lundi 23 avril 2012

Troisième dimanche de Pâques

Chez saint Luc le récit de l’apparition du Ressuscité aux disciples insiste sur le réalisme de la résurrection. Cet événement inconcevable et unique dans l’histoire de notre humanité n’a pas fait de l’homme Jésus un fantôme ou encore un pur esprit. Jésus n’est pas devenu un ange. Dans la Sainte Trinité le Père et l’Esprit sont des personnes purement spirituelles. Depuis Noël le Fils, la Parole de Dieu, s’est uni pour toujours à notre humanité. La glorification de Pâques n’enlève pas au Fils sa dimension corporelle. Celui qui est assis à la droite du Père ne s’est pas déshumanisé après sa résurrection. Au contraire il a glorifié et divinisé notre humanité. Le Fils de Dieu reste donc uni dans sa personne à notre humanité. Il demeure vrai Dieu et vrai homme. Celui qui se manifeste à ses apôtres est bien le même que celui qui est né de la Vierge Marie, a souffert sa Passion et a été crucifié : « C’est bien moi ! » Dans ce récit pascal Jésus insiste sur l’accomplissement des Ecritures. Il se fait le catéchète de ses disciples en leur ouvrant l’esprit à l’intelligence des Écritures comme il l’avait déjà fait avec les disciples d’Emmaüs sur la route. Il fait appel à leur mémoire : « Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous ». Ils doivent se rappeler et comprendre le sens de la première Alliance. Ils deviendront ensuite les témoins de ce que le Fils de Dieu a librement choisi de vivre pour entraîner à sa suite tous les hommes dans la gloire de la vie divine. Pour cela ils auront encore besoin de la force de l’Esprit de Pentecôte. Il est important pour nous de bien connaître la Bible et surtout les Evangiles. La lecture et la méditation des Evangiles est une source de grande paix spirituelle et de joie dans le Seigneur. L’un des buts principaux de la réforme liturgique de Vatican II a été de redonner la Parole de Dieu aux fidèles. Les Pères du Concile ont vivement encouragé tous les catholiques, et pas seulement les prêtres et les religieux, à méditer les textes bibliques dans leur vie quotidienne. Si nous n’en avons pas encore l’habitude nous pourrions commencer par préparer à la maison les lectures de la messe du dimanche. Ensuite il est bon que chaque catholique ait chez lui ce que j’appellerais une Bible de travail, c’est-à-dire une Bible dans laquelle on peut écrire, souligner, surligner, annoter etc. Une Bible très personnelle dans laquelle je n’hésite pas à mettre en valeur telle ou telle parole de Dieu qui m’a touché ou interpellé pour ensuite la retrouver plus rapidement. Saint Luc utilise la même expression que saint Jean (c’était dimanche dernier) pour décrire la manifestation du Ressuscité à ses disciples : « Lui-même était là au milieu d’eux ». « Au milieu d’eux » : voilà donc ce qui caractérise la présence de Jésus Vivant dans son Eglise. Non pas « en face d’eux » ou « au dessus d’eux », mais bien « au milieu d’eux ». Jésus ressuscité est donc au milieu de nous, parmi nous. Cela nous rappelle ce qu’il avait dit dans le même Evangile : « Le Royaume de Dieu est au milieu de vous » et aussi dans l’Evangile selon saint Matthieu : « Dès que deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux ». Ces expressions peuvent se comprendre au moins de deux manières : Jésus ressuscité est présent en chacun de nous et dans la communauté Eglise. C’est l’occasion de nous remémorer l’une des significations essentielles de la communion eucharistique. Lorsqu’à la messe nous communions au corps du Christ nous devenons nous-mêmes le corps du Christ. Membres de la communauté Eglise nous sommes réellement chacun pour notre part les membres du corps glorieux de Jésus-Christ. Dans l’histoire de l’art chrétien, rares sont les architectes qui ont construit des églises sur un plan circulaire. La plupart de nos églises ont la forme d’un rectangle ou d’une croix latine. Et pourtant le plan circulaire ou la croix grecque a l’avantage de montrer dans l’architecture la vérité de la présence du Ressuscité au milieu de nous, au milieu de son Eglise. En toute logique l’autel ne devrait pas être au fond du bâtiment église mais bien en son centre. Chaque célébration de la messe est d’abord le rassemblement des fidèles autour de l’autel. Chaque messe renforce notre appartenance au corps du Christ. Chaque messe nous invite à nous réjouir de sa présence dans la communauté et dans le sanctuaire de notre cœur, là où nous offrons le sacrifice d’adoration et de louange.

dimanche 15 avril 2012

Deuxième dimanche de Pâques

L’Evangile du deuxième dimanche de Pâques nous fait revivre l’expérience des disciples enfermés par peur des Juifs, le soir du dimanche de la résurrection, à Jérusalem. Jésus ressuscité se manifeste à eux en se tenant « au milieu d’eux ». Son corps glorifié porte les marques de la Passion. C’est donc bien le même Jésus qu’ils ont connu, suivi et aimé avant le drame de la croix. En même temps Jésus ressuscité n’a plus le même rapport à l’espace. Pour se tenir au milieu d’eux il ne passe pas par la porte, il n’a pas besoin de frapper à la porte pour qu’on lui ouvre. Les apôtres ont le privilège de vivre à l’avance la Pentecôte avec le don de l’Esprit. Alors qu’ils sont enfermés et paralysés par la peur, Jésus les envoie en mission. Il leur demande de sortir de cette pièce pour prêcher la bonne nouvelle de la résurrection et de la miséricorde de Dieu accordée aux hommes pécheurs. Pour cela ils doivent accueillir en eux le don de la paix et celui de l’Esprit. Jean note qu’ils furent « remplis de joie en voyant le Seigneur ». La suite du récit, huit jours plus tard, va nous permettre de réfléchir au fait de « voir » en rapport avec notre acte de foi. Thomas était absent au moment de cette manifestation du Seigneur. Cet apôtre illustre l’incrédulité, le besoin de voir, de vérifier par soi-même ce que les autres lui ont annoncé. S’il est une réalité qui se fait de plus en plus rare dans nos pays dits développés c’est bien la foi dans le Christ mort et ressuscité. Et pourtant nos contemporains sont probablement plus crédules que nos ancêtres. La foi et la crédulité sont deux attitudes bien différentes. Beaucoup de nos contemporains croient sans discuter ce que les media disent. Ce n’est qu’un exemple de leur crédulité. Bien souvent « la vérité » présentée par les media, surtout s’il s’agit de questions importantes pour la société, est une vérité arrangée, présentée sous un angle particulier, une vérité plus proche de la manipulation que de l’information. Plus grave encore ces nouvelles nous parlent bien plus souvent de faits divers et secondaires que des questions essentielles, celles qui gênent car elles remettraient en question le fonctionnement de notre société. Thomas, lui, ne veut pas croire au témoignage de ses frères sur un sujet essentiel : le Christ est ressuscité d’entre les morts ! Une annonce que l’on ne peut pas recevoir comme une information parmi tant d’autres : la bonne nouvelle de la résurrection nous oblige à prendre position de manière personnelle par rapport à l’enseignement de Jésus et à changer de vie. C’est peut-être pour cette raison que nos contemporains croient davantage aux nouvelles médiatiques qu’à la bonne nouvelle ! Grâce à l’absence de Thomas et à son incrédulité nous savons que nous sommes heureux de croire en Jésus sans l’avoir vu ressuscité. Il était absolument nécessaire que les saintes femmes et les apôtres voient le Christ vivant. Il fallait en effet fonder la foi de l’Eglise non pas sur la crédulité mais sur le témoignage solide des premiers disciples. C’est pour cette raison qu’entre le dimanche de Pâques et l’Ascension Jésus s’est manifesté à ceux qu’il avait choisis pour être les porteurs de la bonne nouvelle au monde. La première génération chrétienne a donc été celle des témoins directs, la génération apostolique. Depuis nous ne percevons plus la présence du Christ vivant au milieu de nous par la vision. Nous vivons sous le régime de la foi et de la grâce du don de l’Esprit Saint. Nous faisons tout autant que les premiers chrétiens l’expérience de la paix et de la joie de Pâques. Cette présence du ressuscité nous est donnée plus particulièrement dans les sacrements et surtout dans l’eucharistie et le sacrement du pardon, mais aussi dans la prière personnelle. Le Christ Vivant est au milieu de nous dans tous les aspects de notre vie humaine et pas seulement lorsque nous prions. Pour percevoir sa présence et en vivre nous avons bien sûr l’aide de l’Esprit Saint. Mais il est aussi essentiel de bien utiliser notre liberté pour nous mettre dans les dispositions les meilleures. Puisque la vue ne nous est d’aucune utilité dans ce domaine, c’est au niveau de notre intériorité, de notre cœur, que nous pouvons nous ouvrir toujours davantage à la venue du Seigneur. « Heureux ceux qui ont un cœur de pauvre, le Royaume des cieux est à eux ». Au plus nous agissons selon la vérité et la justice, au plus la présence du Seigneur nous sera donnée.

mardi 10 avril 2012

DIMANCHE DE PAQUES

« Si le Christ n’a pas été relevé, vide alors est notre proclamation, vide aussi votre foi » : cette affirmation de l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe nous montre que la résurrection du Seigneur est le fondement de toute notre foi et de notre vie dans le Christ. Pour préparer cette homélie j’ai relu dans les Evangiles tous les récits de Pâques. Si la résurrection est tellement importante pour nous, il est très intéressant de voir quel est le témoignage des Evangiles sur cet événement unique dans l’histoire de notre humanité. Il y a bien sûr des différences et des ressemblances entre les 4 Evangiles et l’on constate que Matthieu et Marc suivent une même tradition alors que Luc et Jean mettent l’accent sur d’autres aspects du mystère pascal. Un premier fait que nous risquons de passer sous silence est le suivant : aucun Evangile ne nous décrit le moment de la résurrection. Tous nous parlent de ce qui s’est passé après cet instant et pendant les 40 jours qui ont séparé Pâques de l’Ascension. L’événement en lui-même échappe donc aux yeux des hommes. Il reste enveloppé dans son caractère totalement transcendant, insaisissable pour nous. Par sa résurrection le Seigneur Jésus, nouvel Adam, inaugure une création nouvelle. De même qu’il n’y a eu, c’est évident, aucun témoin humain de l’instant où Dieu a commencé à créer l’univers et tout ce qu’il contient, de la même manière aucun témoin n’a vu Jésus sortir vivant du tombeau. Les saintes femmes, dont Marie de Magdala, sont les premières à se rendre au tombeau de bon matin le dimanche. Non pas parce qu’elles espèrent voir Jésus vivant… Elles viennent pour achever la toilette funéraire du cadavre avec des aromates, elles viennent embaumer le corps dans un dernier acte de fidélité et d’amour envers leur Maître. Et quand Marie Madeleine découvre le tombeau ouvert et vide, son premier réflexe est de penser que l’on a enlevé le corps du Seigneur. Si le tombeau est vide les femmes y rencontrent des êtres que les Evangiles nomment tour à tour l’ange du Seigneur, un jeune homme, deux hommes. La résurrection du Seigneur se manifeste donc d’abord en négatif par le signe du tombeau vide, par une absence : celle du corps torturé de Jésus devenu cadavre dans l’obscurité de la mort. Ces personnages rencontrés dans la tombe rassurent les femmes : « Soyez sans crainte ». Ils sont les premiers à leur délivrer le message de Pâques : « Il n’est pas ici, il s’est relevé. Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » Si Jésus n’est plus ici, alors il faut changer de lieu pour le trouver : c’est en Galilée que les messagers envoient les femmes, « c’est là que vous le verrez », et auprès des disciples pour qu’elles leur annoncent la nouvelle. Les Evangiles soulignent que les disciples ont refusé de croire, ils étaient loin d’être des illuminés crédules. Et même après avoir vu Jésus ils demeuraient dans le doute… Saint Jean nous les montre retourner à leur travail de pêcheurs en Galilée comme si rien ne s’était passé ! Un seul fait exception : l’apôtre Jean pour lequel la vision du tombeau vide suffit : « Il vit et il crut ». Après la découverte du tombeau vide le Seigneur ressuscité s’est manifesté à Marie Madeleine et aux apôtres ainsi qu’aux disciples d’Emmaüs. Dans la plupart des cas ils ne reconnaissent pas Jésus immédiatement : « leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître ». Et Marie prend même le ressuscité pour un jardinier ! Jésus ressuscité est donc à la fois le même et à la fois autre dans son apparence physique. Etant glorifié dans son corps il a la possibilité de se montrer à ses disciples « sous une forme différente ». Il se manifeste dans la pièce où sont enfermés les disciples alors que les portes sont fermées et sans frapper à la porte ! En même temps il n’est pas un pur esprit et pour en convaincre ses disciples il mange un morceau de poisson grillé. Si le moment de la résurrection a échappé aux regards humains, on peut dire de la même manière que le Ressuscité échappe à ce qui est de l’ordre de la seule expérience humaine. Un corps glorifié ne peut rentrer dans les cases de notre analyse rationnelle et de notre perception habituelle. D’ailleurs lorsque Marie Madeleine se saisit du corps ressuscité de son Seigneur pour lui signifier tout son attachement il lui répond : « Cesse de me toucher ». Et lorsque les disciples d’Emmaüs reconnaissent enfin la présence de Jésus au moment où il rompt le pain, il disparaît de devant eux. Jésus ressuscité se manifeste librement pour susciter la foi de ses disciples mais il refuse de se laisser posséder par eux. Jésus ressuscité, vrai Dieu et vrai homme, est transcendant, donc insaisissable. Les récits de Pâques nous montrent clairement pourquoi il se manifeste aux disciples : pour les envoyer en mission dans le monde entier : Allez ! Et à Pierre il répète : Suis-moi ! C’est en étant témoins de Jésus mort et ressuscité qu’ils le rencontreront dans leur vie. Jésus leur donne sa paix et son Esprit. Il se manifeste à eux non pas pour leur donner une présence sensible et permanente mais pour susciter leur foi : « Heureux ceux qui croient sans voir ». Parce qu’il est le Fils de Dieu Jésus Ressuscité est toujours à la fois présent et absent, ici et ailleurs. La foi ne nous permet pas de mettre la main sur lui mais nous invite à le rencontrer dans la Galilée de nos vies, là où il nous précède toujours. A la fin de l’Evangile selon saint Matthieu il nous fait cette merveilleuse promesse : « Moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ».

dimanche 1 avril 2012

DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION

Notre célébration du dimanche des Rameaux et de la Passion inaugure la semaine sainte, le moment liturgique le plus important de notre année chrétienne, moment qui aboutit à la solennité de Pâques. C’est au cours de cette grande semaine que nous écoutons à deux reprises, aujourd’hui et le vendredi saint, le récit de la Passion du Seigneur. Contrairement aux autres dimanches qui nous offrent de courts passages des Evangiles, le dimanche des Rameaux nous fait entendre le récit de la Passion dans son intégralité. Et cette année c’est saint Marc qui est notre guide. Dans ce récit il y a au centre la personne de Jésus qui va volontairement vers l’offrande de sa vie sur la croix et les différents acteurs de ce mystère. Marc nous rapporte un contraste étonnant entre les Juifs et les païens. Les autorités religieuses, à l’exception de Joseph d’Arimathie, veulent à tout prix la mort de Jésus. Cet homme n’est pour les grands prêtres qu’un blasphémateur. Pilate, lui, essaie de sauver Jésus en posant la question qui dérange : « Qu’a-t-il donc fait de mal ? », mais sa tentative est couverte par les cris de la foule manipulée par les prêtres. Et c’est un soldat de Pilate qui au pied de la croix confessera la vérité : Jésus n’est pas un blasphémateur, il est le Fils de Dieu ! Par sa mort en croix Jésus obtient immédiatement la conversion du premier païen, image des nombreuses nations qui formeront son Eglise. Jésus, quant à lui, parle très peu. De l’agonie à la croix Marc souligne que sa souffrance a été réelle et pas seulement physique, il a ressenti frayeur et angoisse : « Mon âme est triste à mourir ». Avec Matthieu il rapporte l’une des 7 paroles du Christ en croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », citation du psaume 21. La torture du corps du Christ atteint son âme et sa relation avec Dieu. Son cri n’exprime pas un doute mais l’immense détresse de son humanité. Dans cette interrogation Jésus assume la souffrance de tous les justes persécutés au cours de l’histoire avant et après lui. Il prend sur lui toute cette masse d’injustice pour l’offrir à Dieu qui, seul, peut lui donner un sens : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés ».