mardi 29 juin 2021

Saints Pierre et Paul

 


Saints Pierre et Paul 2021

L’Eglise associe dans une même célébration les apôtres Pierre et Paul. Le livre du nouveau Testament qui nous rapporte les commencements de la foi chrétienne, les Actes des Apôtres, se divise en deux parties : dans la première prédomine la figure de Pierre, dans la seconde celle de Paul. Ce livre écrit par saint Luc comme la suite de son Evangile se termine de manière inachevée avec Paul à Rome :

Paul demeura deux années entières dans le logement qu’il avait loué ; il accueillait tous ceux qui venaient chez lui ; il annonçait le règne de Dieu et il enseignait ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec une entière assurance et sans obstacle.

Il est significatif que le livre des Actes des Apôtres commence à Jérusalem et s’achève à Rome. Pierre et Paul ont contribué, chacun selon la vocation qui était la sienne, à répandre l’Evangile du Christ dans la partie orientale de l’Empire romain et cela jusqu’en son centre, Rome, en partant de Jérusalem et en passant par la Grèce. Les noms de la plupart des lettres de Paul nous montrent cette géographie de la première évangélisation, et donc de la foi.

Les deux apôtres étaient des hommes très différents. Pierre, un pécheur du lac de Galilée, Paul, un citoyen romain ayant fait des études et originaire de la ville de Tarse, capitale de la province romaine de Cilicie, au sud de l’actuelle Turquie. Pierre fait partie des quatre premiers disciples appelés par Jésus alors que Paul n’a jamais connu le Jésus d’avant Pâques mais uniquement Jésus ressuscité qui s’est révélé à lui alors qu’il persécutait les chrétiens. Habituellement on affirme que Pierre fut l’apôtre des Juifs ou des circoncis et Paul l’apôtre des païens ou des incirconcis. Cela est vrai même s’il ne faut pas oublier l’épisode du chapitre 10 du livre des Actes dans lequel Pierre, suite à une vision, accepte d’entrer dans la maison du païen Corneille, centurion de la cohorte italique, et le baptise ainsi que sa maisonnée après lui avoir annoncé le mystère du Christ.

Vous savez qu’un Juif n’est pas autorisé à fréquenter un étranger ni à entrer en contact avec lui. Mais à moi, Dieu a montré qu’il ne fallait déclarer interdit ou impur aucun être humain… En vérité, je le comprends, Dieu est impartial : il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes.

Lors de son premier voyage missionnaire Paul, accompagné de Barnabé, se tourne vers les païens après avoir constaté le rejet de l’Evangile par ses frères de race auxquels il adresse la parole dans la synagogue d’Antioche de Pisidie dans l’actuelle Turquie :

C’est à vous d’abord qu’il était nécessaire d’adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les nations païennes. C’est le commandement que le Seigneur nous a donné : J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » En entendant cela, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur.

Au chapitre 15 des Actes, Luc nous décrit l’assemblée de Jérusalem dans laquelle on discuta vivement de l’ouverture missionnaire de la première Eglise :

Des gens, venus de Judée à Antioche, enseignaient les frères en disant : « Si vous n’acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » Cela provoqua un affrontement ainsi qu’une vive discussion engagée par Paul et Barnabé contre ces gens-là. Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question.

Bref la question était essentielle pour l’avenir de l’Eglise : sommes-nous sauvés par la foi en Jésus et le baptême ou bien la circoncision est-elle toujours nécessaire pour les chrétiens issus du paganisme ? Ce sera le thème de la lettre de Paul aux Galates. Dans la version que Luc donne de l’assemblée de Jérusalem Pierre, Paul et Jacques refusent l’obligation de la circoncision pour les Gentils. Et c’est Pierre qui prend la parole en premier en se présentant comme l’apôtre des païens, comme s’il était Paul !

Frères, vous savez bien comment Dieu, dans les premiers temps, a manifesté son choix parmi vous : c’est par ma bouche que les païens ont entendu la parole de l’Évangile et sont venus à la foi. Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage en leur donnant l’Esprit Saint tout comme à nous ; sans faire aucune distinction entre eux et nous, il a purifié leurs cœurs par la foi. Maintenant, pourquoi donc mettez-vous Dieu à l’épreuve en plaçant sur la nuque des disciples un joug que nos pères et nous-mêmes n’avons pas eu la force de porter ? Oui, nous le croyons, c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés, de la même manière qu’eux.

Cependant dans sa lettre aux Galates Paul témoigne du vif désaccord qui l’opposa à Pierre :

Mais quand Pierre est venu à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, parce qu’il était dans son tort. En effet, avant l’arrivée de quelques personnes de l’entourage de Jacques, Pierre prenait ses repas avec les fidèles d’origine païenne. Mais après leur arrivée, il prit l’habitude de se retirer et de se tenir à l’écart, par crainte de ceux qui étaient d’origine juive. Tous les autres fidèles d’origine juive jouèrent la même comédie que lui, si bien que Barnabé lui-même se laissa entraîner dans ce jeu. Mais quand je vis que ceux-ci ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre devant tout le monde : « Si toi qui es juif, tu vis à la manière des païens et non des Juifs, pourquoi obliges-tu les païens à suivre les coutumes juives ? »

Malgré ces différences et parfois ces tensions entre eux, Pierre et Paul ont été animés par le même amour du Christ et par la même foi. Leur vocation était différente comme en témoigne Paul lui-même dans sa lettre aux Galates :

Ils ont constaté que l’annonce de l’Évangile m’a été confiée pour les incirconcis (c’est-à-dire les païens), comme elle l’a été à Pierre pour les circoncis (c’est-à-dire les Juifs). En effet, si l’action de Dieu a fait de Pierre l’Apôtre des circoncis, elle a fait de moi l’Apôtre des nations païennes.

Unis par une même foi, un même attachement au Christ Seigneur, et un zèle missionnaire incomparable, Pierre et Paul ont été aussi unis par une même mort, celle du martyre, dans la même ville, Rome, l’un en 64, l’autre en 67, l’un crucifié à l’envers dans le cirque de Caligula et de Néron sur le site du Vatican, l’autre décapité sur la voie qui menait à Ostie. C’est la raison pour laquelle l’Eglise catholique est qualifiée de romaine, car fondée sur la foi des deux plus grands apôtres ayant rendu le témoignage suprême du martyre dans la capitale d’un Empire qui avait alors les dimensions du monde connu et qui se confondait avec ce que l’on appelait en langue grecque l’oikuméné, l’ensemble du monde habité, mot qui a donné en français œcuménisme. L’histoire de Pierre et de Paul est donc celle de l’ouverture catholique, c’est-à-dire universelle et pour tous les peuples et toutes les cultures, de la petite Eglise juive des origines.


dimanche 27 juin 2021

13ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

27/06/2021

2 Corinthiens 8, 7-15

Au cours de l’année 48, il y eut une famine en Judée et à Jérusalem en raison de la mauvaise récolte de l’année précédente. Dans la deuxième lecture l’apôtre Paul parle aux chrétiens de Corinthe d’une collecte pour venir en aide à la communauté de Jérusalem. Il est intéressant de voir comment il les motive afin qu’ils se montrent généreux.

Puisque vous avez tout en abondance, la foi, la Parole, la connaissance de Dieu, toute sorte d’empressement et l’amour qui vous vient de nous, qu’il y ait aussi abondance dans votre don généreux !

La participation des Corinthiens à la collecte est donc une expression concrète de l’amour et de la foi qui les habitent. La générosité des disciples dans le partage de leurs biens matériels reflète la générosité avec laquelle Dieu les a comblés de dons spirituels.

Pour les motiver à donner Paul utilise tout d’abord l’émulation : Ce n’est pas un ordre que je donne, mais je parle de l’empressement des autres pour vérifier l’authenticité de votre charité.

En effet les chrétiens de Macédoine ont déjà participé à la collecte avec une grande générosité : Dans les multiples détresses qui les mettaient à l’épreuve, l’abondance de leur joie et leur extrême pauvreté ont débordé en trésors de générosité. Ils y ont mis tous leurs moyens, et davantage même, j’en suis témoin ; spontanément, avec grande insistance, ils nous ont demandé comme une grâce de pouvoir s’unir à nous pour aider les fidèles de Jérusalem.

En donnant, les chrétiens de Macédoine ont eu conscience de recevoir une grâce de la part de Dieu. Pour eux ce n’était pas un fardeau, un don forcé réalisé à contrecœur, mais bien plutôt une joie. C’est cet aspect du don que Paul rappelle dans le chapitre qui suit notre passage : Que chacun donne comme il a décidé dans son cœur, sans regret et sans contrainte, car Dieu aime celui qui donne joyeusement.

Après avoir donné en exemple les Macédoniens, Paul élève les cœurs des Corinthiens vers le Christ lui-même pour susciter leur générosité : Vous connaissez en effet le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté.

Il suffit de contempler le Christ pour comprendre à quel point il s’est montré généreux à notre égard en se faisant notre Sauveur dans le mystère de son incarnation et de sa passion. Par contre il est difficile de comprendre en quoi le Fils de Dieu est « riche », vu que Dieu est Esprit et qu’il n’a besoin d’aucune richesse ni d’aucune possession pour être bienheureux… L’hymne de la lettre aux Philippiens peut nous aider à comprendre en quel sens l’image de la richesse peut s’appliquer à Dieu :

Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.

Dieu n’a pas d’autre richesse que sa divinité, c’est-à-dire son amour infini et sa parfaite sainteté. Dans le mystère de son incarnation le Fils se fait pauvre pour nous en se faisant notre frère en humanité, ne retenant pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Il se fait pauvre pour nous rendre riches de sa divinité, c’est le merveilleux échange. Dieu se fait homme pour faire de l’homme un dieu. Cette logique divine aide à mieux comprendre la logique du don généreux auquel Paul appelle les chrétiens de Corinthe. Le don vise à établir une égalité entre la communauté de Corinthe et celle de Jérusalem, entre ceux qui ont de quoi se nourrir et ceux qui souffrent de la famine : Ce que vous avez en abondance comblera leurs besoins, afin que, réciproquement, ce qu’ils ont en abondance puisse combler vos besoins, et cela fera l’égalité.

Chacun dans la communauté est appelé à participer à cet effort de solidarité en fonction de ses moyens : Car s’il y a de l’ardeur, on est bien reçu avec ce que l’on a, peu importe ce que l’on n’a pas. Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité.

Tout l’Ancien Testament mettait en valeur l’importance spirituelle de l’aumône. Dans le Nouveau Testament l’aumône devient don, un don généreux dont l’exemple suprême est Jésus. On pourrait en effet comprendre toute la vie chrétienne à la lumière du don. Dieu se donne à nous en Jésus, nous nous donnons à lui et à nos frères dans l’amour de charité et le service. Dans le couple chrétien l’homme et la femme sont appelés à se donner l’un à l’autre comme le Christ se donne à l’Eglise et l’Eglise au Christ. C’est la raison pour laquelle chaque fois que nous donnons avec joie une partie de nos biens matériels pour l’Eglise et pour nos frères dans le besoin, nous faisons un geste spirituel qui va bien au-delà de l’aumône. Par cette disposition à la générosité joyeuse, nous nous rendons plus semblables au Christ et nous devenons toujours davantage image du Dieu Père et Créateur. Le don généreux nous ouvre ainsi à une communion plus parfaite avec Celui que nous adorons.

dimanche 20 juin 2021

12ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

20/06/2021

2 Corinthiens 5, 14-17

Dans la deuxième lecture de ce dimanche l’apôtre Paul nous rappelle ce que nous sommes devenus par le baptême, la confirmation et la foi en Jésus : des créatures nouvelles.

Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle.

