dimanche 26 septembre 2021

26ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

26/09/2021

Marc 9, 38-48

L’Evangile de ce dimanche rassemble diverses paroles de Jésus. Je me limiterai à considérer deux d’entre elles, car il me semble qu’elles s’éclairent mutuellement.

D’une part : Celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.

Et d’autre part : Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer.

Remarquons comment ces deux sentences commencent de manière identique : Celui qui… Elles sont clairement en contraste, en opposition, l’une par rapport à l’autre. La première désigne une bonne action qui aboutit à une récompense divine tandis que la seconde désigne une mauvaise attitude qui est pire que la mort.

Regardons tout d’abord la bonne action. Elle n’a rien d’héroïque, ni d’exigeant, elle est au contraire très simple et à la portée de tous : il s’agit de donner un verre d’eau à celui qui a soif ! Ici le Christ nous propose un bien facile à réaliser. Ici il s’agit d’une charité spécifique : celle qui est destinée aux chrétiens. Cela peut être la charité fraternelle des membres de l’Eglise qui ont le souci les uns des autres. Mais cela peut aussi vouloir dire qu’un païen, pour parler le langage antique, ou encore le non-chrétien, l’athée, recevront une récompense de Dieu s’ils agissent bien envers ses fils et ses filles, les croyants baptisés.

A l’opposé de cette bonne action se situe le scandale causé aux croyants. Jésus a un langage dur : il vaudrait mieux pour cette personne qu’elle meure noyée dans la mer plutôt que de causer la chute d’un seul de ses disciples. Cela nous invite à réfléchir à l’importance et à la qualité de notre témoignage de chrétiens. La deuxième lecture nous donne quelques exemples de contre-témoignages de la part de croyants qui ne recherchent que plaisir et luxe, en accumulant des richesses, tout en négligeant la justice sociale. Jacques souligne leur indifférence aux malheurs qui accablent leurs frères en humanité : vous avez fait bombance, pendant qu’on massacrait des gens. Ce faisant, il ne fait que reprendre la tradition prophétique la plus traditionnelle telle qu’elle est exprimée, par exemple, chez le prophète Amos. En pensant à l’actualité récente de notre Eglise, on peut avoir en mémoire le scandale de la pédophilie chez certains ministres de Dieu. La sévérité avec laquelle Jésus aborde toutes les formes de contre-témoignage qui font chuter les croyants (et aussi ceux qui ne le sont pas ou pas encore !) nous fait comprendre avec quelle intensité nous devons vivre notre engagement chrétien. Il s’agit bien pour nous d’être sel de la terre et lumière du monde ! Et cela passe avant toutes choses par l’amour authentique que nous aurons les uns pour les autres dans l’Eglise et pour tous nos frères les hommes. Le chapitre 9 de saint Marc se termine d’ailleurs par une allusion à cette image du sel :

C’est une bonne chose que le sel ; mais s’il cesse d’être du sel, avec quoi allez-vous lui rendre sa saveur ? Ayez du sel en vous-mêmes, et vivez en paix entre vous.

Que le Seigneur Jésus nous fasse cette grâce, alors que nous célébrons le sacrement de sa divine charité, de rechercher toujours avec ardeur la mise en conformité de notre vie et de nos actions avec le beau nom de chrétiens que nous portons !

dimanche 19 septembre 2021

25ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

19/09/2021

Jacques 3, 16- 4, 3

Depuis le dimanche 29 août, la liturgie de la Parole nous fait entendre en deuxième lecture des passages de la lettre de saint Jacques. Je vous recommande vivement la lecture de ce livre du Nouveau Testament. Cinq chapitres seulement, mais des enseignements d’une grande importance pour notre vie quotidienne ! Jacques aborde, entre autres questions essentielles, celle des péchés « en parole » ou de la langue, celle de la foi qui agit par les œuvres, celle de notre rapport aux richesses et à l’argent. Aujourd’hui il nous entretient de la sagesse chrétienne. Malheureusement le texte liturgique ne nous donne pas de début de sa réflexion. Le voici :

Quelqu’un, parmi vous, a-t-il la sagesse et le savoir ? Qu’il montre par sa vie exemplaire que la douceur de la sagesse inspire ses actes. Mais si vous avez dans le cœur la jalousie amère et l’esprit de rivalité, ne vous en vantez pas, ne mentez pas, n’allez pas contre la vérité. Cette prétendue sagesse ne vient pas d’en haut ; au contraire, elle est terrestre, purement humaine, démoniaque. Car la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes.

