lundi 26 décembre 2011

NATIVITE DU SEIGNEUR

Dans la nuit de Noël saint Luc nous invite à nous rendre à la crèche avec les bergers pour y contempler l’enfant-Dieu. La messe du jour de Noël nous fait entendre l’un des plus beaux textes de toute la Bible : le prologue de l’Evangile selon saint Jean. Dans un style solennel et théologique l’évangéliste essaie de nous faire pénétrer dans le mystère de l’incarnation. Il relie la naissance du bébé de Bethléem à toute l’histoire du salut. Ce bébé qui deviendra enfant puis homme c’est le Verbe de Dieu, la Parole du Père. La manière avec laquelle saint Jean écrit le début de son Evangile nous livre un message particulièrement significatif : « Au commencement était le Verbe… ». Son Evangile débute en effet avec les mêmes mots que le premier livre de la Bible, la Genèse : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre ». Ce parallèle nous donne le sens de la naissance de l’enfant Jésus. Il naît pour commencer une création nouvelle, il vient parmi nous pour reprendre toute l’œuvre de la création et ainsi la sauver. D’ailleurs l’évangéliste souligne que Dieu a fait la première création par sa parole. C’est par son Verbe qu’il donne à tous les êtres l’existence : « Par lui, tout s’est fait, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui… Il était dans le monde, lui par qui le monde s’était fait ». Dans sa lettre aux Romains saint Paul enseignera aux premiers chrétiens cette vérité : Jésus est le nouvel Adam, l’homme nouveau. De même que tous sont devenus pécheurs parce qu'un seul homme (Adam) a désobéi, de même tous deviendront justes parce qu'un seul homme (Jésus) a obéi. Ainsi donc, de même que le péché a établi son règne de mort, de même la grâce, source de justice, devait établir son règne pour donner la vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur. La naissance du bébé de Bethléem nous indique la voie de notre salut. Nous aussi nous devons renaître et devenir ainsi des hommes nouveaux dans le Christ. C’est ce que Jésus enseigne à Nicodème dans le même Evangile, deux chapitres plus loin : Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de renaître, ne peut voir le règne de Dieu. Personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair n'est que chair ; ce qui est né de l'Esprit est esprit. Et nous retrouvons un enseignement identique dans le prologue : Tous ceux qui l'ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d'une volonté charnelle, ni d'une volonté d'homme : ils sont nés de Dieu. Nous comprenons que notre nativité à nous correspond au jour où nous avons reçu le sacrement du baptême. Ce jour-là nous sommes devenus des créatures nouvelles dans le Christ. Mais la grâce du baptême qui nous est donné à chaque instant de notre vie a besoin de notre participation active pour produire tous ses fruits. Le baptême nous invite à laisser derrière-nous le vieil homme avec ses désirs égoïstes pour devenir un homme nouveau à la suite du nouvel Adam. Maurice Zundel caractérise ainsi la sainte humanité du Verbe de Dieu : « Le Christ, dont l’humanité diaphane échappe à toute limite, nous présente, tout ensemble, l’homme parfaitement libéré et Dieu parfaitement révélé ». Voilà le but du mystère de Noël : que nous devenions vraiment hommes selon le cœur de Dieu en renaissant. Pour y parvenir tout au long de notre vie nous avons à « faire la vérité » pour reprendre une expression de Jésus : « Celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient reconnues comme des œuvres de Dieu. » Nous ne possédons pas la vérité, nous nous laissons posséder par elle. Pour un chrétien la vérité c’est la personne même de Jésus. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas vivre la grâce de notre baptême, renaître pour devenir des hommes nouveaux, tant que nous n’avons pas fait l’expérience de la présence de Dieu en nous. C’est cette expérience qui a bouleversé saint Augustin et dont il rend compte dans les Confessions : « Trop tard je t’ai aimée, Beauté toujours ancienne et toujours nouvelle, trop tard je t’ai aimée. Et pourtant tu étais dedans et moi dehors. Et c’est là que je te cherchais… Tu étais avec moi ! C’est moi qui n’étais pas avec toi. » A Noël nous célébrons l’Emmanuel, Dieu avec nous. Renaître à une vie nouvelle c’est découvrir la présence du Dieu Trinité en nous. Dieu a toujours été présent à sa création. A Noël sa présence se manifeste au plus haut point dans la sainte humanité de l’enfant Jésus. Ce n’est donc pas Dieu qui est absent, c’est nous qui sommes distraits et étourdis. Pour renaître et faire la vérité il s’agit de nous rendre présents chaque jour à la présence de Dieu en nous, particulièrement par la prière et la méditation. Nous vivrons alors la vérité enseignée par le pape saint Grégoire le grand : « Le ciel, c’est l’âme du juste ».

dimanche 18 décembre 2011

Quatrième dimanche de l'Avent

La liturgie du 4ème dimanche de l’Avent nous prépare directement à la célébration du mystère de Noël. Le récit de l’Annonciation à Marie est comme le prologue qui nous introduit au mystère de l’incarnation. Ce mystère d’un Dieu qui, par amour, s’est pour toujours uni à notre nature humaine est une réalité qui est demeurée cachée. Ce qui s’est passé dans la maison de Marie et ensuite à la crèche n’a été révélé qu’à un tout petit nombre de personnes parmi lesquelles Marie, Joseph, les bergers et les mages. Aucun journaliste n’était présent pour rendre publique cette nouvelle inouïe : La Parole de Dieu s’est faite chair dans le sein d’une jeune fille nommée Marie. L’événement le plus extraordinaire et le plus important de l’histoire de notre humanité est passé inaperçu. Si nous le connaissons, si nous le célébrons, c’est uniquement grâce aux témoins, dont saint Luc est le premier chaînon, qui nous ont transmis la bonne nouvelle des épousailles entre Dieu et notre humanité dans le sein de la Vierge Marie. Un proverbe affirme que le bien ne fait pas de bruit. Les grandes actions de Dieu en notre faveur suivent la même logique. Elles ne s’imposent pas à notre liberté de manière fracassante. Elles s’accomplissent dans la discrétion. Et surtout elles ont toujours besoin du consentement de l’homme pour se réaliser. Sans le « oui » de Marie il n’y aurait pas eu d’incarnation. Sans le « oui » de Joseph, son fiancé, Jésus n’aurait pas pu être le descendant du roi David. Au moment où Gabriel la visite, Marie se trouve dans sa maison à Nazareth. C’est en effet la jeune fille de Nazareth que Dieu a choisi pour se construire une demeure parmi les hommes. Non pas un temple fait de pierres comme en rêvait le roi David mais un cœur de chair, un cœur humain, un cœur pur « comblé de grâce ». Si vous regardez dans vos Bibles une carte de la Palestine de l’Ancien Testament, essayez de trouver Nazareth sur cette carte ! Vous ne trouverez pas le nom de ce bourg qui n’est pas cité une seule fois dans tout l’Ancien Testament. Les choix de Dieu sont étonnants. Ce n’est pas à Jérusalem, la grande ville religieuse, la cité du roi David en Judée, qu’habite la Vierge choisie par le Père. Mais dans une ville inconnue et même méprisée par les Juifs… Lorsque Philippe présente à Nathanël Jésus de Nazareth, celui-ci répond : « De Nazareth ? Qu’est-ce qui peut en sortir de bon ? » Nazareth, au nord d’Israël, se situe dans cette région frontalière avec les païens, la Galilée. Contrairement aux représentations classiques de cette scène, Luc ne nous dit pas que Marie était en prière lorsque l’ange la visita. Elle était chez elle, vaquant probablement à ses occupations quotidiennes. Dieu choisit donc un cadre banal, ordinaire, quotidien pour révéler à Marie sa grande décision en faveur de notre humanité. A l’égard de Marie Dieu use d’une grande délicatesse. Gabriel ne lui révèle pas l’identité profonde du fils qu’elle va enfanter par l’action de l’Esprit Saint en elle. Cette identité profonde ainsi que la mission divine de son fils, Marie devra la découvrir au fil des années jusqu’au moment où elle se retrouvera au pied de la croix avec Jean. C’est seulement à ce moment-là qu’elle comprendra la signification véritable des paroles de l’ange : « Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin ». Gabriel demande à la jeune fille d’être la mère du Messie dans une perspective limitée à l’horizon juif. Elle enfantera un roi puissant, descendant de David. Et c’est à ce projet de Dieu qu’elle doit répondre « oui » pour le moment. Ce premier oui en exigera un autre, peut-être beaucoup plus difficile à donner. En contemplant son fils crucifié Marie, avec l’aide de l’Esprit Saint, comprendra qui est le Messie et quelle est sa mission. A ce moment là il faudra qu’elle dise aussi « oui » à un Messie humilié, à un roi serviteur, au Fils du Très-Haut dans son abaissement le plus extrême. Elle comprendra que si, par grâce de Dieu, elle a donné naissance au Messie, ce n’est pas pour restaurer la puissance politico-religieuse de son peuple mais pour permettre à tout homme de devenir la demeure du Dieu Très-Haut et trois fois Saint. La logique du mystère de l’incarnation est celle de la grandeur de notre quotidien le plus banal, celle de l’universalité de l’amour divin. Mais nous avons bien besoin de toute notre vie pour vivre de ce mystère. Car c’est en chacun de nous que Jésus vivant veut se rendre présent en nous unissant à lui.

dimanche 11 décembre 2011

Troisième dimanche de l'Avent

En ce troisième dimanche de l’Avent l’Evangile selon saint Jean nous remet devant les yeux la figure de Jean le baptiste. Nous l’avons déjà rencontré dimanche dernier. Il est dans un endroit désertique où il attire les foules en leur donnant un baptême de conversion. Sa présence, son activité et probablement son succès posent des questions aux responsables religieux du peuple à Jérusalem. Des prêtres, des lévites et des pharisiens sont donc envoyés pour lui poser des questions. La première de ces questions porte sur son identité : qui est donc cet homme nommé Jean ? A trois reprises Jean répond par la négative : « Je ne suis pas… ». Il ne rentre dans aucune des cases par lesquelles on voudrait le définir. Et il se définit lui-même en citant le prophète Isaïe : « Je suis la voix qui crie à travers le désert ». Jean est envoyé par Dieu, il est son messager, son prophète. Son message, si l’on se réfère à Isaïe, est un message de consolation pour le peuple tout entier. « Je ne suis pas le Messie », ce qui revient à dire : « Je ne suis pas le Christ ». La première lecture, extraite du prophète Isaïe, nous présente justement la figure du Christ sur lequel repose l’Esprit du Seigneur ainsi que sa mission : « porter la bonne nouvelle aux pauvres etc. ». Puisque Jean ne correspond pas dans son identité à ce que les Juifs voyaient en lui, ils lui demandent des comptes sur son activité. C’est leur deuxième question qui ressemble à une accusation : « Si tu n’es ni le Messie, ni Elie, ni le grand prophète, pourquoi baptises-tu ? » Alors que Jean est un ami de la vérité, un homme profondément humble, ils voient en lui un usurpateur, un charlatan. S’il n’est qu’une voix qui crie dans le désert, de quel droit baptise-t-il ? Le même genre de question sera posé à Jésus lui-même dans le chapitre qui suit à l’occasion de la scène des marchands chassés du temple : « De quel droit fais-tu cela, quel signe nous montres-tu ? » C’est la question de l’autorité qui donne le droit d’agir. On demande donc à Jean de se justifier. Et sa seule justification consiste à parler du Christ, celui qui vient derrière lui, après lui, mais qui est infiniment plus grand que lui : « Je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale ». Ce qui signifie : je ne suis même pas digne d’être son esclave. C’est l’esclave qui, à l’arrivée de son maître à la maison, se mettait à genoux pour lui enlever ses chaussures. Donc Jean ne répond pas directement à la question. Et il va même plus loin en s’adressant à ces hommes spécialistes de la religion juive : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ». C’est une manière polie de leur révéler leur ignorance quant à l’identité du Messie. Jean en sait plus qu’eux sur ce point. Notons aussi qu’il entretient le mystère en ne nommant pas celui qui vient après lui et qui se tient pourtant au milieu du peuple. Dans sa manière de répondre aux autorités, Jean pratique la théologie négative : celle qui dit de Dieu ce qu’il n’est pas pour laisser entrevoir que Dieu ne peut jamais être saisi ni connu par un esprit humain. « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas » : En ce temps de l’Avent nous sommes concernés par cette affirmation de Jean. Car quel chrétien peut dire qu’il connaît vraiment Jésus ? Et que signifie donc « connaître Jésus » ? Le catéchisme et la théologie sont utiles mais ne suffisent pas à nous donner la connaissance de « celui qui se tient au milieu de nous ». Cette expression suggère que la connaissance du Christ passe nécessairement par une expérience personnelle de sa présence et de sa proximité. Cette expérience personnelle nous pouvons la vivre dans la solitude de notre chambre comme dans les célébrations en Eglise. Elle peut coïncider avec la méditation des Evangiles et la célébration des sacrements. Mais la personne de Jésus est toujours plus grande que ces moyens qui nous sont donnés pour le connaître et vivre en communion avec lui. Le mystère du Christ est infiniment riche et c’est pour cette raison que nous ne le connaitrons jamais en plénitude ici-bas. Sur ce chemin, la voix de Jean nous invite à toujours marcher, toujours progresser, sans nous arrêter ni nous décourager. Le Christ est toujours en avant de nous, même s’il est déjà au milieu de nous. Et l’un des meilleurs moyens de le connaître, n’est-ce pas de mettre en pratique le commandement qu’il nous a laissé ? Celui de l’amour du prochain qui implique esprit de service, humilité, bienveillance, confiance et capacité de pardonner.