lundi 27 octobre 2008

30ème dimanche du temps ordinaire

30ème dimanche du temps ordinaire / A
26 octobre 08
Matthieu 22, 34-40 (p. 832)
L’enseignement du Christ sur le double commandement de l’amour fait partie du cœur même de l’Evangile, de l’essentiel de notre foi chrétienne. Ce bref texte de Matthieu a son équivalent en Marc, plus développé, et en Luc, sous une forme assez différente avec la parabole du bon samaritain. Quant à Jean c’est l’évangéliste de l’amour, avec un sommet de la révélation chrétienne lorsqu’il affirme dans sa première lettre que « Dieu est Amour ».
Chez saint Matthieu tout part d’une question-piège de la part d’un pharisien docteur de la Loi : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Chez saint Luc c’est aussi un docteur de la Loi qui pose au Seigneur une question pour l’embarrasser, question différente : « Maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle ? » Et dans la version de Luc c’est le docteur de la Loi lui-même qui cite le double commandement de l’amour… Jésus s’étant contenté de lui demander : « Que dit l’Ecriture, que vois-tu dans la Loi ? » Cette différence montre bien que le Juif qui connaissait les Ecritures et les étudiait était capable par lui-même d’en tirer la substantifique moelle. En enseignant le double commandement de l’amour, le Seigneur ne fait que tirer des Ecritures le meilleur. C’est dans ce sens là que Jean dit que ce commandement est ancien . Jésus n’invente rien, mais il vient accomplir la Loi de Moïse. Il cite en fait un verset du Deutéronome et un verset du Lévitique. En même temps ce commandement ancien est nouveau du fait qu’il trouve son accomplissement en la personne du Fils de Dieu et que chaque génération de chrétien doit le vivre en fonction de situations nouvelles et de défis nouveaux. Les chrétiens du premier siècle n’avaient pas à se poser les questions que nous nous posons dans le domaine de la bioéthique par exemple. Les commandements de Dieu ne sont pas des paroles théoriques, intemporelles, mais des paroles devant s’incarner dans l’histoire du peuple d’Israël puis dans l’histoire de l’Eglise. En fait le double commandement nous donne l’esprit du décalogue. L’amour envers Dieu correspond aux 4 premiers commandements et l’amour envers le prochain aux 6 autres. Si Jésus dit que l’amour envers Dieu et l’amour envers le prochain sont « semblables », donc intimement liés, il établit tout de même une hiérarchie entre les deux commandements. L’amour pour Dieu est le premier, le grand commandement, l’amour pour le prochain est le second. Ce qui revient à dire : « Dieu premier servi ». Aujourd’hui nous avons à insister sur le grand commandement. L’amour envers Dieu implique bien sûr de notre part le culte et la prière. Mais toute la révélation biblique nous enseigne que la liturgie peut devenir insignifiante, comme vidée de son sens, si nous ne nous y engageons pas de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit. Bref si nous ne sommes pas habités intérieurement par un véritable amour du Seigneur, notre participation à la liturgie restera extérieure et ne pourra pas porter tous ses fruits. C’est l’Esprit-Saint qui nous donne cette charité pour Dieu. Tous nos gestes extérieurs d’adoration et de respect doivent traduire l’affection filiale et reconnaissante qui nous lie à Dieu Notre Père. Dans les Dix commandements, c’est le 4ème qui fait la transition et l’unité entre notre amour pour le Seigneur et notre amour pour le prochain. Car lorsque le livre de l’Exode demande aux Juifs d’observer le repos du sabbat, ce n’est pas seulement pour faire mémoire du repos de Dieu Créateur. C’est aussi en vue de la justice sociale. En ce jour sacré, plus que jamais, l’égale dignité des créatures de Dieu doit resplendir : « Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui réside dans ta ville. » Le repos du sabbat détruit toutes les barrières sociales entre hommes et femmes, parents et enfants, maîtres et serviteurs, juifs et immigrés. Même les animaux sont tenus au repos ce jour-là ! C’est cet héritage du 4ème commandement, dont nous venons de voir la portée sociale, qui est si dangereusement menacé dans notre société de consommation.
Quelques mots à propos du second commandement : Maurice Zundel disait avec lucidité qu’il est plus facile de croire en Dieu que de croire en l’homme… Tout simplement parce que Dieu est bon et que l’homme, lui, lutte sans cesse entre le bien et le mal. L’amour envers le prochain est difficile, c’est pour cela qu’il constitue le test de l’authenticité de notre amour pour Dieu. Saint Vincent de Paul disait à ses filles : « Ce n’est point quitter Dieu que quitter Dieu pour Dieu, c’est-à-dire une œuvre de Dieu pour en faire une autre, ou de plus grande obligation, ou de plus grand mérite. Vous quittez l’oraison ou la lecture, ou vous perdez le silence pour assister un pauvre, oh ! Sachez, mes filles, que faire tout cela, c’est servir Dieu. Car, voyez-vous, la charité est par-dessus toutes les règles… ». Amen

mardi 14 octobre 2008

28ème dimanche du temps ordinaire

28ème dimanche du temps ordinaire / A
12 octobre 08
Matthieu 22, 1-14 (p. 742)
La parabole des Noces du Royaume suit celle des vignerons assassins entendue dimanche dernier. Entre ces deux paraboles nous pouvons trouver bien des points communs. N’oublions pas que Jésus adresse ces paraboles aux chefs des prêtres et aux pharisiens. Matthieu situe cet enseignement du Christ à Jérusalem, juste après l’entrée triomphale de Jésus, avant les jours sombres de sa Passion. Ces deux paraboles résument toute l’histoire de notre salut, une histoire dramatique. Ici aussi Dieu envoie ses serviteurs pour inviter son peuple aux noces de son Fils. Et c’est une fois de plus le refus, l’indifférence et même la violence de la part des invités : « les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. » Survient alors la colère de Dieu comme dans la parabole des vignerons assassins : « il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et brûla leur ville. » Nous ne devons pas prendre au pied de la lettre cette colère divine mais bien comprendre qu’elle exprime « le ras le bol » de Dieu par rapport à ses enfants ingrats et indifférents, un peu à la manière du déluge dans l’Ancien Testament. La coupe est trop pleine… Ce qui provoqua le déluge autrefois c’était la grande méchanceté de l’homme : « dans son cœur il n’y avait de place que pour le mal », nous dit le texte de la Genèse.
Dans la première partie de notre parabole, illustration en fait de l’histoire du peuple Juif, les invités ne veulent pas venir aux Noces. Ces élus de Dieu sont soit violents, nous l’avons vu, soit indifférents. Leur indifférence à l’invitation de Dieu nous touche personnellement. Ici ce n’est plus seulement l’histoire du refus du peuple Juif mais bien notre histoire personnelle avec ses hauts et ses bas qui est comme représentée. Dans la version de Luc le pourquoi de cette indifférence est davantage développé : « Mais tous, comme un seul homme, commencèrent à s’excuser. Le premier lui fait dire : J’ai acheté un champ, il faut absolument que j’aille le voir. Tu voudras bien m’excuser. Un autre dit : J’ai acheté cinq paires de bœufs et je pars les essayer. Tu voudras bien m’excuser. Un autre encore dit : Je viens de me marier, c’est pourquoi je ne viens pas. » Nous avons tous fait l’expérience d’une grande déception et d’une grande amertume lorsque des amis nous posent des « lapins », des rendez-vous manqués, pour des raisons bien souvent arrangées… Que de fois nous nous donnons de bonnes excuses pour ne pas vivre au temps de Dieu ! Que de fois notre vie spirituelle ressemble à une série de rendez-vous manqués ! Cette parabole est une profonde méditation sur le rapport entre notre vie matérielle, avec toutes ses contingences, et notre vie spirituelle, avec toutes ses exigences. Le danger pour nous est de séparer ces deux sphères de notre vie : d’un côté l’humain, de l’autre le chrétien. Or si la part humaine de notre vie n’est pas assumée par la foi, l’espérance et la charité, nous risquons bien de ne jamais répondre à l’appel de Dieu. La vraie liberté chrétienne consiste justement à ne pas se laisser accaparer et dominer par les contingences matérielles, mais à subordonner tout cela à notre relation à Dieu. Et le temps reste un bon test pour notre générosité. Si nous manquons les rendez-vous de Dieu, c’est que, sous prétexte de manquer de temps, nous sommes en fait avares de notre temps. Nous ne donnons au Seigneur que quelques restes… Nous ne sommes pas choqués, par exemple, d’arriver en retard à la messe, de partir avant la fin… Alors que nous savons très bien arriver à l’heure pour prendre notre train ou notre avion ! Un père jésuite fait remarquer avec justesse que nous sommes à la fois invités et épousés : « Quand nous disons ‘épousés’, nous insistons sur le fait que Dieu, dans le Fils, vient faire sienne notre chair ; quand nous disons ‘invités’, nous soulignons que cela ne se produit pas sans l’assentiment de notre liberté. Il y faut, de notre part, un déplacement qui réponde au « déplacement » que Dieu lui-même accomplit pour venir se joindre à nous. » L’invitation de Dieu aux Noces de son Fils nous oblige donc à nous déplacer, c’est-à-dire à nous décentrer de nous-mêmes et de notre temps égoïste, pour entrer dans la réalité du Royaume. L’invitation de Dieu nous dérange forcément car nous sommes pécheurs.
La seconde partie de notre parabole illustre le passage du Peuple Juif aux Nations païennes. Face au refus des élus, Dieu invite les bons comme les mauvais à entrer dans la salle des Noces. Mais voilà qu’un homme ne portant pas le vêtement de noce est exclu du banquet de la fin des temps… Pour Saint Augustin, à la suite de Saint Paul, ce vêtement de noce représente la charité chrétienne. Car nous pouvons être baptisés, avoir la foi, et cependant être comptés parmi les mauvais… La charité, n’est-ce pas d’abord penser à Dieu et aux autres ? Donc sortir de son intérêt immédiat et personnel ? N’est-ce pas par manque de charité que les premiers invités ont préféré leur champ et leur commerce à l’appel du Seigneur ? Que l’Esprit-Saint nous donne de vivre selon le temps de Dieu ! Amen

lundi 6 octobre 2008

27ème dimanche du temps ordinaire

27ème dimanche du TO / A
5 octobre 2008
Matthieu 21, 33-43 (p. 694)
Depuis quelques semaines le Seigneur utilise chaque dimanche l’image de la vigne pour nous parler du Royaume des cieux : la parabole des ouvriers employés à la vigne, la parabole des deux fils et aujourd’hui celle des vignerons assassins. La liturgie de la Parole fait résonner à nos oreilles la merveilleuse symphonie des Ecritures. Nous contemplons ce rapport entre l’Ancien Testament (Isaïe et le psaume) et le Nouveau. Jésus reprend l’image d’Isaïe tout en la modifiant. C’est pour cette raison que nous devons d’abord bien comprendre le message du prophète.
Dans notre première lecture Dieu est l’ami. Un ami qui aime et soigne sa vigne. Et quand on aime on ne compte pas… « Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? » Au plus nous aimons quelqu’un, au plus nous attendons de lui beaucoup… Isaïe insiste sur cette attente amoureuse de Dieu vis-à-vis du plan qu’il chérissait. Et voilà que cette attente a été terriblement déçue. La maison d’Israël, les habitants de Juda, ont donné de mauvais raisins… Nous savons humainement parlant ce que c’est que d’être déçu par un être aimé. Eh bien c’est ce sentiment qui est comme transposé au niveau du cœur de Dieu. Ce peuple qu’il aime tant ne lui rend qu’ingratitude et indifférence.
Des siècles après Isaïe, Jésus reprend donc l’image de la vigne en s’adressant aux chefs des prêtres et aux pharisiens. La parabole des vignerons assassins a cependant son originalité. Il ne nous est pas dit que les raisins soient mauvais. Ce sont les vignerons qui sont mauvais. Et cette image de la vigne et des vignerons permet au Seigneur de nous raconter toute l’histoire du salut, une histoire dramatique à bien des égards. Le propriétaire du domaine, le Créateur, donne sa vigne en fermage à des vignerons et part en voyage. Belle image pour signifier que Dieu nous confie sa création et désire que nous exercions pleinement notre responsabilité de gérants. Oui, il part en voyage, car il n’est pas là derrière nous en doublon pour surveiller tout ce que nous faisons ou encore pour nous diriger comme si nous n’étions pas libres. Quand Dieu confie à l’homme sa création, il lui fait totalement confiance. Et c’est avec sa liberté et son intelligence que l’homme doit cultiver cette vigne de telle sorte qu’elle donne beaucoup de beaux fruits. Et voilà que le moment de la vendange arrive… Le Père envoie ses serviteurs. Nous pouvons penser à tous les prophètes de l’Ancienne Alliance. Les vignerons les accueillent fort mal, vont même jusqu’à les tuer. Car ils ne veulent pas rendre le produit de la vigne au maître du domaine. Ils oublient que la vigne leur a été donnée et confiée par Dieu. Ils veulent se l’accaparer de manière ingrate et injuste. Ils ne veulent pas dire merci au Créateur pour son don merveilleux. Mais le maître du domaine ne se décourage pas et envoie d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers… Rien n’y fait, les vignerons ont endurci leur cœur et s’enferment dans leur cupidité. « Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : ‘ils respecteront mon fils.’ » Et les vignerons ne se laissent pas davantage fléchir : ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Jésus, c’est évident, parle de lui-même, et annonce sa Passion désormais toute proche. Oui, il mourra en dehors de la Ville Sainte, sur le mont Golgotha, hors de la vigne. Et les vignerons ce sont bien les chefs des prêtres et les pharisiens auxquels il adresse cet enseignement. Ce qui est dit ici de l’histoire du salut par une parabole, l’auteur de la lettre aux Hébreux le résume lui aussi de manière magnifique : « Dieu dans le passé avait parlé à nos pères à bien des reprises et de bien des façons par les prophètes, mais en ces jours qui sont les derniers, il nous a parlé par le Fils. C’est par lui que Dieu a disposé les temps de la création , et c’est lui que Dieu a fait le destinataire de toutes choses. » Mais l’amour n’est pas aimé, la Parole n’est pas accueillie, et c’est ce qui rend l’histoire de notre salut dramatique et violente. Le texte liturgique ne nous donne pas la conclusion de la parabole. La voici : « Les chefs des prêtres et les pharisiens écoutaient ces paraboles, et ils comprirent que Jésus parlait pour eux. Ils auraient voulu s’emparer de lui, mais ils craignaient la foule qui voyait en Jésus un prophète. »
Membres de l’Eglise, nous sommes ces nouveaux vignerons à qui le Père a confié son Royaume. Nous devons produire du fruit en abondance. Chrétiens, nous aussi, nous pouvons être tentés de la même manière que les élites religieuse d’Israël autrefois. Tentés de garder le trésor de la foi pour nous. Tentés de nous faire les propriétaires et les maîtres de l’Eglise-nouvelle vigne. Nous pouvons être, nous aussi, des ingrats et des injustes. Il n’y a pas pire péché que l’endurcissement du cœur. Alors de toute notre cœur accueillons Jésus Vivant et sa Parole pour changer de vie et de mentalité avant qu’il ne soit trop tard… Amen