Jacques oppose une sagesse purement terrestre à la sagesse qui vient de l’Esprit Saint. La sagesse divine se caractérise par la douceur tandis que la sagesse démoniaque se nourrit de la jalousie et des rivalités. Elle conduit à la division et au péché. Au fond elle n’est pas une sagesse, car même la sagesse simplement humaine peut produire en nous de bons fruits. Il s’agit d’une prétendue sagesse qui donne libre cours à nos instincts les plus bas et à nos convoitises :

D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes ?

L’homme divisé en lui-même, celui dont le cœur n’est pas unifié, ne peut pas vivre dans la paix du Seigneur. Non seulement il ne le peut pas, mais il empêche les autres de vivre dans cette paix et selon la sagesse véritable. La lettre de saint Jacques nous rappelle les Béatitudes et le lien qui existe entre chacune d’entre elles. La sagesse est douceur (Heureux les doux !) et cette douceur est inséparable d’un cœur pacifié et pacifique : C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de la paix.

Ecoutons maintenant ce que Jacques nous dit de la sagesse divine :

La sagesse qui vient d’en haut est d’abord pure, puis pacifique, bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie.

A nouveau nous retrouvons l’enseignement de Jésus dans les Béatitudes avec la pureté, la paix et la miséricorde. Le cœur pur, c’est le cœur droit, honnête, sincère, sans hypocrisie, c’est le cœur qui recherche d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, c’est le cœur qui aspire à la sainteté et à l’imitation du Christ… à l’opposé du cœur partagé et divisé en lui-même. Le cœur pur est pacifique parce qu’il est en paix avec lui-même et avec Dieu. Il va de pair avec une bonne conscience. La sagesse qui vient d’en haut nous donne ce cœur pur et nous rend bienveillants, conciliants et miséricordieux. A l’opposé de la dureté qui caractérise la fausse sagesse et qui nous entraîne facilement vers le jugement et la condamnation, souvent dans le péché d’orgueil, la douceur de la sagesse divine est cette force qui nous permet de comprendre l’autre, de nous mettre à sa place et de lui pardonner ses offenses. La sagesse chrétienne telle que nous la décrit saint Jacques est une formidable puissance de réconciliation, une annonce prophétique du Royaume à venir, féconde en bons fruits. La sagesse chrétienne est une participation dans l’Esprit Saint à l’œuvre du Christ telle qu’elle nous est décrite par l’apôtre Paul dans sa lettre aux Colossiens :

Dieu a jugé bon qu’habite dans le Christ toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel.

 

dimanche 12 septembre 2021

24ème dimanche du temps ordinaire / année B. "Au dire des gens, qui suis-je?"

 


Marc 8, 27-35

12/09/2021

Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? »

Dans l’Evangile de ce dimanche, Jésus fait en quelque sorte un sondage d’opinion. Comment est-il perçu en Israël ? La société de son époque est très différente de la nôtre du point de vue religieux. En Israël tout le monde croit au Dieu unique et les Juifs se passionnent pour des débats religieux comme en témoignent les Evangiles. Dans le vaste empire romain tous les hommes sont religieux et adorent une multitude de dieux. Contrairement à notre époque on pourrait caractériser le temps de Jésus par une surabondance de dieux… pas question d’athéisme même pour ceux qui peuvent avoir des doutes. Pas d’indifférence religieuse non plus. La religion et le culte font partie du quotidien de la vie. On est alors très éloigné de la formule de Nietzche annonçant la mort de Dieu. Un épisode rapporté par les Actes des apôtres témoigne de cette religiosité omniprésente. C’est Paul qui parle alors qu’il se trouve à Athènes :

Athéniens, je peux observer que vous êtes, en toutes choses, des hommes particulièrement religieux. En effet, en me promenant et en observant vos monuments sacrés, j’ai même trouvé un autel avec cette inscription : “Au dieu inconnu.” Or, ce que vous vénérez sans le connaître, voilà ce que, moi, je viens vous annoncer.

Les athéniens comme tous les habitants de l’Empire pensaient qu’il y avait tellement de dieux qu’il était préférable de prendre des précautions en dédiant un autel au dieu inconnu afin de n’en oublier aucun dans leurs dévotions…

C’est la raison pour laquelle la question posée autrefois par Jésus résonne d’une manière totalement différente dans notre société sécularisée car Dieu n’est plus une question, il est tout simplement considéré comme inintéressant, inutile ou inexistant par la plupart de nos contemporains. C’est l’indifférence à son égard qui domine. Le sacré a quitté le domaine du religieux et il est descendu sur terre investissant des domaines profanes comme le sport, la musique etc. Les dieux ont changé de visage et se sont résorbés dans la réussite matérielle, la gloire, le succès, l’ambition, les richesses, les plaisirs sensuels… tels sont les dieux de notre polythéisme contemporain. Saint Jean les trouvaient déjà présents comme concurrents du Dieu d’Israël, comme obstacles essentiels à l’accueil de l’Evangile du Christ, confessé par Pierre dans notre Evangile :

Tout ce qu’il y a dans le monde – la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, l’arrogance de la richesse –, tout cela ne vient pas du Père, mais du monde.

Et Paul déjà se lamentait du matérialisme grossier dans lequel certains se complaisaient :

Ils vont à leur perte. Leur dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne pensent qu’aux choses de la terre.

Depuis la mort de Dieu prophétisée par Nietzsche, il semblerait bien que les nouveaux dieux, les idoles, ne soient plus en concurrence avec Dieu, comme s’ils avaient acquis le monopole des cœurs, la majorité dans les sondages d’opinion…

C’est dire si l’annonce de la foi chrétienne et du Christ crucifié et ressuscité se fait aujourd’hui dans un contexte très différent de celui de l’époque de Pierre et de Paul ! Le reproche adressé par Jésus à son apôtre, tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes, a une résonance bien spécifique 2000 ans plus tard. La grande difficulté de nos contemporains et même de certains d’entre nous, les croyants, consiste bien à s’extraire de la pensée humaine pour accueillir la révélation divine venant bouleverser nos vies par le mystère de l’incarnation, par la présence au milieu de nous du Christ qui est Seigneur. Il était déjà intolérable pour Pierre d’entendre son maître annoncer sa Passion et sa mort en croix. A plus forte raison de nos jours, le message du Christ nous choque profondément et nous indispose :

Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.

Nos contemporains pensent généralement du bien de Jésus… ou encore de son message d’amour fraternel et de paix… mais de là à le reconnaître comme la Parole de Dieu faite chair, il y un abime qui leur semble impossible à franchir ! C’est le saut de la foi dans la nouveauté et l’inconnu des pensées de Dieu ! S’il est pour nous essentiel de vivre la  foi qui agit par la charité, comme nous le rappellent à la fois Paul et Jacques, nos contemporains ont besoin du témoignage de chrétiens qui prient et qui développent une vie spirituelle intense, témoignant par-là que le Christ est vraiment le Vivant avec lequel ils désirent vivre la communion. D’où l’importance de la vie religieuse et consacrée ainsi que de la vie spirituelle de chaque chrétien, personnelle et communautaire. Rendons grâce pour le don de la foi et demandons pour nos frères et sœurs indifférents la grâce d’accueillir la révélation du Christ et les pensées de Dieu :

Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.

 


dimanche 5 septembre 2021

23ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

5/09/2021

Marc 7, 31-37

Après avoir guéri la fille d’une étrangère, Jésus opère à nouveau une guérison hors d’Israël, dans le territoire de la Décapole. Peut-être connaissons-nous cet Evangile à travers l’un des rites du catéchuménat des adultes qui porte le nom d’Effata.

Des gens lui amènent un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler et supplient Jésus de poser la main sur lui.

Ici ce n’est pas le sourd-muet qui demande à Jésus sa guérison mais des personnes de son entourage. C’est bien le rôle de l’Eglise et de chaque chrétien d’intercéder dans la prière pour ceux qui en ont particulièrement besoin et de les présenter à Jésus. L’Eglise dans sa mission doit toujours avoir le souci de conduire à Jésus toutes les personnes avec lesquelles elle entre en contact par ses membres. L’Eglise est faite pour conduire à Jésus et à son Evangile. Dans cette mission elle peut emprunter bien des chemins différents en fonction des époques, des situations et des personnes. Il n’y a pas une seule manière d’évangéliser mais chaque chemin doit aboutir à la connaissance et à l’amour du Christ. Dans l’Evangile de ce dimanche on demande à Jésus de faire un geste bien précis en faveur du sourd-muet : celui de l’imposition de la main, geste de bénédiction et d’appel de l’Esprit de Dieu que l’on retrouve souvent dans la liturgie sous le nom d’épiclèse, en particulier en vue de la consécration du pain et du vin dans l’eucharistie. Mais le Seigneur choisit un autre geste de guérison :

Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue.

Notons bien l’insistance de l’évangéliste sur le fait que Jésus tient à opérer cette guérison de la manière la plus discrète possible. Elle n’est pas un spectacle destiné à épater les foules comme le ferait un bon magicien pour s’acquérir un succès facile auprès de son public. Nous retrouvons cette caractéristique de la non-publicité du miracle à la fin de notre page évangélique :

Alors Jésus leur ordonna de n’en rien dire à personne.

Le miracle s’opère par des gestes très concrets (mettre les doigts dans les oreilles et appliquer de la salive sur sa langue). Mais comme les gestes de la liturgie, ceux que Jésus fait pour cet homme s’accompagnent d’une parole. C’est la structure même des sacrements de l’Eglise catholique : geste et parole.

Les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! »

Que signifie donc ce soupir de Jésus ? Que donnent d’autres traductions ? Il gémit (Bible Bayard), comme peiné (Bible des peuples). Il est difficile d’interpréter ce gémissement, ce soupir du Christ alors qu’il redonne à cet homme la capacité d’entendre et de parler. Peut-être faut-il y reconnaître la réticence du Christ à répondre aux demandes de guérison, car là n’est pas pour lui l’essentiel de sa mission … Autrement il aurait guéri avec sa puissance divine tous les malades et handicapés, et pas seulement quelques personnes… On peut penser par exemple à ce que Jésus affirme au chapitre 12 de l’Evangile selon saint Matthieu :

Cette génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais, en fait de signe, il ne lui sera donné que le signe du prophète Jonas. En effet, comme Jonas est resté dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, le Fils de l’homme restera de même au cœur de la terre trois jours et trois nuits.

Pour le dire simplement le grand signe, le signe unique accompli par le Christ dans le mystère de son incarnation c’est celui de sa Pâque, de son passage par la mort pour aboutir à la résurrection.

Pour conclure écoutons la reprise que la liturgie du catéchuménat fait de notre Evangile avec le rite de l’Effata. Le prêtre touche les oreilles et les lèvres du catéchumène en disant :

Effata, c’est-à-dire ouvrez-vous, afin de proclamer, pour la louange et la gloire de Dieu, la foi qui vous a été transmise.

Le signe de croix que nous traçons sur nos lèvres avant d’écouter la proclamation de l’Evangile a exactement la même signification : il s’agit bien de proclamer notre foi en paroles et en actes.