dimanche 26 décembre 2021

LA SAINTE FAMILLE / Année C

 


26/12/2021

Luc 2, 41-52

Si les Evangiles apocryphes nous donnent beaucoup de détails sur l’enfance de Jésus, ce n’est pas le cas des Evangiles canoniques, les quatre qui ont été retenus par l’Eglise primitive pour faire partie de notre Nouveau Testament. La seule exception se trouve dans le récit de saint Luc que nous venons d’écouter alors que Jésus a 12 ans. Le contexte est religieux, celui du pèlerinage annuel à Jérusalem pour la fête de la Pâque.

À la fin de la fête, comme ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem à l’insu de ses parents.

Ce verset nous surprend : comment cet enfant a-t-il pu échapper à la vigilance de ses parents et rester à Jérusalem à leur insu ? Mais le plus étonnant, c’est bien cette décision prise à l’âge de 12 ans. L’évangéliste ne nous donne aucune explication pour le moment. L’enfant se comporte comme s’il était un adulte, libre et autonome.

La deuxième partie du tableau nous le montre dans le temple discutant avec les docteurs de la Loi, les théologiens du Judaïsme :

Il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses.

Le jeune Jésus ne reste donc pas à Jérusalem pour s’amuser ou prendre du bon temps dans la grande ville en fête à l’occasion du pèlerinage. Il demeure dans le temple pour y parler théologie. Si sa décision nous montre un jeune homme libre et indépendant, nous apprenons aussi qu’il est doué d’une intelligence rare pour son âge. Il est spontanément au même niveau que les docteurs de la Loi, et parle avec eux sans aucune crainte.

Puis vient la troisième partie du tableau à la tonalité dramatique lorsque ses parents le retrouvent enfin au bout de trois jours de recherches :

En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! »

C’est bien un reproche que Marie adresse à son fils. C’est aussi une plainte. La décision de Jésus a causé bien des souffrances à ses parents, et c’est l’incompréhension qui s’installe entre eux. Même la sainte famille n’a pas échappé à un conflit ! Et ce conflit provient d’une affirmation précoce de liberté et d’indépendance de la part de Jésus. Cependant cet incident, signe de la vocation unique et divine de l’enfant, n’empêche pas la famille de retrouver rapidement la paix. Les parents ne comprennent pas la réponse de leur enfant, la justification qu’il donne à sa conduite :

Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ?

Le jeune Jésus tout en rappelant son origine divine et donc sa mission, tout en affirmant la liberté nécessaire à l’accomplissement de cette même mission, demeure dans l’obéissance à ses parents :

Il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements.

Hier, lors de la messe de Noël, je parlais de l’écart entre nos aspirations profondes à la paix et à l’harmonie et ce que nous pouvons vivre, en particulier dans nos familles où les conflits et les accrochages ne manquent pas… Même si nos familles humaines sont forcément différentes de la sainte famille, nous pouvons cependant retirer un enseignement précieux du récit de saint Luc. Les conflits proviennent du fait que des personnes dotées de liberté à l’intérieur d’une famille ou de la société en viennent à s’affronter pour faire prévaloir leurs choix, leurs goûts ou encore leurs opinions. La sagesse nous permet d’associer liberté et fraternité. Il s’agit d’un équilibre relationnel difficile dans lequel j’affirme ma liberté et mon unicité tout en laissant de l’espace pour la liberté des autres… ce qui implique parfois que je me soumette à la volonté des autres en vue de la communion de tous. Ce que nous appelons maladroitement « faire des concessions »… Jésus était à la fois un enfant libre et soumis, ce qui peut nous paraître contradictoire, sauf si l’on comprend que l’on peut se soumettre librement au nom de l’amour et de la recherche de la paix entre nous. La soumission de l’esclave dégrade la dignité humaine parce qu’elle est obtenue par la contrainte et la violence, tandis que la soumission de l’homme libre est au contraire un signe de force et d’intelligence. Pourquoi ? Parce que cette soumission n’est jamais absolue et qu’elle préserve ma personnalité, mon unicité ainsi que mon droit à la différence au sein d’une communauté dans laquelle chacun doit trouver sa place et vivre en paix avec les autres.


vendredi 24 décembre 2021

NOEL 2021

 



Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime.

Nous pouvons méditer le grand mystère de Noël, celui de l’incarnation, à partir du chant des anges. La naissance du Messie, la manifestation du divin enfant dans la pauvreté de la crèche, rend gloire à Dieu et nous donne la paix. Dieu est glorifié lorsque son Fils se manifeste dans l’humilité de l’incarnation et dans la pauvreté de la crèche. Dieu est glorifié lorsque son amour est révélé par le nouveau-né Jésus. Dieu est glorifié lorsque ce bébé annonce déjà, sans pouvoir parler, la bonne nouvelle de la paix pour tous les hommes.

Le beau et grand mystère de Noël doit toujours être contemplé en ayant à l’esprit la symphonie des Ecritures. Il est en effet l’aboutissement de ce que nous appelons l’Ancien Testament et il inaugure les derniers temps, ceux de la création nouvelle. Comme l’affirme Pierre dans sa seconde lettre : Ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. L’enfant de la crèche est véritablement le nouvel Adam, celui qui vient ressaisir toute la création pour la guérir, la sanctifier et la porter à son accomplissement dans le royaume de Dieu. Dans la symphonie des Ecritures nous trouvons le fil rouge de la paix, shalom en hébreu. Isaïe dans ses prophéties messianiques annonce la venue du Prince de la paix. Les anges chantent dans la nuit de Noël le don de cette paix. Et saint Paul, de très nombreuses fois, nous présente le Christ comme celui qui est notre paix.

Si nous entremêlons à ce fil rouge des Ecritures celui des aspirations les plus profondes de notre cœur, nous comprenons pourquoi la fête de Noël nous touche et nous émeut. Pourquoi aussi elle est empreinte, pourrait-on dire, d’une joie dramatique. L’incarnation, dès le départ,  est un drame. Il y a le refus d’accueillir l’enfant-Dieu qui naît dans la pauvreté d’une mangeoire :

Le Verbe était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu.

Ce drame est celui de Jésus parce qu’il est d’abord le nôtre. Je parlais de nos aspirations profondes. Nous les connaissons bien : la paix, l’harmonie, l’entraide, la charité, la bienveillance, le pardon, la réconciliation… et je pourrais facilement prolonger cette liste de réalités qui nous attirent à elles et qui sont comme des manifestations de Dieu dans notre existence humaine. Notre drame, c’est que bien souvent nous vivons le contraire de ce à quoi notre cœur aspire, ce qui fait que nous sommes déchirés et que nous souffrons d’être au monde. Notre drame, c’est notre grande difficulté à vivre et à incarner ce que nous désirons pour nous et pour les autres. Au sein même de nos familles, dans notre travail, au sein de la société et parfois même au cœur de l’Eglise, que de divisions, de conflits, d’agressivité et d’incompréhensions ! La fête de Noël est pour nous l’occasion d’accueillir à nouveau le message des Béatitudes :

Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.

Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.

Si les anges proclament la paix de Dieu au-dessus du Prince de la paix, couché dans la mangeoire, entouré par les animaux de l’étable, alors nous comprenons que pour pouvoir accueillir ce don de la paix, nous devons être nous-mêmes artisans de paix. Certes dans un couple, une famille, la société ou encore la paroisse, la paix ne dépend pas que de moi mais aussi des autres. Il est difficile de vivre en paix avec une personne ou un groupe qui se trouve dans une attitude contraire. Mais comme je n’ai pas le pouvoir de changer les autres, c’est mon cœur qu’il me faut changer. Non pas seul, ce serait mission impossible, mais par la grâce du Christ. En cette solennité de Noël, chacun, chacune, peut se poser la question suivante : que puis-je faire, à quoi puis-je renoncer pour être davantage artisan de paix là où je me trouve ? Dans la contemplation de la crèche, du Dieu humble et petit, je trouverai la force de la douceur, cette douceur capable de renverser les murailles de mon orgueil et de ma vanité. Demandons vraiment de tout notre cœur ce cadeau de Noël à l’Emmanuel : Qu’il vienne en nous pour nous unifier, nous pacifier et nous « simplifier » ! Que la douce simplicité évangélique nous préserve des complications des conflits vains et stériles, des discussions blessantes et inutiles ! Paix, simplicité et douceur se donnent toujours la main pour nous conduire vers ce à quoi nous aspirons le plus profondément. Laissons-nous donc imprégner par ces vertus évangéliques, remèdes nécessaires aux blessures causées par le péché des origines et nos propres péchés.

Avec saint Augustin, en contemplant l’enfant faible et démuni et pourtant si puissant de la puissance de l’amour, redisons :

Tu nous as faits pour toi Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi !

 

 


dimanche 19 décembre 2021

Quatrième dimanche de l'Avent / année C

 

19/12/2021

Luc 1, 39-45

L’Evangile de la Visitation prolonge l’atmosphère de joie propre au troisième dimanche de l’Avent. Marie, une jeune fille vierge, rend visite à Elisabeth, une femme âgée et stérile. Or, toutes les deux sont enceintes de par la volonté de Dieu. La Visitation, c’est donc la rencontre de deux femmes et de deux enfants dans le sein de leurs mères : Jésus et Jean. Et cette rencontre est placée sous le signe de l’allégresse :

Lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.

La joie de Jean dans le sein de sa mère est à mettre en lien avec le Saint Esprit qui comble de sa présence Elisabeth :

Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint.

Saint Luc nous rapporte à travers ce récit un beau et grand mystère.  Jésus agit déjà dans le sein de sa mère pour communiquer le don de la joie spirituelle à Jean et à sa mère Elisabeth. Jésus communique déjà le Saint-Esprit à Elisabeth. Avant même sa naissance, l’enfant promis par Dieu évangélise. Il le fait par sa mère Marie. En retour celle-ci est déclarée heureuse en raison de sa foi. Marie devient ainsi le canal par lequel s’écoule la joie divine, elle est, comme le chantent les litanies, la cause de notre joie. Ce rôle dans le dessein du salut, Marie le poursuit après la naissance de son Fils et après son Assomption dans la gloire du ciel. Aux noces de Cana, elle est la cause de la joie des époux et des convives en obtenant de son Fils qu’il change l’eau en vin. Le vin réjouit le cœur de l’homme. Il est aussi l’image d’une joie infiniment plus grande, celle que l’Esprit Saint nous communique. Enfin nous pouvons mettre en relation ce qui se passe au jour de la Visitation et ce qui advient au pied de la croix :

Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui.

A la Visitation, Marie, portant Jésus en elle, est le canal de la joie divine pour Jean et Elisabeth. Au pied de la croix, Marie, portant la douleur de l’agonie et de la mort de son Fils, est désignée comme la mère universelle de tous les disciples représentés par un autre Jean, l’apôtre et l’évangéliste. De par la volonté du Christ en croix, Marie poursuit sa mission de mère jusqu’au retour de son Fils en gloire. Nul doute que Jésus veut nous donner la joie de l’Esprit Saint en passant par la maternité spirituelle de Marie dans l’Eglise. Chaque fois que nous passons par Marie pour communier au Seigneur Jésus et pour nous unir à Dieu, elle est pour nous cause de notre joie. En particulier lorsque nous prions et méditons les mystères du rosaire avec foi et dévotion. En reprenant les paroles de Gabriel saluant la femme comblée de grâce et les paroles d’Elisabeth, Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni, nous comprenons toujours davantage le rôle unique de Marie dans la mission de salut et de réconciliation de son Fils Jésus. Nous faisons l’expérience de la joie dans l’Esprit Saint en nous confiant à l’intercession maternelle de celle qui est la cause de notre joie aujourd’hui comme elle le fut à l’aube de l’Alliance nouvelle pour Elisabeth et Jean.

dimanche 12 décembre 2021

Troisième dimanche de l'Avent / Gaudete / Année C

 

12/12/2021

Luc 3, 10-18

La liturgie du troisième dimanche de l’Avent est toute imprégnée de joie, d’où le nom latin de ce dimanche Gaudete. Les deux premières lectures nous invitent en effet à la joie spirituelle. Cette joie fait partie des dons de l’Esprit Saint et de notre vie chrétienne. Lorsque nous écoutons attentivement la lecture du prophète Sophonie nous découvrons une réalité qui nous bouleverse :

Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il exultera pour toi et se réjouira, comme aux jours de fête.

Nous, pauvres créatures humaines marquées par la faiblesse et le péché, nous pouvons réjouir le cœur de Dieu, Jésus a en nous sa joie et son allégresse de la même manière qu’il se réjouit dans le Père ! Dans la nouvelle traduction de la prière eucharistique n°2 nous retrouvons cette vérité difficile à croire et à accepter :

Avec les Apôtres et tous les saints qui ont fait ta joie au long des âges…

Dans l’Evangile Jean accompagne le geste du baptême d’un appel à la conversion en répondant à la question des foules : Que devons-nous faire ? C’est ce mouvement de la conversion qui nous permet de réjouir le cœur de Dieu et de trouver en nous la source de la joie spirituelle et de la paix véritable. Au chapitre XV de son Evangile, saint Luc insiste beaucoup sur ce point :

Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion.

En répondant aux questions de la foule, des publicains et des soldats, Jean nous indique les chemins de cette conversion, les moyens par lesquels nous pouvons être causes de joie pour Dieu qui est parfaitement bienheureux en lui-même ! Ces chemins de conversion sont simples :

-      Le partage de nos biens, en particulier avec les pauvres.

-      Le refus de la tentation de cupidité et d’avidité. Savoir se contenter de son salaire dans la mesure où il est juste et nous permet de vivre dignement, sans exiger des dépassements d’honoraires.

-      Si nous occupons une position d’autorité ou de force, refuser la violence sous toutes ses formes, sur les corps comme sur les âmes. Ne pas abuser de notre position dans la société pour faire du tort à notre prochain.

Les réponses données par Jean demeurent actuelles. A l’égoïsme, il donne le remède du partage. Au désir illimité de posséder, le remède de la maîtrise de soi et de la tempérance. Et enfin à l’abus de pouvoir, celui de la douceur évangélique. Si nous refusons ces remèdes, nos concupiscences nous empêcheront de connaître la joie de Dieu et d’être pour lui une cause de joie. Refuser d’entendre cet appel à la conversion, c’est créer notre propre malheur, notre insatisfaction et notre désespoir. L’enfant de la crèche, le héros qui apporte le salut, nous fait le cadeau de la sagesse. Ecoutons son appel et réjouissons-nous dans l’Emmanuel, Dieu avec nous, chaque jour jusqu’à la fin du monde !

dimanche 5 décembre 2021

Deuxième dimanche de l'Avent / année C

5/12/2021

Luc 3, 1-6

En ce deuxième dimanche de l’Avent, saint Luc nous présente d’une manière très sobre la vocation et la mission de Jean le baptiste :

La parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie. Il parcourut toute la région du Jourdain, en proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés.

L’évangéliste introduit sa présentation d’une manière solennelle en citant tous les puissants de l’époque, en commençant par l’empereur romain Tibère. Nous percevons ainsi comment l’histoire du salut s’insère dans l’histoire humaine, celle qui s’écrit avec un grand H, pour la mener à son accomplissement : Tout être vivant verra le salut de Dieu.

Si Dieu intervient dans l’histoire humaine en appelant Jean, son action et sa présence suscitent une autorité totalement différente de celle de l’empereur de Rome, de son représentant ou des roitelets locaux de Palestine. Le contraste littéraire entre une introduction solennelle et une sobre présentation indique bien que les moyens utilisés par Dieu ne sont pas ceux des puissants. En effet Dieu aime particulièrement les petits, les pauvres, les humbles. Il aime la simplicité. Il œuvre dans la discrétion et le silence, dans l’intériorité des cœurs et des consciences humaines : La parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean.

Jean se situe dans la lignée de tous les prophètes qui l’ont précédé. Il est appelé par la parole de Dieu à commencer sa mission pour préparer le chemin du Seigneur. Contrairement à tous les grands personnages du monde politique cités en introduction, il ne se trouve pas à Rome ou à Jérusalem, dans les centres urbains du pouvoir, mais dans le désert lorsque la parole de Dieu l’appelle par son nom. Jean est le dernier des prophètes et le plus grand parmi eux parce qu’il est le contemporain de Jésus. Appelé par la parole de Dieu, il est le seul parmi les prophètes à voir le Verbe fait chair en la personne de Jésus. Il ne le désignera pas ainsi mais comme l’Agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde. Il n’en demeure pas moins vrai que cet Agneau sauveur, c’est le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu. Jean ouvre ainsi une ère nouvelle dans l’histoire de la relation entre Dieu et les hommes. Pour la première fois, en effet, la parole de Dieu n’est plus seulement une inspiration venue d’en-haut mais une personne humaine, Jésus. En Jésus Dieu nous parle directement. Et son message traverse les siècles dans l’Eglise jusqu’à nous. Parce que Jésus est le Vivant, le premier-né d’entre les morts.

Il parcourut toute la région du Jourdain, en proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Poussé par la parole de Dieu, Jean quitte son désert pour la région du Jourdain. Il prêche la conversion non seulement en parole mais aussi en acte, en donnant un baptême de pénitence. Nous trouvons dans la forme du ministère de Jean la forme même des sacrements de l’Eglise voulus par Jésus-Christ : une parole et une action. La prédication de la conversion, du changement de vie, en vue d’accueillir de tout notre cœur le Seigneur qui vient, cette prédication ne s’adresse pas seulement à l’esprit ou à l’âme, mais elle veut aussi engager notre corps. Nous participons, corps et âme, au salut de Dieu révélé en Jésus-Christ. Tout simplement en raison du mystère de l’incarnation : Et le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous. Jésus ne s’est pas contenté de parler ou d’enseigner comme un philosophe antique. Comme Jean, il a toujours joint à son enseignement des gestes et des actes de miséricorde, de compassion et de salut.


dimanche 21 novembre 2021

Le Christ, roi de l'univers / année B

 


Le Christ, roi de l’univers / année B

21/11/2021

Jean 18, 33-37

Avec la solennité du Christ, roi de l’univers, instituée en 1925, nous clôturons notre année liturgique avant le temps de l’Avent. Il est significatif que sur les trois années du cycle liturgique, deux Evangiles soient extraits du récit de la Passion du Seigneur (années B et C) tandis que l’année A nous fait entendre le récit du jugement dernier. Le Christ roi nous est donc présenté par la liturgie de l’Eglise comme un roi souffrant, rejeté et qui offre sa vie en sacrifice. Ce roi est l’accomplissement de la figure du serviteur souffrant du Seigneur telle qu’elle nous est décrite dans le livre du prophète Isaïe.

Aujourd’hui nous méditons un passage du récit de la Passion selon saint Jean. Le quatrième évangéliste est le seul à nous rapporter ce profond dialogue établi entre le représentant de l’autorité romaine, Pilate, et Jésus. Comme souvent le Seigneur ne répond pas aux questions que lui pose Pilate. A la question essentielle lors d’un procès et d’un jugement, qu’as-tu donc fait ?, Jésus ne répond pas, il ne se défend pas mais en profite pour parler de sa mystérieuse royauté : Ma royauté n’est pas de ce monde, ma royauté n’est pas d’ici. Elle est donc essentiellement différente de la royauté détenue par un roi de ce monde ou bien un dirigeant ou encore un puissant. Cette royauté ne se défend pas avec les moyens de ce monde, avec la force de coercition de la police ou des soldats. Elle n’a rien à faire avec la violence parce qu’elle refuse de s’imposer par la contrainte. Au contraire, c’est une royauté qui fait appel à notre liberté. Pour mieux comprendre dans quel esprit Jésus, le Fils de l’homme, exerce sa royauté, nous pouvons nous référer à un passage de l’Evangile selon saint Marc : Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. Le Fils de l’homme est donc roi en servant et en souffrant, avant de devenir, après l’Ascension, le juge des vivants et des morts. Son service, son martyr, comprend le témoignage rendu à la vérité : Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. Ce témoignage n’est pas celui d’un scientifique ou d’un philosophe professionnel, car la vérité pour laquelle Jésus offre sa vie n’est pas une idée ou un concept. Elle est une vie, la vie même de Dieu qui veut se communiquer par amour à chacun d’entre nous. Comme le disait si bien Maurice Zundel, le témoignage authentique ne consiste pas à parler de Dieu mais à vivre Dieu. C’est la raison pour laquelle la vérité sur Dieu, sur nous-mêmes, sur notre condition humaine au sein de la création, ne peut se découvrir que par l’expérience, par le fait que notre volonté, librement, agit en conformité avec l’enseignement et l’exemple du Christ. C’est le sens de l’enseignement que Jésus donne à Nicodème : Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu.

Le témoignage du Christ roi rendu à la vérité a une résonance particulière dans le monde qui est le nôtre. Beaucoup souffrent de constater que la plupart des medias sont devenus des outils non pas d’information impartiale mais de propagande. Les pseudos débats des plateaux télé ne sont pas organisés pour chercher et trouver la vérité, mais pour divertir ou faire le buzz ! Beaucoup sont dégoûtés par les discours des puissants qui utilisent si souvent le mensonge, en abusant de la confiance de ceux qu’ils devraient servir. Beaucoup enfin souffrent de voir comment la langue et ses concepts, normalement au service de l’expression de la vérité, est devenue, elle aussi, un instrument de propagande cherchant délibérément à tromper, ce que l’on appelle la novlangue, à la suite de George Orwell, sans parler des éléments de langage des politiciens ou des lobbys. Les exemples sont malheureusement trop nombreux… on dira « frappe chirurgicale » au lieu de « bombardement », « modernisation » au lieu de « destruction du service public », « optimisation fiscale » au lieu de « fraude fiscale », « plan social » au lieu de « licenciements ». On utilisera le mot « réforme », qui a en lui-même une valeur positive en français, pour justifier des décisions politiques négatives pour l’ensemble de la population etc. Pervertir et détruire le langage est très grave. Car priver un peuple de l’accès à sa langue, c’est lui rendre plus difficile l’accès à la vérité, c’est le rendre manipulable lui faisant ainsi perdre sa liberté.

Plus que jamais notre foi nous donne accès à une bonne nouvelle : Le Verbe, la Parole de Dieu, s’est fait chair et il a habité parmi nous. Lui est toujours véridique, Lui se fait notre serviteur par amour. Que son règne de justice vienne sur la terre et au milieu de nous !

 


dimanche 14 novembre 2021

33ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

14/11/2021

Marc 13, 24-32

Dimanche prochain la solennité du Christ, roi de l’univers, marquera la fin de notre année chrétienne ou liturgique. En ce dimanche, Jésus nous fait comprendre que notre univers tel que nous le connaissons n’est pas éternel : il connaitra une fin, une transformation dans le Royaume de Dieu lors de la seconde venue du Christ en gloire. Il utilise pour ce faire le langage apocalyptique du Judaïsme de son temps. Un langage qui peut nous faire peur…

C’est l’occasion pour nous de réfléchir à la signification de notre année liturgique. Elle s’achève et commence avec la même vision de la fin des temps et du retour du Christ. Le 33ème dimanche du temps ordinaire et le premier dimanche de l’Avent ont la même tonalité. L’année liturgique chrétienne avec ses temps et ses fêtes a pour but de sanctifier le temps de notre histoire humaine. Le jour du Seigneur, le dimanche, est comme le pivot central du cycle liturgique. La sanctification de notre temps passe par la différentiation entre les jours, le dimanche étant un jour à part. Il y aussi les jours de fêtes et de solennités. Dieu nous permet ainsi par son Eglise d’échapper à la routine du temps qui se déroule, à l’ennui de jours qui seraient tous semblables. Même si le temps liturgique est un cycle qui se répète d’année en année jusqu’au retour du Christ, ce cycle nous permet de ne pas être écrasés par l’aspect répétitif du temps humain. En inscrivant dans ce temps une autre histoire que celle de nos vies personnelles, l’histoire du salut et celle du Christ, il nous libère de l’enfermement dans l’immanence. Dieu inscrit ainsi du nouveau dans la répétition de notre quotidien, nous invitant à écrire l’histoire avec lui par l’engagement de notre foi, de notre charité et de notre liberté.

Regardons maintenant quelques aspects significatifs des principaux temps liturgiques en commençant par le début avec l’Avent. Ce temps fait partie des temps de préparation. Il nous fait revivre la longue attente du Sauveur depuis la faute originelle en passant par toute l’histoire du peuple d’Israël telle qu’elle est consignée dans l’Ancien Testament. C’est aussi le temps de l’attente pour deux femmes, Elisabeth et Marie. Ensuite vient le temps de Noël qui inaugure une étape nouvelle et définitive dans l’histoire du salut. C’est le temps de l’incarnation, mystère par lequel la Parole de Dieu se fait chair et habite parmi nous en la personne de Jésus de Nazareth. Après l’Epiphanie et la fête du baptême du Seigneur, la première partie du temps dit ordinaire nous fait suivre pas à pas Jésus dans son ministère public de prédication du Royaume par la parole et par les actes. Le carême, autre temps de préparation, nous fait revivre à la fois la longue marche et errance du peuple hébreu dans le désert ainsi que le séjour du Christ tenté au désert. Tout cela aboutit enfin au temps de Pâques avec l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu lors de la fête de Pentecôte et le don de l’Esprit Saint à la première Eglise. Puis notre année chrétienne continue et s’achève avec la seconde partie du temps ordinaire, bien plus longue que la première. Nous approfondissons alors notre connaissance de l’Evangile tel qu’il fut prêché par le Seigneur pendant ses trois années de vie publique et nous revivons le développement missionnaire de l’Eglise au lendemain de la Pentecôte et jusqu’à aujourd’hui. Au cœur et à la fin de ce temps ordinaire les fêtes de l’Assomption de Marie, de la Toussaint et du jour des défunts orientent nos regards et nos cœurs vers la vie éternelle, nous rappelant que nous sommes tous appelés à participer à la résurrection du Christ en passant par la mort. Ainsi l’année liturgique constitue comme une grande fresque de l’histoire du salut culminant avec la manifestation du Fils de Dieu. A cette action de Dieu en notre faveur, nous pouvons répondre par un acte de foi renouvelé chaque jour et chaque année ainsi que par notre participation à la liturgie et aux sacrements, anticipation et avant-goût de la réconciliation de toutes les créatures et de la communion parfaite avec le Christ notre Seigneur.

Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.

Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.

lundi 8 novembre 2021

32ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

7/11/2021

Marc 12, 38-44

Dans l’Evangile de ce dimanche, saint Marc nous donne à voir deux petits tableaux décrivant des attitudes humaines. A travers ces tableaux nous devinons un Jésus fin observateur de la vie de son peuple. Et c’est à partir de ses observations qu’il nous livre deux enseignements : le premier concerne les scribes tandis que le second compare les riches et une pauvre veuve.

Le Seigneur invite dans un premier temps ses disciples à se méfier des scribes, des hommes lettrés et religieux ayant une fonction importante dans le Judaïsme. Le tableau dépeignant leur comportement les situe en des endroits variés : les places publiques, les synagogues, les diners. Les scribes sont des personnages publics, bien connus de tous. Leur omniprésence dans tous ces lieux n’a qu’un seul but : s’y faire remarquer, y compris par le port de vêtements spéciaux, et obtenir la louange qui vient des hommes ainsi que des places d’honneur. Ils recherchent en permanence les premières places alors que Jésus enseigne que les premiers seront les derniers et que qui s’élève sera abaissé… Non seulement ils manquent d’humilité et sont dévorés par l’ambition de briller en société, mais ils sont aussi cupides, recherchant comment s’enrichir sur le dos des plus pauvres, en particulier des veuves. Le verbe dévorer signale bien que leur cupidité est sans limites. Ce n’est qu’à la fin de ce tableau que Jésus parle de leurs dispositions religieuses. Et ici l’observateur est divin, capable de lire dans les cœurs sans se laisser tromper par les apparences de dévotion que prennent les scribes. Bref c’est le Tartuffe de Molière déjà présent dans l’Evangile, car ce que leur reproche Jésus, c’est bien leur hypocrisie, leur double jeu. Sous un vernis de religion, ils ne sont en fait que carriérisme, vanité et cupidité. Et la conclusion de ce premier tableau est sans appel : ils seront d’autant plus sévèrement jugés.

La figure biblique de la veuve sert de transition entre les deux tableaux : on passe en effet des veuves victimes de la cupidité des scribes à la pauvre veuve faisant son offrande de deux piécettes dans le Temple. On passe des scribes qui dévorent les biens d’autrui à la veuve qui se dépouille totalement de ce qu’elle possède. Dans le second tableau, Jésus montre que la pauvre veuve donne infiniment plus que les riches, mais il en fait aussi le parfait contrepoint de l’attitude des scribes. D’un côté une cupidité sans bornes, de l’autre une générosité extrême, un dépouillement total.

Ces peintures de caractère très vivantes ont pour but de nous montrer quel est le droit chemin de Dieu. Il passe par l’humilité et par la vérité de nos attitudes. En tant que croyants nous ne jouons pas une belle pièce de théâtre en vue d’être applaudis de tous. A la fin de notre vie terrestre, nous devrons dire autre chose au Seigneur que les dernières paroles d’Auguste rapportées par Suétone : Si la pièce vaut quelque chose, applaudissez ! Il s’agit donc pour nous de vivre et d’agir sous le regard de Dieu et en sa présence. Le culte authentique, le culte spirituel, consiste à pouvoir faire de notre personne et de toute notre vie une offrande agréable à Dieu. Nous trouvons en saint Matthieu un commentaire lumineux de la page évangélique de ce dimanche :

Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux… Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.

 

 

 

lundi 1 novembre 2021

TOUSSAINT 2021

 




La solennité de la Toussaint est pour nous une occasion favorable de méditer sur la sainteté de Dieu. En effet la sainteté des saints et des saintes, connus et inconnus, une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues, cette sainteté humaine est une participation à la sainteté de Dieu. Jésus-Christ manifeste cette sainteté de Dieu dans notre condition humaine de la manière la plus parfaite possible et il en constitue pour nous la source. Notre sainteté vient de la sienne, elle est un don et un appel de son amour. Dans la Bible il est fréquent d’entendre un appel à imiter Dieu ou à imiter le Christ. En effet la sainteté des créatures humaines est toujours une image particulière de la sainteté même de Dieu. D’où l’importance pour nous de comprendre ce que signifie l’affirmation selon laquelle Dieu est Saint. C’est ce que nous chantons à chaque messe au seuil de la prière eucharistique en reprenant les paroles du prophète Isaïe.

La sainteté de Dieu a été révélée dans une histoire particulière à un peuple particulier, Israël, en même temps que l’unicité de Dieu. Or ce peuple vivait dans un contexte où les dieux étaient nombreux. C’était le cas à l’époque de la révélation du Christ. Faire un détour par les dieux de la mythologie grecque et romaine nous aide à mieux comprendre la sainteté du Dieu révélé à Israël. Cette mythologie est fortement imprégnée d’anthropomorphisme. Cela signifie que les dieux sont représentés sous forme humaine. Mais aussi que les dieux ne sont pas meilleurs que les hommes, ils ont des qualités mais aussi des défauts. Le roi des dieux, Jupiter, passe son temps à tromper sa femme Junon par exemple. Bref les dieux de la mythologie ne sont pas éthiques. Ils sont juste immortels et dotés de pouvoirs spéciaux. Et quand les Romains s’adressent à Jupiter en le qualifiant de très bon et très grand, cela n’a rien à voir avec la bonté du Dieu biblique. Optimus, traduit par très bon, signifie en fait que Jupiter est le garant de la prospérité du peuple romain et non pas qu’il aimerait ce peuple. Ce détour étant fait, revenons maintenant à la sainteté du Dieu biblique. Même si dans l’Ancien Testament, on prête parfois à Dieu des attitudes humaines comme la colère et la jalousie, le Dieu de la révélation est transcendant car il est esprit, donc invisible. Dire de Dieu qu’il est saint ce n’est pas seulement affirmer sa perfection et sa bonté, mais aussi sa transcendance, sa différence absolue avec les créatures que nous sommes. C’est bien cette transcendance que Paul rappelle aux Grecs d’Athènes : Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qu’il contient, lui qui est Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas des sanctuaires faits de main d’homme ; il n’est pas non plus servi par des mains humaines, comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, le souffle et tout le nécessaire. Dire de Dieu qu’il est Saint, c’est toujours se rappeler qu’il est Esprit et Amour. Si comme l’enseigne Jésus, Dieu seul est bon, notre sainteté consiste à recevoir cette bonté et à y participer par pure grâce. La sainteté est donc une divinisation progressive de l’homme. Contrairement aux grecs qui se faisaient des dieux à leur image, nous sommes appelés à devenir images de Dieu en l’imitant. Le prophète Osée révèle bien le propre du Dieu biblique : Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer.  On ne peut rien comprendre aux exigences de l’Evangile et à la morale chrétienne, si nous oublions que notre but est d’agir à la manière de Dieu, et donc de refléter dans nos existences sa bonté et sa sainteté. Au terme de notre pèlerinage terrestre nous serons appelés à voir Dieu, l’Esprit invisible à nos yeux de chair. Cette vision de Dieu qui rend parfaitement heureux est l’aboutissement du chemin de sanctification que nous vivons à la suite du Christ et en communion avec lui : Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu !


dimanche 31 octobre 2021

31ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

31/10/2021

Marc 12, 28-34

A la question du scribe qui veut savoir quel est le premier de tous les commandements, Jésus répond en citant le commandement de l’amour de Dieu et du prochain, déjà présent dans l’Ancien Testament. Ces commandements sont les plus grands. Ce faisant il simplifie la vie de ses disciples, si nous nous souvenons de ce que la Torah contenait 613 préceptes différents ! En même temps cette simplification de la vie religieuse et morale du croyant correspond à une exigence plus grande. Si la voie que Dieu nous trace est simple comme Dieu lui-même est simple, elle est difficile à mettre en pratique en raison de la faiblesse du péché et surtout à cause du péché des origines. Dans le premier commandement qui concerne l’amour envers Dieu, il s’agit d’un amour très fort, d’un amour total qui engage toute notre personne (cœur, âme, esprit et force). Il s’agit d’un amour qui ne se limite pas aux temps de prière et de culte, mais qui a pour vocation à remplir chaque instant de notre vie humaine. Cette vérité est à mettre en lien avec l’enseignement de Jésus selon lequel il nous faut prier en permanence. Toute notre vie devant devenir un acte de prière, donc d’amour de Dieu. Ce qui nous rend très difficile l’accomplissement effectif de ce commandement, c’est que notre esprit et notre cœur sont occupés par bien des choses, attachés à bien des choses. Ne croyons pas que la première partie de ce commandement ne concerne que les Juifs et les chrétiens de l’antiquité qui vivaient au milieu de peuples adorant une multitude de dieux… Le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Nous ne sommes plus tentés par le culte de Jupiter, du Soleil, de Baal ou de Mithra, mais cela ne signifie pas pour autant que nous ne nous sommes pas donné de nouvelles idoles. Ces idoles contemporaines ne sont pas représentées par des statues devant lesquelles on se prosterne. Elles peuvent avoir des noms bien différents : l’argent, la patrie, la famille ou le clan ou la tribu ou encore l’ethnie, la politique, la science etc. Il est si facile de mettre Dieu et l’Evangile au service de l’une de ces idoles, en renversant l’ordre des priorités. L’instrumentalisation de la religion n’est pas chose nouvelle, elle n’en demeure pas moins une tentation de notre temps.

Le commentaire du scribe est d’une importance capitale car il récupère la grande tradition des prophètes : Fort bien, Maître, tu as dit vrai : Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. Le cœur du Judaïsme et du christianisme ne consiste pas en effet dans l’accomplissement de rites, aussi sacrés soient-ils. Le culte que Dieu désire et attend de nous se célèbre à chaque instant sur l’autel de notre cœur par les actes de foi, d’espérance et de charité. Jésus lui-même a fait sienne la critique prophétique des sacrifices. A ceux qui lui reprochaient sa proximité avec les pécheurs, il répondit en citant le prophète Osée : Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs.

Enfin ce qui constitue peut-être la spécificité de Jésus dans son enseignement, c’est ce lien indissoluble qu’il établit entre le commandement de l’amour pour Dieu et celui de l’amour pour le prochain, lien mis en lumière de manière admirable par l’apôtre Jean :

Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère.

Ainsi l’amour envers notre prochain est le test de la vérité de notre amour envers Dieu. Voilà le sacrifice authentique et véritable qui plaît à Dieu. Seul l’Esprit Saint, le lien d’amour entre le Père et le Fils, peut remplir notre cœur d’amour, de joie, de paix, de patience, de bonté, de bienveillance, de fidélité, de douceur et de maîtrise de soi. Demandons Lui au cours de cette eucharistie sa lumière et sa force, pour que nous ne perdions pas courage sur ce chemin exigeant et quotidien de la sainteté.

dimanche 24 octobre 2021

30ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

Journée mondiale des missions

24/10/2021

Marc 10, 46-52

L’évangéliste saint Marc situe la rencontre entre Bartimée et Jésus juste avant l’entrée messianique de Jésus dans Jérusalem. En cette journée mondiale des missions, nous sommes invités par l’Eglise à réfléchir sur ce qu’est l’évangélisation et à prier pour que des chrétiens et des chrétiennes donnent leur vie au service de la mission. Le motif principal de l’évangélisation est de permettre la rencontre entre chaque homme et Jésus par le don de la foi. Va, ta foi t’a sauvé, c’est par ces paroles que s’achève la rencontre entre le mendiant aveugle et celui qu’il reconnaît comme son Seigneur. La prière d’ouverture de la messe pour l’évangélisation des peuples demande à Dieu la grâce de la foi : Que l’Esprit répande les semences de vérité au cœur de chacun pour y susciter la foi.

La rencontre avec le Christ ressuscité, vivant et agissant dans l’Eglise et dans le monde, peut être favorisée comme empêchée. Dans l’Evangile de ce dimanche des personnes s’interposent entre le Seigneur et Bartimée :

Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! ».

L’évangélisation consiste au contraire à favoriser cette rencontre. Jésus désire avoir une relation personnelle avec chacun d’entre nous que nous soyons baptisés ou pas, croyants ou incroyants. Pour nous chrétiens il est essentiel de vivre les rencontres du quotidien dans cet esprit d’ouverture à l’autre, dans le désir de lui permettre de faire, lui aussi, l’expérience de la rencontre avec le Christ. Non seulement il nous faut éviter d’être des obstacles comme les gens de l’Evangile qui rabrouaient Bartimée, mais notre humble témoignage doit indiquer que nous somme saisis par l’amour de Jésus. Les personnes que nous rencontrons doivent comprendre d’une manière ou d’une autre que notre conception de la vie est différente et qu’elle ne se limite pas à naître, procréer, travailler, se divertir et mourir. Faire entrevoir un horizon plus vaste et plus beau fait aussi partie de l’évangélisation. Seule la reconnaissance de la présence de Dieu dans nos vies peut les sortir de la banalité et de l’enfermement dans le train-train quotidien. C’est cette présence qui donne un sens nouveau à nos activités quotidiennes et répétitives en les situant sur l’horizon ouvert par le Christ.

En 1964, en plein concile Vatican II, le pape Paul VI offrit à l’Eglise une méditation très belle sur les voies par lesquelles l’Eglise doit aujourd’hui accomplir sa mission. Dans la troisième partie de son encyclique, Paul VI souligne la grande valeur du dialogue dans le cadre de la rencontre avec tous et chacun. Tout simplement parce que la religion est d’abord un dialogue entre Dieu et l’homme, ouvert par l’initiative divine et culminant en Jésus-Christ. Ce dialogue, écrit le pape, suppose une volonté de courtoisie, d’estime, de sympathie, de bonté de la part de celui qui l’entreprend. Il exclut la condamnation a priori, la polémique offensante et tournée en habitude, l’inutilité de vaines conversations. Il est donc un moyen d’exercer la mission apostolique ; c’est un art de communication spirituelle. Ses caractères sont les suivants : la clarté avant tout, la douceur, la confiance et la prudence pédagogique enfin, qui tient grand compte des conditions psychologiques et morale de l’auditeur. Dans le dialogue ainsi conduit se réalise l’union de la vérité et de la charité, de l’intelligence et de l’amour (Paul VI).

 

dimanche 10 octobre 2021

28ème dimanche du temps ordinaire / année B

10/10/2021

Marc 10, 17-30

L’homme juste sur lequel Jésus pose son regard rempli d’amour ne peut pas répondre à l’appel du Seigneur à cause de ses grands biens. Il est incapable de renoncer à ses richesses pour obtenir un trésor différent, celui du ciel. Jésus part de ce blocage psychologique pour enseigner ses disciples à propos des richesses :

Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu !

Leur réaction passe de la stupéfaction au fait d’être fortement déconcertés et aboutit à une question angoissée :

Mais alors, qui peut être sauvé ?

Pour comprendre l’électrochoc provoqué par les paroles du Seigneur dans l’esprit des disciples, nous devons nous remettre dans le contexte biblique de l’Ancien Testament. Dans beaucoup de textes de la Bible juive la richesse est en effet présentée sous un jour très positif, comme le signe de la bénédiction de Dieu. Je ne prendrai qu’un exemple dans le livre de Job, conte philosophique écrit sur plusieurs siècles d’histoire biblique mais dont le canevas de base pourrait remonter au 9ème siècle av. JC. Nous connaissons l’histoire de Job, homme juste, sur lequel s’abattent tous les malheurs possibles et imaginables. Or Job nous est présenté au début du livre comme un personnage très riche et important :

Sept fils et trois filles lui étaient nés. Il avait un troupeau de sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs, cinq cents ânesses, et il possédait un grand nombre de serviteurs. Cet homme était le plus riche de tous les fils de l’Orient.

Voilà que Job, mis à l’épreuve par Dieu, perd absolument tout : ses enfants, ses richesses et sa santé. Malgré tout il persévère dans sa foi et ne renie pas Dieu. A la fin du livre Dieu pour le récompenser de sa fidélité le rétablit dans tous ses biens et même encore davantage !

Le Seigneur bénit la nouvelle situation de Job plus encore que l’ancienne. Job posséda quatorze mille moutons et six mille chameaux, mille paires de bœufs et mille ânesses. Il eut encore sept fils et trois filles.

Comment ne pas penser à la réponse que le Seigneur fait à la demande de Pierre dans notre Evangile ?

Nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle.

Il existe cependant une différence essentielle entre le livre de Job et la réponse de Jésus, c’est la vie éternelle dans le monde à venir. Nous oublions facilement que dans le Judaïsme le plus ancien la vie s’arrêtait à la mort : pas de paradis ni de vie éternelle ! D’où logiquement le fait que Dieu récompensait les justes par des biens matériels dès maintenant, ce qui faisait de la richesse le signe certain de la bénédiction divine. Nous retrouvons cette mentalité encore aujourd’hui chez certains chrétiens, en particulier dans les Eglises évangéliques américaines qui prêchent la théologie de la prospérité. Sur le continent américain cette théologie de la prospérité est l’exact opposé de la théologie de la libération, née, elle, en Amérique latine, selon laquelle l’Eglise ne doit pas seulement avoir le souci prioritaire des plus pauvres mais doit contribuer à les libérer de ceux qui les oppriment. D’où la célèbre sentence de Dom Helder Camara, évêque brésilien :

Je nourris un pauvre et l'on me dit que je suis un saint. Je demande pourquoi le pauvre n'a pas de quoi se nourrir et l'on me traite de communiste.

Si la théologie de la prospérité peut se réclamer de la première phase de la révélation biblique, elle est clairement incompatible avec l’enseignement de Jésus qui présente plutôt la possession des richesses comme un danger et une tentation. La grande différence, c’est que Jésus situe notre vie sur terre dans la perspective de la vie éternelle. Cela revient à deux reprises dans notre Evangile :

Alors tu auras un trésor au ciel… et, dans le monde à venir, la vie éternelle.

Jésus affirme la difficulté du salut pour celui qui possède des richesses et, en même temps, il rassure ses disciples en leur disant que tout est possible à Dieu.

Dans sa première lettre à Timothée, l’apôtre Paul indique aux chrétiens qui possèdent des richesses quelle est pour eux la voie du salut :

Quant aux riches de ce monde, ordonne-leur de ne pas céder à l’orgueil. Qu’ils mettent leur espérance non pas dans des richesses incertaines, mais en Dieu qui nous procure tout en abondance pour que nous en profitions. Qu’ils fassent du bien et deviennent riches du bien qu’ils font ; qu’ils donnent de bon cœur et sachent partager. De cette manière, ils amasseront un trésor pour bien construire leur avenir et obtenir la vraie vie.


dimanche 3 octobre 2021

27ème dimanche du temps ordinaire (année B) / Dimanche de la création

 


Dimanche de la création

3/10/2021

Genèse 1, 26-28

Depuis la publication de l’encyclique Laudato si’ du pape François en 2015, nous sommes invités à célébrer une fois par an une messe en action de grâce pour le don de la création, une messe pour la sauvegarde de cette même création. Nous le faisons en ce dimanche, veille de la fête de saint François d’Assise que le pape a donné comme saint patron aux écologistes.

Je prendrai comme point de départ de notre méditation un texte fondateur, extrait du premier récit de la création dans la Genèse :

Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. Qu’il soit le maître des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, des bestiaux, de toutes les bêtes sauvages, et de toutes les bestioles qui vont et viennent sur la terre. »

Ce verset nous dit en même temps quelle est notre identité de créatures humaines et quelle est notre mission au cœur de la création. L’homme et la femme sont créés à l’image de Dieu. Le projet du Créateur consiste à faire de l’homme et de la femme ses représentants sur cette terre. Ils participent ensemble de son autorité et de sa paternité en réalisant leur être le plus profond : rendre visible Dieu dans le créé. En raison du péché des origines, cette qualité d’image de Dieu est devenue une vocation, un horizon vers lequel tendre. Nous devons en quelque sorte devenir ce que nous sommes. Car le mal est entré dans notre cœur, et il ne nous est plus naturel d’être images de Dieu. Notre mission découle directement du fait que nous sommes appelés à être images de Dieu. Il s’agit d’être les maîtres de toutes les créatures, en particulier des autres espèces animales. Dieu confie à notre liberté et à notre sagesse sa création, il la remet entre nos mains pour que nous puissions lui offrir tout le créé. D’après la Genèse nous pouvons affirmer que nous sommes les rois de la création. La question qui se pose alors est la suivante : quel type de rois, quel genre de maîtres ? L’histoire humaine nous montre à la fois de bons rois mais aussi des rois despotiques, des tyrans cruels et sanguinaires, il en va de même pour les maîtres… Cette autorité nous vient de Dieu. Elle ne saurait donc être absolue. Elle comporte des règles et donc des limites. Le péché des origines, étant un péché d’orgueil, a mis dans le cœur de l’homme une orientation mauvaise lui laissant penser qu’il pouvait faire ce qu’il voulait du don de Dieu, sans aucune limite éthique. Le pape qualifie cette situation de domination absolue et d’anthropocentrisme déviant. Nous constatons aujourd’hui avec une conscience toujours plus vive les conséquences désastreuses pour nous-mêmes, pour les espèces animales domestiques et sauvages ainsi que pour notre terre d’une royauté humaine exercée de manière autonome et sans référence au Créateur. Appelés à être images de Dieu, nous ne pouvons exercer cette royauté et ce sacerdoce que selon les règles données par le Créateur lui-même. Une image doit toujours imiter et refléter son modèle. Ce qui signifie que nous devons apprendre à être les maîtres de la création à la manière de Dieu : avec sagesse, avec amour, avec tendresse et miséricorde. Tout cela implique d’accepter des limites à notre domination et à notre soif de profit, tout cela exige de nous imposer à nous-mêmes des limites et de renoncer au péché d’orgueil pour, je cite le pape, former avec les autres êtres de l’univers une belle communion universelle. La mission unique qui est la nôtre de par la volonté de Dieu n’implique pas égoïsme, indifférence, irresponsabilité. Bien au contraire : La Bible, écrit le pape, ne donne pas lieu à un anthropocentrisme despotique qui se désintéresserait des autres créatures. Le pape nous invite à sortir d’une vision utilitariste des animaux qui est toujours une vision égoïste. Les animaux ne sont pas d’abord des ressources à exploiter à notre service comme bon nous semble car ils ont une valeur en eux-mêmes, de par le simple fait d’être voulus par Dieu comme créatures à part entière. Le pape cite dans ce contexte les évêques allemands soulignant la priorité de l’être sur le fait d’être utile. L’encyclique Laudato si’ nous rappelle avec force l’urgence de notre conversion écologique en tant que chrétiens. L’écologie intégrale consiste, je cite à nouveau le pape, à rompre la logique de la violence, de l’exploitation, de l’égoïsme, celle du monde de la consommation exacerbée qui est celui du mauvais traitement de la vie sous toutes ses formes.

Pour ce faire, nous pouvons nous mettre à l’école du Christ roi, maître au cœur humble et doux. Seule l’humilité, en effet, nous permettra de reconstruire une belle relation avec Dieu, entre nous et avec les autres créatures. Dans le contexte de crise écologique qui est le nôtre, la béatitude de la douceur prend une signification ô combien prophétique et nous montre comment nous pouvons être de bons maîtres de la création à l’image du Père et de son Fils, Jésus, le Verbe créateur. Cette béatitude est un chemin privilégié pour vivre comme saint François d’Assise cette fraternité sublime avec toute la création.

Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.

 

 


dimanche 26 septembre 2021

26ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

26/09/2021

Marc 9, 38-48

L’Evangile de ce dimanche rassemble diverses paroles de Jésus. Je me limiterai à considérer deux d’entre elles, car il me semble qu’elles s’éclairent mutuellement.

D’une part : Celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.

Et d’autre part : Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer.

Remarquons comment ces deux sentences commencent de manière identique : Celui qui… Elles sont clairement en contraste, en opposition, l’une par rapport à l’autre. La première désigne une bonne action qui aboutit à une récompense divine tandis que la seconde désigne une mauvaise attitude qui est pire que la mort.

Regardons tout d’abord la bonne action. Elle n’a rien d’héroïque, ni d’exigeant, elle est au contraire très simple et à la portée de tous : il s’agit de donner un verre d’eau à celui qui a soif ! Ici le Christ nous propose un bien facile à réaliser. Ici il s’agit d’une charité spécifique : celle qui est destinée aux chrétiens. Cela peut être la charité fraternelle des membres de l’Eglise qui ont le souci les uns des autres. Mais cela peut aussi vouloir dire qu’un païen, pour parler le langage antique, ou encore le non-chrétien, l’athée, recevront une récompense de Dieu s’ils agissent bien envers ses fils et ses filles, les croyants baptisés.

A l’opposé de cette bonne action se situe le scandale causé aux croyants. Jésus a un langage dur : il vaudrait mieux pour cette personne qu’elle meure noyée dans la mer plutôt que de causer la chute d’un seul de ses disciples. Cela nous invite à réfléchir à l’importance et à la qualité de notre témoignage de chrétiens. La deuxième lecture nous donne quelques exemples de contre-témoignages de la part de croyants qui ne recherchent que plaisir et luxe, en accumulant des richesses, tout en négligeant la justice sociale. Jacques souligne leur indifférence aux malheurs qui accablent leurs frères en humanité : vous avez fait bombance, pendant qu’on massacrait des gens. Ce faisant, il ne fait que reprendre la tradition prophétique la plus traditionnelle telle qu’elle est exprimée, par exemple, chez le prophète Amos. En pensant à l’actualité récente de notre Eglise, on peut avoir en mémoire le scandale de la pédophilie chez certains ministres de Dieu. La sévérité avec laquelle Jésus aborde toutes les formes de contre-témoignage qui font chuter les croyants (et aussi ceux qui ne le sont pas ou pas encore !) nous fait comprendre avec quelle intensité nous devons vivre notre engagement chrétien. Il s’agit bien pour nous d’être sel de la terre et lumière du monde ! Et cela passe avant toutes choses par l’amour authentique que nous aurons les uns pour les autres dans l’Eglise et pour tous nos frères les hommes. Le chapitre 9 de saint Marc se termine d’ailleurs par une allusion à cette image du sel :

C’est une bonne chose que le sel ; mais s’il cesse d’être du sel, avec quoi allez-vous lui rendre sa saveur ? Ayez du sel en vous-mêmes, et vivez en paix entre vous.

Que le Seigneur Jésus nous fasse cette grâce, alors que nous célébrons le sacrement de sa divine charité, de rechercher toujours avec ardeur la mise en conformité de notre vie et de nos actions avec le beau nom de chrétiens que nous portons !

dimanche 19 septembre 2021

25ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

19/09/2021

Jacques 3, 16- 4, 3

Depuis le dimanche 29 août, la liturgie de la Parole nous fait entendre en deuxième lecture des passages de la lettre de saint Jacques. Je vous recommande vivement la lecture de ce livre du Nouveau Testament. Cinq chapitres seulement, mais des enseignements d’une grande importance pour notre vie quotidienne ! Jacques aborde, entre autres questions essentielles, celle des péchés « en parole » ou de la langue, celle de la foi qui agit par les œuvres, celle de notre rapport aux richesses et à l’argent. Aujourd’hui il nous entretient de la sagesse chrétienne. Malheureusement le texte liturgique ne nous donne pas de début de sa réflexion. Le voici :

Quelqu’un, parmi vous, a-t-il la sagesse et le savoir ? Qu’il montre par sa vie exemplaire que la douceur de la sagesse inspire ses actes. Mais si vous avez dans le cœur la jalousie amère et l’esprit de rivalité, ne vous en vantez pas, ne mentez pas, n’allez pas contre la vérité. Cette prétendue sagesse ne vient pas d’en haut ; au contraire, elle est terrestre, purement humaine, démoniaque. Car la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes.

Jacques oppose une sagesse purement terrestre à la sagesse qui vient de l’Esprit Saint. La sagesse divine se caractérise par la douceur tandis que la sagesse démoniaque se nourrit de la jalousie et des rivalités. Elle conduit à la division et au péché. Au fond elle n’est pas une sagesse, car même la sagesse simplement humaine peut produire en nous de bons fruits. Il s’agit d’une prétendue sagesse qui donne libre cours à nos instincts les plus bas et à nos convoitises :

D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes ?

L’homme divisé en lui-même, celui dont le cœur n’est pas unifié, ne peut pas vivre dans la paix du Seigneur. Non seulement il ne le peut pas, mais il empêche les autres de vivre dans cette paix et selon la sagesse véritable. La lettre de saint Jacques nous rappelle les Béatitudes et le lien qui existe entre chacune d’entre elles. La sagesse est douceur (Heureux les doux !) et cette douceur est inséparable d’un cœur pacifié et pacifique : C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de la paix.

Ecoutons maintenant ce que Jacques nous dit de la sagesse divine :

La sagesse qui vient d’en haut est d’abord pure, puis pacifique, bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie.

A nouveau nous retrouvons l’enseignement de Jésus dans les Béatitudes avec la pureté, la paix et la miséricorde. Le cœur pur, c’est le cœur droit, honnête, sincère, sans hypocrisie, c’est le cœur qui recherche d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, c’est le cœur qui aspire à la sainteté et à l’imitation du Christ… à l’opposé du cœur partagé et divisé en lui-même. Le cœur pur est pacifique parce qu’il est en paix avec lui-même et avec Dieu. Il va de pair avec une bonne conscience. La sagesse qui vient d’en haut nous donne ce cœur pur et nous rend bienveillants, conciliants et miséricordieux. A l’opposé de la dureté qui caractérise la fausse sagesse et qui nous entraîne facilement vers le jugement et la condamnation, souvent dans le péché d’orgueil, la douceur de la sagesse divine est cette force qui nous permet de comprendre l’autre, de nous mettre à sa place et de lui pardonner ses offenses. La sagesse chrétienne telle que nous la décrit saint Jacques est une formidable puissance de réconciliation, une annonce prophétique du Royaume à venir, féconde en bons fruits. La sagesse chrétienne est une participation dans l’Esprit Saint à l’œuvre du Christ telle qu’elle nous est décrite par l’apôtre Paul dans sa lettre aux Colossiens :

Dieu a jugé bon qu’habite dans le Christ toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel.