jeudi 30 mai 2013

LE SAINT SACREMENT


Saint Sacrement / C

Luc 9, 11-17

 

Historiquement parlant la fête Dieu est une fête relativement récente dans la liturgie catholique. C’est dans le diocèse de Liège, en Belgique, qu’elle fut célébrée pour la première fois en 1247. Mais c’est surtout au 14ème siècle que cette fête se développa sous l’impulsion des papes français Clément V et Jean XXII, papes d’Avignon.

Parmi les sept sacrements de l’Eglise l’eucharistie est le seul sacrement étant fêté pour lui-même au cours de l’année liturgique. Il y a certes la fête du baptême du Seigneur mais nous savons bien que le baptême donné par Jean n’est pas comparable au baptême chrétien. Cette fête nous rappelle, il est vrai, un élément essentiel du sacrement de baptême : la filiation divine. Il y a aussi la fête de Pentecôte qui nous invite à une réflexion sur le sacrement de confirmation. Mais encore une fois le sens de cette fête est loin de se limiter au seul sacrement de confirmation. Seule la messe a une fête qui lui est propre, sans oublier la commémoration de son institution chaque jeudi saint. C’est dire l’importance de ce sacrement, la place unique qu’il occupe dans la vie de l’Eglise et dans la vie de tout chrétien. Déjà le vocabulaire nous enseigne quelque chose de cela : ce n’est pas par hasard si nous parlons du sacrement de l’eucharistie en disant le saint sacrement. Non pas que les autres sacrements soient privés de la sainteté de Dieu. Mais dans le sens où l’eucharistie est le sacrement par excellence. Tous les sacrements sont des dons de Dieu. Mais dans l’eucharistie c’est Jésus qui se donne à nous en communion. Et c’est unique dans l’économie sacramentelle ! Ce sacrement est la présence, le don d’une personne divine. La confirmation approche quelque peu de cette réalité puisque nous y recevons le don de Dieu, l’Esprit Saint. Mais la communion avec l’Esprit Saint  et la communion avec Jésus se réalisent avec des modalités bien différentes. L’eucharistie est comme le prolongement du mystère de l’incarnation. Pour nous sauver et nous sanctifier le Fils de Dieu a voulu prendre chair dans le corps de la Vierge Marie. Il s’est rendu visible à nos yeux, lui l’image parfaite du Père. En utilisant les éléments matériels du pain et du vin notre Seigneur veut continuer à se rendre présent parmi nous et en nous de manière concrète. Il est présent parmi nous dans la célébration de la messe et dans les espèces consacrées dans les tabernacles de nos églises. Il est présent en nous par la communion au sacrement de son corps et de son sang.

La fête du saint sacrement nous invite à un examen de conscience. Car nous savons bien que face au don de Dieu il y a toujours notre liberté humaine.

Quelques points d’attention seulement :

L’essentiel est tout d’abord notre foi en la présence réelle de Jésus dans le saint sacrement. Cette foi nous fait reconnaître que sous les espèces du pain et du vin nous sont vraiment donnés le corps et le sang de Jésus, c’est-à-dire sa propre personne de ressuscité. A cette foi eucharistique doit correspondre notre action de grâce. Eucharistie voulant dire action de grâce pour tous les bienfaits reçus de Dieu. Si l’eucharistie est une invitation à faire de toute notre vie une action de grâce n’oublions pas qu’elle est elle-même l’objet de notre action de grâce ! Comment ne pas dire merci à Dieu pour l’immense don de la messe et de la communion ? Pour que ce merci ne reste pas seulement sur nos lèvres mais pour qu’il imprègne toute notre vie chrétienne nous avons à nous demander quelle est notre attitude profonde vis-à-vis du saint sacrement pendant la messe et en dehors de celle-ci. Est-elle faite d’adoration, d’amour et de respect ? Vivre ces sentiments religieux passe par des attitudes très concrètes : arriver à l’heure à la messe, retrouver le sens de l’inclination et de la génuflexion, ainsi que le sens du silence sacré, répondre par un bel amen lorsque je vais communier et que le prêtre me présente le corps du Christ etc. Nous sommes tous responsables de la beauté et de la dignité de nos célébrations eucharistiques. Ce n’est pas seulement l’affaire du prêtre et des animateurs liturgiques. Que cette fête Dieu soit l’occasion pour chacun de grandir dans la foi et l’amour eucharistiques !

 

dimanche 26 mai 2013

LA SAINTE TRINITE


Sainte Trinité

Jean 16, 12-15

 

Les deux premiers dimanches du temps ordinaire après le temps pascal n’ont rien d’ordinaire. Ils nous font célébrer des mystères fondamentaux de notre foi catholique : en ce dimanche la Sainte Trinité et dimanche prochain le Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ.

Que le dimanche après la Pentecôte soit celui de la Sainte Trinité n’a rien d’étonnant. Car Pentecôte marque bien l’accomplissement de la révélation chrétienne, l’accomplissement de notre salut. Avec le don du Saint Esprit fait à l’Eglise la révélation du mystère de Dieu Trinité est enfin possible. Dès Pentecôte tout est donné par Dieu à l’Eglise : la lumière de la foi, la force de la grâce. Tout est donné pour que le long travail de la Tradition vivante puisse commencer. Nous n’aurons jamais fini de sonder par la prière, la foi et l’intelligence le mystère de Dieu Trinité.

La liturgie de la Parole est une approche de ce mystère.  Elle nous révèle bien sûr qui est Dieu en vérité. Mais cette révélation ne saurait jamais épuiser le mystère de Dieu. Non seulement parce que Dieu est infiniment grand mais aussi parce que la révélation divine passe à travers nos pauvres mots humains. Une phrase m’a particulièrement marqué lors de mes études de philosophie, elle est d’un certain Jouve : « Les mystères ne sont pas des vérités qui nous dépassent, mais des vérités qui nous comprennent ». Appliquée à la Trinité cette affirmation nous ouvre des perspectives intéressantes. Tout d’abord la Trinité n’est pas une affaire d’intelligence. Nous n’avons pas besoin d’avoir fait des études théologiques pour approcher de ce mystère. La meilleure approche est celle de la foi et de la prière personnelle et communautaire. Nous progresserons dans la connaissance véritable du Dieu trois fois saint dans la mesure où nous vivrons une authentique expérience spirituelle. Ensuite nous ne sommes pas extérieurs au mystère de la Trinité, nous en faisons plutôt partie. Déjà parce que nous sommes les créatures de Dieu : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance ». Aussi parce que les sacrements de baptême et de confirmation ont fait de  nous des fils et des filles de Dieu. « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ». Encore plus fondamentalement il nous faut prendre conscience que toute personne humaine est en soi un mystère. C’est pour cela que dans l’enseignement de Jésus repris par saint Jean l’amour de Dieu et l’amour du prochain sont inséparables. Si je ne suis pas attentif au mystère que je porte en moi-même ou au mystère que mon prochain porte en lui-même, comment pourrais-je me rendre présent au mystère du Dieu trois fois saint ? Saint Jean dit la même chose avec ses mots : « Personne n’a jamais contemplé Dieu, mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour s’épanouit au milieu de nous ».

Je terminerai par un bref commentaire de certains aspects de la liturgie de la Parole. Du livre des Proverbes je ne retiendrai que la fin du texte significative à bien des égards : « Je trouvais mes délices auprès du Seigneur jour après jour, jouant devant lui à tout instant, jouant sur toute la terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes ». C’est la Sagesse qui parle ainsi. Cette Sagesse présente dans l’Ancien Testament est une image du Fils de Dieu. Cette Sagesse n’a pas le caractère sérieux que nous prêtons habituellement à cette réalité. Puisqu’elle joue non seulement sur toute la terre mais aussi en présence de Dieu ! A travers ce jeu de la Sagesse, jeu entre ciel et terre, jeu dans lequel elle trouve ses délices, nous trouvons une annonce lointaine du mystère de l’incarnation : la Sagesse faite chair. Jésus est bien le médiateur entre Dieu et les hommes. Jésus est bien celui qui nous révèle le mystère trinitaire de Dieu. De la deuxième lecture je ne retiendrai que la fin : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ». Fêter la Trinité c’est fêter un Dieu infiniment proche de nous. Le Saint Esprit, amour du Père et du Fils, est en nous pour nous faire participer à la vie trinitaire. C’est lui qui ne cesse de nous rappeler que Dieu est Amour, selon la belle expression de saint Jean. Amour en lui-même, entre le Père, le Fils et l’Esprit ; Amour pour nous dans la création et l’œuvre du salut.

Je conclurai avec l’évangile : « L’Esprit de vérité vous guidera vers la vérité tout entière ». Cela veut dire que nous avons bien besoin de toute notre vie pour vivre dans la communion de la Trinité, pour découvrir toujours plus profondément qui est ce Dieu, Père, Fils et Saint Esprit.

 

dimanche 12 mai 2013

Septième dimanche de Pâques


7ème dimanche de Pâques / C

Jean 17, 20-26

12/05/2013

Le dimanche qui précède la Pentecôte nous propose chaque année de méditer un passage du chapitre 17 de l’évangile selon saint Jean. Ce chapitre appartient à une partie plus vaste de l’évangile, partie qui commence au chapitre 13 avec le geste du lavement des pieds. Dans le contexte du dernier repas que le Seigneur a pris avec ses disciples, avant son agonie au jardin des oliviers, les chapitres 13 à 16 nous rapportent les paroles-testament de Jésus à ses disciples. Après ce testament spirituel le chapitre 17 nous rapporte une longue prière de Jésus adressée à son Père. Nous ne sommes plus dans le domaine de l’enseignement ou de la confidence amicale mais bien dans celui de la spiritualité, de la relation vivante avec Dieu. En ce dimanche nous venons d’entendre la dernière partie de cette prière, celle qui précède l’entrée de Jésus dans sa Passion.

Dans sa prière Jésus prie pour tous ses disciples de tous les temps et de tous les lieux. Il prie donc aussi pour chacun d’entre nous. En tant que Fils de Dieu sa prière a une portée vraiment universelle qui transcende les limites de l’espace et du temps. Cette prière nous plonge dans le cœur de Dieu et dans son projet d’amour pour notre humanité. Saint Paul en a magnifiquement parlé au commencement de sa lettre aux Ephésiens : Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ. Dans les cieux, il nous a comblés de sa bénédiction spirituelle en Jésus Christ. En lui, il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l'amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d'avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus Christ : voilà ce qu'il a voulu dans sa bienveillance, à la louange de sa gloire, de cette grâce dont il nous a comblés en son Fils bien-aimé. Celui qui prie pour tous ses disciples avant de mourir est « l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin ». Que demande donc le Seigneur Jésus dans sa prière pour nous ? Essentiellement l’unité parfaite. Au regard de l’histoire du christianisme on pourrait penser que cette prière n’a pas été exaucée. C’est oublier qu’il existe plusieurs niveaux d’unité. Jésus ne demande pas ici pour ses disciples l’unité dont il est question dans le droit canonique, une unité juridique avec des critères bien clairs et bien précis qui font que l’on est catholique ou pas. Remarquons d’ailleurs que le Seigneur ne mentionne pas l’Eglise dans sa prière mais bien ceux qui croiront en lui. L’objet de la prière du Seigneur va donc bien au-delà de la question de l’unité de l’Eglise et des Eglises chrétiennes entre elles. Il s’agit ici d’une unité spirituelle et mystique. Le mot communion serait plus adapté pour approcher de cette réalité. Car le modèle de l’unité entre les croyants c’est bien la communion qui existe entre le Père et le Fils. Ce que Jésus demande c’est que nous soyons un en Dieu, un dans la Sainte Trinité, en communion les uns avec les autres à la manière de Dieu. A ce niveau-là, qui est celui de la profondeur de la relation d’union avec Dieu, il ne fait aucun doute que des catholiques, des protestants et des orthodoxes peuvent déjà vivre de cette unité parfaite, même si leurs Eglises sont encore séparées. Ce ne sont pas les règles de la discipline ecclésiastique qui rendent possible cette unité entre les croyants mais l’amour du Père qui les habite, la présence du Ressuscité en eux : Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître encore, pour qu'ils aient en eux l'amour dont tu m'as aimé, et que moi aussi, je sois en eux. Dans le mystère de la Sainte Trinité c’est le Saint Esprit qui est le lien d’amour entre le Père et le Fils. Or Dieu ne donne pas son Esprit seulement aux chrétiens. L’Esprit Saint peut agir dans le cœur de tous les hommes de bonne volonté. Ce qui signifie qu’une personne ne connaissant pas le Christ ou n’ayant pas la foi chrétienne peut tout de même agir selon l’Esprit du Christ. Entre l’inquisiteur espagnol Torquemada et Gandhi lequel des deux était le plus chrétien, c’est-à-dire le plus fidèle en actes à l’enseignement du Christ ? La prière de Jésus pour l’unité parfaite nous invite donc à être des chrétiens mystiques pour lesquels la recherche de l’union avec Dieu et la mise en pratique de l’Evangile sont des priorités quotidiennes. Vivre de cette unité fondamentale ne nous empêche pas, bien au contraire, de travailler à l’unité à l’intérieur de notre Eglise et avec les autres chrétiens (œcuménisme). Saint Luc, dans le portrait qu’il fait des premiers chrétiens, nous donne en même temps les moyens concrets qui favorisent l’unité à l’intérieur de l’Eglise :

Alors, ceux qui avaient accueilli la parole de Pierre se firent baptiser. Ils étaient fidèles à écouter l'enseignement des Apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières.

 

 

 

jeudi 9 mai 2013

Ascension du Seigneur



Ascension du Seigneur

Luc 24, 46-53


         Avouons-le : il n’est pas facile de bien parler du mystère glorieux de l’Ascension du Seigneur. Tout simplement parce que nous avons bien du mal à nous représenter ce mystère. Et les mots de la Bible comme ceux de la foi peuvent nous rendre cette tache encore plus difficile : « Ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus d’en allait… ». Pris de manière littérale le récit de Luc nous montrerait un Jésus s’envolant dans le ciel. Notre profession de foi se contente de dire qu’il monta au ciel, après en être descendu par l’incarnation. Nous voyons bien que ce vocabulaire biblique et théologique ne peut pas être compris de manière littérale : ce sont des images et nous avons à trouver le sens profond qu’elles nous transmettent à propos de Jésus ressuscité.

Relevons dans un premier temps l’état d’esprit des apôtres le jour de l’Ascension. Souvenons-nous avec saint Luc que « pendant quarante jours, Jésus leur était apparu, et leur avait parlé du Royaume de Dieu. » Eh bien ces 40 jours de catéchisme donné par le Ressuscité en personne ont été un véritable échec ! La question des apôtres prouve qu’ils n’ont toujours rien compris : « Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël ? » Les apôtres se font une image de la religion bien terrestre et bien matérialiste, une image limitée à leurs intérêts patriotiques. Ce manque de spiritualité des apôtres montre à quel point ils ont besoin de l’aide du Saint Esprit. Non seulement les 40 jours de catéchisme entre Pâques et l’Ascension ont été inutiles, mais en plus ils ont oublié toute leur formation initiale, une formation de trois ans tout de même ! Ils ont oublié la réponse donnée par leur Maître à la question des Pharisiens, bien proche de la leur : « Quand viendra le Règne de Dieu ? » « La venue du Royaume de Dieu ne fait pas l’objet d’un constat. On ne va pas dire : Il est ici ! Il est là ! Et voyez, le Royaume de Dieu est au milieu de vous.[1] » Entre les apôtres au jour de l’Ascension et le pape Grégoire le Grand au 6ème siècle quel progrès spirituel ! Ce grand pape enseignait que « le ciel, c’est l’âme du juste ». C’est l’œuvre du Saint Esprit dans son Eglise qui a permis ce grand bond en avant, ce passage d’une religion matérialiste et nationaliste à une religion intérieure et universelle.

Nous fêtons donc Jésus qui monte au ciel. Essayons de traduire cette image. Nous fêtons Jésus glorieux qui disparaît à nos yeux de chair et qui introduit définitivement notre humanité dans la vie et la gloire de la Sainte Trinité. Le ciel, c’est Dieu Trinité. Jésus semble disparaître, mais il ne devient pas absent pour autant. Il sera présent par le don de l’Esprit, il sera présent dans son Eglise et dans le monde d’une nouvelle manière, à la manière du Ressuscité. Il ne connaîtra plus la limitation propre à ceux qui doivent encore passer par la mort : les limites du temps et de l’espace.

En montant au ciel, le Seigneur nous invite, comme il le fit pour ses apôtres autrefois, à un double passage. Nous devons passer tout d’abord du particulier à l’universel. Eux rêvaient de rétablir la royauté en Israël. Lui leur répond en leur donnant une mission universelle : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » Nous devons ensuite passer d’une religion extérieure à l’intériorité de la foi. Et cela justement par le don de l’Esprit Saint, force venue d’en haut. Dans l’Evangile il nous est dit que les Apôtres étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu. Quelques années plus tard ce temple sera réduit à néant par les armées romaines. Alors les premiers chrétiens pourront comprendre le sens de la lettre aux Hébreux : « C’est avec pleine assurance que nous pouvons entrer au sanctuaire du ciel grâce au sang de Jésus : nous avons là une voie nouvelle et vivante… Avançons-nous donc vers Dieu avec un cœur sincère, et dans la certitude que donne la foi, le cœur purifié de ce qui souille notre conscience, le corps lavé par une eau pure. Continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis. »

Depuis l’Ascension et la Pentecôte, Jésus veut être présent dans notre âme. Il n’est jamais absent. C’est nous qui nous rendons absents à cette présence intérieure, à cette inhabitation divine.

L’Esprit du Christ Ressuscité ne cesse de nous redire intérieurement : « Le ciel, c’est l’âme du juste. » Selon les belles paroles de Maurice Zundel, « le ciel, on n’y entre pas, il faut le devenir. »[2]

Amen



[1] Luc 17, 20.21
[2] Page 185


dimanche 5 mai 2013

Sixième dimanche de Pâques


6ème dimanche de Pâques / C

Jean 14, 23-29

5/05/2013

Le sixième dimanche de Pâques précède la fête de l’Ascension du Seigneur et nous oriente déjà vers la Pentecôte, sommet du temps pascal. L’évangile que nous venons d’écouter se situe « à l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père ». Nous sommes le soir du jeudi saint, la veille de la Passion et de la mort du Seigneur. Jésus connaît bien le cœur de ses apôtres. Il sait à quel point sa mort en croix constituera pour eux un traumatisme, un ébranlement complet de leur foi et de leur espérance. Aussi dans son amour pour eux veut-il les préparer et les rassurer : « Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés ». Il leur annonce une nouvelle fois sa résurrection : « Je m’en vais, et je reviens vers vous ». L’horreur du supplice de la croix ne séparera pas le Maître de ses disciples. Au contraire cette mort signifiera la victoire de Dieu. Cette mort sera bien une Pâque, un passage, et pas un échec définitif. « Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père ». Ce départ c’est celui du mystère de Pâques mais aussi celui de l’Ascension. Les disciples devraient se réjouir car Dieu, en glorifiant son Fils, ouvre à tout homme les portes de la vie. C’est en effet Jésus, vrai Dieu et vrai homme, qui va être glorifié en passant par la mort. C’est donc aussi notre humanité, avec lui et en lui, qui sera transfigurée.

Les disciples n’en sont pas encore là. Leur cœur n’est pas dans la joie mais dans la tristesse. Pour les consoler Jésus leur fait le don de sa paix : C'est la paix que je vous laisse, c'est ma paix que je vous donne ; ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne. Avant le moment de la communion le prêtre reprend ces paroles de Jésus. Il demande au Seigneur de toujours donner cette paix à son Eglise. Et juste avant, dans la prière qui développe le « Notre Père », il demandait à Dieu de donner la paix à notre temps. Ce don de la paix est tellement important que Jésus en reparlera un peu plus loin, dans cet entretien amical qu’il a voulu avoir avec ses disciples avant de mourir : Je vous ai dit tout cela pour que vous trouviez en moi la paix. Dans le monde, vous trouverez la détresse, mais ayez confiance : moi, je suis vainqueur du monde. Souvenons-nous aussi de la manifestation de Jésus ressuscité aux apôtres, enfermés par peur des Juifs, le soir de Pâques, c’était l’évangile du deuxième dimanche de Pâques. Il les salue en disant : « Paix à vous ». Cette paix du Christ, paix dans l’Esprit Saint, ne nous est pas donnée à la manière du monde. L’histoire de notre humanité n’a jamais été une histoire de paix mais plutôt de guerres et de conflits. Malheureusement les hommes ont connu plus souvent la paix des cimetières que la paix du Christ. Il est d’ailleurs significatif qu’à la fin des guerres les nations belligérantes signent un armistice. On ne fait pas la paix. On cesse juste pendant un certain temps de s’entretuer jusqu’à la prochaine déclaration de guerre. Si on faisait vraiment la paix on se désarmerait et on éliminerait du budget de l’Etat toutes les dépenses militaires ; on interdirait la fabrication et le commerce des armes. La paix des cimetières a toujours été obtenue par la violence et par la raison du plus fort, c’est-à-dire du mieux armé. La paix du Christ nous est donnée par un chemin opposé. C’est la paix d’un homme pacifique et non-violent. C’est la paix d’un homme qui préfère se laisser conduire à la croix, alors qu’il est innocent et parfaitement juste, plutôt que d’utiliser sa puissance divine pour imposer ses vues. C’est la paix de celui qui semble le plus faible et le plus désarmé, mais qui finalement sera le grand vainqueur. Nous le constatons Jésus est un héros paradoxal. Au regard des héros de l’histoire, ceux dont les noms sont donnés à nos rues, ceux dont les statues ornent nos villes, Jésus est bien un anti-héros, le seul qui n’ait tué personne. Vivant à jamais, assis à la droite du Père, il veut nous faire, à nous aussi, le don de sa paix. C’est dans l’Esprit Saint que nous le recevons, ce don si précieux de la victoire de Pâques. Par notre vie de prière, par notre fidélité à la parole du Seigneur, nous faisons l’expérience de cette paix spirituelle : elle seule peut combler les désirs de notre cœur. Elle est un avant-goût du paradis. Parmi les béatitudes certaines nous sont données pour nous indiquer le chemin par lequel nous pourrons grandir jour après jour dans la paix du Christ :

Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise !

Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu !

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux !