dimanche 27 décembre 2009

LA SAINTE FAMILLE

La Sainte Famille / C
27/12/09
Luc 2, 41-52 (p. 263)
En épousant notre humanité le Fils de Dieu s’insère non seulement dans la famille humaine mais, comme chacun d’entre nous, dans une famille humaine particulière avec un père, Joseph, et une mère, Marie, des cousins etc. C’est pour cela que l’Eglise nous fait contempler dans la continuité de Noël le mystère de la Sainte Famille. Ce mystère nous rappelle que Jésus est vraiment homme et que c’est par Marie et Joseph qu’il entre dans l’histoire et le temps de notre humanité. En tant que vrai homme il épouse aussi une terre avec son histoire et ses traditions, Israël, et ses lieux : Bethléem, Nazareth, Jérusalem.
Les textes de cette liturgie nous montrent la place de Dieu dans la famille humaine. Dieu en tant que Père et source de la vie est en quelque sorte membre de chacune de nos familles humaines que nous en ayons conscience ou pas. Il a sa place première et privilégiée dans chacune de nos familles parce qu’il est le Créateur et qu’il nous conduit par sa Providence. Mais aussi parce qu’il est en lui-même un mystère d’amour infini, celui de la bienheureuse Trinité. Dans la première lecture, Anne reconnaît d’une manière radicale cette place de Dieu Père dans sa famille, et en action de grâces pour la naissance de son fils, elle le consacre au Seigneur : « A mon tour je le donne au Seigneur. Il demeurera donné au Seigneur tous les jours de sa vie ». L’exemple d’Anne, cette femme croyante, nous redit que tout enfant est un don de Dieu. L’enfant n’est pas un droit ni un objet quelconque que les parents pourraient manipuler à leur guise.
L’Evangile du jeune Jésus perdu et retrouvé au temple est le seul épisode retenu par les évangélistes entre la fuite en Egypte et le début de sa mission publique. De toute la vie cachée nous ne savons pas autre chose que l’épisode du jeune Jésus au temple. Avant de regarder ce que cet Evangile nous apprend des relations entre parents et enfants, regardons ce qu’il nous dit de la relation du jeune Jésus à Dieu : « C’est chez mon Père que je dois être ». Pour le Juif pieux le lieu par excellence de la présence de Dieu, c’est bien le temple de Jérusalem. A 12 ans Jésus comprend l’importance symbolique du temple, et des années plus tard il n’hésitera pas à scandaliser les Juifs en chassant les marchands de ce lieu saint. Si Jésus a un tel respect pour le temple, c’est parce que son amour pour Dieu est unique. Contrairement au petit Samuel, c’est bien librement qu’il décide de rester dans le temple à l’insu de ses parents. Et qu’y fait-il ? « Assis au milieu des docteurs de la Loi, il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses ». La formulation de Luc est étrange : d’un côté il nous montre le jeune Jésus écoutant et posant des questions, de l’autre il nous dit l’émerveillement de la foule entendant les réponses de Jésus ! A 12 ans l’intelligence de cet enfant unique dans l’histoire de notre humanité se révèle déjà, de telle sorte qu’il répond aux questions religieuses qui lui sont posées. Il est beaucoup plus qu’un simple docteur de la Loi, un savant religieux, il est cette Parole que les docteurs de la Loi s’efforcent de comprendre et de commenter. Les docteurs ne savent pas qu’ils ont au milieu d’eux, dans ce jeune Jésus, la Parole de Dieu faite chair, la manifestation de sa Sagesse.
Luc nous dit clairement qu’en choisissant de rester au temple sans rien en dire à sa famille, le jeune Jésus a fait souffrir Marie et Joseph ! Même dans la Sainte Famille les relations entre les parents et leur fils unique ont été marquées par l’incompréhension à certains moments. Au sein du plus grand et du plus pur amour existant entre Joseph, Marie et Jésus, il y a eu de la place pour la souffrance et l’incompréhension. Et c’est encore une preuve supplémentaire de la vérité de l’incarnation du Fils de Dieu. Marie et Joseph, tout saints qu’ils étaient, n’en restaient pas moins humains, donc limités. « C’est chez mon Père que je dois être ». Le jeune Jésus rappelle à ses parents qui est son Père : Dieu seul. Cela est vrai d’une manière unique pour Lui, car il est né de la Vierge Marie. Mais cela est vrai aussi de tout enfant venant au monde de manière normale, par l’union de son père et de sa mère. Les parents chrétiens en tant que géniteurs et éducateurs ne doivent jamais oublier qu’ils ne sont pas les créateurs de la vie, et que finalement Dieu seul est Père. Ce qui signifie que leurs enfants ne sont pas leur propriété, et qu’ils ne peuvent pas disposer de leur vie et de leur avenir simplement comme s’ils étaient le prolongement de leurs propres personnes. Le jeune Jésus rappelle ici non seulement qu’il est le Fils de Dieu d’une manière unique mais aussi sa vocation et sa mission : il doit être aux affaires de son Père céleste. Les parents chrétiens doivent accepter, comme Marie, de ne pas tout comprendre dans l’attitude de leurs enfants. L’enfant en tant que personne humaine autonome est toujours un mystère. Marie n’a pas compris les propos énigmatiques de son fils, mais elle a gardé en son cœur tous ces événements. Les parents, eux aussi, doivent accepter de ne pas tout comprendre tout de suite, mais de relire la relation qu’ils ont avec leurs enfants dans la lumière de la prière personnelle et conjugale. Dieu Père les éclairera au moment voulu, s’ils acceptent dans la foi l’épreuve de l’incompréhension.
Le jeune Jésus manifeste ici sa liberté tout en demeurant soumis à ses parents. A Nazareth, il grandit « en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes ». Le développement intellectuel, physique et spirituel des jeunes : voilà le programme de toute éducation chrétienne en famille, dans l’enseignement catholique ou encore dans les mouvements de jeunes. Voilà aussi ce qui fait le plus défaut aujourd’hui dans l’éducation des enfants et des jeunes : une vision globale et intégrale de la personne. Et il faut bien avouer que la dimension spirituelle est souvent oubliée ou reléguée au dernier rang des préoccupations et que la formation de l’intelligence en est réduite à l’apprentissage de savoirs théoriques en vue d’obtenir des diplômes. Les parents demeurent toujours les premiers responsables de l’éducation intégrale de leurs enfants. Ils ne doivent se décharger de leur responsabilité ni sur l’école ni sur l’Eglise qui ne sont que des soutiens. C’est bien à eux qu’il revient de former l’intelligence et le sens critique de leurs enfants et de les éveiller sans rigidité ni contrainte au sens de Dieu. Notre société française a tellement besoin de citoyens qui soient pleinement humains et chrétiens ! N’oublions pas que nous sommes, en tant que chrétiens, les dépositaires à un titre particulier de la liberté et de la dignité humaines. Parce que nous croyons en un Dieu qui s’est fait homme !
Amen

dimanche 20 décembre 2009

4ème dimanche de l'Avent

4ème dimanche de l’Avent / C
20/12/09
Luc 1, 39-45 (p. 190)
Quelques jours avant Noël, le quatrième dimanche de l’Avent est pour nous l’ultime préparation à la célébration du mystère de l’incarnation. La deuxième lecture nous rappelle que l’incarnation du Fils de Dieu est le fondement de tous les autres mystères, en particulier celui de Pâques : « C’est par cette volonté de Dieu que nous sommes sanctifiés, grâce à l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes ». Pour nous sanctifier, pour réaliser en plénitude notre salut, le Fils de Dieu devait avoir un corps à offrir en sacrifice. Lui dont les origines remontent « aux temps anciens, à l’aube des siècles », pour reprendre la prophétie de Michée, est entré dans le temps de notre histoire. En épousant notre humanité, le Fils éternel de Dieu reçoit son corps de la Vierge Marie. Et c’est par le mystère de son incarnation qu’il inaugure non seulement une alliance nouvelle mais aussi un culte nouveau.
L’Evangile de la Visitation nous met dans une ambiance spirituelle propre à nous préparer à la célébration de Noël. Une ambiance faite de simplicité, d’humilité, de paix, de charité et de joie. La liturgie nous propose ce récit de la Visitation sans sa magnifique conclusion qu’est le Magnificat de Marie. Peut-être pour nous obliger à contempler avec émerveillement cette rencontre unique entre Marie et Elisabeth. C’est par l’Esprit-Saint que le mystère de l’incarnation se réalise en Marie. C’est aussi l’Esprit-Saint qui préside à cette rencontre entre Marie et Elisabeth, les deux mères, l’une jeune et vierge, l’autre âgée et stérile. Un rencontre qui est aussi celle, encore plus mystérieuse, entre deux êtres humains encore dans le sein de leur mère : Jésus à peine conçu et Jean-Baptiste au sixième mois de la grossesse de sa mère.
Marie « entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth ». Cette formulation de Luc est étrange. Car Zacharie est bien le grand absent de la scène de la Visitation, lui qui pourtant est prêtre. Est-ce un signe discret de l’effacement du sacerdoce juif en vue du culte nouveau ? Dans ce culte nouveau il n’y aura qu’un seul grand prêtre et médiateur : Jésus. Tout le peuple de Dieu sera un peuple sacerdotal et les prêtres seront au service de la sainteté de ce peuple.
La salutation que Marie adresse à Elisabeth est loin d’être un banal bonjour. En témoigne la réaction d’Elisabeth : « lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi ». Et Luc d’ajouter que la mère de Jean le Baptiste « fut remplie de l’Esprit Saint ». La jeune fille vierge qu’est Marie représente toute la nouveauté de l’Alliance établie en Jésus-Christ. Et avant même Noël, Marie est porteuse de cette nouveauté en rayonnant, en donnant la joie de l’Esprit Saint. Elle qui est pleine de grâce, tout entière habitée par l’Esprit de Dieu, communique à Jean et à sa mère la joie évangélique. On peut aussi penser que la Parole de Dieu incarnée en Marie commence à agir, et que le Verbe de Dieu vient donner la joie à travers la salutation de sa mère. Là où est Marie, là aussi est l’Esprit Saint. Et Marie est l’instrument parfaitement docile de son Fils unique, la Parole de Dieu. C’est pour cela que la vielle femme stérile, Elisabeth, image de l’ancienne Alliance, est bouleversée de joie en recevant les paroles de Marie.
« Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ». Elisabeth ne s’y trompe pas. Elle reconnaît la véritable grandeur de Marie : sa foi parfaite en l’accomplissement des promesses de Dieu. C’est bien parce que la jeune vierge a reçu en plénitude dans son cœur les promesses divines et qu’elle a dit « oui » par la foi au projet de Dieu, que ses paroles de salutation sont maintenant porteuses de la joie évangélique. Joie qui est précisément celle de l’accomplissement parfait de toute la première Alliance dans l’Alliance nouvelle et éternelle.
Dans les quelques jours qui nous séparent encore de Noël, cette scène de la Visitation nous invite à trouver l’attitude spirituelle juste. Nous avons tout d’abord à renouveler notre acte de foi non seulement en Dieu mais aussi en sa Parole, en ses promesses, en sa Providence à notre égard. Nous avons aussi à prendre Marie chez nous. Non seulement en la saluant comme notre Mère et la Mère de l’Eglise, mais aussi en nous imprégnant de ses vertus d’humilité, de simplicité qui font d’elle la cause de notre joie. Nous devons enfin invoquer l’Esprit Saint, car c’est Lui qui peut le mieux nous préparer à accueillir le don du grand mystère de l’incarnation. N’ayons pas peur de demander à l’Esprit Saint par le Cœur Immaculé de Marie le renouvellement en nous, à l’approche de Noël, du don spirituel de la joie. Au milieu du bruit et de l’agitation des préparatifs matériels, gardons notre cœur libre pour goûter dans le silence intérieur la douceur de cette joie qui vient de l’Esprit par Marie ! Amen

dimanche 6 décembre 2009

Deuxième dimanche de l'Avent

2ème dimanche de l’Avent /C
6/12/09
Luc 3, 1-6 (p. 67)
« Restez éveillés et priez en tout temps » ! C’est avec cette consigne de Jésus que nous avons commencé ce temps de l’Avent. En ce dimanche la parole de Dieu nous donne une image suggestive : celle du chemin. Prenons le temps de réécouter cette parole dans les trois lectures :
Tout d’abord dans le livre de Baruc : « La terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu ».
Ensuite en saint Paul : « Dans la droiture, vous marcherez sans trébucher vers le jour du Christ ».
Enfin dans l’Evangile : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route ».
D’un côté c’est le Seigneur lui-même qui prépare le chemin pour son peuple, c’est le Seigneur qui prépare notre chemin, un chemin de salut et de justice. De l’autre nous devons préparer un chemin pour le Seigneur qui vient ! Avant de répondre à l’appel de Jean-Baptiste, il nous est bon d’accueillir le message de Baruc. Dieu, dans sa bonté et sa miséricorde, nous prépare le chemin qui conduit au salut. Son désir de Père, c’est que nous marchions sur ce chemin en sécurité, sans trébucher. Sa Parole est active, elle nous rassemble en un peuple appelé à la sainteté. Et la fin de la première lecture évoque de manière magnifique cette Providence de Dieu à notre égard et à l’égard de son peuple : « Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, lui donnant comme escorte sa miséricorde et sa justice ». Avons-nous réellement foi en l’action de Dieu pour nous ? Sommes-nous convaincus que sa Parole est efficace et qu’elle est à l’œuvre aujourd’hui comme hier ? Croyons-nous en l’action de l’Esprit Saint en nous, dans l’Eglise et dans le monde ? Cette foi en l’action concrète de Dieu pour nous et pour tous les hommes est la condition indispensable qui nous permet d’agir à notre tour en tant que chrétiens. Ou pour le dire autrement nous ne pourrons pas préparer le chemin du Seigneur si d’abord nous ne reconnaissons pas en Lui Celui qui nous conduit sur le bon chemin. C’est Dieu le premier qui nous as aimés : tout d’abord en nous donnant la vie naturelle et ensuite en nous donnant la vie surnaturelle, celle des enfants de Dieu reçue au baptême.
Convaincus de cette vérité, nous pouvons alors nous demander comment préparer le chemin pour le Seigneur qui vient, comment l’accueillir aujourd’hui présent dans nos vies. Gardons déjà la consigne de la prière entendue dimanche dernier. Ajoutons-y l’écoute et la méditation de cette Parole de Dieu qui agit de manière efficace pour nous transformer et transformer par nous notre société. Mais pour que la route du Seigneur soit vraiment aplanie demandons-nous avec saint Paul comment progresser de plus en plus, comment traduire notre prière et notre méditation de la Parole de Dieu en actes prophétiques… C’est-à-dire en actes et en choix qui montrent au monde que nous sommes vraiment sel de la terre et lumière du monde… Dans les quelques jours qui nous séparent de la sainte nuit de Noël comment allons-nous faire briller la différence chrétienne au milieu d’une société bien souvent triste et désespérée ? Connaissons-nous la campagne « Vivre Noël autrement » ? Cela fait cinq ans que cette initiative a été lancée… Nos évêques réunis à Lourdes en novembre ont encouragé cette initiative de mouvements chrétiens en relevant que le « Noël des vitrines est de plus en plus précoce. Le Noël des pauvres se fait souvent attendre. Les pauvretés sont multiples. Certaines ont l'âge de l'humanité. D'autres sont générées par la société moderne. » Pour vraiment faire l’expérience de la joie de l’Avent, nous avons en effet à faire des choix, à prendre des décisions et orienter notre manière de vivre vers l’essentiel. Cette période précédant Noël nous remet devant les yeux d’une manière criante les déséquilibres de notre société. Beaucoup de lumières dans les rues, manque de lumière intérieure et spirituelle ! Apparente joie, tristesse cachée mais souvent profonde. Car notre cœur ne peut connaître la paix tant qu’il n’a pas découvert la présence du Seigneur… Nous chrétiens, nous ne pouvons pas nous contenter de vivre dans l’apparence, faire « comme si »… Nous connaissons bien la tentation permanente de notre société, tentation encore plus forte avant Noël : celle de la surconsommation à outrance, comme si le cœur de l’homme et son désir de bonheur pouvaient être comblés par des objets toujours plus nombreux et envahissants, par des gadgets inutiles… Qui dit surconsommation dit forcément gaspillage et tout ce qui va avec ! Alors préparer les chemins du Seigneur, n’est-ce pas résister, refuser cette spirale aliénante ? N’est-ce pas faire le choix d’une vie sobre et simple ? Aplanir la route sur laquelle le Seigneur vient à notre rencontre, c’est bien faire passer l’homme avant les objets, le spirituel avant le matériel. C’est aussi partager avec joie. Etre solidaires par le partage de nos biens. Donner aussi de notre temps à tous ceux qui souffrent, qui sont oubliés, isolés. C’est aussi savoir accueillir avec reconnaissance la beauté de la création, la beauté de l’art sous toutes ses formes. C’est se cultiver non pas pour faire les pédants mais pour faire grandir en nous l’homme dans toutes ses dimensions. Et pour ce faire c’est peut-être aussi couper la télévision… Aplanir la route pour le Seigneur, c’est donc savoir apprécier avec gratitude les simples joies de notre existence humaine et laisser au silence sa place dans nos vies. Que l’Esprit-Saint vienne féconder ce silence et tous les partages que nous vivrons dans la joie !