lundi 26 décembre 2011

NATIVITE DU SEIGNEUR

Dans la nuit de Noël saint Luc nous invite à nous rendre à la crèche avec les bergers pour y contempler l’enfant-Dieu. La messe du jour de Noël nous fait entendre l’un des plus beaux textes de toute la Bible : le prologue de l’Evangile selon saint Jean. Dans un style solennel et théologique l’évangéliste essaie de nous faire pénétrer dans le mystère de l’incarnation. Il relie la naissance du bébé de Bethléem à toute l’histoire du salut. Ce bébé qui deviendra enfant puis homme c’est le Verbe de Dieu, la Parole du Père. La manière avec laquelle saint Jean écrit le début de son Evangile nous livre un message particulièrement significatif : « Au commencement était le Verbe… ». Son Evangile débute en effet avec les mêmes mots que le premier livre de la Bible, la Genèse : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre ». Ce parallèle nous donne le sens de la naissance de l’enfant Jésus. Il naît pour commencer une création nouvelle, il vient parmi nous pour reprendre toute l’œuvre de la création et ainsi la sauver. D’ailleurs l’évangéliste souligne que Dieu a fait la première création par sa parole. C’est par son Verbe qu’il donne à tous les êtres l’existence : « Par lui, tout s’est fait, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui… Il était dans le monde, lui par qui le monde s’était fait ». Dans sa lettre aux Romains saint Paul enseignera aux premiers chrétiens cette vérité : Jésus est le nouvel Adam, l’homme nouveau. De même que tous sont devenus pécheurs parce qu'un seul homme (Adam) a désobéi, de même tous deviendront justes parce qu'un seul homme (Jésus) a obéi. Ainsi donc, de même que le péché a établi son règne de mort, de même la grâce, source de justice, devait établir son règne pour donner la vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur. La naissance du bébé de Bethléem nous indique la voie de notre salut. Nous aussi nous devons renaître et devenir ainsi des hommes nouveaux dans le Christ. C’est ce que Jésus enseigne à Nicodème dans le même Evangile, deux chapitres plus loin : Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de renaître, ne peut voir le règne de Dieu. Personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair n'est que chair ; ce qui est né de l'Esprit est esprit. Et nous retrouvons un enseignement identique dans le prologue : Tous ceux qui l'ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d'une volonté charnelle, ni d'une volonté d'homme : ils sont nés de Dieu. Nous comprenons que notre nativité à nous correspond au jour où nous avons reçu le sacrement du baptême. Ce jour-là nous sommes devenus des créatures nouvelles dans le Christ. Mais la grâce du baptême qui nous est donné à chaque instant de notre vie a besoin de notre participation active pour produire tous ses fruits. Le baptême nous invite à laisser derrière-nous le vieil homme avec ses désirs égoïstes pour devenir un homme nouveau à la suite du nouvel Adam. Maurice Zundel caractérise ainsi la sainte humanité du Verbe de Dieu : « Le Christ, dont l’humanité diaphane échappe à toute limite, nous présente, tout ensemble, l’homme parfaitement libéré et Dieu parfaitement révélé ». Voilà le but du mystère de Noël : que nous devenions vraiment hommes selon le cœur de Dieu en renaissant. Pour y parvenir tout au long de notre vie nous avons à « faire la vérité » pour reprendre une expression de Jésus : « Celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient reconnues comme des œuvres de Dieu. » Nous ne possédons pas la vérité, nous nous laissons posséder par elle. Pour un chrétien la vérité c’est la personne même de Jésus. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas vivre la grâce de notre baptême, renaître pour devenir des hommes nouveaux, tant que nous n’avons pas fait l’expérience de la présence de Dieu en nous. C’est cette expérience qui a bouleversé saint Augustin et dont il rend compte dans les Confessions : « Trop tard je t’ai aimée, Beauté toujours ancienne et toujours nouvelle, trop tard je t’ai aimée. Et pourtant tu étais dedans et moi dehors. Et c’est là que je te cherchais… Tu étais avec moi ! C’est moi qui n’étais pas avec toi. » A Noël nous célébrons l’Emmanuel, Dieu avec nous. Renaître à une vie nouvelle c’est découvrir la présence du Dieu Trinité en nous. Dieu a toujours été présent à sa création. A Noël sa présence se manifeste au plus haut point dans la sainte humanité de l’enfant Jésus. Ce n’est donc pas Dieu qui est absent, c’est nous qui sommes distraits et étourdis. Pour renaître et faire la vérité il s’agit de nous rendre présents chaque jour à la présence de Dieu en nous, particulièrement par la prière et la méditation. Nous vivrons alors la vérité enseignée par le pape saint Grégoire le grand : « Le ciel, c’est l’âme du juste ».

dimanche 18 décembre 2011

Quatrième dimanche de l'Avent

La liturgie du 4ème dimanche de l’Avent nous prépare directement à la célébration du mystère de Noël. Le récit de l’Annonciation à Marie est comme le prologue qui nous introduit au mystère de l’incarnation. Ce mystère d’un Dieu qui, par amour, s’est pour toujours uni à notre nature humaine est une réalité qui est demeurée cachée. Ce qui s’est passé dans la maison de Marie et ensuite à la crèche n’a été révélé qu’à un tout petit nombre de personnes parmi lesquelles Marie, Joseph, les bergers et les mages. Aucun journaliste n’était présent pour rendre publique cette nouvelle inouïe : La Parole de Dieu s’est faite chair dans le sein d’une jeune fille nommée Marie. L’événement le plus extraordinaire et le plus important de l’histoire de notre humanité est passé inaperçu. Si nous le connaissons, si nous le célébrons, c’est uniquement grâce aux témoins, dont saint Luc est le premier chaînon, qui nous ont transmis la bonne nouvelle des épousailles entre Dieu et notre humanité dans le sein de la Vierge Marie. Un proverbe affirme que le bien ne fait pas de bruit. Les grandes actions de Dieu en notre faveur suivent la même logique. Elles ne s’imposent pas à notre liberté de manière fracassante. Elles s’accomplissent dans la discrétion. Et surtout elles ont toujours besoin du consentement de l’homme pour se réaliser. Sans le « oui » de Marie il n’y aurait pas eu d’incarnation. Sans le « oui » de Joseph, son fiancé, Jésus n’aurait pas pu être le descendant du roi David. Au moment où Gabriel la visite, Marie se trouve dans sa maison à Nazareth. C’est en effet la jeune fille de Nazareth que Dieu a choisi pour se construire une demeure parmi les hommes. Non pas un temple fait de pierres comme en rêvait le roi David mais un cœur de chair, un cœur humain, un cœur pur « comblé de grâce ». Si vous regardez dans vos Bibles une carte de la Palestine de l’Ancien Testament, essayez de trouver Nazareth sur cette carte ! Vous ne trouverez pas le nom de ce bourg qui n’est pas cité une seule fois dans tout l’Ancien Testament. Les choix de Dieu sont étonnants. Ce n’est pas à Jérusalem, la grande ville religieuse, la cité du roi David en Judée, qu’habite la Vierge choisie par le Père. Mais dans une ville inconnue et même méprisée par les Juifs… Lorsque Philippe présente à Nathanël Jésus de Nazareth, celui-ci répond : « De Nazareth ? Qu’est-ce qui peut en sortir de bon ? » Nazareth, au nord d’Israël, se situe dans cette région frontalière avec les païens, la Galilée. Contrairement aux représentations classiques de cette scène, Luc ne nous dit pas que Marie était en prière lorsque l’ange la visita. Elle était chez elle, vaquant probablement à ses occupations quotidiennes. Dieu choisit donc un cadre banal, ordinaire, quotidien pour révéler à Marie sa grande décision en faveur de notre humanité. A l’égard de Marie Dieu use d’une grande délicatesse. Gabriel ne lui révèle pas l’identité profonde du fils qu’elle va enfanter par l’action de l’Esprit Saint en elle. Cette identité profonde ainsi que la mission divine de son fils, Marie devra la découvrir au fil des années jusqu’au moment où elle se retrouvera au pied de la croix avec Jean. C’est seulement à ce moment-là qu’elle comprendra la signification véritable des paroles de l’ange : « Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin ». Gabriel demande à la jeune fille d’être la mère du Messie dans une perspective limitée à l’horizon juif. Elle enfantera un roi puissant, descendant de David. Et c’est à ce projet de Dieu qu’elle doit répondre « oui » pour le moment. Ce premier oui en exigera un autre, peut-être beaucoup plus difficile à donner. En contemplant son fils crucifié Marie, avec l’aide de l’Esprit Saint, comprendra qui est le Messie et quelle est sa mission. A ce moment là il faudra qu’elle dise aussi « oui » à un Messie humilié, à un roi serviteur, au Fils du Très-Haut dans son abaissement le plus extrême. Elle comprendra que si, par grâce de Dieu, elle a donné naissance au Messie, ce n’est pas pour restaurer la puissance politico-religieuse de son peuple mais pour permettre à tout homme de devenir la demeure du Dieu Très-Haut et trois fois Saint. La logique du mystère de l’incarnation est celle de la grandeur de notre quotidien le plus banal, celle de l’universalité de l’amour divin. Mais nous avons bien besoin de toute notre vie pour vivre de ce mystère. Car c’est en chacun de nous que Jésus vivant veut se rendre présent en nous unissant à lui.

dimanche 11 décembre 2011

Troisième dimanche de l'Avent

En ce troisième dimanche de l’Avent l’Evangile selon saint Jean nous remet devant les yeux la figure de Jean le baptiste. Nous l’avons déjà rencontré dimanche dernier. Il est dans un endroit désertique où il attire les foules en leur donnant un baptême de conversion. Sa présence, son activité et probablement son succès posent des questions aux responsables religieux du peuple à Jérusalem. Des prêtres, des lévites et des pharisiens sont donc envoyés pour lui poser des questions. La première de ces questions porte sur son identité : qui est donc cet homme nommé Jean ? A trois reprises Jean répond par la négative : « Je ne suis pas… ». Il ne rentre dans aucune des cases par lesquelles on voudrait le définir. Et il se définit lui-même en citant le prophète Isaïe : « Je suis la voix qui crie à travers le désert ». Jean est envoyé par Dieu, il est son messager, son prophète. Son message, si l’on se réfère à Isaïe, est un message de consolation pour le peuple tout entier. « Je ne suis pas le Messie », ce qui revient à dire : « Je ne suis pas le Christ ». La première lecture, extraite du prophète Isaïe, nous présente justement la figure du Christ sur lequel repose l’Esprit du Seigneur ainsi que sa mission : « porter la bonne nouvelle aux pauvres etc. ». Puisque Jean ne correspond pas dans son identité à ce que les Juifs voyaient en lui, ils lui demandent des comptes sur son activité. C’est leur deuxième question qui ressemble à une accusation : « Si tu n’es ni le Messie, ni Elie, ni le grand prophète, pourquoi baptises-tu ? » Alors que Jean est un ami de la vérité, un homme profondément humble, ils voient en lui un usurpateur, un charlatan. S’il n’est qu’une voix qui crie dans le désert, de quel droit baptise-t-il ? Le même genre de question sera posé à Jésus lui-même dans le chapitre qui suit à l’occasion de la scène des marchands chassés du temple : « De quel droit fais-tu cela, quel signe nous montres-tu ? » C’est la question de l’autorité qui donne le droit d’agir. On demande donc à Jean de se justifier. Et sa seule justification consiste à parler du Christ, celui qui vient derrière lui, après lui, mais qui est infiniment plus grand que lui : « Je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale ». Ce qui signifie : je ne suis même pas digne d’être son esclave. C’est l’esclave qui, à l’arrivée de son maître à la maison, se mettait à genoux pour lui enlever ses chaussures. Donc Jean ne répond pas directement à la question. Et il va même plus loin en s’adressant à ces hommes spécialistes de la religion juive : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ». C’est une manière polie de leur révéler leur ignorance quant à l’identité du Messie. Jean en sait plus qu’eux sur ce point. Notons aussi qu’il entretient le mystère en ne nommant pas celui qui vient après lui et qui se tient pourtant au milieu du peuple. Dans sa manière de répondre aux autorités, Jean pratique la théologie négative : celle qui dit de Dieu ce qu’il n’est pas pour laisser entrevoir que Dieu ne peut jamais être saisi ni connu par un esprit humain. « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas » : En ce temps de l’Avent nous sommes concernés par cette affirmation de Jean. Car quel chrétien peut dire qu’il connaît vraiment Jésus ? Et que signifie donc « connaître Jésus » ? Le catéchisme et la théologie sont utiles mais ne suffisent pas à nous donner la connaissance de « celui qui se tient au milieu de nous ». Cette expression suggère que la connaissance du Christ passe nécessairement par une expérience personnelle de sa présence et de sa proximité. Cette expérience personnelle nous pouvons la vivre dans la solitude de notre chambre comme dans les célébrations en Eglise. Elle peut coïncider avec la méditation des Evangiles et la célébration des sacrements. Mais la personne de Jésus est toujours plus grande que ces moyens qui nous sont donnés pour le connaître et vivre en communion avec lui. Le mystère du Christ est infiniment riche et c’est pour cette raison que nous ne le connaitrons jamais en plénitude ici-bas. Sur ce chemin, la voix de Jean nous invite à toujours marcher, toujours progresser, sans nous arrêter ni nous décourager. Le Christ est toujours en avant de nous, même s’il est déjà au milieu de nous. Et l’un des meilleurs moyens de le connaître, n’est-ce pas de mettre en pratique le commandement qu’il nous a laissé ? Celui de l’amour du prochain qui implique esprit de service, humilité, bienveillance, confiance et capacité de pardonner.

dimanche 27 novembre 2011

Premier dimanche de l'Avent

Avec le temps de l’Avent nous entrons dans une nouvelle année liturgique. L’Evangile de ce premier dimanche de l’Avent nous parle de la venue du Christ à la fin des temps. Nous comprenons ainsi que la fin et le début de l’année chrétienne se rejoignent : ces deux moments célèbrent le retour du Christ à la fin des temps, sa parousie. La première partie du temps de l’Avent n’a donc pas pour but de nous préparer à la fête de Noël (première venue du Christ). Elle oriente plutôt nos cœurs et nos regards vers une réalité dont nous ne savons pas à quel moment de notre histoire elle surviendra : « Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts ; et son règne n’aura pas de fin… J’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir ». L’enseignement que Jésus nous donne en ce dimanche ressemble à celui que nous avons entendu il n’y a pas longtemps dans la parabole des talents. Regardons cette histoire que le Seigneur nous raconte pour mieux nous préparer à sa venue. « Il en est comme d’un homme parti en voyage ». Cet homme, c’est le Fils de Dieu qui, au jour de son Ascension, devient invisible à nos yeux de chair : il part en voyage et il quitte sa maison. Cette maison peut représenter l’Eglise ou encore la création tout entière. « Il a donné tout pouvoir à ses serviteurs ». Le Christ ressuscité a donné à son Eglise des pouvoirs spirituels comme par exemple le pouvoir de pardonner au nom de Dieu les péchés. Mais il donne aussi à chaque chrétien une participation à son pouvoir divin, et cela par le baptême et la confirmation. Le Seigneur, en partant, nous rend responsables. Il désire que nous utilisions notre liberté et nos dons pour la plus grande gloire de Dieu et pour le service de nos frères. Chacun de nous a son travail à accomplir en fonction de sa vocation. C’est ce que la tradition chrétienne appelle le devoir d’état. Ce devoir n’est pas le même pour des parents chrétiens, pour un prêtre, pour une personne retraitée, pour un jeune etc. Il varie en fonction de notre âge, de notre santé, de notre engagement et de notre activité. Mais c’est toujours dans la fidélité à notre devoir d’état que nous obéissons à la volonté du Seigneur et que nous nous préparons à l’accueillir. Cette petite histoire nous rappelle donc la grande confiance que le Seigneur nous fait en nous rendant participant de son pouvoir et en nous donnant notre part de travail à réaliser sur cette terre tout au long de notre vie. L’invitation à veiller, à ne pas s’endormir, a pour but de nous faire prendre conscience que nous pouvons ne pas répondre à l’attente du Seigneur, et donc gaspiller ses dons et rater notre vie, même si, du point de vue humain, il peut sembler que nous ayons réussi en toutes choses. Une expression employée par saint Paul dans la deuxième lecture éclaire la nature du combat que nous avons à mener en tant que chrétiens : « Tenir solidement jusqu’au bout ». Il n’y a pas de vie chrétienne possible sans la fidélité de Dieu et sans notre fidélité. Foi et fidélité sont des mots qui ont une racine commune. Le danger qui nous guette tous c’est celui d’une âme inconstante. D’autant plus que l’air du temps ne va pas dans le sens de la fidélité aux engagements pris, à la parole donnée. La volonté humaine a été affaiblie par le règne des émotions et des sentiments. Or on ne construit rien de grand, rien de solide, sans une ferme volonté de parvenir au but que l’on s’est fixé et ce malgré tous les obstacles. Jésus nous le dit clairement dans l’Evangile : c’est par notre persévérance que nous serons sauvés. L’Avent est le temps de l’attente. Il est une image de ce qu’est notre vie tout entière : un désir de la présence et de la grâce du Christ Ressuscité. Notre attente de Dieu n’est pas passive : elle est vigilante. C’est une attente qui nous tient éveillés. Nous savons bien que Dieu le premier est fidèle à sa parole. Et c’est sur sa fidélité que nous pouvons construire la maison de notre vie. Notre fidélité à sa volonté est d’abord un don que nous avons à demander dans la prière. De même que nous avons à demander la fidélité à notre vocation et à notre devoir d’état, surtout lorsque nous sommes tentés d’aller voir ailleurs. Aussi si nous avons la joie d’avoir été fidèles jusqu’à maintenant, ce qui ne veut pas dire parfaits, n’en tirons aucun orgueil. Demeurons dans l’humilité en sachant que la route n’est pas terminée. Si nous tenons solidement, enracinés dans la foi, rendons grâce à Dieu.

mardi 15 novembre 2011

33ème dimanche du temps ordinaire

Les deux chapitres (24 et 25) qui précèdent le récit de la Passion dans l’Evangile selon saint Matthieu tournent nos regards vers le retour du Christ à la fin des temps. La parabole des talents nous parle donc de la venue du Christ glorieux. Elle nous parle aussi du temps de l’Eglise, ce temps entre Noël et le second avènement du Christ. Nous vivons ce temps de l’Eglise au rythme de l’année liturgique, année qui nous présente les différents mystères de la vie de Jésus. Dans la parabole des talents le Fils de Dieu est représenté par un homme qui part en voyage. C’est au jour de l’Ascension que le Seigneur est « parti en voyage ». Il nous a promis de demeurer toujours présent auprès de nous. Malgré cela nous pouvons parfois ressentir dans nos vies chrétiennes ce sentiment de l’absence de Dieu, de l’absence du Seigneur. Avant de nous quitter le Seigneur nous a confié tous ses biens : ce sont les talents. Le plus grand bien qu’il nous a donné c’est l’Esprit Saint avec toute la richesse de ses dons. La parabole précise qu’il nous a confié ses biens en fonction de nos capacités : « à chacun selon ses capacités ». « Puis il partit ». Le temps de l’Eglise est celui où nous sommes libres de faire fructifier les dons reçus. Cette liberté implique aussi que nous puissions en faire un mauvais usage pour diverses raisons. Dieu respecte notre liberté. C’est pourquoi il semble absent. Il n’est pas toujours derrière nous pour rectifier le tir. Il est parti en nous laissant tout ce dont nous avons besoin pour vivre en enfants de Dieu : sa Parole dans la Bible, son Eglise et ses sacrements. Mais jamais il ne s’impose à nous. C’est le sens de son départ en voyage. Peu importe le nombre de talents que nous avons reçu, l’essentiel est de se rappeler que ces talents ne nous appartiennent pas, nous n’en sommes que les gestionnaires. Nous sommes les serviteurs de ce bon maître qui nous fait confiance et adapte ses dons à notre capacité. Une parabole de l’Evangile selon saint Luc se termine de la manière suivante : « On sera plus exigeant si l’on a donné plus, on demandera davantage à qui on aura beaucoup confié ». Cela éclaire bien l’enjeu de l’enseignement de ce dimanche. Le Christ, lors de son retour, sera plus exigeant envers les chrétiens qu’envers les hommes qui ne l’ont pas connu ; il sera plus exigeant à l’égard des papes et des évêques qu’à l’égard des fidèles laïcs. Dans la parabole, sur trois catégories de serviteurs deux ont bien rempli leur mission. Quelle récompense leur donne le Christ lors de son retour ? « Entre dans la joie de ton maître ». Le serviteur bon et fidèle goûtera alors pleinement la joie du Ressuscité, il sera immergé dans cette joie divine. Le cas du serviteur mauvais et paresseux nous intéresse davantage. Car il illustre ce que nous devons éviter de faire. Pourquoi donc cet homme n’a-t-il pas fait fructifier son talent ? « Je savais que tu es un homme dur ». Ce serviteur ne connaissait pas vraiment son maître, il s’en était fait une fausse image. Il en va de même pour nous : si notre conception de Dieu n’est pas celle que Jésus nous a révélée, nous risquons bien de ne pas pouvoir agir en vrais chrétiens. Non seulement ce serviteur ignore la bonté de son maître, mais il oublie que le talent qu’il a reçu appartient au maître : « tu moissonnes là où tu n’as pas semé ». Fausse image de Dieu, oubli de ses dons, tout cela aboutit à la peur qui paralyse : « J’ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre ». Un vrai serviteur du Christ ignore cette peur car il met toute sa confiance dans son maître. Mais pour faire confiance au Christ, encore faut-il le connaître comme le maître au cœur doux et humble. « Celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance. Mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a. » La traduction de la Bible des peuples a le mérite de rendre plus compréhensible le sens de cette parole : « On donnera à celui qui produit et il sera dans l’abondance, mais celui qui ne produit pas, on lui prendra même ce qu’il a. » Un pauvre peut être un meilleur serviteur du Seigneur qu’un riche, là n’est pas la question. Le 3ème serviteur est mauvais parce qu’il est paresseux, non pas parce qu’il n’a reçu qu’un talent. Le Seigneur Jésus nous connaît mieux que quiconque. Il connaît nos capacités et les dons qu’il nous a faits. C’est pour cela qu’il sera un juste juge que nous ne devrions pas craindre. Ce qui est le plus à craindre, c’est d’être un chrétien endormi, un chrétien inconscient de ses privilèges et des devoirs qui vont avec.

samedi 12 novembre 2011

Manifestations de catholiques contre des pièces de théâtre

Exceptionnellement je publie sur le blog de mes homélies ce billet sur les manifestations "catholiques" à Paris, à Rennes et à Toulouse contre des pièces de théâtre jugées "blasphématoires". Depuis avril 2011 et l'affaire "Piss Christ" à Avignon, l'institut Civitas (http://www.civitas-institut.com/), un mouvement intégriste en lien avec la fraternité saint Pie X, suscite dans notre pays des croisades contre des œuvres ou des spectacles qui ne sont pas de son goût avec saccage de la photo "Piss Christ", interruption de spectacles, jets d’œufs et de liquide sur les spectateurs et manifestations. Dans ces manifestations des parents osent même instrumentaliser de jeunes enfants en vue du combat contre "le mal" et surtout contre la liberté d'expression, même si celle-ci peut nous choquer légitimement dans notre foi. Ces spectacles sont payants et ne sont pas visibles sur la voie publique. Personne ne nous oblige à aller les voir et encore moins à leur faire de la pub! De nombreux évêques français se sont désolidarisés des méthodes employés par Civitas dont le cardinal de Paris Mgr. André Vingt-Trois. Vous trouverez ici le lien vers le communiqué de Mgr. d'Ornellas, archevêque de Rennes: http://catholique-rennes.cef.fr/?Sur-le-concept-du-visage-du-fils Et celui de Mgr. Le Gall, archevêque de Toulouse: http://toulouse.catholique.fr/rubriques/haut/actualites/de-quel-dieu-sommes-nous-les-disciples L'islamisation du catholicisme français me semble être un phénomène très inquiétant. La religion chrétienne n'a rien à voir avec le fanatisme, la violence et l'intolérance.

dimanche 6 novembre 2011

TOUSSAINT

Le fondement et le but de toute vie chrétienne c’est la sainteté. La fête de ce jour nous le rappelle. Oui, la sainteté est au fondement de notre vie chrétienne tout simplement parce que nous avons reçu la vie divine au jour de notre baptême. Et chaque sacrement a pour but de nous sanctifier. C’est pour cette raison que saint Paul osait appeler les chrétiens des communautés dont il avait la charge « les saints ». Et pourtant, à la vue de tous les reproches qu’il leur adresse, ils n’étaient pas encore parvenus au but. Nous vivons donc déjà de la sainteté de Dieu mais nous avons à progresser chaque jour dans cette sanctification de notre personne et de notre vie. Sanctification qui est d’abord l’œuvre de Dieu, de sa grâce et de ses sacrements en nous. L’un des grands enseignements du Concile Vatican II consiste à dire à tous les chrétiens que la sainteté est le but de leur vie. Avant le Concile on avait eu tendance à penser que la sainteté était une espèce de luxe réservé au clergé, aux moines et aux religieuses. Le Concile nous replonge dans la tradition la plus ancienne de l’Eglise, celle qui nous vient de saint Paul lui-même, et bien sûr de Jésus. L’Evangile des Béatitudes ne s’adresse pas seulement aux apôtres mais bien aux grandes foules qui faisaient route avec Jésus. Les textes de la liturgie de la Parole nous montrent ce qu’est la sainteté chrétienne avec ses différentes facettes. C’est une réalité tellement riche qu’il est impossible d’en donner une définition unique. Et d’ailleurs la vie des saints et des saintes, connus et inconnus, illustre parfaitement cette vérité. Nous pouvons être attiré par tel saint alors qu’un autre nous laissera indifférent ou même nous repoussera. C’est que chaque saint, chaque sainte, illustre d’une manière unique la richesse de la grâce divine dans une créature humaine. L’un sera davantage le témoin de la pauvreté, un autre celui de la joie, un autre encore celui de la prière contemplative, un autre enfin celui de la charité qui se dévoue pour le prochain etc. Le premier réflexe, bien humain, serait de se dire que la sainteté c’est pour les autres, mais pas pour moi qui me sens si loin du but, si faible et pécheur. C’est une tentation diabolique. Dans l’Evangile selon saint Luc une personne pose à Jésus la question suivante : « Seigneur, est-ce vrai que peu de gens seront sauvés ? » Le Seigneur ne répond pas directement à cette question angoissée. Mais notre première lecture nous donne une réponse pleine d’optimisme. Elle nous parle dans un premier temps des 144 000 élus. Ce qui est évidemment un chiffre symbolique pour signifier qu’Israël sera finalement sauvé (le nombre des 12 tribus multiplié par 12 000). Ce que les témoins de Jéhovah ne veulent pas comprendre. D’autant plus que la suite du texte sort de ce symbolisme du chiffre pour affirmer : « J’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues ». La sainteté n’est donc pas réservée à un petit cercle d’élus puisque à la fin des temps le salut donné par le Christ sera une réussite éclatante : un salut universel dans l’espace et le temps, un salut en plénitude de par le nombre des sauvés : un nombre incomptable… Dans la deuxième lecture nous est donnée une autre définition de la sainteté : être saint, c’est être enfant de Dieu et tendre à ressembler au Christ. Comment pouvons-nous lui être semblables ? Ce sont les Béatitudes qui nous donnent la réponse. La sainteté n’est donc pas une utopie, quelque chose d’impossible ou d’inatteignable… Si l’on croit vraiment du fond de son cœur que le salut est donné par notre Dieu et par l’Agneau. La vie chrétienne n’est pas la plus facile, il y a en elle toujours une forme d’épreuve, même si ce n’est pas celle du martyre. Mais cette épreuve, cette croix, nous ne la portons jamais seuls, c’est le Christ qui la porte avec nous et pour nous. Le psaume de cette messe nous indique quel est le moteur de notre sanctification, ce qui fait que nous ne nous contentons pas d’être des chrétiens tièdes, mais que nous croyons vraiment à la transformation progressive de tout notre être par l’action de l’Esprit Saint. Comment le psaume décrit-il le peuple des saints ? « Voici le peuple de ceux qui cherchent Dieu, qui recherche la face de Dieu ! » Le salut nous est donné par le sacrifice d’amour du Christ. Notre participation à ce salut consiste à nous mettre en marche vers le but de notre vie : Dieu, le seul saint. C’est à partir du moment où nous pensons que nous avons trouvé Dieu que nous risquons de le perdre par notre manque de ferveur. D’où la nécessité de vivre notre vie chrétienne comme une recherche sans cesse recommencée, toujours nouvelle, de la Face du Seigneur. Cela revient à dire qu’il ne peut y avoir de sainteté sans une vie de prière profonde et régulière, sans le désir de Dieu en nous.

dimanche 23 octobre 2011

30ème dimanche du temps ordinaire

Comme dimanche dernier les pharisiens envoient auprès de Jésus l’un des leurs, un docteur de la Loi, pour lui tendre un piège. La question, cette fois, est plus spirituelle que celle sur l’impôt : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Le docteur de la Loi demande donc à Jésus une interprétation de la Torah (les cinq premiers livres de l’Ancien Testament). Il aurait pu répondre par lui-même à la question qu’il pose comme le montre la version de saint Luc avec le développement de la parabole du bon samaritain. La question du maître de la Loi est différente : « Que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle ? » Et c’est le Seigneur qui interroge à son tour le maître de la Loi : « Que dit l’Ecriture, que vois-tu dans la Loi ? » Et lui de répondre en citant le commandement de l’amour de Dieu et du prochain. En tirant de la Loi ce qu’elle a de meilleur Jésus ne semble donc rien inventer. Ceux qui étudiaient l’Ecriture à son époque pouvaient arriver à la même conclusion que lui. Jésus va dans le sens de la simplicité et de la clarté. Non pas que ces commandements soient faciles à mettre en pratique. Mais ils indiquent au croyant de bonne volonté un chemin sûr pour répondre à la volonté de Dieu dans sa vie. Dans sa question le Docteur de la Loi ne cite justement que la Loi, la Torah. Dans sa réponse le Seigneur affirme : « Tout ce qu’il y a dans l’Ecriture- dans la Loi et les Prophètes- dépend de ces deux commandements ». Il rappelle ainsi l’importance de la tradition prophétique qui permet au juif comme au chrétien de ne pas en rester à une religion légaliste mais à vivre sa foi comme une recherche intérieure de Dieu. Les prophètes ont toujours vivement insisté pour que le culte envers Dieu s’accompagne de la justice sociale qui est une expression privilégiée de l’amour du prochain. Dans la version de saint Marc le maître de la Loi commente la réponse de Jésus en citant les prophètes Osée et Amos : « Fort bien, Maître, tu as raison de dire que Dieu est l'Unique et qu'il n'y en a pas d'autre que lui. L'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices. » Je voudrais maintenant faire deux remarques à propos du double commandement de l’amour. Le Seigneur nous demande d’aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit. Dieu créateur nous a donné des facultés qui font que nous sommes son image sur cette terre. Pour vraiment aimer Dieu nous devons utiliser toutes ces facultés naturelles (le sentiment, la religiosité, l’intelligence etc.) dans l’exercice des dons spirituels reçus au baptême et à la confirmation : foi, espérance et charité. C’est donc avec tout ce que nous sommes que nous devons aller à la rencontre du Seigneur chaque jour. Notre foi ne doit pas détruire nos facultés naturelles mais les élever et les transfigurer. Le but du croyant ce n’est pas de devenir insensible (sans cœur) et encore moins idiot (sans esprit). Pour aimer Dieu nous avons besoin et de notre cœur et de notre intelligence. Ma deuxième remarque porte sur l’amour du prochain. Jésus dans le même Evangile nous donne une règle simple et infaillible pour savoir comment aimer en vérité notre prochain : « Faites donc pour les autres tout ce que vous voulez qu’on fasse pour vous, c’est bien ce que disent la Loi et les Prophètes ». J’ai lu récemment dans la presse que des caissières du magasin Dia d’Albertville sont en grève depuis 2 ans pour protester contre le travail du dimanche qui leur est imposé. Est-ce que leur patron vient lui aussi travailler le dimanche ? La première lecture, extraite d’un livre de la Loi, nous montre à quel point la Bible peut être d’une actualité frappante et comment l’amour du prochain devrait structurer concrètement notre rapport à l’argent et au commerce : Si tu prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple, à un pauvre parmi tes frères, tu n'agiras pas envers lui comme un usurier : tu ne lui imposeras pas d'intérêts. Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. C'est tout ce qu'il a pour se couvrir ; c'est le manteau dont il s'enveloppe, la seule couverture qu'il ait pour dormir. S'il crie vers moi, je l'écouterai, car moi, je suis compatissant ! A l’heure de la crise financière et économique mondiale les chrétiens doivent proposer une alternative à un système qui adore le veau d’or de l’argent et du profit et qui ne veut pas se remettre en question. Un chrétien ne peut se résigner face à l’injustice, il est par nature un indigné. Déjà en 1914 Péguy voyait le danger venir : Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation et sans mesure… L’argent est seul devant Dieu.

dimanche 16 octobre 2011

29ème dimanche du temps ordinaire

Nous continuons en ce dimanche notre lecture de la section de l’Evangile selon saint Matthieu consacrée au ministère public de Jésus après son entrée dans Jérusalem. Nous sommes donc dans ce temps entre le jour des rameaux et la Passion. Matthieu consacre 5 chapitres de son Evangile aux derniers jours de la prédication du Seigneur dans la ville sainte. Le contexte n’est plus du tout le même que celui du ministère public de Jésus en Galilée. C’est un contexte tendu et dramatique, l’opposition à l’enseignement de Jésus étant devenue de plus en plus forte. La page d’Evangile de cette liturgie est bien connue de tous. Elle fait partie de ces moments de vives discussions entre les pharisiens et le Seigneur. Ici les pharisiens échafaudent un plan pour tendre un piège à Jésus en lui posant une question embarrassante : celle de l’impôt dû à l’empereur. Ces hommes, traités d’hypocrites par Jésus, ne cherchent pas la vérité. Le débat n’est pour eux qu’une occasion de triompher de celui qu’ils ont pris en haine et de le mettre en difficulté. La perversité et la mesquinerie de leur méthode est malheureusement d’une grande actualité. Combien de soi-disant « débats » politiques ne sont en fait que des joutes oratoires pour faire tomber l’autre ? Et ne parlons pas de certaines séances à l’assemblée nationale, séances qui devraient faire honte à ceux qui se comportent comme des gamins dans une cour de récréation alors qu’ils sont censés débattre démocratiquement en vue du bien commun. Non seulement les pharisiens sont pervers mais ils utilisent même la flatterie la plus basse pour essayer de dissimuler leur manœuvre : « Maître, tu es toujours vrai etc. » Les Juifs subissent à l’époque de Jésus l’occupation romaine comme une humiliation insupportable. Dans leur culture religieuse être gouverné par un non-Juif donc par un païen est tout simplement insupportable. Certains sont toutefois prêts à collaborer avec le pouvoir romain alors que d’autres ne cessent de fomenter des séditions pour se libérer du joug impérial. Payer l’impôt à César c’est reconnaître en quelque sorte la légitimité de son pouvoir. S’il y avait des changeurs dans le temple, changeurs malmenés par Jésus, c’était parce que l’on considérait comme impie le fait d’acheter les animaux pour les sacrifices avec des pièces de monnaie païennes. Comme souvent Jésus ne répond pas directement, évitant ainsi de tomber dans le piège qui lui est tendu. Il fait simplement remarquer à ses opposants que la monnaie qu’ils utilisent couramment dans leur vie est celle émise par l’empereur. D’où la célèbre réponse : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Ce qui signifie d’abord : payez l’impôt à César, cela ne vous empêchera pas d’adorer Dieu et d’être de bons Juifs. Dans un sens plus profond cette parole du Seigneur, souvent oubliée dans l’histoire de l’Eglise, fonde nettement la distinction entre la sphère politique et la sphère religieuse. Pour le dire autrement le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel ne doivent pas se confondre. Jésus énonce ici le principe de la laïcité. A ne pas confondre avec le laïcisme qui veut exclure de la vie sociale toute manifestation religieuse. L’oubli de ce principe a commencé très tôt dans l’histoire de la chrétienté. Le premier Concile de l’Eglise (Nicée en 325) a été convoqué et présidé par Constantin et non pas par le pape ! Mais c’est Théodose qui, dès la fin du 4e siècle, a fait du catholicisme la religion d’Etat et qui a interdit les sacrifices païens, fermé les temples et persécuté les païens. Les persécutés sont ainsi devenus à leur tour persécuteurs parce qu’ils ont adopté la manière romaine de gérer le rapport du religieux avec la vie civile. Pourquoi les chrétiens ont-ils été persécutés ? Parce qu’ils refusaient de sacrifier à l’empereur divinisé. Non pas parce qu’ils avaient créé une nouvelle religion. Mais bien parce que leur refus de sacrifier était interprété comme un manque de civisme. Théodose, l’empereur qui se prétendait très chrétien, est aussi l’empereur qui a ordonné le massacre de 7000 habitants de Thessalonique en raison de leur révolte. L’évêque de Milan, Ambroise, l’a excommunié sur le champ. Comme quoi le principe édicté par Jésus est précieux pour éviter aux chrétiens que nous sommes de nous engager dans des impasses. Ne confondons jamais le Royaume de Dieu avec les puissants de ce monde et leur pouvoir.

