemin de vie chrétienne : celui du don de soi à la suite du Christ. Un don qui ne triche pas, un don qui ne fait pas semblant, bref un don total, quelle que soit notre vocation et notre état de vie. Notre générosité et notre sens du partage sont des étapes indispensables dans notre apprentissage du don de nous-mêmes. Alors ne négligeons surtout pas de nous exercer dans ces domaines !
Amen
[1] 1 Co 1, 21