dimanche 20 mai 2012

7ème dimanche de Pâques

Jeudi dernier l’Eglise célébrait le mystère de l’Ascension du Seigneur. L’Ascension est un départ, une séparation physique, un changement dans la relation entre les disciples et leur Seigneur. Jésus glorifié, assis à la droite du Père, n’abandonne ni son humanité ni notre humanité. Entre l’Ascension et la Pentecôte l’Eglise offre à notre méditation un passage du chapitre 17 de saint Jean. Là aussi il d’agit d’un départ, d’une séparation physique d’avec les disciples. C’est le départ de Jésus vers son Père en passant par la mort. Pour les préparer à cette épreuve il leur a parlé longuement dans son discours d’adieux. Maintenant il se tourne vers son Père dans la prière. Il agit comme un prêtre, avant d’offrir le sacrifice de sa vie, puisque dans sa prière il prie pour ses disciples et pour tous les chrétiens de tous les temps. Dans cette prière d’intercession Jésus demande pour nous les biens suivants : la fidélité, l’unité, être préservés du Mauvais, être consacrés par la vérité. Jésus qui se consacre lui-même en acceptant l’offrande de sa vie prie pour que les chrétiens soient un peuple consacré, un peuple de prêtres. C’est-à-dire un peuple capable de l’imiter lui le seul grand prêtre. Saint Paul et saint Pierre ont enseigné aux premiers chrétiens comment vivre cette consécration dans la vérité. Saint Paul écrit aux Romains : Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c'est là pour vous l'adoration véritable. Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. Quant à saint Pierre il rappelle que le peuple de Dieu est un peuple sacerdotal : Vous aussi, soyez les pierres vivantes qui servent à construire le Temple spirituel, et vous serez le sacerdoce saint, présentant des offrandes spirituelles que Dieu pourra accepter à cause du Christ Jésus. La vérité qui nous consacre c’est la parole du Père, donc Jésus son Fils. Mais l’on peut aussi penser à la venue du Saint Esprit. C’est Lui, le lien d’amour entre le Père et le Fils, qui nous consacre dans le baptême et la confirmation pour que nous devenions les membres du peuple de Dieu. L’unité que Jésus demande à son Père pour nous est une unité spirituelle : Qu'ils soient un, comme nous-mêmes. Ce n’est pas d’abord une unité institutionnelle ou d’organisation. Il existe d’autres communautés chrétiennes en dehors de l’Eglise catholique, souvent à cause de raisons historiques. Mais tout chrétien qui se laisse conduire par l’Esprit et qui fait de sa vie un sacrifice spirituel vit en profonde communion, au niveau divin, avec les autres chrétiens qui agissent selon le même Esprit. Et tout homme de bonne volonté qui agit en conformité avec le commandement de l’amour peut vivre une authentique communion avec Dieu même s’il n’est pas baptisé. Dans sa prière au Père le Seigneur Jésus demande que nous vivions en vérité notre insertion dans ce monde. Il y a une tension inévitable dans notre condition chrétienne car nous ne sommes pas du monde, consacrés par la vérité, et en même temps nous sommes envoyés dans ce monde. Si les chrétiens sont un peuple de prêtres, peuple consacré par l’Esprit, ils ne doivent pas fuir le monde. Puisque c’est précisément par eux que le monde doit être offert à Dieu. C’est par eux que la création doit être sanctifiée. C’est en eux que la parole de l’Evangile doit devenir réalité pour les hommes de tous les temps et de tous les lieux. Dans son discours de clôture du Concile Vatican II le pape Paul VI affirmait l’humanisme chrétien : « Nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme ». Pour l’Eglise en effet l’adoration due à Dieu et le « culte de l’homme », image de Dieu, sont des réalités inséparables. Le chrétien est vigilant, il doit se garder du Mauvais. Le chrétien est lucide : il sait qu’en ce monde se livre un terrible combat entre la vérité et l’erreur, entre la justice et l’injustice, entre l’amour et la haine. Ce combat ne lui est d’ailleurs pas extérieur puisqu’il se reconnaît pécheur, donc atteint par le mal. Mais parce que le chrétien confesse l’incarnation de la Parole de Dieu il ne peut pas devenir misanthrope. Son espérance le maintient malgré tout dans « le culte de l’homme » car il s’appuie sur la parole de Jésus : Dans le monde, vous trouverez la détresse, mais ayez confiance : moi, je suis vainqueur du monde. En union avec le prêtre qui offre le pain et le vin le baptisé est fidèle à sa noble mission selon les paroles de saint Paul : Tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus Christ, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père.