dimanche 9 octobre 2011

28ème dimanche du temps ordinaire

Il existe un lien évident entre la parabole de ce dimanche et celle entendue dimanche dernier. Dans ces deux histoires Dieu ne cesse d’envoyer ses serviteurs les prophètes aux hommes. Son amour est patient. C’est inlassablement que le Seigneur nous rappelle notre vocation de fils de Dieu. Face à cette persévérance divine la réponse humaine se décline en trois attitudes : indifférence, refus et violence. La raison profonde de ces attitudes, c’est bien notre ingratitude. Ingratitude qui atteint son sommet avec la crucifixion de Jésus. La parabole de ce dimanche nous montre un roi (Dieu) qui célèbre les noces de son Fils (Le Christ) avec l’humanité. En effet ces noces ont commencé dans le sein de la Vierge Marie lorsque la Parole de Dieu a voulu prendre notre condition humaine. C’est par le mystère de l’incarnation que Jésus, dès la crèche, épouse notre humanité et se fait le frère de chacun d’entre nous. L’accomplissement de ces noces, dont nous parle la parabole, c’est le Royaume de Dieu. Entre Noël et l’accomplissement final (la célébration des noces dans le Royaume) nous vivons le temps de l’Eglise. Et chaque messe du dimanche est une anticipation du repas nuptial : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde ; heureux ceux qui sont invités au festin des noces de l’Agneau ! ». La première partie de notre parabole s’achève ainsi : « Le repas est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes ». Comment expliquer que non seulement le peuple d’Israël mais aussi chacun d’entre nous, à des degrés divers, nous refusons de répondre à l’invitation divine ? Les invités ne veulent pas venir. Telle est la première réaction. Dans notre vie quotidienne nous n’aimons pas être dérangés, surtout quand nous faisons quelque chose qui nous intéresse ou nous passionne. La deuxième réaction met en avant notre travail (champ et commerce). Le travail est une réalité bonne par laquelle nous gagnons notre vie et rendons un service à la société. Mais dans notre religion il y a un jour consacré au Seigneur, un jour de cessation du travail. Pour empêcher qu’il ne devienne une idole, un obstacle sur notre route avec Dieu. La tentation de notre activité professionnelle, c’est l’appât du gain, l’amour immodéré du profit et de l’argent. Saint Paul enseigne à Timothée que « l’amour de l’argent est la racine de tous les maux ». Et le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz dénonce le triomphe actuel de la cupidité et ses conséquences désastreuses pour des millions de personnes sur notre planète. Nous n’aimons pas être dérangés et voilà que Dieu vient nous déranger dans nos activités lucratives ou nos divertissements pour nous inviter à partager sa joie dans le Royaume. D’où aussi la troisième réaction : ceux qui sont invités finissent par tuer ces empêcheurs de tourner en rond que sont les serviteurs du roi, en l’occurrence les prophètes d’hier et d’aujourd’hui. Pourquoi donc notre refus de goûter à la joie du Royaume ? C’est probablement parce que le bonheur du Ciel nous semble abstrait et lointain. Alors nous lui préférons les bonheurs que nous pouvons obtenir sur cette terre maintenant et de manière concrète. Cela rejoint l’enseignement de la parabole du semeur : Et il y en a d'autres qui ont reçu la semence dans les ronces : ceux-ci entendent la Parole, mais les soucis du monde, les séductions de la richesse et tous les autres désirs les envahissent et étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit. Ayant vu pourquoi il nous est si difficile d’écouter l’appel du Seigneur à participer aux noces de son Fils, nous pouvons trouver un remède. Et ce remède consiste tout simplement à faire dès maintenant l’expérience de la joie de Dieu. Comment est-ce possible ? J’ai déjà parlé de notre participation à la messe du dimanche, anticipation réelle du festin des noces de l’Agneau. Mais sans une vie de prière personnelle notre participation à la messe risque de devenir routinière. Pour répondre à l’invitation du Seigneur, nous devons être prêts et vigilants, même au milieu de toutes nos activités humaines. Ce qui nous permet d’être prêts, c’est chaque jour la relation personnelle que nous nouons avec Dieu dans la prière, la méditation de sa Parole et la lecture spirituelle. La vie de prière ressemble parfois à une traversée du désert, nous ne ressentons pas la présence de Dieu, il semble absent. Mais si nous persévérons malgré tout en renouvelant notre acte de foi et d’amour, si nous lui demeurons fidèles, alors nous vivrons vraiment de sa joie en profondeur. Nous pouvons nous appuyer sur sa promesse : « Votre joie, personne ne vous l’enlèvera ». Grâce à cette expérience de vie dans l’Esprit Saint la joie du Royaume ne sera plus pour nous une réalité abstraite et lointaine, donc inintéressante. Ayant déjà goûté en nous et dans notre vie les fruits de l’Esprit (amour, joie et paix), nous aurons faim de Dieu et soif de sa présence.

dimanche 25 septembre 2011

26ème dimanche du temps ordinaire

Après la parabole des ouvriers employés dans la vigne, Jésus utilise à nouveau l’image de la vigne dans la petite histoire qu’il nous raconte en ce dimanche. Mais le contexte n’est pas le même. Nous ne sommes plus dans la montée vers Jérusalem. Nous sommes à Jérusalem. Le Seigneur y est entré humblement monté sur un âne et acclamé par la foule. Dans le temple il a montré son autorité de Fils de Dieu en chassant les marchands et en renversant les tables des changeurs. Ce qui, bien sûr, a provoqué une vive réaction de la part du clergé : « De quelle autorité fais-tu tout cela ? Qui t’a chargé de le faire ? » Pour comprendre notre Evangile il nous faut entendre la réponse que Jésus donne aux chefs des prêtres : « Moi aussi je vais vous poser une question, une seule : Quand Jean s’est mis à baptiser, était-ce une initiative du Ciel, ou bien humaine ? » Ce qui précède notre Evangile est donc une situation de conflit entre les chefs des prêtres et Jésus. Ce conflit qui conduira le Seigneur à la croix porte sur la question de l’autorité : celle de Jean-Baptiste et celle de Jésus. D’où la fin de cette page évangélique : « Jean-Baptiste est venu à vous, vivant selon la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; tandis que les publicains et les prostituées y ont cru. Mais vous, même après avoir vu cela, vous ne vous êtes pas repentis pour croire à sa parole ». Le centre d’intérêt de l’histoire des deux fils se situe exactement là. Il y a pour chacun de nous une alternative réelle : soit l’ouverture du cœur à la volonté de Dieu, soit au contraire notre endurcissement, notre refus de croire en l’autorité de Dieu et de ses prophètes. Le fils qui dit « oui » mais n’agit pas en conséquence représente bien cet endurcissement du cœur. Le danger sournois mais bien réel pour les chrétiens pratiquants que nous sommes est le même qui menaçait les chefs des prêtres à l’époque de Jésus. Nous pouvons en effet avoir l’impression de dire « oui » et de faire la volonté du Père car nous prions, nous participons à la messe etc. Mais au fond notre cœur peut très bien rester endurci. Tout simplement parce que nous considérons que nous ne sommes plus en chemin, nous nous croyons peut-être arrivés au but. La conversion est une réalité que nous appliquons d’abord aux autres. Nous ne ressentons pas ce besoin intérieur de nous remettre en question et donc en route à la lumière de la parole du Seigneur et des enseignements de l’Eglise. L’histoire des deux fils nous donne un critère de jugement sur la qualité de notre vie chrétienne. Dieu seul la connaît car Lui seul connaît le fond de notre cœur et ce qui nous motive vraiment dans la vie. Mais Jésus nous rappelle l’importance des actes concrets, de l’engagement réel, qui, seuls, authentifient notre parole, le « oui » que nous disons à Dieu. Si notre cœur est vraiment en communion avec le Christ, alors ce qu’affirme notre bouche descendra jusque dans nos membres, nos mains, nos bras, nos jambes et deviendra travail effectif dans la vigne du Royaume de Dieu. Ce critère de l’action en conformité avec l’Evangile nous est rappelé dans un autre passage du même Evangile : Il ne suffit pas de me dire : 'Seigneur, Seigneur !', pour entrer dans le Royaume des cieux ; mais il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. Je terminerai en me référant à la vie de l’apôtre Paul. Il faisait partie en Israël de ceux qui pensaient faire la volonté de Dieu. En bon pharisien il devait même tirer une certaine fierté de son observance de la loi juive. Il pensait sincèrement faire la volonté de Dieu en persécutant les chrétiens. Mais son amour zélé de la loi juive l’avait en fait enfermé dans un système religieux. La loi était devenue plus importante que Dieu lui-même. Pour sortir Paul de cet endurcissement du cœur il a fallu une manifestation du Ressuscité sur la route de Damas. Il a ainsi été saisi par le Christ et s’est converti. Le plus intéressant pour nous, c’est que, des années après sa conversion, l’apôtre Paul, pourtant si généreux, se considère toujours en chemin. Le « oui » qu’il a dit au Christ, il sait qu’il doit le répéter chaque jour par ses actes et par ses choix. Et cela le conduira jusqu’au témoignage suprême du martyr. C’est ainsi que Paul a gardé un cœur ouvert à la nouveauté que la présence de Dieu produit toujours dans la vie de ceux qui l’accueillent : Certes, je ne suis pas encore arrivé, je ne suis pas encore au bout, mais je poursuis ma course pour saisir tout cela, comme j'ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, je ne pense pas l'avoir déjà saisi. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l'avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.

dimanche 18 septembre 2011

25ème dimanche du temps ordinaire

25ème dimanche du TO/A
18/09/11
Mt 20, 1-16 (p. 598)

Lorsque nous entendons parler du Royaume des cieux dans les Evangiles nous pensons spontanément au paradis, c’est-à-dire à cet état de communion parfaite avec Dieu Trinité et entre nous, état que nous ne pouvons vivre qu’en acceptant de passer par la mort physique avec le Christ. La parabole des ouvriers envoyés à la vigne est une parabole du royaume des cieux qui nous parle de travail… Cela signifie que ce royaume des cieux est déjà une réalité présente dans notre existence humaine, et l’Eglise en est la manifestation la plus évidente. Cette parabole nous parle donc de la réponse que nous donnons au maître du domaine, c’est-à-dire Dieu. Ce domaine représente tout autant la création que l’Eglise. Vous avez compris que la pointe de la parabole porte sur le moment de notre vie où nous percevons l’appel de Dieu et où nous y répondons positivement. Certains parmi nous sont chrétiens depuis leur enfance, d’autres ont connu l’Evangile plus tard etc. Aux yeux du maître du domaine nous sommes tous égaux, tous ouvriers dans une même vigne. Jésus ne prétend pas bien sûr nous donner une leçon de morale économique et c’est volontairement qu’il choque notre bon sens. Pour bien nous montrer à quel point les pensées de son Père ne sont pas les nôtres… Dans la première lecture Isaïe nous dit que les pensées de Dieu sont au-dessus des nôtres. Nous rappelant ainsi que si Dieu s’est fait tout proche de nous, même l’un de nous par l’incarnation, il demeure aussi le tout autre, il est transcendant comme le soulignent les philosophes. Et c’est ce qui fait que nous avons bien du mal à comprendre et à accepter ses chemins… Donc Jésus nous choque volontairement. Il semble nous montrer un Dieu arbitraire et injuste qui traite les derniers venus de la même manière que les premiers… Et pourtant le maître du domaine promet à ceux qu’il embauche à la 9ème heure de leur donner ce qui est juste. Il faut ainsi nous rendre à l’évidence : ce maître est juste. Simplement sa justice n’est pas une justice humaine, une justice distributive, celle qui doit être pratiquée dans le monde du travail. De fait le salaire qui est donné aux ouvriers, le même pour tous, ne doit pas nous tromper sur la relation qui existe entre Dieu et ses créatures. En prenant ce détail de la parabole au pied de la lettre nous ferions de notre relation avec Dieu un troc, un échange commercial. Le fait justement que les derniers reçoivent autant que les premiers nous montre bien que ce salaire n’en est pas un dans le sens habituel du terme. Dans l’Evangile selon saint Luc, Jésus donne la conclusion suivante à une petite histoire qu’il raconte aux disciples :
De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : 'Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n'avons fait que notre devoir.'
Bref nous n’avons pas à tirer une quelconque fierté d’avoir répondu « oui » à l’appel du maître. Que nous ayons commencé le matin ou en fin d’après-midi ne change rien au fait que travailler dans la vigne du Seigneur est une grâce. Nous ne sommes pas embauchés par lui parce que nous serions les meilleurs ouvriers du monde. Alors le vrai et juste salaire que Dieu nous promet, ne serait-ce pas simplement le fait de pouvoir travailler dans sa vigne ? Le salaire de notre travail, dans et pour le Royaume des cieux, c’est notre travail lui-même. Ce travail comporte en lui-même sa propre récompense. Pour le chrétien le vrai salaire n’est-ce pas de savoir qu’il accomplit la volonté de Dieu ? Nous comprenons alors pourquoi tous reçoivent un salaire identique dans notre parabole. Cette parabole veut arracher de notre cœur l’idée selon laquelle nous mériterions par nos bonnes actions de travailler dans la vigne du Seigneur. C’est une parabole du don de Dieu. Dimanche dernier nous avons entendu le Seigneur nous demander de pardonner sans poser aucune limite. Ce dimanche nous contemplons la bonté du Seigneur à notre égard, une bonté qui n’a, elle aussi, aucune limite : « Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? » La justice de Dieu ne peut pas se comprendre sans cette référence à sa bonté. Et c’est en cela qu’elle est très différente de l’idée humaine de justice. On ne demande pas à un juge humain d’être bon, on lui demande d’appliquer la même loi à tous sans aucune partialité. C’est en raison de sa justice surnaturelle que Dieu renverse les classements humains : « Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers ».

dimanche 11 septembre 2011

24ème dimanche du temps ordinaire

24ème dimanche du TO/A
11/09/2011
Mt 18, 21-35 (p. 548)

Avec l’Evangile de ce dimanche nous écoutons à nouveau l’enseignement de Jésus sur la vie en communauté. Dimanche dernier nous avons vu que dans l’Eglise, rassemblement des chrétiens, nous avions à pratiquer la correction fraternelle. Aujourd’hui c’est l’importance du pardon mutuel qui est mise en avant. Une communauté chrétienne authentique se reconnaît au fait que le pardon y est donné et reçu, non seulement à travers le sacrement de la confession, mais aussi dans les rapports que les chrétiens entretiennent les uns avec les autres. Un vrai chrétien non seulement est capable de pardonner mais il est aussi capable de demander pardon lorsqu’il a blessé l’un de ses frères.
Comme souvent l’enseignement du Seigneur part d’une question qui lui est posée : Pierre demande jusqu’à combien de fois il faut pardonner à un frère qui nous a offensé. Et il veut se montrer généreux en proposant : « Jusqu’à sept fois ? » La réponse de Jésus déplace immédiatement le débat à un autre niveau, celui-là même de Dieu : « Jusqu’à soixante-dix fois sept fois ». Pierre se situait à un niveau très humain, celui où l’on fait des comptes. Jésus lui répond qu’il ne faut jamais compter dans le pardon que nous avons à donner. Le chrétien est un imitateur de Dieu. La miséricorde du Seigneur à notre égard n’a pas de limites, elle est infinie. De la même manière notre pardon devrait pouvoir être accordé autant de fois que cela est nécessaire.
Pour illustrer son enseignement Jésus va utiliser une parabole du Royaume des cieux. C’est intéressant, car pour nous parler de la vie en Eglise, le Seigneur nous montre le Royaume des cieux. Ce qui signifie que l’Eglise n’est pas une association parmi tant d’autres, une œuvre de bienfaisance ou encore une réalité simplement humaine. L’Eglise est divine ou elle n’est pas. Sa vie vient de Dieu par le Christ dans l’Esprit. Et les lois qui régissent son organisation, même si elles comportent une part humaine, doivent refléter la vie même du Royaume. Ce sont des lois surnaturelles. La parabole se comprend d’elle-même. Jésus n’invente rien comme en témoigne notre première lecture tirée de l’Ancien Testament. Il rappelle la loi divine du pardon et de la miséricorde en la libérant de toute limitation. La parabole nous redit avec force que nous devons être cohérents : il serait étrange d’attendre de la part de Dieu sa pitié si nous nous montrons incapables de compassion les uns envers les autres. Nous sommes heureux lorsque Dieu se montre patient et miséricordieux à notre égard. Nous devrions être heureux de pouvoir l’imiter dans nos relations avec nos frères dans la foi et avec tous les hommes. La parabole nous renvoie à ce que nous demandons dans le Notre Père. Souvenons-nous du commentaire que Jésus en donne dans le même Evangile selon saint Matthieu : « Sachez-le : si vous pardonnez aux autres leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux autres, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos offenses ».
Ce qui fait que l’histoire de notre monde ainsi que nos histoires personnelles ressemblent parfois à un avant-goût de l’enfer, c’est bien notre incapacité ou notre refus de pardonner et de demander pardon. Nous savons où mène la logique de la rancune, de la colère, de la vengeance : à une augmentation sans fin de la violence. Les pardons que nous avons à accorder ne se ressemblent pas : il y a des petits pardons et des grands pardons. Ce n’est évidemment pas la même chose de pardonner à celui qui m’a insulté et de pardonner à celui qui a tué tous les membres de ma famille… Ce n’est pas parce que nous nous sentons parfois incapables de pardonner que nous devons pour autant renoncer à cette exigence de l’Evangile. C’est souvent un long chemin que nous avons à parcourir. Autant blesser autrui est un acte rapide, autant la réconciliation demande beaucoup de temps. Le bien et le mal n’ont pas le même rapport au temps. Si nous avons encore des pardons à donner ou à demander, ayons foi dans l’aide du Seigneur qui nous permettra d’avancer sur ce chemin. C’est avec beaucoup de prière pour celui qui m’a offensé et par des petits actes que je parviendrai à pardonner à mon frère de tout mon cœur.

samedi 2 juillet 2011

14ème dimanche du temps ordinaire

14ème dimanche du TO/A
3/07/2011
Matthieu 11, 25-30 (p. 56)

Deux jours après la fête du Sacré-Cœur et au commencement de la période estivale nous accueillons ce très beau passage de l’Evangile selon saint Matthieu, passage dans lequel Jésus nous invite à entrer dans son repos.
Notre Evangile commence par une prière de louange et d’action de grâces que Jésus a peut-être prononcée à haute voix en présence de ses disciples. Dans cette prière le Seigneur témoigne de la relation unique qui l’unit à Dieu son Père, relation de connaissance amoureuse au sein de la Trinité. Par la révélation de l’Evangile, Jésus nous fait participer, à notre niveau humain, à cette connaissance qui est celle de la Sainte Trinité. Jésus est l’unique Chemin qui nous conduit à la connaissance du Dieu vivant et vrai. Le Fils remercie son Père de ce que cette révélation a été cachée aux sages et aux savants et donnée aux tout petits. Cette manière de faire de Dieu notre Père est une manifestation de sa bonté. Mais comment comprendre le fait que les sages et les savants soient comme écartés de la connaissance de Dieu ? Il semblerait au contraire que cette catégorie de personnes soit la mieux placée pour connaître le mystère de Dieu. Ce que le Père réprouve ce n’est pas l’intelligence humaine ni la raison. C’est lui qui nous les a donnés. Dieu nous met simplement en garde contre le danger qui guette tous les intellectuels. Et ce danger est double. Tout d’abord l’orgueil, se croire supérieur parce que l’on sait. De cet orgueil découle immanquablement un sentiment d’autosuffisance et d’autonomie absolue. Ainsi le savant orgueilleux dans le moment même où il reconnaît Dieu le nie. Parce qu’il pense que sa connaissance vient uniquement de son intelligence. Parce qu’il oublie que la vraie connaissance de Dieu se reçoit comme une révélation : elle est un don du Christ. Le deuxième danger qui guette le savant c’est celui d’une connaissance sans charité. A quoi bon connaître toute la sagesse des philosophes et celle de la Bible si je ne la mets pas en pratique, si je suis incapable d’aimer en vérité ? Lorsque Dieu se fait connaître à nous par Jésus, ce n’est pas d’abord pour remplir notre tête de connaissances théologiques, c’est surtout pour changer notre cœur de pierre en un cœur de chair, capable d’aimer et de s’ouvrir aux besoins des autres.
Après avoir prié, Jésus nous lance un appel. Un appel à entrer dans son repos alors que nous sommes fatigués et abattus par une vie parfois bien difficile et souvent monotone. Même si nous avons la chance d’avoir tout le nécessaire pour bien vivre en ce monde, l’horizon nous semble à certains moments bouché. Nous aspirons à autre chose, à Dieu lui-même. L’actualité de notre monde peut aussi nous conduire au désespoir et au découragement. Le repos donné par le Christ, maître au cœur doux et humble, n’est pas un repos d’hôtel cinq étoiles ou de millionnaire. Jésus ne nous promet pas le bonheur parfait en ce monde. Il ne nous dit pas que si nous le suivons tout ira bien et nous n’aurons plus aucun problème ! Nous devons en tant que chrétiens prendre son joug, porter son fardeau. Ce qui pèse le plus lourd sur nos épaules c’est bien la puissance du mal et de l’injustice à l’œuvre sur notre terre, c’est bien le péché que nous commettons. Connaître Jésus et l’aimer n’enlève ni le joug ni le fardeau. Alors où est la différence entre un chrétien et un athée ? Eh bien nous, disciples du Seigneur, nous ne sommes jamais seuls à porter le fardeau. Jésus lui-même vient le porter avec nous. Son joug est ainsi facile à porter, et son fardeau léger. Jésus se différencie des chefs religieux du peuple. Il les interpelle vivement et leur fait des reproches : Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Pratiquez donc et observez tout ce qu'ils peuvent vous dire. Mais n'agissez pas d'après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. Quand nous contemplons Jésus sur la croix, nous savons qu’il ne s’est pas contenté de paroles mais qu’il a vraiment porté pour nous tout le fardeau du péché et du mal afin de nous en libérer. Alors cet Evangile nous demande de lui faire une confiance absolue et de vivre sous l’emprise de l’Esprit Saint qui habite nos cœurs. De cette manière nous verrons toutes choses avec le regard de Dieu. Et la pesanteur de ce monde ne nous enlèvera ni notre joie ni notre espérance.

dimanche 26 juin 2011

LE SAINT SACREMENT

Saint Sacrement / A
26/06/2011
Jean 6, 51-58 (p. 1175)

Dimanche dernier en célébrant la fête de la Sainte Trinité nous nous sommes souvenus que le cœur du mystère même de Dieu est l’amour qui unit les trois personnes divines. Avec la fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ nous célébrons le don sacramentel de cet amour divin à l’Eglise. Tout sacrement est une manifestation de l’amour divin, mais l’eucharistie en est l’expression la plus parfaite. D’où le nom donné à ce sacrement : le Saint-Sacrement. Ce nom ne signifie pas que les autres sacrements ne soient pas saints, c’est évident. Il signifie que l’eucharistie ou la messe est le plus grand de tous les sacrements, le sacrement par excellence. C’est la raison pour laquelle une fête particulière lui est consacré en plus de la célébration de l’institution de l’eucharistie le soir du jeudi saint. C’est un pape français, Urbain IV, qui, en 1264, institua la fête de ce dimanche.
Tel est le pain qui descend du ciel : il n'est pas comme celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement.
La fin de notre Evangile nous renvoie au don de la manne dans le désert. Ce don annonçait le mystère de l’eucharistie. Jésus souligne la différence entre la manne et le pain de vie, son corps livré pour nous en sacrifice et offert comme nourriture spirituelle dans chaque eucharistie. Communier au Corps du Christ avec de bonnes dispositions, c’est nourrir en soi la vie même de Dieu, vie reçue au baptême, et c’est déjà, d’une certaine manière, anticiper la vie bienheureuse de communion avec Dieu Trinité au paradis.
La première lecture qui nous parle du don de la manne est intéressante pour nous faire comprendre le mystère de l’eucharistie en lien avec notre vie toute entière.
Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur ton Dieu te l'a imposée pour te faire connaître la pauvreté ; il voulait t'éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : est-ce que tu allais garder ses commandements, oui ou non ?
Nous pouvons comparer notre vie humaine sur cette terre à la longue marche des hébreux dans le désert avant d’atteindre la terre promise, image du paradis. Notre vie humaine de notre naissance à notre mort est une expérience de dépouillement et de purification, que nous soyons croyants ou pas. Vivre c’est en effet accepter de se détacher jour après jour. En ce sens la pauvreté fait partie de notre condition humaine marquée par le péché originel et par nos propres péchés. Combien de petites morts précèdent en effet la mort véritable ! Le croyant sait que les limites de sa condition humaine sont comme une mise à l’épreuve de son amour et de sa fidélité envers Dieu, seul maître de la vie.
Il t'a fait connaître la pauvreté, il t'a fait sentir la faim, et il t'a donné à manger la manne - cette nourriture que ni toi ni tes pères n'aviez connue - pour te faire découvrir que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur.
Beaucoup de nos contemporains, et même parmi eux des chrétiens, ne ressentent pas les limites de leur condition humaine, la pauvreté qui est attachée à toute vie. A cause du matérialisme, du confort de vie et de la richesse, il est facile de s’aveugler et d’oublier le sens ultime de notre vie sur cette terre. Nous ne pouvons pas apprécier le don de l’eucharistie à sa juste valeur si nous ne prenons pas conscience de notre pauvreté, si nous n’avons pas faim d’autre chose que ce que nous propose la société de consommation comme accès à un bonheur facile mais éphémère. L’eucharistie en tant que nourriture spirituelle doit correspondre en nous à une faim, à la conscience que nous avons besoin pour vivre en plénitude de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. Quand nous parlons des bonnes dispositions pour communier avec fruit nous pensons spontanément d’abord au fait que nous n’avons pas sur la conscience de péché grave à nous reprocher. Et c’est vrai, d’où l’utilité du sacrement du pardon pour nous permettre de mieux communier au don que le Christ nous fait à chaque eucharistie. Mais être dans de bonnes dispositions ce n’est pas seulement être en état de grâce, c’est aussi avoir le désir de Dieu, la faim d’une nourriture spirituelle. Cette nourriture nous est donnée par le Seigneur Jésus dans la messe. Le concile Vatican II parle des deux tables eucharistiques : celle de la parole de Dieu et celle du Corps du Seigneur. La fête de ce jour est une invitation à nous poser la question suivante : comment pouvons-nous mieux nous préparer à participer à ces deux tables par lesquelles notre vie spirituelle est fortifiée ? Pour la table de la Parole de Dieu il serait bon que nous puissions lire et méditer avant la messe, dans la semaine, les lectures du dimanche. Même si nous n’avons pas de missel elles sont désormais disponibles sur Internet. Pour la table du Corps du Seigneur la meilleure préparation serait de prendre chaque jour un temps de prière personnel, de rencontre avec le Christ ressuscité, en lui demandant de nous faire cette grâce : qu’il augmente en nous le désir de la communion avec lui!

lundi 20 juin 2011

LA SAINTE TRINITE

La Sainte Trinité / A
19/06/2011
Jean 3, 16-18 (p. 1156)

Il y a dans notre année liturgique une grande cohérence. Ce n’est donc pas par hasard que la célébration de la Sainte Trinité se situe après le dimanche de la Pentecôte. Avec le mystère pascal, culminant à la Pentecôte, Dieu nous a tout donné : son Fils, son Esprit, l’Eglise et les sacrements. La Pentecôte marque l’accomplissement de la révélation divine. Nous n’avons à attendre aucune révélation nouvelle. Tout est dit depuis que le Père nous a envoyé sa Parole et son Esprit. Et c’est avec l’assistance du Saint Esprit que l’Eglise, tout au long de son pèlerinage sur la terre, ne cesse d’approfondir le mystère de Dieu et celui de notre salut. Les premiers siècles du christianisme n’ont pas été de tout repos. De nombreuses querelles dogmatiques autour de la personne du Christ et donc de la nature même de Dieu ont divisé les premiers chrétiens. Et c’est au terme de cette recherche théologique initiale que l’Eglise, sous la conduite de l’Esprit Saint, a pu de mieux en mieux préciser sa foi en Dieu Trinité. Si bien qu’il n’est pas exagéré de dire que la foi en la Trinité est le centre et le sommet de toute la révélation chrétienne. Un chrétien ce n’est pas simplement celui qui reconnaît l’existence de Dieu dans sa vie, mais bien celui qui reçoit la révélation que Dieu est Trinité. C’est cette révélation que le grand savant et penseur français Blaise Pascal eut la grâce de recevoir le 23 novembre 1654. Au cours d’une expérience mystique qui dura deux heures, il comprit par le cœur, de l’intérieur, la différence entre le Dieu des philosophes et le Dieu de Jésus-Christ, et il la consigna dans un texte nommé le mémorial. C’est la seconde conversion de Pascal.
« Feu. Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants. Certitude, certitude, sentiment, joie, paix. Dieu de Jésus-Christ ».
Les textes de la Parole de Dieu nous montrent le vrai visage du Dieu de Jésus-Christ, et il est frappant de constater la continuité entre la première Alliance et l’Alliance nouvelle et définitive. Dieu se révèle en effet à Moïse comme « le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité ». Dans l’Evangile, Jésus lui-même nous parle de son Père, ce Père qui nous aime. L’amour de Dieu notre Père n’est pas là pour nous enfoncer dans la culpabilité et la honte, il n’est pas là pour nous condamner. C’est un amour qui sauve et qui relève, un amour qui veut sans cesse nous redonner notre dignité de fils et de filles de Dieu. Quant à saint Paul il promet aux chrétiens qui vivent selon l’Evangile la présence du Dieu d’amour et de paix. Saint Jean résumera dans une formule lapidaire tout le mystère de Dieu : Dieu est Amour.
Nous sommes baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. En tant que chrétiens nous croyons au Dieu trois fois Saint. Mais pour que cette foi en la Trinité soit vivante, il faut que d’une manière ou d’une autre nous en ayons fait l’expérience personnelle, un peu à la manière de Pascal et de tant d’autres chrétiens émerveillés en présence du mystère de Dieu. Autrement nous risquons d’avoir une foi en un Dieu abstrait et lointain, en quelque sorte une idée inaccessible de la perfection. Nous risquons bien d’être déistes davantage que chrétiens. C’est le rôle du Saint Esprit que de nous aider à entrer dans le mystère de Dieu non seulement avec notre intelligence mais aussi avec notre cœur, c’est-à-dire dans une relation d’amour avec le Dieu Trinité et avec chacune des personnes divines. Nous avons deux lieux privilégiés pour vivre notre foi en la Trinité : la prière personnelle et le service du prochain dans la charité. Dire que Dieu est Trinité, c’est affirmer que Dieu en lui-même est don d’amour, circulation, échange de vie et d’amour entre les trois personnes divines. Et la manifestation en Dieu de cet amour c’est la personne du Saint Esprit, lien de charité entre le Père et le Fils. L’être de Dieu ne se définit pas d’abord par l’éternité ou encore la toute-puissance. Cela nous le retrouvons dans le dieu des philosophes. L’être de Dieu se définit par la perfection de l’amour en Lui. Lui seul est Dieu parce que Lui seul est capable de se donner à un tel point. S’il est créateur et sauveur, c’est en raison de son identité profonde. Nous comprenons alors que c’est lorsque nous nous donnons par amour à Dieu et à notre prochain que nous nous ouvrons le mieux au mystère de la Sainte Trinité. Dans une époque marquée par le divertissement, l’agitation et le bruit, il nous est bon dans le silence extérieur et intérieur, le silence du cœur, de nous mettre en présence du Dieu Trinité. La qualité de notre vie humaine et chrétienne dépend essentiellement de la vérité de notre relation avec ce Dieu qui n’est pas un Dieu solitaire mais un Dieu communion. Dans une époque où beaucoup s’isolent dans leur bulle croyant y trouver le bonheur, notre foi en la Trinité nous rappelle l’importance des relations entre nous. Le bonheur en Dieu se vit dans l’ouverture et le don de chacune des personnes divines. Le bonheur consiste pour chacun de nous à passer du statut d’individu à celui de personne, donc d’être en relation. Contempler le mystère des personnes divines et en vivre, cela nous fait avancer sur ce chemin d’humanisation et de divinisation. Je laisserai à la carmélite Elisabeth de la Trinité le mot de la fin :

« II me semble qu'au ciel, ma mission sera d'attirer les âmes en les aidant à sortir d'elles pour adhérer à Dieu par un mouvement tout simple et tout amoureux, et de les garder en ce grand silence du dedans qui permet à Dieu de s'imprimer en elles, de les transformer en Lui-même.»

jeudi 2 juin 2011

ASCENSION DU SEIGNEUR

Ascension du Seigneur / A
2/06/2011
Matthieu 28, 16-20 (p. 704)

A la fin du temps pascal, entre Pâques et la Pentecôte nous célébrons l’Ascension du Seigneur. Beaucoup, même parmi les catholiques, confondent cette fête avec celle de l’Assomption de Marie célébrée le 15 août. L’Ascension c’est pour Jésus et l’Assomption pour Marie ! Mais ces deux fêtes ont un point commun : elles nous montrent la puissance du mystère pascal à l’œuvre dans notre humanité. Jésus et Marie ont connu la mort, cette mort qui est la marque de notre condition humaine après le péché originel, mais leurs corps n’ont pas connu la corruption du tombeau. En Jésus et en Marie notre humanité est transfigurée et glorifiée en Dieu. En Jésus et en Marie notre humanité est parfaitement unie à Dieu, elle participe à la vie même et à l’amour de la Sainte Trinité. L’Assomption de Marie est sa Pâque à elle, dans le chemin ouvert par son Fils, le premier-né d’entre les morts. Ce qui fait le lien entre l’Assomption et l’Ascension, et du coup peut créer la confusion, c’est un même vocabulaire : Marie, comme Jésus, a été élevée au ciel avec son corps. Cette comparaison entre les deux mystères nous indique que cette fête est aussi la notre. Nous aussi, à la suite de Jésus et de Marie, nous sommes appelés à entrer dans la gloire de Dieu après le passage de notre mort. Et notre corps connaitra aussi une résurrection, une transfiguration en passant par l’anéantissement, conséquence de la mort. C’est là la différence entre nous et Marie. Grâce à Jésus, Dieu nous donnera un corps glorieux.
C'est à eux, les apôtres, que Jésus s'était montré vivant après sa Passion : il leur en avait donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur était apparu, et leur avait parlé du royaume de Dieu.
Pour le dire simplement l’Ascension marque la fin de ce temps privilégié au cours duquel le Ressuscité s’est manifesté à ses disciples pour les confirmer dans la foi et les envoyer en mission. A partir de l’Ascension aucun chrétien ne peut voir sur cette terre le Seigneur Jésus dans sa condition glorieuse. Il devient invisible à nos yeux de chair. Et c’est cela que signifie son entrée dans le ciel où il siège désormais à la droite du Père, partageant sa puissance et priant pour nous et pour son Eglise. Il est vrai que le Christ s’est manifesté à des saints et des saintes à travers une apparition pour leur confier un message. Mais cela reste exceptionnel et rare dans l’histoire de l’Eglise. Et l’on pourrait se poser la question suivante : pourquoi Jésus n’a-t-il pas choisi de continuer à se manifester aux hommes, comme il l’a fait entre sa résurrection et son ascension ? Tout simplement parce que son royaume n’est pas de ce monde. L’ascension nous montre que notre vie terrestre, avec toute sa valeur et son importance, n’est pas le but ultime. Notre horizon dernier c’est la vie éternelle en Dieu, c’est la vie bienheureuse dans la communion de la Sainte Trinité, dans la communion des saints. D’ailleurs les apôtres ne l’ont pas compris : Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël? L’Ascension nous empêche de vouloir établir sur terre une théocratie. Jésus est Roi mais il n’est pas venu pour mettre en place des systèmes politiques, même si ceux-ci se réclament de lui et prétendent le servir. Nous n’avons pas à confondre le christianisme avec ce qui a été pendant des siècles une forme de son expression historique donc limitée et bien imparfaite, la chrétienté. La chrétienté s’est écroulée mais le christianisme demeure. Avec l’Ascension, Jésus confirme le règne de la foi, de l’espérance et de la charité. Le chrétien vit de ces vertus, de ces puissances divines reçues au baptême, pour reconnaître la présence de son Roi glorieux mais invisible aux yeux de chair. Au jour de l’Ascension, le Ressuscité ne nous a pas abandonné. Tout d’abord parce qu’il nous promet la venue du Saint Esprit. Lui part, d’une certaine manière, mais c’est pour nous donner le Saint Esprit : Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous: C’est l'Esprit de vérité. Mais aussi pour une autre raison. Ce n’est pas parce que Jésus est désormais invisible qu’il est incapable de se rendre présent à chacun d’entre nous. Bien au contraire. Avant l’Ascension le Seigneur ne pouvait se rendre présent qu’à une infime partie de l’humanité, dans un seul lieu : Israël. Maintenant qu’il est dans la gloire de Dieu avec son humanité, notre humanité, sa présence est catholique, universelle. Non seulement à travers l’Eglise et les sacrements mais aussi d’une manière personnelle auprès de chaque chrétien, particulièrement dans la prière et le témoignage de la foi :
Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit, qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre.
Dans cette perspective du mystère de l’Ascension, la dernière parole de Jésus dans l’Evangile selon saint Matthieu a une importance particulière :
Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde.
Matthieu a choisi de terminer son Evangile avec ces paroles du Seigneur avant l’Ascension. La joie du chrétien, celle que nul ne peut lui ravir, c’est de reconnaître dans la foi cette présence du Ressuscité auprès de lui. Cette présence ne se limite pas aux moments de prière et à la messe, elle est coextensive à toute notre vie, même la plus ordinaire. Oui, Jésus, Fils de Dieu, est vraiment notre compagnon de route. Et chaque fois que nous témoignons de lui par nos actes et nos paroles nous pouvons être certains de sa présence en nous, à nos côtés. Dans la force de l’Esprit Saint c’est par nous, les membres de son Corps, qu’il choisit de se rendre présent à tous, même à ceux qui ne le reconnaissent pas encore comme le Seigneur de leur vie.

dimanche 22 mai 2011

5ème dimanche de Pâques

5ème dimanche de Pâques / A
22/05/2011
Jean 14, 1-12 (p. 625)

Dans ce temps liturgique entre Pâques et l’Ascension, l’Eglise nous fait entendre un Evangile situé avant l’événement de la résurrection. Nous nous retrouvons avec les apôtres autour de Jésus dans une atmosphère faite d’intimité et de questionnements. Le moment est solennel, le Seigneur sait que le lendemain il devra souffrir sa Passion. Ces paroles appartiennent donc au Testament du Seigneur. Et dans ce Testament il y a une annonce de la résurrection et de la vie que Jésus glorifié veut partager avec chacun d’entre nous: Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi. Dimanche dernier, Jésus s’est présenté à nous comme le Bon Berger venant en ce monde pour que nous ayons la vie en abondance. Cet Evangile brille déjà des lumières de Pâques. Ce Testament est rempli d’espérance.
Ces paroles, prononcées à l’occasion du dernier repas au cours duquel l’Eucharistie fut instituée, sont à la fois un appel et une révélation.
Avant de donner sa vie pour que nous ayons la vie en abondance le Seigneur Jésus nous lance un appel pressant : Croyez en moi comme vous croyez en Dieu. Au moment du doute et du questionnement, le Maître indique à ses disciples la seule force qu’ils ont à leur disposition, la force de la foi en Lui. Il les supplie : « Faites-moi confiance, car je suis le Fils de Dieu, l’envoyé du Père ». Il s’agit pour ces hommes qui ont tout quitté pour le suivre de le suivre jusqu’au bout. Il s’agit pour eux de remettre leur vie, leur espérance entre ses mains à Lui, entre ces mains qui demain seront clouées sur le bois de la croix, et qui sembleront impuissantes. Ces saintes mains qui n’ont cessé de faire le bien et de bénir. La suite montrera que cet appel à croire n’aura été que très peu entendu… Seul Jean était présent avec les saintes femmes au pied de la Croix. Notre foi en Jésus, Fils de Dieu, est une force qui nous permet de ne pas être paralysés par la peur : Ne soyez donc pas bouleversés. L’originalité de notre foi chrétienne se révèle justement dans la place unique et centrale de cet homme-Dieu nommé Jésus de Nazareth. Le chrétien ne se définit pas d’abord comme celui qui croit en Dieu, mais bien comme celui qui croit en Jésus Sauveur, révélation du Père pour nous. Nous ne sommes pas des déistes qui croient en une vague entité supérieure. Pour nous Dieu a un visage humain, et c’est celui de Jésus-Christ : Celui qui m'a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : 'Montre-nous le Père' ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Oui, notre Dieu n’est pas abstrait, un être suprême très éloigné de nous, mais il est le Père de Jésus-Christ. Nous le contemplons dans la sainte Face de Jésus, visage tour à tour souriant, rayonnant de beauté intérieure, en pleurs, douloureux, humilié, bafoué, lumineux, glorieux, et resplendissant de la vie divine. Notre Dieu n’est pas d’abord un être transcendant, une généralité sans nom, mais une communion de personnes, c’est le mystère de la Sainte Trinité.
Cet homme unique qui nous sauve d’une vie absurde, sans espérance et privée de sens ultime, se révèle à nous comme le Chemin, la Vérité et la Vie. Au moment même où il va entrer dans la plus grande faiblesse et laisser bafouer en Lui, sans se plaindre ni se défendre, le Dieu vivant et vrai, il ose affirmer : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ».
Oui, Jésus Vivant, toi que nous célébrons en ce temps de Pâques, tu es pour chacun de nous le Chemin. Tu nous fais comprendre peu à peu que croire en Toi c’est un long chemin, avec ses étapes, ses peines et ses joies, jusqu’à la grande épreuve de la mort. Croire en Toi c’est essayer de mettre le chemin de nos vies en accord avec ta parole et tes exemples. Tu es la Vérité, une vérité qui nous rend libres de tout mal, une vérité qui nous fait avancer sans avoir peur, une vérité qui nous donne la joie de vivre. Tu es la plénitude de la vérité sur nous-mêmes et sur Dieu notre Père. Tu nous fais participer à ta vérité dans l’Eglise non pas pour que nous devenions des fanatiques utilisant ta vérité pour condamner et juger les autres. Mais bien pour que nous soyons les serviteurs de ce que tu nous donnes gratuitement, sans aucun mérite de notre part. Ô Jésus, apprends-nous à ne jamais séparer ta vérité de ton amour dans nos paroles, nos actes et nos pensées. Ta vérité a toujours le visage de la bonté, de la miséricorde et du pardon. Ô Jésus, tu es la Vie en surabondance, la vie de la Sainte Trinité communiquée à nos cœurs par le don de l’Esprit et par les sacrements. Donne-nous la force d’être les témoins de la valeur de toute vie humaine et de la beauté de notre vocation de fils de Dieu. Donne-nous le désir de faire grandir en nous ton visage et de révéler à nos frères leur beauté intérieure. Et pardonne-nous nos manques de foi en toi et dans nos frères. Amen

dimanche 8 mai 2011

3ème dimanche de Pâques

3ème dimanche de Pâques / A
8/05/2011
Luc 24, 13-35 (p. 527)

Parmi les Évangiles de Pâques le récit des disciples d’Emmaüs en saint Luc est unique. Non seulement parce que seul saint Luc en fait le compte-rendu (saint Marc le mentionne en passant), mais en raison des témoins choisis ici par Jésus, trois jours après sa mort. Il s’agit en effet de deux disciples presque anonymes et dont nous ne connaissons l’existence qu’à travers ce récit. C’est une différence de taille avec les manifestations du Ressuscité aux saintes femmes et aux apôtres. Un passage de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens nous rappelle cette diversité des témoins du Christ ressuscité :
« Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j'ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il a été mis au tombeau ;il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, et il est apparu à Pierre, puis aux Douze ; ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois - la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont morts - ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l'avorton que je suis. »
Le fait que les disciples d’Emmaüs ne soient pas des disciples connus, le fait qu’ils soient de simples disciples sans faire partie du groupe des apôtres, nous les rend immédiatement très proches. Le seul dont nous connaissons le nom, Cléophas, n’est pas dans le calendrier des saints comme Marie-Madeleine, Pierre, Jean, Thomas ou encore Paul. Cette manifestation du Ressuscité à ces deux hommes peut donner lieu à des interprétations très riches et intéressantes. On peut faire, par exemple, une lecture sacramentelle de ce récit en y reconnaissant les deux parties principales de l’eucharistie : la liturgie de la Parole et la fraction du Pain.
Je voudrais en ce dimanche vous proposer deux points de méditation. Le premier concerne notre espérance chrétienne. Le second aborde la présence du Christ dans nos vies.
Les deux disciples quittent Jérusalem, ville sainte devenue pour eux ville maudite : lieu du supplice et de l’échec de leur Maître. C’est trop peu de dire qu’ils sont tout tristes. Ils sont découragés et désespérés. Le premier message de ce récit est paradoxal. Il est parfois bon pour nous de passer par le découragement et le désespoir. Car malgré tout leur amour pour Jésus, leur espérance était encore trop humaine, trop terre à terre, trop politique en un mot : il avait réduit la mission de Jésus et ne l’avait donc pas comprise. Comme si le Fils de Dieu était venu partager notre humanité, souffrir sa Passion et sa mort pour libérer Israël du pouvoir de l’occupant romain ! Quand nous passons nous-aussi par des moments de doute et de découragement, nous avons peut-être à nous poser la question suivante : Mon image de Dieu, ma représentation de Jésus est-elle vraiment chrétienne ? Est-elle fidèle à ce que la Parole de Dieu m’en révèle ? Mon espérance est-elle vraiment chrétienne ? Je vais donner un seul exemple pour illustrer cela. En Europe les chrétiens pourraient en effet être tentés par le découragement en regardant les statistiques : baisse de la pratique dominicale, baisse des vocations sacerdotales et religieuses, indifférence massive de nos contemporains à l’égard de la religion etc. En 1978 le bienheureux Jean-Paul II nous avait proposé un autre chemin que celui des lamentations, il nous avait dit : « N’ayez pas peur ! » En tant que disciples de Celui qui a accepté de passer par la mort de la Croix pour connaître la gloire de la résurrection il serait étrange que nous mettions notre espérance dans des statistiques. Il serait encore plus étrange que nous refusions une certaine forme de mort d’une manière de vivre le christianisme en Europe. Cela n’est certes pas réjouissant, c’est une épreuve pour nous, croyants. Mais si nous avions assez de foi, nous n’aurions pas peur et nous nous rappellerions la parole du Ressuscité à ses deux disciples :
« Vous n'avez donc pas compris ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? »
Ne rêvons plus d’être une majorité influente et puissante. Rêvons seulement d’être de véritables disciples du Christ, si possible toujours plus fidèles à sa Parole et donc toujours plus saints. Pour fonder son Église le Seigneur n’a pas recruté des troupes de propagandistes puissants et riches, mais il a choisi 12 hommes faibles et pauvres. Et c’est à partir de cette minorité apparemment insignifiante que la Parole de Dieu s’est répandue dans le monde entier.
Mon deuxième point de méditation me servira de conclusion et porte sur la présence du Christ dans le récit de Luc et dans nos vies. Mettons en parallèle le début et la fin de cet Évangile. Sur la route tout d’abord : Or, tandis qu'ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même s'approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissaient pas. Dans l’auberge ensuite : Quand il fut à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Jésus Ressuscité jouerait-il à cache-cache avec nous ? Il se rend présent aux disciples, ils ne le reconnaissent pas. Et quand enfin ils le reconnaissent, il disparaît ! La manière de faire du ressuscité nous rappelle qu’il est le Fils du Dieu caché. Nous ne pouvons pas mettre la main sur Dieu. Il demeure l’insaisissable. Et Jésus l’a fait aussi comprendre à Marie-Madeleine : Cesse de me tenir, je ne suis pas encore monté vers le Père. Va plutôt trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.
Oui, Jésus Vivant est présent à son Église et à chacun de ses disciples, particulièrement dans la célébration de l’eucharistie, dans la prière et l’annonce de l'évangile. Mais nous ne pouvons jamais le posséder ou le retenir entre nos mains. C’est pour cette raison que nous serons toujours des chercheurs de Dieu. Un croyant qui oublierait cela serait dans l’illusion. Si Dieu se révèle et se cache à la fois, c’est pour faire grandir en nous le désir de la communion avec lui, c’est pour nous éviter d’avoir une espérance seulement humaine et réduite. L’absence apparente de celui que nous aimons peut blesser notre cœur du feu de l’amour divin. C’est ainsi que Dieu peu à peu, si nous sommes fidèles, transforme notre cœur de pierre en un cœur brûlant d’amour comme celui des disciples d’Emmaüs. La vie chrétienne est toujours en même temps une grâce et une épreuve car elle consiste à s’unir à celui qui en passant par la mort est devenu le Vivant.

dimanche 1 mai 2011

2ème dimanche de Pâques

2ème dimanche de Pâques / A
1er mai 2011
Jean 20, 19-31 (p. 478)

En ce dimanche de l’octave de Pâques, l’Evangile nous ramène au soir du jour de la résurrection du Christ. Cette page évangélique comprend deux parties séparées entre elles par 8 jours. Je laisserai de côté l’épisode de l’apparition à Thomas pour me concentrer sur la première partie : la manifestation du Ressuscité à ses disciples. L’expérience qu’ils font du Ressuscité présent au milieu d’eux va les transformer. Ils vont en effet passer de la peur à la joie. J’y reviendrai.
Mais regardons d’abord le message de Pâques que Jésus leur adresse. Ce message est d’abord un don, il est ensuite un envoi en mission. Jésus Vivant se manifeste en effet à eux avec un double cadeau. Vainqueur pour toujours de la mort, il ne revient pas parmi eux les mains vides. Ce double cadeau est l’accomplissement d’une promesse qu’il leur avait faite le soir du jeudi saint. « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Ne restez pas dans le trouble et dans la crainte ». Dans la pièce où ils s’étaient enfermés par peur des Juifs, les disciples entendent à deux reprises la salutation de leur Maître : « La paix soit avec vous ! » Voilà le premier cadeau de Pâques : la paix dans le Christ, la paix spirituelle. Et ce premier don est en fait inséparable du second : celui de l’Esprit Saint. Lorsque saint Paul mentionne le fruit de l’Esprit dans sa lettre aux Galates il cite d’abord l’amour, la joie et la paix. Et dans sa lettre aux Romains il souligne l’importance de cette paix venant du Christ dans l’Esprit : « Le Royaume de Dieu n’est pas une affaire d’aliments et de boissons, mais de vie droite, de paix et de joie dans l’Esprit Saint ». Voilà ce qui nous caractérise en tant que chrétiens. Au baptême et à la confirmation nous avons, nous aussi, reçu ce grand don de Pâques, le don du Saint Esprit avec la paix du Ressuscité. Le temps de Pâques est le moment privilégié pour reprendre conscience de cette réalité merveilleuse : nous sommes les temples de l’Esprit Saint et nous pouvons accueillir jour après jour la paix du Christ. L’accueillir non pas pour la garder pour nous mais pour la rayonner autour de nous en artisans de paix. Comment savoir que nous accueillons bien cette paix et que nous en vivons ? Dans les moments difficiles et dans les épreuves comme les contradictions inévitables de notre vie ici-bas. Si dans ces moments là nous sommes capables de garder force, sérénité et espérance, c’est le signe évident que nous sommes habités par la paix du Christ. Si, aussi, nous refusons de répondre au mal par le mal, si nous écartons la vengeance, le ressentiment et la rancune. Si nous sommes capables de pardonner, alors oui nous sommes certains que notre cœur est ouvert à ce don merveilleux de la paix pascale.
Et cela m’amène naturellement à parler de l’envoi en mission qui accompagne le double don du Ressuscité : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Et nous voyons que dans cette mission des premiers disciples l’acte de pardonner les péchés au nom du Ressuscité est essentiel. La mission de l’Eglise est bien une mission de paix dans le sens d’une réconciliation toujours offerte avec Dieu et entre nous. La vraie paix n’ignore ni les difficultés, ni la terrible réalité du mal, mais elle les assume par la force de la miséricorde divine et du pardon dont nous sommes les témoins et les ambassadeurs. La vraie paix nous fait passer de la fatalité à l’espérance, de la confrontation stérile au dialogue du salut. Dans un monde qui a tendance à remplacer le raisonnement, l’argumentation et le dialogue par les instincts et les sentiments, nous pouvons être menacés par l’impossibilité à communiquer et donc par la violence. La vraie paix, et je reprends ce que je disais au début, nous fait donc passer de la peur à la joie chrétienne. Je laisserai le mot de la fin au Catéchisme pour adultes des évêques de France :

Les défis d'aujourd'hui sont immenses, dans les domaines de la culture, de l'économie, de la politique, des questions nouvelles posées par le progrès accéléré des techniques, de la biologie à l'informatique. Ayant dépassé toute peur, les disciples du Christ mort et ressuscité peuvent retrouver la fierté de leur foi, dans une attitude d'humble confiance en Dieu et d'ouverture aux questions des hommes. Ils sont forts de la conviction d'être porteurs pour le monde d'un message d'espérance qu'ils ont à rendre crédible par leurs paroles et leurs comportements.

dimanche 24 avril 2011

DIMANCHE DE PAQUES

Pâques
24/04/11
Jean 20, 1-9 (p. 433)

Nous voici parvenus au sommet de notre année chrétienne. Même si, en France et dans d’autres pays chrétiens, Noël et le dimanche des Rameaux sont des fêtes plus populaires que Pâques, il n’en reste pas moins vrai que l’événement de Pâques est au centre de notre foi chrétienne. Et tout le temps pascal nous est donné par l’Eglise pour faire mémoire de cet événement et en saisir toute la puissance dans nos vies, particulièrement à travers les sacrements. La fête de ce jour est donc inséparable des autres fêtes du temps pascal : l’Ascension du Seigneur et la Pentecôte. D’une certaine manière c’est avec la Pentecôte, le don de l’Esprit Saint, que l’une des dernières paroles du Christ en croix se réalisera : « Tout est accompli ». Oui, avec la venue du Saint Esprit sur la première Eglise le Ressuscité a mené son œuvre de salut, de réconciliation et de sanctification à sa perfection.
Avant de méditer la page d’Evangile qui nous est proposée par la liturgie deux remarques s’imposent. Tout d’abord nous ne trouvons pas dans le Nouveau Testament une description du moment de la résurrection du Christ. L’entrée définitive du Seigneur Jésus dans la vie et la gloire de Dieu échappe à tout regard humain. Sa victoire sur la mort ne se constate pas comme si elle ressemblait à une victoire humaine à l’issue d’une bataille ordinaire. Ensuite l’Eglise, pour ce saint jour de Pâques, a choisi un Evangile du tombeau vide et non pas l’une des manifestations du Ressuscité aux apôtres et aux saintes femmes. Il n’y a donc dans cette page évangélique rien d’extraordinaire, rien qui puisse nous en mettre plein la vue. Elle est le contraire d’une mise en scène grandiose telle que les artistes ont pu parfois l’imaginer. Ici le témoignage est simple et humble pour un événement unique dans l’histoire de toute notre humanité. Cette discrétion et cette retenue dans la manière de présenter le matin de Pâques nous rappellent à quel point la foi en la résurrection a mis bien du temps avant de conquérir le cœur des premiers disciples, eux qui « n’avaient pas vu que, d’après l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ». Ces hommes et ces femmes n’étaient pas d’un tempérament crédule, bien au contraire.
Dès que le repos du Sabbat est terminé Marie Madeleine se lève très tôt pour aller au tombeau. Marie, la pécheresse convertie, se met en route de grand matin non pas parce qu’elle pense voir Jésus Ressuscité mais parce que son amour pour lui est immense. Marie est une femme fidèle à son Maître et elle veut l’honorer une dernière fois et peut-être achever, comme nous le disent les autres Evangiles, la toilette funéraire du crucifié. Et que voit-elle donc ? Le tombeau ouvert ! Sans même pénétrer à l’intérieur de celui-ci elle repart en courant vers la ville pour annoncer cette nouvelle à Pierre et à Jean. Ce n’est pas la Bonne Nouvelle de Pâques qu’elle leur annonce, pour elle il s’agit d’un enlèvement, le cadavre de Jésus aurait été volé, malgré les gardes postés devant le tombeau à la demande des prêtres Juifs. Et voilà Pierre et Jean qui se mettent à courir pour aller vérifier les dires de Marie Madeleine. Jean est le plus rapide, il arrive en premier. Probablement parce que son attachement pour Jésus est plus fort. Il a été le seul homme fidèle dans cette histoire, présent au pied de la croix avec les saintes femmes. Sans entrer dans le tombeau pour laisser à Pierre le rôle de premier témoin il voit le linceul. Pierre de même constate que les linges funéraires sont là mais sans le corps de Jésus. Voilà les premiers signes de Pâques : un tombeau vide, des linges funéraires. Ces signes suffisent à donner à Jean la foi pascale en la résurrection du Seigneur : « Il vit et il crut ».
Cet Evangile de Pâques peut nous amener à deux réflexions pour notre vie chrétienne. L’une sur les signes de Dieu, l’autre sur la puissance de ce mystère. Pendant le temps pascal nous pourrions prier en ayant dans le cœur ces deux interrogations. Dans notre monde, dans ma vie, bien des événements peuvent me ramener au vendredi saint et au sentiment de mon impuissance devant le mal en moi et autour de moi. Je dois demander à l’Esprit Saint, l’Esprit de mon baptême et de ma confirmation, de me faire voir les signes de Dieu. Ils sont souvent humbles et discrets, étouffés par une actualité désespérante. En tant que disciple du Ressuscité je ne suis pas épargné par le mal, encore moins insensible à sa présence. Mais ma foi me donne de le vaincre déjà en reconnaissant les signes de Dieu. Ensuite je sais que cette réalité de Pâques peut changer ma vie. L’Evangile est vraiment puissance de Dieu en ma faveur. Je peux demander à l’Esprit Saint de réveiller ma foi, de la rendre plus forte. Car c’est ma foi en Jésus Ressuscité qui me permettra effectivement de changer, de devenir meilleur jour après jour, et de rayonner autour de moi la bonté et la lumière de Dieu. En tant que disciple de Jésus je ne peux jamais me résigner ou m’avouer vaincu devant les multiples manifestations du mal et de la mort. Ce Jésus Ressuscité, ce Vivant, il n’est pas seulement à la droite du Père, dans la gloire de la Trinité. Il est auprès de moi, avec moi et en moi. Que pourrais-je craindre désormais ? Si ce n’est de ne pas assez l’aimer ou de lui être infidèle ? C’est dans un jardin que la mort a semblé triompher du Fils de Dieu. Ce jardin du tombeau neuf puis du tombeau vide, rappel du jardin d’Eden dans lequel nous avions perdu l’amitié de Dieu. En me donnant part à son Esprit d’amour, le Ressuscité fait de mon cœur son jardin, son nouveau paradis, et jour après jour il est le divin cultivateur, celui qui me renouvelle et me donne un cœur aimant, un cœur de fils, un cœur à son image. Alors si mon cœur se laisse vraiment embraser par le feu de l’amour divin, mes mains s’ouvriront pour prier le Père et pour servir mes frères. Alors mes pieds courront sur les chemins de la réconciliation et de la paix.
Le premier mai Jean-Paul II sera déclaré bienheureux. Ce géant de la foi, signe de Dieu pour notre temps, avait commencé son pontificat par un appel, écho de l’événement de Pâques : « N’ayez pas peur ! » Et il l’a vécu à travers tout son pontificat : géant de la foi, il a été un homme audacieux et courageux dans bien des domaines. Moi aussi je peux être un chrétien bienheureux. Si je laisse le Christ Vivant me libérer de plus en plus de l’esclavage de la peur pour entrer dans la joie des fils de Dieu. Cette joie que nul ne peut nous ravir.