dimanche 26 décembre 2010

LA SAINTE FAMILLE

La Sainte Famille / A
26/12/2010
Matthieu 2, 13-23 (p. 252)

Parmi les temps liturgiques de notre année chrétienne, le temps de Noël ou de la Nativité du Seigneur est le plus bref. Avant la réforme liturgique il durait jusqu’au 2 février, fête de la présentation du Seigneur au temple. Aujourd’hui il se termine en janvier avec la fête du baptême du Seigneur. Notre célébration du mystère de l’Incarnation est donc à la fois brève et intense : c’est un chapelet de fêtes que synthétise le temps de Noël. En partant de son fondement, la naissance du Sauveur dans la nuit de la Nativité, jusqu’au commencement du ministère public de Jésus au moment de son baptême, en passant par la fête de la Sainte Famille, de Marie Mère de Dieu et de l’Epiphanie... Que de richesses spirituelles en si peu de temps !

Nous célébrons donc en ce lendemain de Noël la sainte famille de Jésus, Marie et Joseph, non pas comme une fête à part mais comme une fête du temps de Noël, c’est-à-dire une fête qui manifeste un aspect du mystère de l’incarnation. Lorsque Dieu se fait homme en son Fils, même s’il vient au monde par une conception virginale, il entre, lui aussi, dans une famille humaine. La place de Marie était absolument nécessaire dans cette volonté divine de l’incarnation. Mais la place de Joseph l’est tout autant même si cela semble moins évident de par le fait qu’il n’est pas le géniteur de Jésus. Il fallait que Joseph prenne chez lui son épouse Marie pour que le Fils de Dieu s’incarne vraiment et qu’il ait donc comme chacun et chacune d’entre nous une véritable famille humaine.

Si saint Luc insiste sur le rôle de Marie, saint Matthieu, lui, centre tout son récit sur la personne de Joseph. Nous avons déjà rencontré cette figure discrète et attachante dans l’Evangile du 4ème dimanche de l’Avent avec le texte de l’annonciation à Joseph, lors d’un songe. Dieu adopte une manière particulière d’entrer en relation avec le père adoptif de son Fils unique : il envoie son ange à Joseph pendant qu’il dort pour le guider sur la conduite qu’il doit adopter. Notre Evangile signale tout de même trois manifestations angéliques à l’occasion d’un songe, ce qui n’est pas rien ! Dans la sainte famille Joseph tient la place du père protecteur. Quand Dieu veut se faire si proche des hommes pour leur dire son amour, l’ennemi du genre humain fait tout pour tenter de mettre en échec l’incarnation de la Parole divine. A Bethléem, lors du recensement, il n’y a pas de place dans l’hôtellerie pour Marie enceinte et Joseph. Après la naissance de Jésus au milieu des animaux de l’étable, Joseph parvient à trouver un logement pour sa famille à Bethléem comme semble l’indiquer le texte de Matthieu lors de la venue des Mages. Mais voilà que se lève un nouveau danger avec la folie meurtrière du roi Hérode d’où la nécessité de fuir en Egypte. Peut-être que certains pères pourraient jalouser Joseph en pensant que c’était bien facile pour lui d’être père puisque Dieu lui soufflait dans des songes la conduite à tenir... L’exemple de Joseph nous montre une paternité qui protège du danger, une paternité qui sauve et préserve la vie. Mais Joseph n’était pas pour autant un père possessif. Il disparaît des Evangiles, contrairement à Marie, après l’épisode douloureux de Jésus perdu et retrouvé au temple à l’âge de 12 ans. Joseph est ce père qui protège la vie en ses commencements, Jésus bébé et enfant, pour ensuite s’effacer devant son fils et sa mission. La vocation de père de famille aujourd’hui est probablement plus difficile à vivre qu’à d’autres époques, et cela pour des raisons que nous connaissons tous. La difficulté se situe, me semble-t-il, dans le juste équilibre à trouver entre une présence aimante et protectrice et le respect de la personnalité et de la liberté de ses enfants au fur et à mesure qu’ils grandissent et s’émancipent. Protéger ne signifie pas étouffer ou enfermer. De même que le respect de la liberté de ses enfants ne signifie pas indifférence à leur égard.

Saint Joseph peut être enfin une source d’inspiration pour les pères dans sa manière de faire. Si l’Evangile nous rapporte des paroles de Marie, avez-vous remarqué que Joseph semble être le grand muet, celui qui ne parle pas ? C’est l’homme des songes, nous l’avons vu. C’est aussi celui qui se caractérise d’abord par son agir : « Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère, et se retira en Egypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode » ; « Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère, et rentra au pays d’Israël ». La sainteté de Joseph, père et époux, se trouve dans son action en faveur des siens, dans sa docilité aux inspirations de Dieu. Le bon père de famille ne serait-il donc pas celui qui a conscience de participer à la paternité même de Dieu ? Ne serait-il pas celui qui donne l’exemple, davantage par ses actes que par ses paroles ? Il semble bien que oui lorsque nous contemplons la figure de Joseph. Et ce qui est valable pour les pères de famille l’est aussi dans une certaine mesure pour toute personne dévouée à l’éducation des enfants et des jeunes. La meilleure autorité sera toujours celle de l’exemple donné, un exemple qui invite l’enfant à désirer ce qui est bon et juste. Un exemple que le jeune voudra imiter s’il percoit que l’agir selon le bien est source de joie véritable.

NATIVITE DU SEIGNEUR

Nativité du Seigneur 2010
Messe du jour
Jean 1, 1-18 (p. 216)

Pour cette messe du jour de Noël, l’Eglise offre à notre méditation le prologue de l’Evangile selon saint Jean. Cette page évangélique est sans aucun doute l’une des plus belles de toute la Bible. Comment ne pas être touché tout d’abord par la beauté de la forme littéraire ? Le prologue de Jean mérite en effet d’être compté parmi les chefs d’oeuvres de la littérature mondiale. Cette beauté de l’écriture et de la composition, Jean veut la mettre au service de la révélation divine. Le prologue de son Evangile est beau parce qu’il nous révèle avec une profondeur de vue unique en son genre le mystère de l’incarnation : « Le Verbe s’est fait chair, Il a habité parmi nous ». Si Luc dans la nuit de Noël essaie de nous rapporter le plus fidèlement possible l’événement de la crêche, Jean, lui, choisit de prendre ses distances avec la narration de la naissance pour nous plonger au coeur même du mystère que celle-ci inaugure. Nous percevons tous la densité théologique ce de prologue qui nous présente la naissance du Sauveur dans un contexte plus large, celui du projet de salut de Dieu pour notre humanité.

Inspiré par l’Esprit Saint, Jean a l’audace de commencer ainsi son Evangile : « Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu... ». Comment ne pas penser à la toute première page de la Bible, au début du livre de la Genèse ? « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre ». Nous pourrions lire et méditer en parallèle le premier chapitre de la Genèse et le prologue de l’Evangile selon saint Jean. Ces deux textes bibliques s’éclairent mutuellement. Dans son prologue Jean insiste fortement sur le rôle créateur du Verbe, de la Parole de Dieu. Dieu crée toutes choses par son Fils unique, par sa Parole. Lorsque dans le magnifique poème de la Genèse nous trouvons le refrain : « Dieu dit », nous comprenons alors qu’il s’agit d’une formule théologique cachée sous une expression à l’apparence banale... Oui, Dieu dit parce qu’il a une Parole, et c’est bien par l’expression de sa Parole qu’il fait surgir du néant l’être et l’existence. Et que crée-t-il au premier jour de la création ? La lumière, qu’il sépare des ténèbres. Une lumière qui a un sens spirituel puisque le soleil est créé seulement au 4ème jour... Et que lisons-nous dans notre prologue à propos du Verbe de Dieu ? « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée ». Cette démonstration est peut-être difficile à suivre pour ceux qui n’ont pas une connaissance familière de ces textes mais elle nous indique une vérité précieuse dans le message transmis par l’évangéliste : A Noël, à l’instant où le Verbe se fait chair, c’est une nouvelle création qui commence, une recréation. La Genèse nous apprend que nous avons été créés à l’image de Dieu, selon sa ressemblance, par sa Parole. Cet Evangile nous révèle qu’à Noël Dieu crée pour lui des fils et des filles en nous donnant sa Parole, son Fils unique : « Il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu ». le grand mystère de l’incarnation annonce le mystère de notre renaissance par le baptême. Le Fils de Dieu se fait homme, pour que tout homme puisse devenir fils de Dieu. Voilà la signification principale du mystère que nous célébrons dans la joie et la gratitude. Dans la deuxième lecture nous avons comme un résumé de toute l’histoire du salut, histoire des alliances entre Dieu et les hommes. Il y a tout d’abord l’alliance fondamentale, celle de la Genèse, celle de la création. C’est ce qui est, que nous en soyons conscients ou pas : nous sommes tous des créatures de Dieu, nous portons dans notre vie, même blessée, la trace du Verbe créateur. Et avant de parvenir à la perfection de la Nouvelle Alliance, celle inaugurée par le mystère de Noël, il y a eu l’Ancienne Alliance, celle de Moïse, Alliance dans laquelle les créatures étaient appellées à servir Dieu pour trouver le salut. Avec l’incarnation, Dieu veut tisser avec nous des liens d’amitié, de tendresse, de confiance et d’amour. Il ne contente pas de ce qui est. Il ne veut plus voir en nous simplement des serviteurs, mais il veut nous appeler ses amis. Noël ne nous montre pas ce que nous sommes, si ce n’est notre condition de baptisés, mais ce que nous devons devenir : des amis de Dieu. Tout cela Jean le résume d’une manière synthétique dans son prologue : « Après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ ».

Dans la perspective de ce que nous venons de méditer sous la conduite de saint Jean, je laisse maintenant la parole au grand évêque de Lyon, saint Irénée :

« Oui, c’est le Verbe de Dieu qui a habité en l’homme, et qui s’est fait fils de l’homme, pour habituer l’homme à recevoir Dieu, et habituer Dieu à habiter en l’homme comme cela paraissait bon au Père ».

dimanche 19 décembre 2010

4ème dimanche de l'Avent

4ème dimanche de l’Avent / A
19/12/2010
Matthieu 1, 18-24 (p. 178)


Le 4ème dimanche de l’Avent est toujours pour nous une préparation directe à la fête de Noël et au mystère de l’incarnation. Pour cela la liturgie de la Parole nous fait entendre l’un des Evangiles de l’enfance en saint Matthieu ou en saint Luc. Marc commence son Evangile avec le ministère public de Jésus et Jean célèbre dans son prologue la venue de Dieu parmi nous sans se référer pour autant à l’événement de Noël. Nous entendrons le prologue de saint Jean lors de la messe du jour de Noël. Cette année nous méditons avec Matthieu l’annonciation faite à Joseph qui est d’une certaine manière le pendant de l’annonciation à Marie en saint Luc.
Ce récit, comme tous les Evangiles de l’enfance, nous met tout particulièrement en contact avec le surnaturel : l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph pour lui révéler le dessein de Dieu ainsi que sa vocation d’époux de la Vierge Marie et de père adoptif de l’enfant qui naitra d’elle. Le surnaturel, parce qu’il est différent de notre expérience quotidienne, peut susciter en nous bien des réactions : de l’incrédulité à la crainte... Nous sommes dans le domaine proprement divin, domaine dans lequel les lois de la nature ne sont plus contraignantes car tout est possible à Dieu en vue du salut de notre humanité. Dieu sait très bien que son action dans le cours de notre histoire humaine peut nous effrayer ou nous interroger fortement. Aussi son ange est porteur d’un message rassurant : « Ne crains pas ! » C’est le même message que celui adressé par Gabriel à la Vierge Marie. Et Marie elle-même, la toute sainte, fut bouleversée ou troublée selon les traductions lorsqu’elle recut la visite de l’archange. Ce qui est compréhensible lorsque nous percevons la distance entre Dieu et nous. Et que nous savons par expérience que les anges ne viennent pas nous voir de manière régulière pour nous apporter des révélations... Le surnaturel nous rappelle donc que Dieu est le Tout-Autre. Confronté à cette irruption du surnaturel dans sa vie par le moyen d’un songe, Joseph, lui, ne semble pas troublé : « Il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit et prit chez lui son épouse ».
Au centre de l’annonciation à Joseph il y a une réalité surnaturelle : Marie, Vierge, va enfanter un fils par l’action de l’Esprit Saint. C’est ce que nous nommons la conception virginale de Marie à ne pas confondre avec l’Immaculée Conception, dogme selon lequel Marie a été préservée du péché originel dès sa conception et de tout péché dans sa vie. Bien sûr la conception virginale a un sens théologique très fort : ce n’est pas pour le plaisir de contourner les lois de la nature que Dieu décide que son Fils viendrait parmi nous en naissant d’une jeune fille vierge. Et encore moins parce que la sexualité humaine serait une chose mauvaise en elle-même ! Dieu choisit pour son Fils une conception virginale pour nous dire qui est l’enfant Jésus. La conception virginale nous renseigne en effet sur l’identité et la mission de ce bébé qui naitra dans une crêche à Bethléem. Ce bébé unique dans l’histoire de notre humanité sera à la fois vraiment Dieu et vraiment homme. Vraiment Dieu parce que son seul Père c’est Dieu et que c’est par l’action de l’Esprit Saint qu’il vient au monde. Vraiment homme parce que Marie est sa mère et qu’il tient d’elle son humanité. En naissant d’une Vierge fécondée par l’Esprit de Dieu, Jésus est le signe d’une création nouvelle, d’une recréation. A partir de Lui et avec Lui une nouvelle humanité est possible, une humanité qui ne tirera plus son origine seulement des lois naturelles, celles de la chair, mais aussi des lois spirituelles, celles de l’Esprit. Ainsi la conception virginale de Marie annonce notre seconde naissance, notre naissance par et dans l’Esprit de Dieu, au jour de notre baptême. A Noël Joseph adopte Jésus comme son propre fils. Au baptême Dieu nous adopte et fait de nous ses fils.
Enfin si Dieu utilise le surnaturel parce qu’il est Dieu et que son oeuvre dépasse tout ce que nous pouvons imaginer, c’est non pas pour souligner la distance entre Lui et nous, c’est pour en quelque sorte l’abolir ! C’est tout le sens du mystère de l’Incarnation. Dieu en son Fils se fait vraiment l’un de nous ; en cet enfant nommé Jésus il épouse notre humanité pour s’unir à elle et cela pour toujours. Sans le « oui » de Joseph et de Marie cette merveilleuse union entre la divinité et l’humanité aurait été impossible. Remarquons donc que Dieu peut agir de manière surnaturelle mais qu’il a besoin de nous pour réaliser son plan d’amour et de réconciliation. Pendant les jours qui nous séparent encore de Noël gardons dans notre mémoire et dans notre coeur ce beau nom d’Emmanuel : Dieu avec nous, Dieu au milieu de nous, Dieu parmi nous. Méditons-le dans notre prière quotidienne en nous mettant comme Joseph à la disposition de Dieu pour qu’aujourd’hui encore il soit connu comme le Père tout proche de chacun de ses enfants, particulièrement des plus méprisés et des plus abandonnés.

samedi 4 décembre 2010

Deuxième dimanche de l'Avent

2ème dimanche de l’Avent / A
5/12/2010
Matthieu 3, 1-12 (p. 53)

Avec les prophètes, Isaïe en particulier, avec Joseph et Marie, Jean le baptiste fait partie de ces personnages bibliques qui marquent notre temps de l’Avent. Pourtant il ne se situe pas dans notre Evangile avant le mystère de Noël mais bien après. S’il nous est présenté c’est parce qu’il a cette fonction unique de préparer le peuple au ministère public de Jésus et d’annoncer avant lui la venue du royaume des cieux ainsi que la fin des temps. La caractéristique essentielle de ce royaume de Dieu nous est donnée par Isaïe dans la première lecture: “Il ne se fera plus rien de mauvais ni de corrompu sur ma montagne sainte; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer.” Les images paradisiaques de paix et de réconciliation universelle entre les créatures signifient bien cette disparition totale du mal. Dieu règne en effet là où sa bonté et son amour triomphent. Et c’est dans cette perspective que Jean prêche au peuple la conversion et donne un baptême par lequel chacun se reconnaît humblement pécheur.

Matthieu nous présente Jean comme un prophète austère et sévère qui annonce la colère et le jugement de Dieu en traitant ceux qui viennent à lui d’”engeances de vipères”... Il utilise pour amener les Juifs à la conversion une méthode violente dans laquelle la charité semble être absente de même que le respect pour ses interlocuteurs. Il utilise deux images pour menacer les pécheurs par le jugement de Dieu désormais tout proche: celle de l’arbre fruitier et celle du blé. Le jugement sera une séparation entre les bons et les méchants, et ces derniers seront condamnés au feu qui ne s’éteint pas. Jean annonce la venue de Jésus non seulement comme celui qui baptisera dans l’Esprit mais aussi comme le juge redoutable qui séparera le bon grain de la paille.

Quelques chapitres plus loin dans le même Evangile nous retrouvons Jean dans sa prison. Il se met à douter de l’identité de Jésus qu’il avait annoncé comme le Messie et le juge. Et il envoie vers le Seigneur des messagers avec la question suivante: “Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre?” Pourquoi ce doute dans l’esprit de Jean? Tout simplement parce qu’il se rend compte que l’attitude de Jésus ne correspond pas du tout à ce qu’il avait annoncé: la venue redoutable du Messie juge qui allait faire le tri entre les bons et les méchants. La prédication de Jésus, même si elle a des points communs avec celle de Jean, marque en effet une nette rupture. Reprenons simplement quelques éléments pour le montrer. Le premier et peut-être le plus marquant du point de vue symbolique, c’est que Jésus demande justement à Jean, contre sa volonté, de recevoir le baptême en vue de la reconnaissance des péchés. Jésus, Fils de Dieu, est innocent, le péché n’a aucune place en Lui, il est le Saint de Dieu. Alors pourquoi se mêler à la foule des pécheurs se faisant baptiser par Jean? Pour signifier clairement le sens de sa venue et de sa mission parmi nous: il se montre ainsi solidaire des pécheurs. Il abolit de ce fait la loi de pureté de l’Ancien Testament qui séparait strictement le pur de l’impur, le saint du pécheur. En prêchant la justice parfaite de la Nouvelle Alliance, justice supérieure à celle des scribes et des pharisiens, il révèle, dans le cadre du commandement de l’amour des ennemis, le coeur de Dieu: le Père céleste “fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes”. La bonté de Dieu est universelle et parfaite, elle ne dépend pas du fait que nous soyons justes ou pécheurs. Et lors de l’appel de Lévi qui deviendra l’apôtre et l’évangéliste Matthieu Jésus se justifie ainsi face aux attaques des pharisiens: “Allez donc apprendre ce que signifie: C’est la miséricorde que je veux, non le sacrifice. Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs.” Nous comprenons pourquoi Jean commence à douter dans sa prison à propos de Jésus: il est tellement différent de ce qu’il avait annoncé! Jean marque cette frontière entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance, mais il appartient encore dans sa mentalité à ce qui est en train de passer pour laisser place à la bouleversante nouveauté du message évangélique. Il a beau être le plus grand des enfants des hommes, cependant le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. Quelle réponse donne le Seigneur à Jean qui se demande si c’est vraiment lui le Messie? Un amas de citations d’Isaïe dans lesquelles la notion de jugement est totalement absente! Jésus lui répond: Oui, je suis le Messie parce que je guéris les malades et que j’annonce la Bonne Nouvelle aux pauvres. Enfin dans sa réponse Jésus souligne lui-même la distance qu’il prend par rapport au style austère de Jean son précurseur: “Jean est venu, il ne mange ni ne boit, et l’on dit: Il a perdu la tête. Le Fils de l’homme est venu, il mange, il boit, et l’on dit: Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs.” Révélateur de la bonté et de la miséricorde de Dieu, Parole de Dieu faite chair, Jésus ne s’est pas présenté à nous sous les traits rébarbatifs d’un prophète triste et sévère: “Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos... Car je suis doux et humble de coeur... Mon joug est facile à porter et mon fardeau léger.”

Jean comme Jésus nous appellent donc, avec des méthodes très différentes, à la conversion, au changement de vie pour accueillir en nous la réalité nouvelle du Royaume de Dieu. Peut-être que la grande conversion que nous avons à vivre en tant que chrétiens est la suivante: avec un coeur universel comprendre que le monde ne se divise pas en deux camps, celui des bons et celui des méchants. Cette vue simpliste ne correspond pas à notre expérience. Mais c’est bien dans notre coeur, en nous, que coexistent le bien et le mal, l’amour et la haine. La frontière entre le bien et le mal est intérieure. Et nous avons bien besoin de toute notre vie et du sacrement du pardon pour nous purifier toujours davantage de ce mal qui nous affaiblit et nous défigure. Et Jean a bien raison de nous rappeler que nous devons produire un fruit exprimant notre conversion. C’est ce que Notre Seigneur appelle d’une manière significative “faire la vérité”. Le chrétien vit la vérité de sa foi. C’est en mettant en pratique l’Evangile que nous pouvons le connaître et le comprendre: “Celui qui fait la vérité vient à la lumière pour que ses oeuvres soient manifestées, elles qui ont été accomplies en Dieu.”