L’Evangile du Christ ne transforme pas seulement les personnes. Il est le commencement d’un monde nouveau. Aux créatures nouvelles correspond en effet une nouvelle création : Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. D’après Pierre, le chrétien est celui qui attend et désire des cieux nouveaux et une terre nouvelle où règnera la justice.

Paul nous donne deux caractéristiques de l’homme nouveau recréé par et dans l’amour du Christ.

Le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux.

Le chrétien est bien celui qui centre sa vie sur Jésus et donc sur Dieu. La créature nouvelle est libérée de l’égoïsme et s’ouvre au quotidien à la transcendance de Dieu et à l’altérité du prochain. C’est dans la mesure où nous ne vivons plus centrés sur nous-mêmes et sur nos intérêts personnels que nous devenons capables, dans l’Esprit Saint, d’aimer Dieu et notre prochain dans un même mouvement. En tant que créatures nouvelles nous ne sommes plus esclaves de nos désirs mais nous cherchons à les harmoniser avec la volonté de Dieu. L’Evangile convertit donc notre volonté, de telle sorte que nous utilisons notre liberté pour rechercher le Royaume de Dieu, sa justice et sa paix.

L’Evangile convertit aussi notre intelligence, notre manière de percevoir ce monde, la création et nos relations interpersonnelles : Désormais nous ne regardons plus personne d’une manière simplement humaine : si nous avons connu le Christ de cette manière, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi.

L’homme ancien a des critères de perception du monde et du prochain totalement opposés à ceux de l’homme nouveau, né de l’eau et de l’Esprit Saint. Jean énumère les caractéristiques de l’homme qui n’a pas encore découvert la libération apportée par le Christ. Centré sur lui-même, il se laisse diriger par le désir de la chair, l’avidité des yeux et l’arrogance des richesses. Il fait le tri entre ceux qui sont quelque chose à ses yeux (parce qu’ils sont riches, puissants, séduisants, influents) et ceux qui ne sont rien… Son jugement est celui de l’homme pécheur qui connaît selon la chair, c’est-à-dire de manière simplement humaine. En tant que créatures nouvelles l’Esprit Saint nous donne un sixième sens pour nous empêcher de juger selon les apparences et pour découvrir l’unique trésor qui est celui du cœur et de l’intériorité. Tout le reste, pouvoir, ambition, richesse, n’est que vanité, c’est-à-dire illusion et ne dure qu’un très bref instant. L’Esprit Saint nous permet ainsi d’avoir dans notre cœur le regard de Dieu, le seul capable de discerner la vérité des êtres au-delà des apparences et des faire-valoir. Car, pour citer Paul, ce que le monde tient pour rien, c’est ce que Dieu a choisi pour confondre les forts. Dieu a choisi dans le monde ce qui est sans considération et sans puissance, ce qui n’est rien, pour réduire au néant ce qui est grand. En tant que créatures nouvelles gravons dans nos cœurs les paroles de Marie : Dieu renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides. Ne confondons jamais la véritable grandeur, celle de l’humanité et de la sainteté, avec ses caricatures mondaines qui vident le cœur de l’homme et créent en lui amertume, insensibilité et frustrations.

dimanche 6 juin 2021

LE SAINT SACREMENT 2021

 



Marc 14, 12-16.22-26

Dimanche dernier nous avons célébré la Sainte Trinité. Nous avons fait mémoire du Dieu trois fois saint qui est amour. La liturgie dans sa cohérence nous fait célébrer en ce dimanche le plus grand don de l’amour de Dieu, le saint sacrement du corps et du sang du Seigneur. L’Evangile nous montre bien que c’est dans le cadre de la célébration de la Pâque juive que Jésus nous a fait don du sacrement de l’eucharistie. Au lieu de prendre dans ses mains l’agneau pascal pour en faire le sacrement de son corps offert en sacrifice, il choisit le pain et le vin, se situant ainsi dans la lignée du sacerdoce de Melchisédech. Ce mystérieux personnage du livre de la Genèse est appelé prêtre du Dieu très haut. Lors de sa rencontre avec Abram, il apporte du pain et du vin. Le psaume 109, psaume messianique que l’Eglise prie lors des vêpres du dimanche, annonce le Christ roi et prêtre selon l’ordre de Melchisédech. Lors de l’institution de l’eucharistie, Jésus accomplit cette prophétie. Il ne prend pas la suite des prêtres juifs qui desservaient le temple, issus de la tribu de Lévi et chargés d’offrir les sacrifices d’animaux. Le soir du jeudi saint, Jésus abolit tous les sacrifices de l’ancienne alliance, ce qui sera manifesté de manière symbolique le lendemain lorsque le rideau du sanctuaire se déchirera en deux, du haut en bas, au moment même de la mort de Jésus en croix (Mc 15, 38).

La structure essentielle du sacrement de l’eucharistie est toujours demeurée la même malgré les changements extérieurs de rites et de langues. L’apologiste et martyr saint Justin nous en donne un témoignage datant du 2ème siècle. Dès l’antiquité chrétienne l’eucharistie se célèbre selon une structure en deux parties : tout d’abord la liturgie de la Parole et ensuite la liturgie du sacrifice eucharistique. Il est très intéressant de replacer dans son contexte historique juif cette structure du sacrement chrétien. Pour ce faire il faut rappeler la destruction du temple de Jérusalem en 70 et la fin du sacerdoce lévitique ainsi que des sacrifices d’animaux et se souvenir de la liturgie pratiquée en dehors du temple dans les synagogues. Au chapitre 4 de saint Luc nous voyons Jésus participer au culte du sabbat dans la synagogue de Nazareth. Ce culte synagogal était une liturgie de la Parole dans laquelle on proclamait les écrits de la Torah et des Prophètes qui étaient ensuite commentés. Dans la synagogue aucun sacrifice d’animaux puisque ceux-ci ne pouvaient être réalisés que dans le cadre de l’unique temple de Jérusalem. La première partie de notre messe est donc une reprise chrétienne du culte de la synagogue, reprise qui nous fait comprendre que Jésus accomplit les Ecritures de l’ancienne alliance dans sa personne comme il le dit lui-même lorsqu’il commente un passage d’Isaïe dans la synagogue de la ville où il avait grandi : Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre.

La deuxième partie de la messe consiste à célébrer le sacrifice d’action de grâce en refaisant ce que Jésus fit le soir du jeudi saint. Eucharistie signifie précisément la prière d’action de grâce, d’où le choix du psaume 115 : je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce. Ce sacrifice correspond aux sacrifices d’animaux qui se pratiquaient dans le temple. Nous voyons comment la première partie de notre messe reprend le culte de la synagogue et la seconde celui du temple. Aux sacrifices d’animaux le Seigneur substitue le sacrifice de sa personne qui nous est rendu présent en vue de la communion sous les espèces du pain et du vin. En abolissant les sacrifices, rendus impossible par la destruction du temple en 70, Jésus les mène à leur accomplissement. En témoigne l’une des sept dernières paroles qu’il prononça avant de mourir sur le bois de la croix : tout est accompli.

Le saint sacrement, sacrement de la nouvelle alliance, témoigne donc dans sa structure même d’un double accomplissement de la part de Jésus. Accomplissement signifiant non seulement réalisation des prophéties mais le fait de porter à leur perfection spirituelle des réalités du culte juif qui n’étaient que l’annonce imparfaite du culte en esprit et en vérité. Le sacrement institué par Jésus synthétise en lui le culte de la synagogue et celui du temple. Il est accomplissement des Ecritures dans la liturgie de la Parole et accomplissement des sacrifices dans la liturgie eucharistique. Enfin le sacrement de l’eucharistie offre le fruit de la nouvelle alliance non plus aux seules 12 tribus du peuple d’Israël mais à la multitude des hommes et des peuples.

Célébrons donc ce sacrement avec foi, amour, respect et reconnaissance.