samedi 24 avril 2021

Quatrième dimanche de Pâques / année B

 

25/04/2021

Jean 10, 11-18

Chaque année, pour le dimanche de prière pour les vocations, l’Eglise nous propose un passage du chapitre 10 de l’évangile selon saint Jean, chapitre dans lequel Jésus se présente à ses disciples comme le bon pasteur. Dans un premier temps regardons comment cette métaphore du berger a été utilisée dans l’antiquité. Dans le contexte biblique cette image n’a rien d’original. Elle est très présente dans l’Ancien Testament avec par exemple le chapitre 34 du prophète Ezéchiel ou encore le psaume 22 bien connu de tous. Ce qui est moins connu c’est l’utilisation de la même image dans l’antiquité gréco-romaine et cela depuis Platon. Pour qualifier le bon roi ou le bon empereur les philosophes le décrivent comme le bon pasteur. Dion de Pruse, à l’époque de Trajan, utilise, lui aussi, cette image du bon pasteur – bon roi qui n’a rien d’un tyran. Entre l’un et l’autre, écrit-il, il y a toute la différence du berger et du boucher ! Et l’empereur Tibère déclarait avec un certain humour à propos du taux d’imposition : un bon berger doit tondre ses moutons, non les écorcher… Il faut aussi souligner, pour revenir au contexte juif, que les bergers à l’époque de Jésus avaient très mauvaise réputation, entre autres motifs parce qu’en raison de leur travail ils ne pouvaient pas sanctifier le sabbat. La venue des bergers à la crèche sonne donc comme une provocation dans le judaïsme… Comment associer ces moins que rien à la naissance du Messie ? En même temps souvenons-nous que le plus grand roi d’Israël, David, a été choisi par Dieu au moment où il faisait paître le troupeau de son père Jessé…

Le texte grec de l’Evangile parle du beau pasteur et non pas du bon pasteur… Dans le passage que nous venons d’entendre le berger se distingue du mercenaire qui était employé pour un temps seulement afin d’aider le berger dans sa tâche. Ou pour le dire autrement c’est un peu la différence qui peut exister entre le propriétaire d’une maison et son locataire. Le beau berger est prêt à prendre des risques pour ses bêtes… jusqu’à donner sa vie pour elles, précise Jésus. Or, seul un amour infini peut pousser le bon berger à se sacrifier lui-même pour ses brebis. C’est dans ce contexte que le Seigneur annonce son mystère pascal et cela en conformité avec la volonté de son Père : Je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père.

Un autre aspect essentiel de cet enseignement, c’est que Jésus se présente comme un berger universel qui veut conduire tous les enfants de Dieu à l’unité et à la communion : J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Contrairement aux rois et aux empereurs de l’antiquité, Jésus ne se préoccupe pas seulement de l’enclos d’Israël mais de toutes les brebis. C’est la raison pour laquelle l’Eglise catholique a le désir de faire résonner l’Evangile aux oreilles de tous. C’est la raison pour laquelle les pasteurs de l’Eglise ont le souci de s’adresser à tous, en dehors de l’enclos de ceux qui fréquentent la paroisse. Si Jésus veut évangéliser les brebis qui ne sont pas dans l’enclos, c’est tout simplement parce qu’elles lui appartiennent toutes en tant que créatures. C’est lui qui donne vie et existence à toutes. D’où son souci pour elles. Seul Dieu peut être le véritable et unique Pasteur de son peuple. Si nous écoutons la voix de Jésus, en recevant son Evangile, c’est Dieu lui-même qui nous guide et nous conduit.

dimanche 18 avril 2021

Troisième dimanche de Pâques / année B

 


18/04/2021

Luc 24, 35-48

L’Evangile de Pâques que nous venons d’écouter insiste sur la réalité de la résurrection du Christ. Les onze apôtres croyaient voir un esprit et Jésus fait tout pour leur montrer qu’il n’est pas un fantôme… Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. Le geste le plus surprenant de sa part consiste à manger en leur présence un morceau de poisson grillé… ce qui semble peu compatible avec la condition d’un corps ressuscité et glorieux ! Cet Evangile est pour nous l’occasion de réfléchir aux affirmations des professions de foi : Je crois à la résurrection de la chair, pour le symbole des apôtres ; J’attends la résurrection des morts, pour le symbole de Nicée. L’un des rares éléments de doctrine que la Bible nous offre à propos de la résurrection des morts (et de ce qu’est un corps glorieux) se trouve au chapitre 15 de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens. L’apôtre Paul établit un lien indissoluble entre notre résurrection et celle du Christ, premier ressuscité. Dans la dernière partie de son exposé, il tente de répondre à une question que nous nous sommes probablement déjà posée en pensant à la vie bienheureuse dans le Royaume :

Comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quelle sorte de corps reviennent-ils ?

Et l’on pourrait préciser cette question en disant par exemple : une personne qui meurt jeune et l’autre très âgée, quel type de corps auront-elles au jour de la résurrection ? Un corps de jeune ou un corps âgé… Ou encore une personne qui meurt amputée de l’un de ses membres le retrouvera-t-elle à la résurrection ? etc. Ou pour le dire autrement comment concevoir ce que peut être un corps glorieux, un corps ressuscité ? Paul, à la suite de Jésus, reprend l’image agricole de la semence : ce qui est semé corps physique ressuscite corps spirituel. Souvenons-nous de l’image employée par Jésus : Si le grain de blé tombé en terre meurt, il porte beaucoup de fruit. Dans sa tentative d’élucidation du mystère, Paul utilise le parallèle entre Adam et le Christ, nouvel Adam : Pétri d’argile, le premier homme vient de la terre ; le deuxième homme, lui, vient du ciel. Comme Adam est fait d’argile, ainsi les hommes sont faits d’argile ; comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel. Et de même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel. En parlant de corps céleste et de corps spirituel, l’apôtre semble s’éloigner du réalisme de la résurrection de la chair mis en avant dans l’Evangile de ce dimanche. Pour lui la résurrection est une spiritualisation, une transfiguration, une glorification céleste de l’homme terrestre, bref une divinisation. Et il ajoute de manière solennelle : Je le déclare, frères : la chair et le sang sont incapables de recevoir en héritage le royaume de Dieu, et ce qui est périssable ne reçoit pas en héritage ce qui est impérissable. Ce qui nous fait penser à ces versets du prologue de l’Evangile selon saint Jean : À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu. Nous constatons donc, en comparant l’Evangile de Luc et l’enseignement de Paul, une tension dans la manière de présenter le mystère de la résurrection des corps. Luc insiste pour dire que le Seigneur ressuscité n’est pas un esprit et qu’il vit vraiment sa vie glorieuse dans un corps humain tandis que Paul nous présente le corps glorieux des ressuscités comme un corps spirituel. Autant dire que nous ne trouvons pas de réponse à la question que Paul évoque dans sa première lettre aux Corinthiens : Avec quelle sorte de corps les morts reviennent-ils ? Si nous prenons les témoignages de Luc et de Paul avec leurs accents différents, nous pouvons dire que la foi en la résurrection de la chair implique en même temps une certaine continuité avec notre corps terrestre… mais comment nous n’en savons rien… et une nouveauté inouïe, celle du corps glorieux… Pour conclure cette invitation à la méditation sur le mystère de notre propre résurrection, écoutons Maurice Zundel :

Les disciples regardent avec une stupeur mêlée de joie et d’hésitation ce Maître qui peut encore faire les gestes de l’homme voyageur (manger, par exemple), mais qui, manifestement n’a plus besoin de les faire ; qui apparaît à qui il veut, quand il veut et comme il veut – ce Maître qui passe au milieu d’eux – qui est comme ici, et qui est déjà au-delà.

 

dimanche 11 avril 2021

Deuxième dimanche de Pâques / année B

 


11/04/2021

Jean 20, 19-31

L’Evangile du dimanche dans l’octave de Pâques ressaisit en lui la première semaine après Pâques : Le soir venu, en ce premier jour de la semaine… Huit jours plus tard. Ce dimanche de la divine miséricorde est en fait le dimanche de la foi pascale. La conclusion de notre page évangélique nous le fait clairement comprendre : ces signes réalisés par Jésus ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. Le plus grand signe est bien celui de la résurrection du Christ. Le prêtre suisse Maurice Zundel exprime de la manière suivante le contenu du mystère de la résurrection :

C’est la victoire sur l’égoïsme et sur toutes les puissances du mal dont la mort physique est la rançon. C’est le triomphe du Saint et du Juste dont la condamnation était comme une mise en demeure adressée à la Sainteté et à la Justice du Père. C’est la Royauté éternelle de l’Esprit et de l’Amour, après le succès éphémère de la violence et de la haine.

Le premier moment de notre Evangile est celui de la manifestation du Ressuscité à ses disciples, le soir même de Pâques. Lui est passé définitivement de la mort à la vie ; eux passent progressivement, grâce à lui, de la crainte à la joie : ils reçoivent ce don si précieux, celui de la paix du Christ. Remarquons comment Jean condense tout le mystère de Pâques en cette unique manifestation du Ressuscité. L’Ascension est déjà présente avec l’envoi en mission des disciples : De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. Et les disciples vivent déjà une petite Pentecôte : Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. Les cinquante jours du temps pascal sont comme condensés en cet unique soir de Pâques. Les disciples croient en la résurrection du Seigneur et ils sont donc prêts à être ses témoins. Thomas n’étant pas présent au moment où Jésus vivant se manifeste à ses amis, Jésus renouvelle cette manifestation huit jours plus tard, c’est-à-dire aujourd’hui, dimanche dans l’octave de Pâques. Remarquons au passage que l’attitude des disciples n’a pas totalement changé… les portes de leur maison sont toujours verrouillées… mais cette fois saint Jean ne nous dit pas que c’était par crainte des Juifs. La crainte a disparue. Thomas a donc droit à son apparition personnelle, cela pour qu’il puisse être pleinement l’apôtre du Christ. Thomas ne pouvant pas croire au témoignage de ses frères, Jésus, dans sa miséricorde, vient à sa rencontre personnellement. Cela nous montre qu’il existe au moins deux chemins, parmi tant d’autres, pour parvenir à la foi, pour être capable de croire que cet homme, Jésus, envoyé par Dieu, crucifié par les hommes, est réellement ressuscité et qu’il est le Vivant agissant aujourd’hui dans son Eglise et dans le monde, par le don de l’Esprit Saint. Le premier chemin est celui de la transmission de la foi par le témoignage apostolique de l’Eglise. Et c’est souvent par notre famille que nous recevons ce témoignage, mais aussi par d’autres croyants que Dieu met sur notre route. Dans le second chemin Dieu se passe des intermédiaires humains, comme dans le cas de Thomas et celui de Paul. Jésus vient en quelque sorte à notre rencontre de manière personnelle et bouleverse en un seul instant notre vie en nous faisant le don de la foi. Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. La réponse de Jésus à l’acte de foi de Thomas nous montre que le premier chemin est source de béatitude. La foi n’est pas seulement foi en Jésus vivant, elle est aussi foi en l’Eglise, confiance dans le témoignage des croyants. Ma foi personnelle s’appuie sur la foi des autres, elle se nourrit et se fortifie dans la foi de la communauté Eglise. Dans la première lecture saint Luc nous montre les effets de cette foi pascale dans la première communauté chrétienne de Jérusalem :

La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme.

L’événement de la mort et de la résurrection du Seigneur est source d’une nouvelle communion offerte à tous les hommes : une communion qui vient de Dieu, enracinée dans son amour de Père créateur, vivifiée par l’Esprit sanctificateur ; et une fraternité catholique, c’est-à-dire universelle et capable de rassembler en elle tous les peuples et toutes les nations. C’est ce que montrera le miracle des langues au jour de la Pentecôte. Par définition cette communion est toujours ouverte à celui qui ne fait pas partie de la communauté, cette communion, si elle est vraiment catholique, n’exclut personne et accueille en elle tout homme de bonne volonté. Tout croyant véritablement catholique se fait le frère de tout homme, y compris du non-croyant ou du non-baptisé. Il est capable de pratiquer avec tout homme le dialogue du salut, car il sait que la puissance d’amour du Christ ressuscité ne se limite pas aux frontières de l’Eglise. Je laisserai à Maurice Zundel le soin de nous le faire comprendre, en nous rappelant l’indispensable humilité avec laquelle nous sommes appelés à croire et à témoigner, car la foi est un don qui nous a été fait, sans aucun mérite de notre part. Si la foi a la puissance de nous rendre meilleurs, elle ne nous a pas été donnée parce que nous serions meilleurs que les autres ! Ecoutons la réflexion de Zundel :

Il y a certainement des âmes plus chrétiennes que nous ici présents, en dehors de l’Eglise catholique. Peut-être même serons-nous sauvés vous et moi par la prière d’âmes qui sont en dehors de l’Eglise visible, mais qui vivent réellement dans la catholicité de l’amour.


lundi 5 avril 2021

PAQUES 2021

 



Après sa mort en croix Jésus a été mis au tombeau en toute hâte car le Sabbat approchait :

À l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et, dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore déposé personne. À cause de la Préparation de la Pâque juive, et comme ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus.

Dès que le Sabbat fut terminé, Marie de Magdala eut le désir de se rendre en pèlerinage au tombeau, un pèlerinage funéraire ; de grand matin, c’était encore les ténèbres, précise Jean. Marie fait partie de ces femmes qui ont suivi Jésus jusqu’au bout et qui étaient présentes au pied de la croix. Elles ont été les témoins de la mort de leur Maître bien-aimé. Dans un premier temps Marie est confronté à quelque chose d’inattendu : Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Le tombeau est donc ouvert, mais étrangement elle n’y entre pas pour voir le corps de Jésus enveloppé dans les linges funéraires. Du moins cela n’est pas dit par l’évangéliste. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Marie Madeleine revient donc en ville pour annoncer à deux apôtres, Pierre et Jean, ce qu’elle vient de constater. Sa réaction spontanée d’aller à la rencontre de ces hommes choisis par Jésus lui a valu le beau titre d’ « apôtre des apôtres ». Même si Marie Madeleine n’annonce pas la résurrection du Seigneur, c’est grâce à elle que les deux apôtres quittent la ville pour, eux aussi, se rendre au tombeau le premier jour de la semaine. Pierre a renié le Christ alors que Jean lui était resté fidèle. Il était le seul parmi les Douze, d’après les Evangiles, à être présent au pied la croix aux côtés de la mère de Jésus. Et c’est lui qui arrive le premier au tombeau : Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. Cependant il tient à laisser la préséance à Pierre. L’Evangile nous dit que Jean fut le premier à croire en la résurrection du Seigneur, sans même l’avoir vu, uniquement à partir du signe du tombeau ouvert et vide et des linges funéraires… alors que Marie pense que le corps de Jésus a été simplement enlevé et déposé ailleurs.

Dans l’humanité les funérailles sont très souvent l’occasion de retrouvailles et de rassemblements familiaux. Les morts ont cet étrange pouvoir de rassembler les vivants. Et il arrive que dans les jours qui suivent un enterrement on aille se recueillir au cimetière sur la tombe du défunt. Jésus ne fait pas exception. Dès le surlendemain de sa mort il rassemble ses amis, une femme et deux hommes. Son arrestation et sa Passion les avaient dispersés, sa mort les rassemble. Pierre, Jean et Marie représentent bien l’Eglise dans sa diversité de charismes et de ministères. Le passage évangélique de cette solennité de Pâques s’arrête avant que Jésus ressuscité ne se montre vivant à Marie et aux apôtres. Mais on peut dire que l’Eglise, née sur le calvaire, renaît le premier jour de la semaine avec l’événement du tombeau vide et ce qu’il provoque dans les cœurs des uns et des autres. Après la profession de foi du centurion romain (Vraiment, cet homme était Fils de Dieu !), le disciple que Jésus aimait est le premier croyant de l’histoire de l’Eglise. Il vit et il crut. Nous ne savons rien des sentiments de Pierre à ce moment-là. Jean, lui, sans voir Jésus ressuscité, est le premier à croire en la résurrection comme il avait été le plus rapide à la course et le premier arrivé au tombeau. L’Evangile nous présente Jean comme l’opposé de Thomas, celui qui non seulement a besoin de voir mais aussi de toucher pour pouvoir s’écrier Mon Seigneur et mon Dieu. L’Evangile de ce dimanche de Pâques nous montre toute la fécondité du grain de blé tombé en terre, toute la puissance d’amour de la résurrection du Seigneur. L’un des signes de cette fécondité c’est le rassemblement des hommes et des femmes autour de Jésus dans la communauté de l’Eglise. Ce rassemblement commence à trois… avec trois attitudes différentes face au mystère de Pâques. Il faudra du temps pour que Marie, Pierre, Jean, Thomas et les autres puissent réellement adhérer en tant que communauté à la résurrection du Seigneur et à toutes les conséquences qu’elle aura dans leur vie d’hommes et de femmes. Ce n’est probablement pas un hasard si le fruit du don de l’Esprit au jour de Pentecôte ressemble au fruit de la Pâque du Seigneur : le rassemblement ecclésial et la communion entre tous les disciples du Christ.

Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun… Chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur ; ils louaient Dieu et avaient la faveur du peuple tout entier. Chaque jour, le Seigneur leur adjoignait ceux qui allaient être sauvés.

 

  

 


vendredi 2 avril 2021

VENDREDI SAINT 2021

 



Après avoir accueilli la proclamation de la Passion du Seigneur selon saint Marc lors du dimanche des Rameaux, nous venons d’écouter la version que donne saint Jean du même événement. La tonalité de la Passion selon saint Jean est, par bien des aspects, originale. L’évangéliste passe assez rapidement sur le procès juif devant Anne et ne nous dit rien de ce qui s’est passé chez Caïphe. D’ailleurs le procès juif ne ressemble pas à un véritable procès puisque aucune sentence de condamnation ne nous est rapportée. La manière plus que maladroite avec laquelle les Juifs répondent à la question de Pilate (Quelle accusation portez-vous contre cet homme ?) le démontre clairement : S’il n’était pas un malfaiteur, nous ne t’aurions pas livré cet homme. Ce n’est que parce que Pilate résiste et qu’il faut le convaincre de condamner Jésus à la crucifixion, que les Juifs finissent par formuler ce qui, à leurs yeux, fait de Jésus un coupable méritant bien la mort : Nous avons une Loi, et suivant la Loi il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu.

L’originalité de Jean tient en grande partie à la place qu’il donne au procès romain, très développé, et au rôle qu’il attribue à Pilate, le représentant du pouvoir romain à Jérusalem. En effet le Romain est présenté comme un homme juste, affirmant à plusieurs reprises l’innocence de Jésus et cherchant à tout prix à lui éviter la condamnation à mort… quitte à le faire flageller pensant que cela suffira à calmer la foule. Pilate est réellement une figure centrale du drame qui se joue à ce moment-là, et cela se vérifie par le fait qu’il prend très souvent la parole. Il dialogue d’un côté avec les Juifs et de l’autre avec Jésus. Face aux Juifs, il cherche jusqu’au bout à faire libérer Jésus. C’est l’argument politique qui finit par le faire vaciller : Si tu le relâches, tu n’es pas un ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur. Bien plus profond et intéressant est le dialogue qu’il noue avec Jésus, le roi des Juifs. Ce rapport entre le Romain et le Juif relève presque de la philosophie. Et c’est bien face à Pilate, avant la flagellation, que le Seigneur révèle en profondeur qui il est et quel est le sens de sa mission.

Première révélation : Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. Jésus témoigne ici de la transcendance, de la réalité de ce qu’il appelle le Royaume des cieux ou le Royaume de Dieu. Notre monde n’épuise pas la réalité, loin de là. Ce qui est encore invisible à nos yeux de chair n’en est pas moins réel. C’est même la réalité essentielle pour Jésus, celle pour laquelle il est prêt à donner sa vie. Si le Romain Pilate avait quelque connaissance de la philosophie de Platon, cela devait probablement lui rappeler quelque chose…

Seconde révélation : Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. Jésus, bien avant de se trouver devant Pilate, s’est identifié lui-même à la vérité : Je suis le chemin, la vérité et la vie. Ici Pilate pourrait penser à Socrate et à sa fameuse méthode pour faire accoucher ses interlocuteurs de la vérité qui, en grec, signifie dévoilement… Mais sa réponse montre qu’il appartient à l’école philosophique des sceptiques : Qu’est-ce que la vérité ? Le rapport de Jésus à la vérité, pour laquelle il justifie le mystère de son incarnation, n’est cependant pas identique à celui que Socrate entretenait avec elle. Pour le comprendre nous pouvons nous référer à l’enseignement donné par le Seigneur à Nicodème :

Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu.

Pour Jésus le dévoilement de la vérité ne peut s’effectuer que si la volonté, donc le cœur, est mise à contribution. La vérité n’est pas d’abord une affaire de raisonnement ou de dialogue philosophique. Il faut la faire pour se laisser illuminer par elle, ce qui suppose une conversion, un changement de vie. La vérité a partie liée avec le bien. Devant l’autorité romaine le Seigneur se présente véritablement comme le témoin, c’est le sens même du mot martyr, du Royaume et de la vérité. Confronté à ce martyr, Pilate fait une double présentation de Jésus à la foule : voici l’homme – voici votre roi. La première est universelle tandis que la seconde est particulière, propre au peuple Juif.

Jésus donc sortit dehors, portant la couronne d’épines et le manteau pourpre. Et Pilate leur déclara : « Voici l’homme. » Quelle signification pouvons-nous bien donner à cette mystérieuse parole du procurateur ? Serait-il prophète en cet instant ? Jésus comme l’Homme parfait, juste et saint, le Nouvel Adam ? Et en même temps ce Jésus souffrant dans son âme et dans son corps comme image de l’homme déchu, comme celui portant le péché du premier Adam ? Nous pouvons peut-être interpréter la parole de Pilate à la lumière de la première lecture qui nous décrit le serviteur souffrant, à la fois parfaitement juste, innocent et portant totalement toutes nos fautes en raison de son amour extrême pour Dieu et pour chacun d’entre nous. Voici l’homme… Cette parole trouve un écho particulier dans la prière d’ouverture de cet office de la Passion :

Du fait de notre nature, nous avons dû connaître la condition du premier homme qui vient de la terre ; sanctifie-nous par ta grâce pour que nous connaissions désormais la condition de l’homme nouveau qui appartient au ciel.


jeudi 1 avril 2021

JEUDI SAINT 2021

 


C’est avec la célébration de la messe en mémoire de la Cène du Seigneur que nous entrons dans le triduum pascal, sommet de toute notre année liturgique. Alors que notre célébration fait mémoire de l’institution du sacrement de l’eucharistie par Jésus, la liturgie fait le choix de nous montrer Jésus lavant les pieds de ses disciples. L’introduction donnée par Jean à cet événement nous donne la clé de compréhension du mystère :

Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.

L’eucharistie comme le lavement des pieds sont des signes de l’amour extrême du Seigneur pour ses disciples. Dans les deux cas il se fait notre serviteur : il nous sert et nous nourrit dans le banquet eucharistique et il nous sert dans le geste du lavement des pieds. La charité divine ne se divise pas, comme si d’un côté il y avait le don des sacrements et de l’autre le service des hommes. Ce qui est le plus bouleversant, c’est que le service eucharistique du Christ prêtre annonce un autre service, cette fois dans le banquet du Royaume, dans la gloire du Ciel comme en témoigne ce passage de saint Luc :

Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte. Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir.

Pierre, nous le voyons, refuse de se laisser servir par son Maître. Il refuse l’abaissement de Dieu, l’inversion des rôles. Dans la Rome antique, lors de la fête des Saturnales, la tradition voulait que les maîtres servent leurs esclaves. N’oublions pas que le geste que Jésus fait en faveur de ses disciples était en effet effectué par les esclaves. Si le Seigneur fait ce geste, ce n’est pas seulement pour rappeler son état de serviteur, mais aussi pour nous donner un exemple inoubliable de service :

Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous.

La veille du jour où il donnera sa vie pour nous sauver, le Seigneur nous invite à réfléchir sur notre esprit de service que ce soit dans la société, dans la communauté ou dans l’Eglise. Du point de vue chrétien le service est toujours en vue du bien commun, donc de la communauté, civile ou ecclésiale. Même lorsque nous nous mettons au service d’une personne, nous contribuons ainsi à l’unité et à la communion. L’esprit de service exclut la domination sur les autres, le désir d’exercer un pouvoir sur eux ou encore la recherche de la gloire humaine. Le service selon l’esprit du Christ a pour caractéristique essentielle de libérer celui qui bénéficie de ce service. Au lieu d’enfermer et de rendre dépendant, il ouvre au contraire un chemin de liberté pour celui qui reçoit ce service. Jésus est un maître, il n’est pas un gourou. Enfin celui qui sert selon l’esprit du Christ sait, au fond de son cœur, qu’il n’est pas le propriétaire du service qu’il assume. Il en est simplement le dépositaire pour un temps. Il ne se considère pas comme indispensable ou irremplaçable, mais a une vive conscience d’être un serviteur « inutile » pour reprendre l’expression de l’Evangile :

De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.”

Ce n’est pas par hasard que la Tradition voit dans la dernière Cène non seulement l’institution du sacrement de l’eucharistie mais aussi celle du sacerdoce. Jésus sait qu’il ne sera plus présent physiquement parmi ses disciples. C’est la raison pour laquelle il remet son service divin entre les mains des Douze qui sont des hommes faibles et pécheurs. Et les Douze le remettront plus tard à d’autres etc. C’est la tradition apostolique qui est parvenu jusqu’à nous. D’une certaine manière, même si cela nous paraît surprenant, Jésus ne s’est pas considéré comme « irremplaçable », tout Fils de Dieu qu’il était… Il a voulu que d’autres perpétuent dans le ministère apostolique et dans l’Eglise sa présence. Certes aucun ministre de l’Eglise ne remplace Jésus. Mais Jésus, dans la logique de son abaissement et du mystère de son incarnation, a voulu en quelque sorte s’effacer entre les mains de ses apôtres en leur laissant ainsi un espace de liberté et d’initiative dans l’Eglise, sous la conduite de l’Esprit Saint. Au moment de l’Ascension, Jésus fait confiance à ses apôtres pour qu’ils soient le signe de sa présence parmi les hommes. La grande leçon d’humble service du lavement des pieds fait que le pape, chef visible de l’Eglise catholique, aime à se définir depuis saint Grégoire le Grand (590-604) comme le serviteur des serviteurs de Dieu. Souvenons-nous en chaque fois que nous nous mettons au service de nos frères et de la communauté, dans la société comme dans l’Eglise.