dimanche 29 mars 2015

Dimanche des Rameaux et de la Passion / B



29/03/15

Tout au long de sa Passion Jésus parle très peu. Lui qui est le Verbe de Dieu, lui qui pendant trois années a enseigné les foules et le groupe des apôtres choisit de se taire. Face au grand prêtre et à Pilate, le Seigneur ne se défend pas, il refuse de répondre aux accusations qui lui sont adressé, « si bien que Pilate s’en étonnait ». Lorsqu’il accepte de répondre aux questions qui lui sont posé, ce n’est pas pour se justifier ni pour se défendre, c’est pour affirmer le mystère de sa personne et de sa relation unique avec son Père. Face au grand prêtre, il déclare être le Messie, « le Fils du Dieu béni » : « Vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel ». A Pilate qui lui demande s’il est le roi des Juifs, il répond par une formule ambigüe : « C’est toi qui le dis ». En affirmant la vérité de son être divin en présence du grand prêtre, Jésus sait très bien qu’il se condamne lui-même à mort. En ce sens il est le martyr de la vérité sur Dieu, un Dieu unique mais un Dieu qui est aussi relation vivante entre trois personnes divines. C’est cette affirmation indirecte du mystère de la sainte Trinité qui lui vaut l’accusation de blasphème et le supplice de la croix.
Saint Marc encadre le récit de la Passion du Seigneur par deux paroles qui nous montrent la vérité de son humanité. Face à l’horreur de la mort sur la croix, Jésus ne se comporte pas en super héros : il souffre dans son âme et dans corps et n’hésite pas à le dire clairement. A Gethsémani il demande au Père d’éloigner de lui la coupe du supplice. « Mon âme est triste à en mourir ». A l’autre bout du récit de la Passion, alors qu’il se trouve sur la croix, il crie d’une voix forte : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » C’est la seule parole du Christ crucifié que nous trouvons chez saint Marc.
Remarquons enfin que le plus bel acte de foi en Jésus lors de sa Passion ne vient pas de ses apôtres, de ses disciples ou encore des responsables religieux du peuple Juif mais bien d’un païen, qui plus est d’un militaire symbolisant l’occupation romaine de la Judée. C’est la profession de foi du centurion qui, « voyant comment Jésus avait expiré, s’écria : Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ! » Le premier fruit de l’amour du Christ donnant sa vie c’est donc la conversion d’un centurion romain. Ce qui se passe sur le Golgotha dans un petit pays occupé il y a plus de 2000 ans a une portée universelle qui dépasse les frontières du temps et de l’espace. Cet événement nous rejoint aujourd’hui parce que le Seigneur est ressuscité d’entre les morts et qu’il nous a donné son Esprit.

dimanche 22 mars 2015

Cinquième dimanche de Carême / B

22/03/15

Jean 12, 20-33

« Nous voudrions voir Jésus » : cette demande de certains Grecs à l’apôtre Philippe va bien au-delà de la simple curiosité. Elle nous rappelle la démarche de Zachée qui, étant petit de taille, monta sur un sycomore afin de voir Jésus qui devait passer par là. Ici le verbe « voir » signifie plutôt « connaître ». Nous voudrions découvrir qui est vraiment cet homme nommé Jésus de Nazareth. Le Seigneur ne semble pas répondre directement à la demande des Grecs. L’Evangile ne nous dit pas qu’il a été à leur rencontre pour qu’ils puissent le voir… Mais il parle de « service » : pour voir Jésus, il faut être prêt à le servir, donc à le suivre : « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur ». Servir et suivre Jésus, c’est l’imiter en s’inspirant de ses paroles, de ses pensées et de ses actes. La Parole de Dieu s’est incarnée en s’unissant à l’humanité de Jésus de Nazareth. Lorsque nous servons et suivons le Christ, nous lui permettons de prolonger en chacun de nous le mystère de son incarnation.
Comment pouvons-nous imiter le Christ notre Seigneur ? De bien des manières. La vie des saints et des saintes nous montre la richesse et la diversité de la vie chrétienne en fonction des dons du Saint Esprit et des appels du Père. Mais avant l’Heure de sa Passion, Jésus nous livre ce qui constitue le secret de sa vie et de sa mission : le don de soi, le don de sa personne pour tous ses frères les hommes. Un don d’amour capable de faire reculer les puissances du mal et de rendre présent au milieu de nous le Règne de Dieu. Voilà le point commun entre tous les disciples du Christ, voilà ce qui rassemble les saints et les saintes dans une même communion : la fécondité d’une vie donnée au Christ. Jésus exprime de deux manières ce don de lui-même pour le salut du monde : avec l’image du grain de blé tombé en terre et avec celle de l’élévation de terre. Remarquons que ces deux images sont contraires dans les apparences : tomber et s’élever. Le grain qui meurt enfoui et caché dans la terre donne beaucoup de fruit et Jésus, élevé de terre sur la croix, attirera à lui tous les hommes. La signification de la mort est inversée dans le mystère pascal de Jésus. Car c’est en vivant par amour sa mort sur la croix qu’il devient source de vie pour tous ceux qui le suivront. Le suivre signifiant écouter sa parole pour la mettre en pratique.
La prière d’ouverture de cette messe résume parfaitement le message que Jésus délivre dans l’Evangile aux Grecs et à tous ceux qui désirent le voir :

« Que ta grâce nous obtienne, Seigneur, d’imiter avec joie la charité du Christ qui a donné sa vie par amour pour le monde ».

dimanche 8 mars 2015

Troisième dimanche de Carême / B

8/03/15

Jean 2, 13-25

Dimanche dernier nous avons contemplé Jésus transfiguré sur la montagne. La transfiguration était une merveilleuse annonce de la gloire de la résurrection, le jour de Pâques. L’Evangile de ce troisième dimanche de Carême est aussi pascal, non seulement parce qu’il se situe juste avant la fête de la Pâque, mais surtout parce qu’il annonce, lui aussi, la résurrection du Seigneur : « Détruisez ce Temple, et en trois jours, je le relèverai… Le Temple dont il parlait, c’était son corps ».
L’épisode des marchands chassés du Temple par Jésus peut nous poser un problème de compréhension, donc d’interprétation. Car c’est le seul moment dans l’Evangile où le Seigneur, « doux et humble de cœur », se montre violent. D’autant plus que saint Jean, contrairement aux autres évangélistes, mentionne un fouet fait de cordes avec lequel Jésus met à la porte les marchands et leurs animaux, nécessaires aux sacrifices de la Pâque. Bien sûr l’évangéliste ne dit pas que Jésus les a frappés avec ce fouet, simplement qu’il les a chassés… Mais cela n’en demeure pas moins un geste violent. Au chapitre 23 de saint Matthieu, nous pouvons trouver l’équivalent de ce geste en paroles : les sept malédictions contre les pharisiens font partie des très rares paroles violentes mises dans la bouche du Seigneur. Non seulement les pharisiens sont traités d’hypocrites et de guides aveugles, mais Jésus les interpelle avec une sévérité extrême : « Serpents, race de vipères, comment échapperez-vous au jugement de l’enfer ? » Ce vocabulaire particulièrement dur rappelle celui de Jean le baptiste. A propos des marchands chassés du Temple, certains ont parlé de « sainte colère » de la part de Jésus. Qu’est-ce qui peut donc expliquer cette colère, unique dans les évangiles ? Le fait que certains Juifs aient profité du culte et de la fête de Pâque pour faire du commerce dans l’enceinte de cet édifice sacré. En les mettant à la porte, Jésus ne remet pas en question le culte ni les sacrifices. Il veut simplement séparer d’une manière très stricte ce qui relève du commerce de ce qui relève du culte. C’est à l’aide d’un verset du psaume 69 que les disciples essaient de comprendre cette scène inhabituelle : « L’amour de ta maison fera mon tourment ». Nous le constatons, Jésus est attaché au caractère sacré du Temple de Jérusalem, même si un peu plus loin, dans le même Evangile, il annonce à la femme de Samarie un nouveau culte : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père… L’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »
Le chapitre 16 de saint Luc peut nous aider à comprendre cette colère du Seigneur. Jésus y parle de l’argent malhonnête et de l’incompatibilité entre le culte divin et l’amour de l’argent : « Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. Quand ils entendaient tout cela, les pharisiens, eux qui aimaient l’argent, tournaient Jésus en dérision. » Nous pourrions peut-être nous poser la question de la quête au cœur de la messe. Cependant la quête n’est pas assimilable à un acte de commerce, puisque l’on peut très bien participer à la messe sans rien donner à la quête. Le sens de la quête n’est donc pas celui d’acheter sa place lors du culte divin mais de participer au sacrifice du Christ pour la vie matérielle de la communauté. Lui a donné sa vie pour nous, il a offert son corps en sacrifice, abolissant ainsi le sacrifice des animaux et le culte du Temple de Jérusalem. Les fidèles, en faisant leur offrande, se détachent d’une certaine somme d’argent représentant leur travail quotidien pendant une semaine.

Enfin, en lien avec la première lecture, nous pourrions évoquer des questions d’actualité qui nous montrent comment le culte de l’argent a tendance à toujours diminuer la part du sacré qui demeure dans nos sociétés. « Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié. » En France, un gouvernement étiqueté « socialiste » n’a de cesse de promouvoir l’ouverture des magasins le dimanche et donc de réduire le caractère sacré du repos dominical. Jésus se serait certainement mis dans « une sainte colère » devant cet empiétement de l’appât du gain et du commerce sur la sanctification du jour qui est consacré à la célébration de sa résurrection !

dimanche 1 mars 2015

Deuxième dimanche de Carême / B

1er mars 2015

Marc 9, 2-10

De l’épreuve à la gloire : tel est le chemin que la liturgie nous fait parcourir avec Jésus en ce début de Carême. Du désert de la tentation à la montagne de la transfiguration. Les évangiles des deux premiers dimanches de Carême annoncent déjà le mystère pascal que nous célébrerons tout au long de la semaine sainte : souffrance, mort et résurrection du Seigneur.
L’événement de la transfiguration est une révélation pour les trois apôtres choisis par Jésus pour en être les témoins privilégiés. A ce moment précis l’humanité de Jésus devient en quelque sorte transparente et laisse apparaître de manière visible la gloire de la divinité. La blancheur éblouissante des vêtements du Seigneur en est un signe. Face à cette révélation, les apôtres ont deux réactions qui semblent contradictoires. D’une part Pierre semble goûter la beauté de cette vision : « Il est heureux, il est bon que nous soyons ici ! ». D’autre part les apôtres sont effrayés à la vue de ce spectacle. Voir Dieu sur cette terre est en effet une expérience éprouvante. C’est la raison pour laquelle nous le connaissons par la médiation de la foi tant que nous sommes vivants de cette vie terrestre. La vision de Dieu face à face, ce sera dans l’au-delà, après, si nous en avons besoin, la purification du purgatoire. L’expérience des apôtres sur la montagne nous renvoie à notre propre expérience de la prière. Nous ne voyons pas Jésus transfiguré, nous le contemplons dans la foi et l’amour. Le Seigneur Ressuscité peut nous accorder cette grâce de goûter avec joie sa présence dans la prière. Nous aussi, nous pouvons parfois dire avec Pierre : « Comme il est heureux que nous soyons ici ! » Mais la prière n’est pas toujours aussi facile pour nous. Etre fidèle chaque jour à ce rendez-vous avec le Seigneur peut parfois constituer une épreuve car Dieu nous semble absent et lointain. Nous ne devons pas nous effrayer ou nous inquiéter de ces alternances de moments faciles et difficiles dans notre relation avec Dieu. La foi n’est pas une réalité statique, mais dynamique, la foi est vivante en nous. Les moments de grâce nous sont donnés pour persévérer lorsque la prière se fait pesante, quand nous avons l’impression de nous adresser à un mur. L’expérience de la transfiguration a été unique dans la vie des apôtres et elle n’a probablement pas duré très longtemps. Ne l’oublions pas !
En demandant le silence à ses apôtres jusqu’au jour de Pâques sur cette expérience unique, le Seigneur nous donne lui-même le sens de la transfiguration. En laissant transparaître sa gloire divine, il annonçait le mystère de sa propre résurrection d’entre les morts. Sur la montagne c’est donc comme un avant-goût de Pâques qui a réjoui et effrayé les trois apôtres. Ils se demandaient en effet « ce que voulait dire : ressusciter d’entre les morts ».

Le mystère lumineux de la transfiguration manifeste toute la nouveauté de l’Alliance que Jésus vient accomplir en sa personne. Tout d’abord la nouveauté de la personne de Jésus elle-même. Il n’est pas un prophète comme ceux d’autrefois, il n’est pas seulement le Messie, il est Dieu dans le mystère de sa relation unique avec le Père. Ensuite la nouveauté de l’annonce de la résurrection. En Jésus et avec lui notre humanité est parfaitement glorifiée au matin de Pâques. La contemplation de Jésus transfiguré nous donne donc accès à ce qui constitue le propre de notre foi : En Jésus Dieu s’est fait homme, il a épousé notre condition humaine et l’a vécue jusqu’à la mort. En Jésus nous sommes promis à la gloire de la résurrection, nous participons à sa victoire définitive sur le mal et la mort. A chaque messe le pain et le vin sont eux aussi « transfigurés » par l’Esprit et nous communiquent ainsi la présence du Seigneur ressuscité.