jeudi 17 mai 2012

ASCENSION DU SEIGNEUR

Le mystère de l’Ascension du Seigneur marque une étape décisive dans la vie des premiers disciples. L’Ecriture utilise nos pauvres mots humains (Jésus fut enlevé au ciel, il siège à la droite du Père) pour exprimer un nouveau commencement dans l’histoire de notre salut et de notre relation avec Dieu. En effet à partir de l’Ascension le Fils de Dieu n’est plus visible à nos yeux de chair. Déjà pendant le temps de sa présence au milieu de nous la foi était nécessaire pour reconnaître dans l’homme Jésus de Nazareth l’envoyé du Père. Après l’Ascension c’est uniquement par la foi que les hommes peuvent entrer en relation avec leur Sauveur. Ce mystère ne marque pas la fin de l’incarnation puisque Jésus ressuscité demeure vrai homme dans la gloire de la Trinité. Fêter l’Ascension c’est se rappeler avec joie que désormais notre humanité est pour toujours unie à Dieu dans la personne de Jésus. Le Seigneur avait annoncé à ses disciples que son départ était nécessaire pour que l’Esprit Saint puisse être donné. Les mystères de la vie du Seigneur ne se séparent pas : dans le temps pascal Pâques, Ascension et Pentecôte sont des célébrations qui se renvoient les unes aux autres. Avec la Pentecôte et le don de l’Esprit Saint, don qui marque la naissance de l’Eglise, la présence de Jésus Ressuscité nous devient intérieure. Nous ne le connaissons plus à la manière des premiers disciples en le voyant et en le fréquentant comme une personne humaine. Mais l’Esprit Saint nous permet de reconnaître en nous, dans la communauté et dans les sacrements la présence vivante et agissante de celui qui siège à la droite du Père. L’Ascension et la Pentecôte consacrent le temps de l’Eglise comme le temps de la foi. Et nul ne peut croire en Jésus Sauveur sans le don de l’Esprit. Dans la première lecture saint Luc nous rapporte que pendant 40 jours, les jours qui se sont écoulés entre Pâques et l’Ascension, Jésus a parlé du Royaume de Dieu à ses disciples. Il a donc repris et approfondi avec eux un thème de sa toute première prédication. Malgré un enseignement tant de fois répété, Luc constate que les disciples ne se sont toujours pas convertis à la réalité du Royaume de Dieu présent au milieu d’eux : « Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël ? » Lui leur parle du Royaume de Dieu, un royaume de l’esprit, et eux en sont toujours à rêver d’un roi en Israël, donc d’un royaume terrestre. Au lieu de les reprendre sévèrement à cause de leur manque de spiritualité, Jésus leur annonce le don du Saint Esprit. Ils en auront bien besoin pour renoncer définitivement à une vision politique du Royaume de Dieu et pour comprendre que ce Royaume est celui de la charité, donc de l’amour divin répandu et communiqué à notre humanité pour qu’elle parle « un langage nouveau ». Au moment du départ de Jésus, ce moment où il devient pour toujours invisible à nos yeux, « deux hommes en vêtements blancs » interpellent les apôtres : « Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l'avez vu s'en aller vers le ciel. » Cela rappelle la situation décrite par le même saint Luc à l’aube du jour de Pâques. Les saintes femmes se sont rendues au tombeau et rencontrent deux hommes vêtus de blanc qui leur adressent la parole : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n'est pas ici, il est ressuscité. » Ces deux interrogations nous remettent devant notre faiblesse humaine. Confrontés au mystère de Dieu nous sommes toujours en décalage, en retard dans notre manière de le percevoir et de l’interpréter. C’est l’Esprit de vérité qui nous guidera dans la vérité tout entière. La vie de foi, donc la vie de l’Eglise, est un chemin en perpétuel progrès jusqu’au retour du Christ dans la gloire. Ce n’est pas en regardant le tombeau vide ou en fixant le ciel, attachés à un passé qui n’est plus, que nous saisirons la vérité du mystère chrétien. Cette vérité nous précède et nous devance. Saint Paul nous le dit clairement dans la deuxième lecture : tant que nous cheminons ici bas notre connaissance du Seigneur est marquée par l’imperfection : « Au terme, nous parviendrons tous ensemble à l'unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu, à l'état de l'Homme parfait, à la plénitude de la stature du Christ. » Fêter l’Ascension, c’est avoir l’humilité de reconnaître que nous ne possédons pas la vérité. C’est espérer être transfigurés « au terme » par notre rencontre avec le Ressuscité.

lundi 7 mai 2012

Cinquième dimanche de Pâques

Après l’image du bon berger Jésus utilise dans l’Evangile de ce dimanche celle de la vraie vigne. La parole de Dieu nous fait prendre conscience de notre vocation de chrétiens. En ce temps de Pâques c’est d’une manière renouvelée que nous pouvons prendre conscience de ce à quoi l’Evangile nous appelle : à porter beaucoup de fruit. Ou pour le dire autrement le signe d’une vie chrétienne authentique ce sont les fruits que nous donnons. Il ne s’agit pas bien sûr de rentabilité économique ! C’est en nous référant à saint Paul que nous pouvons saisir ce que sont ces fruits : Voici ce que produit l'Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi. Nous ne sommes pas uniquement dans le domaine du faire ou encore dans la sphère de ce qui est visible. Notre foi dans le Christ est une force capable de nous transformer et capable de changer notre monde. Si nous ne sommes pas convaincus de cette vérité, il nous sera difficile de porter les fruits que Dieu attend de nous. Dans la deuxième lecture saint Jean vient à notre aide pour nous permettre de comprendre ce que veut dire « porter du fruit » : Mes enfants, nous devons aimer, non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité. L’amour de charité, nous l’avons vu, est le premier fruit de l’Esprit, donc le premier fruit de toute vie chrétienne authentique. En ce jour d’élections pour la France comment ne pas voir dans l’enseignement de saint Jean une lumière jetée sur la crise de la fonction politique, pas seulement en France mais dans la plupart des pays du monde ? La différence essentielle entre un politicien et un véritable homme politique se tient justement là : c’est la différence entre les discours, les déclarations d’intention, les slogans faciles et les choix concrets qui débouchent sur des actes. La perte de confiance croissante des citoyens dans les hommes s’adonnant à la politique vient justement du fait qu’ils ne sont bien souvent que des politiciens sans aucun pouvoir réel ou pire sans aucune conviction personnelle et sans aucune volonté réelle de travailler efficacement au bien commun. Et s’il en était de même pour le christianisme ? L’une des raisons pour laquelle notre religion a perdu en partie son rayonnement et sa crédibilité, ne serait-ce pas l’inflation des discours, des déclarations d’un côté et le manque de cohérence de notre comportement, le manque de vérité de notre vie chrétienne de l’autre ? Chacun d’entre nous est responsable de la crédibilité du christianisme dans notre monde actuel. Porter du fruit c’est réellement être lumière du monde et sel de la terre. Porter du fruit c’est veiller à ce que nos paroles passent dans nos décisions, nos choix et nos actes. Pour pouvoir porter du fruit il faut être vrai. C’est la raison pour laquelle le Seigneur Jésus nous demande de demeurer en lui comme lui demeure en nous. C’est lui qui, par le don de son Esprit, nous donne de pouvoir porter du fruit. Si nous sommes vraiment unis au Christ Sauveur par le baptême et par la foi, nous ne pouvons pas nous contenter de proclamer des slogans. Même si ces slogans ont une apparence pieuse et chrétienne. Notre témoignage est à l’opposé de la propagande politicienne. Si nous méditons la parole de Dieu et en particulier les Evangiles et que nous en faisons notre règle de vie alors nous ne pourrons pas faire autrement que de donner du fruit. La parole de Dieu est tout le contraire d’un anesthésiant. Elle nous contraint à voir notre monde tel qu’il est avec ses progrès et ses lenteurs, parfois même ses régressions. Elle nous oblige à nous engager corps et âme pour le Royaume de Dieu et sa justice : Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés ! Il est parfois plus facile de se boucher les yeux, de refuser de voir les causes des maux qui accablent des millions d’êtres humains sur notre planète. Si nous avons faim et soif de la justice, nous souffrirons probablement, mais nous ne tomberons pas dans le désespoir. Car nous sommes les sarments de la vraie vigne, nous sommes les membres de celui qui a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie ». Ce désir de la justice de Dieu nous pousse à agir chacun pour notre part. Donner du fruit ce n’est pas forcément faire des actions extraordinaires mais c’est refuser de se résigner face au pouvoir du mal. C’est s’engager sans peur au nom de notre foi au Christ. Je terminerai en citant une légende amérindienne, celle du colibri : Un jour il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »