mardi 20 novembre 2012

A la curie romaine la soutane fait le prêtre...

Une fois n'est pas coutume je partage aux lecteurs de mon blog une réflexion sur les récentes directives vestimentaires données par le cardinal Bertone, au nom du pape, aux membres de la curie romaine:
 
Au Vatican la soutane fait le prêtre comme l’habit fait le moine
Au Vatican, le 15 octobre 2012

Éminence / Excellence Révérendissime,

Par la présente je souhaite attirer Votre attention sur l’importance de la discipline inhérente au port quotidien de l’habit ecclésiastique (soutane ou clergyman) et religieux, tel qu’il a été déterminé par la réglementation en la matière et selon les motivations présentées et expliquées en son temps par le Bienheureux Jean-Paul II dans sa Lettre du 8 septembre 1982 au Cardinal Vicaire de Rome.

En un temps où chacun est spécialement appelé à raviver la conscience et la cohérence de son identité, je viens, sur une vénérable injonction, demander à Votre Éminence / Excellence de bien vouloir assurer l’application de ce qui précède par tous les ecclésiastiques et religieux qui travaillent dans ce Dicastère/Tribunal/Service/Vicariat, en leur rappelant qu’ils ont le devoir de porter régulièrement et de manière digne l’habit qui leur est propre, en tout temps, notamment par respect du devoir d’exemplarité qui incombe surtout à tous ceux qui travaillent au service du Successeur de Pierre.

L’exemple même de ceux qui, revêtus de la dignité épiscopale, sont fidèles au port quotidien de la soutane pour eux-mêmes, pendant les heures de bureau, devient un encouragement explicite pour tous, y compris pour les Épiscopats et pour ceux qui se rendent en visite à la Curie Romaine et à la Cité du Vatican.

De plus je profite de cette lettre pour rappeler - notamment afin d’éviter des incertitudes et d’assurer l’uniformité nécessaire - que le port de la soutane est exigé pour participer à toutes les activités auxquelles le Saint-Père est présent, ainsi que pour les Assemblées Plénières et Ordinaires, les Réunions Interdicastérielles, l’accueil des Visites "ad limina" et les diverses convocations officielles du Saint-Siège.

En vous remerciant de votre collaboration, je profite volontiers de l’occasion qui m’en est donnée pour réaffirmer

à Votre Éminence/Excellence Rév.me

mes sentiments de déférence distinguée et cordiale et de dévouement dans le Seigneur

+ Tarcisio Card. Bertone

Secrétaire d’état
Après ma conversion à l’âge de 13 ans et pendant tout le temps de mon adolescence j’ai fréquenté le curé de la paroisse de mon village qui avait gardé le port de la soutane contrairement à la grande majorité de ses confrères du diocèse. J’ai toujours conservé pour ce prêtre, décédé en 1998, un souvenir mêlé d’affection et de respect. Lors de mes études au séminaire français de Rome, à partir du rite de l’admission, j’ai porté régulièrement l’habit ecclésiastique (clergyman), et je le porte toujours depuis mon ordination sacerdotale en 1993. Tout cela pour dire que je ne suis pas du tout opposé au fait que le prêtre puisse porter un habit spécifique. Pour ma part j’ai constaté que cela pouvait être parfois utile pour nouer des contacts avec des inconnus, catholiques ou pas, et engager un dialogue sur la foi et la religion avec des personnes croisées dans la rue ou dans un train. Le port de l’habit, sans être sacralisé ou absolutisé, peut donc avoir une utilité du point de vue de l’évangélisation.
Lorsque j’ai lu, via le site de Sandro Magister, les récentes directives (15 octobre 2012) du cardinal Bertone sur le port obligatoire de la soutane dans les bureaux de la Curie romaine et dans les cérémonies en présence du pape je suis resté perplexe. D’autant plus que ces directives viennent en fait du pape lui-même. Les arguments sont au nombre de trois mais l’utilité d’un habit distinctif en vue du témoignage de sa foi n’est pas signalée :
 
-       La soutane aide à affirmer l’identité du prêtre ou de l’évêque
-       Le port de la soutane est un exemple visant à encourager ceux qui ne la portent pas régulièrement dans le monde à la porter
-       Le port obligatoire de la soutane en présence du pape répond à une uniformité nécessaire.
 
Il est regrettable de donner au port de l’habit, soutane ou clergyman, une telle importance dans la conscience que le prêtre a de son identité et de sa mission. Je connais dans mon diocèse beaucoup de bons prêtres, pleinement dévoués à leur ministère, et qui ne portent aucun habit spécifique, c’est-à-dire un habit civil simple avec souvent une croix. L’identité du prêtre vient de la grâce de Dieu conférée par le sacrement de l’ordre. Et sa fidélité à cette grâce ne tient pas à un bout de tissu. Ni Jésus ni les apôtres n’ont porté de soutane. Saint Paul, le premier et le plus grand de tous les évangélisateurs, n’avait pas besoin d’une soutane pour avoir conscience de son identité et de sa mission d’apôtre, et tant d’autres à sa suite.
 
Le cardinal Bertone, et le pape à travers lui, pense que la discipline de la soutane à la Curie romaine convertira les évêques récalcitrants dans le monde qui ne portent pas cet habit de manière régulière mais, dans beaucoup de cas, un simple clergyman. C’est donc une volonté d’uniformisation extérieure. Et la soutane est bien comprise dans cette directive comme un uniforme, un peu à la manière de celui des militaires.
 
Désormais tout évêque (tout prêtre ?) qui s’approchera du pape, le rencontrera ou concélébrera lors d’une messe présidée par lui, devra porter la soutane, et cela au nom d’une uniformité nécessaire. Pourquoi donc est-elle nécessaire et au nom de quoi le texte ne le précise pas… Si Notre Seigneur Jésus-Christ se présentait au Vatican il serait donc refoulé par les gardes suisses et ne pourrait pas s’entretenir avec le chef visible de son Eglise !
 
Je regrette pour ma part cette importance donnée aux apparences extérieures et à ce qu’il faut bien appeler une étiquette de cour. Le pape n’est pourtant pas un souverain comme les autres. Il est le serviteur des serviteurs de Dieu. Depuis l’histoire de Samuel et de David nous savons que « l’homme s’arrête aux apparences » mais que « Dieu regarde le cœur » (1 Samuel 16, 7). La sainteté du clergé ne vient pas du port de la soutane. Certaines traditions ou disciplines ecclésiales devraient pouvoir être relativisées ou même remises en question au nom du seul critère décisif : leur conformité à l’esprit de l’Evangile et à l’enseignement de Jésus. On n’imagine pas un seul instant un tableau montrant Jésus et ses apôtres en soutanes sur le mont de Béatitudes. On oublie un peu trop facilement d’actualiser certains passages des Evangiles à la vie de notre Eglise en les reléguant à un passé lointain.
 
Dans son enseignement, il disait : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à sortir en robes solennelles et qui aiment les salutations sur les places publiques, les premiers rangs dans les synagogues, et les places d'honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement : ils seront d'autant plus sévèrement condamnés. » (Marc 12, 38-40) 
 
« Méfiez-vous des scribes qui tiennent à sortir en robes solennelles et qui aiment les salutations sur les places publiques, les premiers rangs dans les synagogues et les places d'honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement : ils seront d'autant plus sévèrement condamnés. » (Luc 20, 46.47) 
 
La traduction de la Bible des peuples parle de longues robes (comme celle de la Bible Osty). Pourquoi donc obliger les évêques et les cardinaux à se comporter comme les scribes dont Jésus nous dit que nous devons nous en méfier ? La critique du Seigneur à l’égard des scribes de son temps n’aurait-elle donc aucune valeur pour la hiérarchie de l’Eglise catholique de notre temps ? 
 
Sans oublier le début du chapitre 23 de l’évangile selon saint Matthieu : 
 
Alors Jésus déclara à la foule et à ses disciples : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Pratiquez donc et observez tout ce qu'ils peuvent vous dire. Mais n'agissez pas d'après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. Ils agissent toujours pour être remarqués des hommes : ils portent sur eux des phylactères très larges et des franges très longues (Bible Osty : ils élargissent leurs phylactères et agrandissent leurs franges) ; ils aiment les places d'honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues, les salutations sur les places publiques, ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi. Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n'avez qu'un seul enseignant, et vous êtes tous frères. Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n'avez qu'un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus appeler maîtres, car vous n'avez qu'un seul maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s'élèvera sera abaissé, qui s'abaissera sera élevé. » 
A mettre en parallèle avec les titres ronflants venus d'un autre âge utilisés dans la directive du cardinal Bertone…
Éminence / Excellence Révérendissime, qu’il serait bon pour notre Eglise de retrouver la simplicité évangélique ! 
 Et comment ne pas se souvenir des pensées de Blaise Pascal, l'un des plus grands mystiques chrétiens de l'histoire de France : 
« Nos magistrats ont bien connu ce mystère. Leurs robes rouges, leurs hermines dont ils s’emmaillotent en chats-fourrés, les palais où ils jugent, les fleurs de lys, tout cet appareil auguste était fort nécessaire ; et si les médecins n’avaient des soutanes et des mules, et que les docteurs n’eussent des bonnets carrés et des robes trop amples de quatre parties, jamais ils n’auraient dupé le monde qui ne peut résister à cette montre si authentique. S’ils avaient la véritable justice et si les médecins avaient le vrai art de guérir, ils n’auraient que faire de bonnets carrés : la majesté de ces sciences serait assez vénérable d’elle-même, mais n’ayant que des sciences imaginaires, il faut qu’ils prennent ces vains instruments qui frappent l’imagination à laquelle ils ont à faire et par là en effet ils s’attirent le respect ».  
 
La sagesse populaire selon laquelle « L’habit ne fait pas le moine » rejoint l’enseignement de Jésus dans les Evangiles, enseignement qui ne cesse de nous demander de quitter le monde des apparences et du prestige mondain pour devenir des êtres libres parce que vrais et authentiques. Sincèrement il devrait y avoir d’autre urgences et d’autres priorités dans notre Eglise que d’imposer le port de la soutane aux membres de la Curie !


Je terminerai ce billet par un rappel historique qui ne pourra que faire du bien. La soutane en tant qu'habit sacerdotal remonte à la fin du 16ème siècle et son usage ne s'est généralisé que bien plus tard. Autant dire que cet habit n'a rien de traditionnel dans l'Eglise. Idem pour la soutane blanche du pape qui remonte au pape saint Pie V. L'une des premières interventions d'un pape à propos d'un habit spécifique pour le clergé remonte au 5ème siècle. Le pape Célestin 1er adresse alors une lettre de remontrances aux évêques des provinces de Vienne et de Narbonne et il met en cause l'évêque d'Arles, Honorat, pour avoir adopté un habit ecclésiastique spécifique... en tant qu'ancien moine:

"Nous avons appris que certains prêtres du Seigneur (expression qui désigne alors le plus souvent les évêques) sont plus attachés à des pratiques superstitieuses qu'à la pureté de la foi ou de l'esprit... Vêtus d'un manteau et d'une ceinture autour des reins, ils croient obéir à l'Ecriture, non pas selon l'esprit, mais selon la lettre... Nous devons nous distinguer des fidèles ou des autres par la doctrine et non par l'habillement, par la conduite et non par la tenue extérieure, par la rectitude de notre esprit et non par la parure... Si nous nous lançons dans les nouveautés, nous foulerons aux pieds l'ordre transmis par les Pères pour laisser la place à des superstitions vides de sens".
 
 
 
 
 
 

lundi 12 novembre 2012

Messe de Requiem pour les victimes des guerres


Messe de Requiem pour les défunts des deux guerres mondiales

St. Ansgar, 12 novembre 2012

Nous voici rassemblés dans la prière en cette cathédrale saint Ansgar pour faire mémoire de toutes les victimes militaires et civiles des deux guerres mondiales qui ont ensanglanté le siècle dernier. Nous le faisons en célébrant la messe qui est le mémorial du don que Jésus a fait de sa propre vie pour nous réconcilier avec Dieu notre Père et entre nous. Pour un chrétien les guerres sont la conséquence du péché originel et de nos péchés personnels. L’orgueil et la cupidité sont à l’origine de la plupart de nos conflits. En cette année au cours de laquelle l’Eglise catholique célèbre le 50ème anniversaire du concile Vatican II comment ne pas rappeler l’enseignement de ce concile sur la sauvegarde de la paix et la construction de la communauté des nations ? Déjà en 1963 le bienheureux pape Jean XXIII s’était adressé à tous les hommes de bonne volonté dans son encyclique Pacem in terris afin de promouvoir en pleine guerre froide la paix véritable. Dans la constitution sur l’Eglise dans le monde de ce temps le concile aborde cette partie de la doctrine sociale de l’Eglise qui sera sans cesse reprise ultérieurement, en particulier dans le compendium de la doctrine sociale de l’Eglise publié en 2005. Je relèverai deux points de cet enseignement. Le premier concerne la condamnation sévère de la guerre totale :

Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation. Le risque particulier de la guerre moderne consiste en ce qu’elle fournit pour ainsi dire l’occasion à ceux qui possèdent des armes scientifiques plus récentes de commettre de tels crimes ; et, par un enchaînement en quelque sorte inexorable, elle peut pousser la volonté humaine aux plus atroces décisions. Pour que jamais plus ceci ne se produise, les évêques du monde entier, rassemblés et ne faisant qu’un, adjurent tous les hommes, tout particulièrement les chefs d’État et les autorités militaires, de peser à tout instant une responsabilité aussi immense devant Dieu et devant toute l’humanité.

Le second concerne le scandale moral de la course aux armements :

Quoi qu’il en soit de ce procédé de dissuasion, on doit néanmoins se convaincre que la course aux armements, à laquelle d’assez nombreuses nations s’en remettent, ne constitue pas une voie sûre pour le ferme maintien de la paix et que le soi-disant équilibre qui en résulte n’est ni une paix stable, ni une paix véritable. Bien loin d’éliminer ainsi les causes de guerre, on risque au contraire de les aggraver peu à peu. Tandis qu’on dépense des richesses fabuleuses dans la préparation d’armes toujours nouvelles, il devient impossible de porter suffisamment remède à tant de misères présentes de l’univers. Au lieu d’apaiser véritablement et radicalement les conflits entre nations, on en répand plutôt la contagion à d’autres parties du monde. Il faudra choisir des voies nouvelles en partant de la réforme des esprits pour en finir avec ce scandale et pour pouvoir ainsi libérer le monde de l’anxiété qui l’opprime et lui rendre une paix véritable. C’est pourquoi il faut derechef déclarer : la course aux armements est une plaie extrêmement grave de l’humanité et lèse les pauvres d’une manière intolérable. Et il est bien à craindre que, si elle persiste, elle n’enfante un jour les désastres mortels dont elle préparer déjà les moyens.

Comment ne pas évoquer aussi la visite du pape Paul VI le 4 octobre 1965 au siège des Nations Unies à New-York et le discours qu’il fit en français devant les représentants des Nations ? Le cri du pape est resté dans les mémoires : « jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! » Paul VI a alors réaffirmé l’importance d’un organisme comme l’Organisation des Nations Unies en vue de l’affermissement de la paix et de la coopération entre les Nations. En terminant son allocution il affirmé avec force l’importance de la conscience morale de chaque homme : « Oui, le moment est venu de la conversion, de la transformation personnelle, du renouvellement intérieur… Le vrai péril se tient dans l’homme, qui dispose d’instruments toujours plus puissants, aptes aussi bien à la ruine qu’aux plus hautes conquêtes ». Je terminerai en citant un philosophe, Fabrice Hadjadj, né dans le Judaïsme et converti à la foi catholique. Sa réflexion nous appelle à tirer des leçons pour aujourd’hui de la barbarie des deux guerres mondiales : « Le 20ème siècle, qui crut si peu au diable, les plus mécréants confessent son diabolisme aigu, mais ils ne parviennent pas à faire le rapprochement, et ils en restent à une vision grossière qui leur blanchit les mains. Parce qu’il y eut Hitler et Staline, bien sûr. Mais il y eut aussi les Alliés, et cette date merveilleuse qui conviendrait parfaitement à une journée mondiale du Démon : le 8 août 1945. C’est le jour où le tribunal militaire de Nuremberg a juridiquement codifié la notion de crime contre l’humanité. Le surlendemain d’Hiroshima. La veille de Nagasaki. En sorte que ceux-là qui dénonçaient le grand crime étaient aussi ceux qui, ayant sous les yeux les effets de la première, larguaient la deuxième bombe… ». Ce à quoi il faut ajouter, scandale suprême, qu’un aumônier militaire américain, le père George Zabelka, a béni l’équipage qui allait lancer sur Hiroshima la première bombe atomique de notre histoire.

 

dimanche 11 novembre 2012

32ème dimanche du temps ordinaire


 

Nous sommes dans la dernière partie du ministère public de Jésus, dans les jours qui précèdent sa Passion. A Jérusalem le Seigneur observe ses contemporains. Saint Marc nous invite à faire un lien entre son jugement sévère sur les scribes et son admiration émue pour la pauvre veuve. Le Seigneur s’intéresse à la vérité de nos attitudes. L’Evangile de ce dimanche nous parle d’authenticité. La mise en garde de Jésus envers les scribes vient du fait qu’ils vivent dans le monde des apparences. Des siècles plus tard le Tartuffe de Molière actualisera cette critique du faux dévot. Les scribes jouent en fait une comédie religieuse. Mais s’ils peuvent tromper les hommes, ils ne peuvent pas tromper le Fils de Dieu. Dans leur comédie l’apparence tient une grande place avec le goût de se montrer en public habillés « en robes solennelles ». Pascal avait déjà analysé en son temps le détournement de l’habit pour couvrir le manque d’autorité morale ou de compétence et s’attirer ainsi le respect des masses : « Nos magistrats ont bien connu ce mystère. Leurs robes rouges, leurs hermines dont ils s’emmaillotent en chats-fourrés, les palais où ils jugent, les fleurs de lys, tout cet appareil auguste était fort nécessaire ; et si les médecins n’avaient des soutanes et des mules, et que les docteurs n’eussent des bonnets carrés et des robes trop amples de quatre parties, jamais ils n’auraient dupé le monde qui ne peut résister à cette montre si authentique. S’ils avaient la véritable justice et si les médecins avaient le vrai art de guérir, ils n’auraient que faire de bonnets carrés : la majesté de ces sciences serait assez vénérable d’elle-même, mais n’ayant que des sciences imaginaires, il faut qu’ils prennent ces vains instruments qui frappent l’imagination à laquelle ils ont à faire et par là en effet ils s’attirent le respect ». Parmi certains membres de la hiérarchie de l’Eglise la tentation des pompes extérieures et donc le manque de simplicité dans l’habillement ont été fréquents. Le concile Vatican II et le pape Paul VI ont voulu, en fidélité avec l’Evangile, plus de simplicité. Nous savons bien, par exemple, que l’autorité du pape ne vient pas de sa soutane blanche, soutane qui remonte au pape saint Pie V au 16ème siècle ! Donc si un pape décidait d’abandonner cet habit il n’en serait pas moins pape. Mais comme les Juifs de l’époque de Jésus nous restons sensibles aux apparences et notre imagination joue souvent un plus grand rôle que notre raison dans nos jugements. En contraste avec l’arrogance des scribes profiteurs Jésus nous donne en exemple la pauvre veuve et son offrande. Jésus voit les cœurs et ne se fie pas aux apparences, il voit l’intention. Il admire la foi absolue de cette pauvre femme qui donne tout ce qu’elle a pour vivre. Il faut en effet avoir une confiance totale en la providence divine pour agir de cette sorte. Je me sens bien incapable d’imiter pour ma part la pauvre veuve. Avec Jésus je l’admire. La distinction entre le superflu et le nécessaire peut toutefois nous faire réfléchir. Nous savons bien que ces notions sont relatives : ce qui relève du nécessaire dans un pays pauvre ne correspond pas forcément au nécessaire chez nous. L’admiration de Jésus pour l’offrande de cette femme nous invite certainement à une plus grande générosité, à un détachement plus grand. Dans les pays développés tout est fait pour rendre le superflu nécessaire. Du coup nous vivons dans une ambiance de gaspillage programmé au nom de la croissance. On nous fait croire que si nous ne changeons pas d’I-Phone chaque fois qu’un nouveau modèle sort nous serons malheureux. Par rapport à cette situation notre foi chrétienne exige de nous une ferme résistance. Il est urgent de revoir nos modes de vie et de nous désencombrer des gadgets technologiques que l’on nous incite à considérer nécessaires. Oui, l’Evangile nous invite à la sobriété qui est le nom contemporain de la pauvreté évangélique. Une sobriété librement choisie, en connaissance de cause, et donc une sobriété joyeuse qui nous ouvre au don et au partage. Nous pouvons alors faire notre la question suivante trouvée dans un article de presse :

A quand la fin des adorations nocturnes devant les Apple Stores à chaque nouvel accouchement d'un objet mort-né ?

dimanche 4 novembre 2012

Toussaint 2012


 
En cette année de la foi voulue par Benoît XVI à l’occasion du 50ème anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II nous sommes invités à approfondir le contenu de notre foi. Le concile Vatican II a longuement médité le mystère de l’Eglise dans sa relation à Dieu Trinité et au monde. Les textes du concile sont le fruit de cette méditation inspirée par l’Esprit Saint. Dans la constitution traitant de l’Eglise les pères conciliaires ont voulu consacrer un chapitre entier à l’appel universel à la sainteté dans l’Eglise. En cette fête de la Toussaint il est important de rappeler cet enseignement du concile, un enseignement qui pouvait paraître nouveau alors qu’il est traditionnel. Même si des docteurs de l’Eglise comme saint François de Sales ont toujours enseigné que la sainteté était la vocation de tous les fidèles chrétiens, on avait eu tendance à en faire un domaine réservé aux religieux, éventuellement au clergé. Le concile qui a beaucoup parlé de la place des laïcs dans l’Eglise leur rappelle aussi leur vocation à la sainteté : « Tous les fidèles du Christ sont donc invités et obligés à poursuivre la sainteté et la perfection de leur état. Qu’ils veillent tous à régler comme il faut leurs affections pour que l’usage des choses du monde et un attachement aux richesses contraire à l’esprit de pauvreté évangélique ne les détournent pas de poursuivre la perfection de la charité ».

Qu’est-ce qui peut nous encourager à avancer jour après jour sur ce chemin de la sainteté chrétienne ? Il me semble que c’est le rappel constant d’une grande vérité de notre foi : Dieu est Amour. Dieu notre Père nous aime d’un amour infini. Pour nous le prouver il nous a envoyé son Fils, né de la Vierge Marie. Nous trouvons dans la 2ème lecture une belle expression de cette vérité fondamentale de notre foi : Voyez comme il est grand, l'amour dont le Père nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu- et nous le sommes. Dans sa lettre aux Romains saint Paul exprime lui aussi d’une manière particulièrement forte cette vérité : Oui, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J'en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l'avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur. Nous connaissons tous ces affirmations de notre foi. Mais pour que la considération de cette vérité nous aide à avancer sur le chemin de la sainteté il faut qu’elle passe du domaine de la simple connaissance à celui de l’expérience. Si une seule fois dans ma vie j’ai fait l’expérience concrète de l’amour de Dieu à mon égard alors je peux avancer sans crainte sur le chemin de la perfection chrétienne. Si Dieu m’aime vraiment, il veut mon bonheur véritable, donc je peux lui faire confiance. Et cette expérience de l’amour de Dieu à mon égard je dois être capable de la vivre aussi dans les moments d’épreuve et de doute, dans la maladie, la solitude, le chômage, le deuil etc. C’est la force de ma foi qui, au-delà des apparences contraires, me maintient dans cette certitude : Dieu continue à m’aimer. Les saints et les saintes ont tous vécu des moments d’épreuves, à la suite du Christ. En considérant la porte étroite de la sainteté chrétienne, à laquelle pourtant tous sont appelés, je pourrais être tenté par penser que cela n’est pas un chemin possible pour moi et donc me décourager. C’est à ce moment qu’il faut me rappeler pourquoi Jésus est venu : pour donner son amour divin et communiquer sa sainteté de Fils non pas à des hommes parfaits, arrivés au but, mais bien à des hommes faibles et pécheurs. Nous avancerons peu à peu, chacun selon son rythme, sur le chemin de la sainteté si nous évitons deux écueils : l’orgueil et le désespoir. Comme l’a si bien dit Pascal dans ses Pensées, « la connaissance de Dieu sans celle de sa misère fait l’orgueil. La connaissance de sa misère sans celle de Dieu fait le désespoir. La connaissance de Jésus-Christ fait le milieu parce que nous y trouvons, et Dieu, et notre misère ».