dimanche 26 mars 2023

Cinquième dimanche de Carême / année A

 

26/03/2021

Jean 11, 1-45

Entre le récit du retour à la vie de Lazare et de la guérison de l’aveugle-né, entendu dimanche dernier, il existe trois points communs, et le chapitre 11 de l’Evangile selon saint Jean est de ce point de vue comme un écho du chapitre 9.

Dans les deux récits il s’agit d’hommes accablés par un mal physique. Et dans les deux cas Jésus donne une interprétation théologique de ce mal :

C’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. (ch.9)

Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. (ch.11)

Dans les deux récits Jésus utilise la métaphore de la lumière :

Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé, tant qu’il fait jour ; la nuit vient où personne ne pourra plus y travailler. (ch.9)

Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. (ch.11)

Enfin les deux signes opérés par Jésus ont pour but de conduire à la foi :

Crois-tu au Fils de l’homme ? (ch.9)

Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? (ch.11)

Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. (ch.11)

D’un point de vue humain l’évangéliste souligne l’amour que Jésus avait pour Lazare, un amour sensible qui le fait pleurer en se rendant au tombeau de son ami. Averti par les sœurs de Lazare de la maladie de celui qu’il aimait, Jésus choisit pourtant de ne pas se rendre à Béthanie immédiatement. Comme s’il attendait le moment de la mort afin de manifester la gloire de Dieu d’une manière encore plus forte. Une chose est de guérir un malade, une autre est de ramener à la vie un mort. Le signe dont bénéfice Lazare est donné afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. Ce signe glorifie le Fils de Dieu et le présente à ses contemporains comme l’envoyé du Père. Il s’agit pour eux de croire ou de refuser de croire qu’il est réellement l’envoyé du Père. L’alternative est simple : soit Jésus est un imposteur soit le Messie. Quelques versets après la fin de notre Evangile, Jean nous fait entendre la voix de Caïphe : Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas. En ramenant Lazare à la vie Jésus témoigne de la gloire d’un Dieu qui est la source de toute vie, animale, humaine et spirituelle, et ce faisant il se condamne lui-même à mort. Au cœur de ce récit nous entendons ce que Jésus dit de lui-même et nous sommes invités à le recevoir dans la foi : Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Jésus est l’image du Père qui donne la vie en surabondance. Dans l’attente de la vie éternelle et de la résurrection, il nous invite à coopérer avec lui pour que la vie triomphe sur notre terre et dans nos sociétés. Nous n’avons pas le pouvoir de ramener les morts à la vie, mais de par notre union au Christ nous avons la capacité d’œuvrer en faveur de la vie issue du créateur et répandue dans sa création. Cet engagement du chrétien se déploie dans de nombreux domaines allant du respect de la dignité de tout homme jusqu’à l’écologie en passant par la promotion de la paix entre les peuples, de la justice sociale et de l’accès de tous aux biens de la terre que sont l’eau et la nourriture…

dimanche 19 mars 2023

Quatrième dimanche de Carême / année A

 

19/03/2023

Jean 9, 1-41

Le récit que Jean nous fait de la guérison de l’aveugle de naissance a clairement une portée spirituelle. La métaphore de la lumière est présente du début à la fin de ce récit. Au début Jésus affirme à ses disciples : Aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. A la fin il déclare à l’homme qu’il vient de guérir : Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. Le signe opéré par Jésus nous parle donc de l’aveuglement spirituel ou de l’endurcissement du cœur. Le Seigneur écarte dès le départ la théorie traditionnelle qui liait une maladie ou un handicap au péché. Contrairement à ce qu’affirment les pharisiens dans la suite du récit, ce n’est pas parce que cet homme a péché qu’il est aveugle. D’ailleurs comment pourrait-on appliquer cette théorie à un aveugle de naissance ? Et ce n’est pas davantage en raison d’un péché que ses parents auraient commis qu’il est né privé de la vue. Jésus établit une nette distinction entre le mal physique (une maladie, un handicap) et le mal moral qu’est le péché. On ne choisit pas d’être malade, mais on peut choisir entre le bien et le mal. Le péché dont il est question dans cette page évangélique n’est donc pas celui de l’aveugle de naissance ou de ses parents. Il s’agit du péché de ceux qui prétendent voir et qui sont en fait des aveugles spirituellement parlant. C’est le cas de la plupart des pharisiens qui persécutent l’homme guéri par Jésus. Cet homme, dans sa simplicité, s’étonne en effet de leur ignorance volontaire et il ose leur rappeler une évidence théologique : Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. L’aveuglement spirituel consiste à refuser de croire malgré les signes donnés par Dieu : Les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme avait été aveugle et que maintenant il pouvait voir. Si le regard de Jésus est un regard de compassion et d’amour, le regard des pharisiens est celui du mépris et de la dureté de cœur, et c’est en cela qu’ils sont aveugles tout en prétendant voir davantage que les autres en raison de leur connaissance de la Loi de Moïse : Ils se mirent à l’injurier… Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? Et ils le jetèrent dehors. Le bienfait accordé par Jésus à cet homme devient pour lui un cauchemar… ses voisins, ses parents prennent leur distance avec lui tandis que les pharisiens s’acharnent sur lui. Découvrir la vérité, accueillir la lumière du Christ peut en effet nous attirer bien des ennuis. De fait l’homme qui mendiait à la sortie du Temple est maintenant excommunié par sa communauté religieuse. En parallèle avec l’endurcissement et l’aveuglement des pharisiens, Jean nous montre le beau chemin de foi de cet homme qui, de la reconnaissance de Jésus comme prophète, parvient à la foi au Fils de l’homme. Rejeté par les hommes, il est pleinement accueilli par le Christ. La parole du Seigneur nous met en garde contre l’orgueil spirituel qui peut être le nôtre en tant que croyants. Le pharisaïsme est un état d’esprit qui nous concerne nous aussi si en raison de notre foi et de notre connaissance de Dieu nous nous jugeons parvenus à la perfection tout en méprisant ceux qui ne partagent pas notre foi. Le pire étant que nous confondons parfois nos manières de voir humaines et nos partis pris avec la foi. Posons-nous simplement la question suivante : ma foi en Jésus me donne-t-elle un regard de compassion et d’amour pour mon prochain ? M’ouvre-t-elle à ceux qui sont différents et qui n’ont pas la même expérience humaine et spirituelle que moi ? Suis-je de ceux qui excluent et méprisent ou bien de ceux qui accueillent et rendent grâce pour le bien et la bonté manifestés dans les autres ? Ma foi est-elle source de bienveillance, de compréhension ou bien de jugement ?

Au chapitre 3 de l’Apocalypse nous trouvons une application du message de cet Evangile aux chrétiens :

Tu dis : « Je suis riche, je me suis enrichi, je ne manque de rien », et tu ne sais pas que tu es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu ! Alors, je te le conseille : achète chez moi […] un remède pour l’appliquer sur tes yeux afin que tu voies.

dimanche 5 mars 2023

Deuxième dimanche de Carême / année A

 

5/03/2023

Matthieu 17, 1-9

En ce dimanche le chemin du Carême nous fait passer avec Jésus du désert des tentations à la montagne de la transfiguration. Dans le désert Jésus était seul. Sur la montagne il prend avec lui trois de ses disciples. Au commencement de son ministère il affronte seul l’épreuve de la tentation. Au milieu de son chemin vers Jérusalem il fait partager à ses disciples un instant d’éternité et de joie divine. L’événement de la transfiguration s’éclaire encore davantage si nous le mettons en rapport avec le séjour du peuple hébreu dans le désert. Ce désert nous rappelle celui des tentations de Jésus alors que la montagne nous rappelle le don de la Loi fait à Moïse. Mais dans l’Ancien Testament c’est le peuple tout entier qui chemine et souffre dans le désert, qui éprouve la tentation de se détourner de Dieu, alors que Jésus vit seul le désert des tentations. Sur la montagne Moïse est accompagné seulement d’Aaron alors que sur la montagne de la transfiguration Pierre, Jacques et Jean sont conviés par Jésus. Pierre, saisi par cet instant d’éternité, cet instant où la vision de Jésus transfiguré transporte son cœur dans la bonté et la beauté de Dieu, désire que cet instant dure et veut dresser trois tentes afin de prolonger la grâce de cette communion exceptionnelle. Car sur la montagne la chair de l’homme de Jésus laisse transparaître la divinité du Verbe de Dieu.

Ce moment de grâce se transforme soudain en raison de la théophanie manifestée par la nuée lumineuse, signe de la présence divine, celle de l’Esprit Saint, et par la voix du Père qui retentit. La réaction des disciples est significative :

Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte.

La crainte a succédé au sentiment de plénitude joyeuse qui était celui des disciples contemplant Jésus transfiguré. Dieu en Jésus se rend accessible à notre humanité. C’est la grâce du mystère de l’incarnation. Mais lorsque l’homme est confronté directement à la manifestation de Dieu il ressent crainte et effroi. C’est la raison pour laquelle lors des théophanies sur le mont Sinaï il est demandé au peuple de se tenir à distance. Un passage de la lettre aux Hébreux éclaire bien la différence entre les théophanies de l’Ancienne Alliance et la douce manifestation de Dieu en son Fils Jésus :

Vous n’êtes pas venus vers une réalité palpable, embrasée par le feu, comme la montagne du Sinaï : pas d’obscurité, de ténèbres ni d’ouragan, pas de son de trompettes ni de paroles prononcées par cette voix que les fils d’Israël demandèrent à ne plus entendre… Le spectacle était si effrayant que Moïse dit : Je suis effrayé et tremblant. Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste… Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une alliance nouvelle, et vers le sang de l’aspersion, son sang qui parle plus fort que celui d’Abel.

Seul Jésus est capable de réconforter ses disciples saisis de crainte : Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! » Cette expérience unique sur la montagne enseigne aux disciples que Jésus est véritablement le chemin qui conduit vers le Père. C’est lui qu’ils doivent écouter pour connaître Dieu. La conclusion de cet épisode est en effet riche d’enseignements pour nous : Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul.

Avec Jésus nous sommes en sécurité, avec lui la crainte de Dieu disparaît pour laisser la place à l’amour. Ne recherchons pas des révélations extraordinaires ou des visions, ne nous mettons pas à la suite de gourous, écoutons simplement Jésus dans son Evangile et recevons la grâce de la communion avec lui, grâce qui nous est offerte à chaque moment de notre existence. Chaque fois que nous communions au corps et au sang du Seigneur ressuscité nous vivons quelque chose de l’expérience faite par les disciples sur la montagne de la transfiguration, nous vivons un instant d’éternité dans la joie et la paix du Seigneur se donnant à nous pour nous conduire au Père.