lundi 25 décembre 2023

NOEL 2023


Noël 2023

En cette sainte fête de Noël je vous propose deux points de méditation pour nous aider à contempler le grand et beau mystère de l’Incarnation du Seigneur.

Le premier point de méditation part de la comparaison que l’apôtre Paul établit entre Adam et le Christ dans sa lettre aux Romains, comparaison que nous retrouvons dans sa première lettre aux Corinthiens, d’où le nom de nouvel Adam donné au Christ dans la tradition chrétienne. Cette comparaison nous invite à comprendre le mystère de l’incarnation en lien avec celui de la création. En effet à Noël commence une nouvelle création. Dans la première création telle qu’elle est rapportée par les deux récits de la Genèse l’homme et la femme sont créés directement adultes par le Créateur. Ils ne passent pas par l’étape de l’enfance. Il en va tout autrement du Fils de Dieu qui, en s’incarnant dans le sein de Marie, vit la totalité de notre vie humaine de la naissance à la mort, en passant par l’enfance et l’adolescence. Jésus a connu tous les âges de notre vie humaine, excepté la vieillesse en raison de sa mort violente sur la croix. A Noël Dieu choisit de se faire enfant, nouveau-né. Le mot d’enfant en latin signifie celui qui est incapable de parler. Jean nous présente dans le prologue de son Evangile le mystère de l’incarnation en utilisant la notion de Verbe de Dieu, c’est-à-dire de Parole de Dieu. Jésus est la Parole du Père. Dans la crèche la Parole de Dieu est d’abord silencieuse. Elle ne nous parle pas par des mots et des discours. Elle nous parle à travers la présence d’un nouveau-né donné par Dieu pour être une grande joie pour tout le peuple. Ce silence, Jésus-Parole le prolongera en quelque sorte jusqu’au moment de son baptême, c’est-à-dire dans la plus grande partie de sa courte vie humaine qui est essentiellement une vie cachée, une vie ordinaire. Si Dieu se manifeste dans un nouveau-né incapable de parler, cela nous indique un chemin pour aller vers la crèche : celui du silence rempli de la présence de Dieu. Silence qui se prolongera à Nazareth jusqu’au moment du baptême par Jean. Le pape Paul VI disait à propos de cette leçon de silence :  Que renaisse en nous l’estime du silence, cette admirable et indispensable condition de l’esprit… O silence de Nazareth, enseigne-nous le recueillement, l’intériorité, la disposition à écouter les bonnes inspirations et les paroles des vrais maîtres ; enseigne-nous le besoin et la valeur de préparations, de l’étude, de la méditation, de la vie personnelle et intérieure, de la prière que Dieu seul voit dans le secret.

Le second point de méditation part de l’étonnement qui devrait nous saisir face à la concision de saint Luc dans son Evangile de la Nativité. Le grand mystère de l’Incarnation tient en un seul verset d’une simplicité absolue : Et Marie mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Il n’y avait pas de place pour eux parmi les humains, c’est la raison pour laquelle Jésus enfant est né parmi les animaux, dans une mangeoire. Cette remarque de l’évangéliste Luc nous fait penser à un verset du prologue de l’Evangile selon saint Jean : Le Verbe est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Cette célébration de la naissance du Sauveur nous invite donc à nous poser personnellement la question suivante : y a-t-il en moi, dans ma vie, de la place pour Dieu ? Souvent nous avons l’impression de manquer de place dans nos maisons ou nos appartements. Cela est parfois vrai quand nous vivons dans un petit appartement. Mais en fait nous manquons de place parce que nous sommes encombrés par l’accumulation d’objets inutiles et que nous sommes incapables de ranger et de faire de l’ordre, encore plus de donner ou de jeter ce dont nous n’avons pas ou plus besoin. Il en va de même pour notre vie spirituelle. Si Dieu n’a pas de place ou si peu en nous, c’est bien parce que notre cœur est encombré de pensées, de soucis, de préoccupations, d’activités, de projets etc. Nous avons aussi besoin de faire le ménage en nous, de mettre de l’ordre dans nos pensées et dans notre cœur. Si nous ne connaissons jamais le repos, le silence dans notre vie intérieure, comment pourrions-nous faire de la place pour le Sauveur ? Le plus difficile pour un homme de notre temps, c’est de mettre un frein à l’activisme qui le dévore, c’est de dire stop et de faire une pause bienfaisante, celle de la méditation, de la réflexion, de la lecture, de la prière, au cœur de nos multiples activités. Pour conclure cette méditation de Noël, je laisse la parole au moine bénédictin John Main qui a enseigné la méditation chrétienne :

Il doit y avoir de la place pour Jésus dans l’auberge de notre cœur. Toute notre méditation a ce but : préparer et ouvrir notre cœur à la naissance du Christ. C’est parce qu’Il est le Dieu infini que nous devons lâcher tout le reste afin qu’il y ait place pour Lui dans notre cœur. Le mystère, c’est que lorsqu’il naît dans notre cœur, tout prend naissance avec Lui.


 

dimanche 17 décembre 2023

Troisième dimanche de l'Avent / année B

 

17/12/2023

Jean 1, 6-8.19-28

Le troisième dimanche de l’Avent a une tonalité joyeuse comme nous le montrent la première et la deuxième lecture de cette liturgie. L’Evangile de Jean nous rapporte le témoignage de Jean le baptiste, témoignage entendu dimanche dernier dans la version de saint Marc. Jean est clair et affirme « Je ne suis pas le Messie ». Je ne suis que sa voix, celui qui l’annonce et lui prépare un peuple capable de l’accueillir. Aux prêtres et aux Lévites le baptiste affirme la présence mystérieuse du Messie : Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. Ce témoignage se situe juste avant le baptême du Christ par Jean, baptême qui est à la fois la manifestation et la première révélation du Messie au peuple rassemblé sur les bords du Jourdain. Cette fois le témoignage ne vient pas seulement d’un homme envoyé par Dieu mais de Dieu lui-même : J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.” Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »

Jean passe ainsi de l’ignorance à la connaissance du Messie. C’est le chemin que tous nous avons fait par la foi. Nous sommes parvenus à une certaine connaissance de Jésus Messie et Fils de Dieu. Il n’en reste pas moins vrai que ce que Jean affirme aux Juifs s’applique aussi à nous : Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas.

La connaissance de Jésus que nous pouvons avoir par la foi et la vie de prière inclue toujours une part d’ignorance, celle du mystère divin, celle concernant la seconde personne de la Sainte Trinité. Il est bon pour nous de réentendre cette parole de Jean pour nous permettre de redécouvrir la nouveauté de la révélation chrétienne. A cette parole du Baptiste correspond ce que Jésus dit de lui-même dans l’Evangile selon saint Matthieu : Personne ne connaît le Fils, sinon le Père.

Seul le Père connaît véritablement le Fils. Les théologiens peuvent avoir tendance à oublier cette vérité et être dans l’illusion d’évacuer le mystère par leurs enseignements sur le Christ. Quant à nous, cela doit nous inviter à l’humilité dans la foi. Jésus nous échappera toujours jusqu’au jour où nous le verrons face à face sans avoir besoin du voile de la foi pour le connaître. La profession de foi chrétienne et le catéchisme de l’Eglise n’épuisent jamais la connaissance que nous pouvons avoir du Christ. Il doit toujours rester dans notre relation avec Jésus une part d’étonnement et de questionnement. Ce qui est vrai pour nos relations humaines l’est encore davantage quand il s’agit de Dieu. Seule la charité parfaite peut nous donner la vraie connaissance du Christ, car celui qui fait la vérité vient à la lumière. Paul dans sa lettre aux Ephésiens nous montre comment cette connaissance parfaite du Christ n’adviendra qu’au terme d’un parcours de foi en Eglise :

De cette manière, les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude.

Jean exprime la même réalité avec un langage différent :

Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est.

 

dimanche 10 décembre 2023

Deuxième dimanche de l'Avent / année B

 

10/12/2023

Marc 1, 1-8

Au commencement de l’Avent nous avons entendu l’appel insistant de Jésus : Veillez ! Aujourd’hui Jean le baptiste proclame un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Ce baptême de pénitence n’est pas le baptême chrétien. Il le prépare et l’annonce. De même que le Christ est infiniment plus grand que Jean, de même la grâce du sacrement de baptême dépasse infiniment le seul pardon des péchés. La finale de l’Evangile de ce dimanche nous fait entrevoir par avance tout le mystère pascal, de la croix à la Pentecôte, mystère qui rend efficace le sacrement du baptême : Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. Gardons en mémoire l’appel de Jésus à la vigilance spirituelle, au cœur éveillé dans l’attente et le désir de sa venue. Être baptisé dans l’Esprit Saint nous rend capable de cette vigilance et nous fortifie dans l’attente du Seigneur qui viendra au temps fixé mais qui, ne l’oublions pas, vient à notre rencontre chaque jour et cela de bien des manières. L’attente du second avènement du Christ ne nous dispense pas, bien au contraire, de vivre l’aujourd’hui de Dieu, le présent de nos vies. C’est en vivant pleinement le temps présent que nous sommes réellement veilleurs et éveillés. L’attente du Christ ne nous fait pas vivre dans l’avenir. Elle nous enracine dans le présent et dans la mise en œuvre de notre vocation chrétienne ici et maintenant. Pour nous aider à approfondir le baptême dans l’Esprit Saint annoncé par Jean, méditons les paroles du Seigneur à Nicodème au chapitre 3 de l’Evangile selon saint Jean : Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne sois pas étonné si je t’ai dit : il vous faut naître d’en haut.

Par notre baptême et notre confirmation nous sommes tous « renés », nés d’en haut. C’est notre origine divine, cette filiation adoptive qui nous rend frères et sœurs du Christ, qui nous permet de veiller en ce monde dans l’attente du ciel nouveau et de la terre nouvelle où résidera la justice. C’est pourquoi, bien-aimés, en attendant cela, faites tout pour qu’on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix, tel est l’exhortation de Pierre dans la deuxième lecture. Notre baptême dans le Saint Esprit produit en nous la paix du cœur. L’oraison de ce deuxième dimanche de l’Avent mentionne ce qui s’oppose à la vigilance du cœur et à la paix spirituelle que Jésus vient nous donner par sa présence : Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils ; mais éveille en nous cette intelligence du cœur qui nous prépare à l’accueillir et nous fait entrer dans sa propre vie. Le souci de nos tâches présentes… Voilà une réalité qui nous parle ! L’Avent est comme une invitation à un temps de retraite pour nous recentrer sur l’essentiel, pour laisser au silence une place dans nos vies si bruyantes, si agitées, si dispersées. Le silence extérieur est un moyen pour favoriser le silence intérieur, condition essentielle pour accueillir la paix du Seigneur. Dans ce silence du cœur qui veille nous reprenons vie, nous renaissons d’en haut, en nous adonnant à une lecture nourrissante pour l’âme et l’esprit, à la prière, à la méditation. Il y a 76 ans Bernanos faisait déjà ce constat dans La France contre les robots :

On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. Que dirait-il aujourd’hui ?

Que ce temps de l’Avent nous permette de vivre les paroles du psalmiste en présence du Christ, à notre manière et selon notre vocation :

Je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère. Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais.