lundi 24 mai 2021

Pentecôte 2021

 


Pentecôte 2021

Galates 5, 16-25

Marchez sous la conduite de l’Esprit Saint, et vous ne risquerez pas de satisfaire les convoitises de la chair.

En cette solennité de la Pentecôte, l’apôtre Paul nous rappelle que notre vie chrétienne est une marche sous la conduite de l’Esprit Saint. Et que sur ce chemin nous rencontrons forcément à un moment ou à un autre un obstacle qui a la capacité de nous faire dévier et de nous perdre : les convoitises de la chair. Dans le langage de Paul la chair n’est pas le corps, mais bien tout ce qui nous éloigne de Dieu et de l’accomplissement de notre vocation chrétienne. La chair est le signe de la lutte spirituelle que le chrétien vit en lui-même : Car les tendances de la chair s’opposent à l’Esprit, et les tendances de l’Esprit s’opposent à la chair. En effet, il y a là un affrontement qui vous empêche de faire tout ce que vous voudriez. Paul a vécu personnellement cet affrontement entre la chair et l’Esprit, et il en témoigne dans sa lettre aux Romains :

Nous savons bien que la Loi est une réalité spirituelle : mais moi, je suis un homme charnel, vendu au péché. En effet, ma façon d’agir, je ne la comprends pas, car ce que je voudrais, cela, je ne le réalise pas ; mais ce que je déteste, c’est cela que je fais. […]. Je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans l’être de chair que je suis. En effet, ce qui est à ma portée, c’est de vouloir le bien, mais pas de l’accomplir. Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas.

Les tendances de la chair ont pour effet de nous déchirer intérieurement, elles détruisent l’unité du corps et de l’âme dans la personne humaine que nous sommes. L’action de l’Esprit a en nous l’effet contraire : elle nous unifie. Parmi les fruits néfastes des tendances de la chair, Paul cite : haines, rivalité, jalousie, emportements, intrigues, divisions, sectarisme. Nous comprenons bien que la chair ne divise pas seulement l’homme intérieur mais qu’elle propage la division au sein même de la communauté civique et chrétienne. Les rivalités et les divisions dans l’Eglise proviennent du fait que les chrétiens ne marchent pas sous la conduite de l’Esprit mais sont esclaves de leurs instincts humains et sont ainsi les premières victimes de leur orgueil. Si l’apôtre parlait des fruits de la chair, il parle maintenant du fruit de l’Esprit, signe évident que l’Esprit Saint est source d’unité intérieure et de communion dans l’Eglise.

Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi.

L’Esprit de Pentecôte donné à la première Eglise, l’Esprit de notre baptême et de notre confirmation, nous rend capables de sortir vainqueurs des tendances de la chair. Le remède à notre orgueil c’est bien l’humilité, l’antidote aux divisions et aux rivalités ce sont la patience, la bonté et la bienveillance. Face aux emportements nous avons le secours de la maîtrise de soi. Le verset qui précède notre deuxième lecture nous montre dans quel contexte Paul rappelle aux chrétiens de Galatie qu’ils doivent reprendre le bon chemin et marcher sous la conduite de l’Esprit de Dieu, lien d’amour du Père et du Fils : Si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde : vous allez vous détruire les uns les autres. Deux chemins s’ouvrent donc devant nous : celui des tendances de la chair qui mène à la mort et celui des tendances de l’Eprit qui mène à la vie. Chaque jour il nous faut choisir et cela dans chaque situation, particulièrement dans notre manière d’entrer en relation avec notre prochain dans la société comme dans l’Eglise. Le don de l’Esprit Saint est une exigence de vivre selon l’Evangile. Seule la coopération de notre liberté à ce grand don de l’amour de Dieu nous permettra de vivre les enseignements de Jésus, en particulier dans le sermon sur la montagne. Pour reconnaître si nous marchons sous la conduite de l’Esprit, il suffit de scruter notre cœur et de voir si nous y trouvons amour, joie, paix, bienveillance et douceur ou au contraire amertume, colère, médisance, jugement…

J’ajouterai au verset qui conclut notre lecture le verset qui le suit, celui par lequel s’achève le chapitre 5 de la lettre aux Galates :

Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit. Ne cherchons pas la vaine gloire ; entre nous, pas de provocation, pas d’envie les uns à l’égard des autres.

Pour conclure une suggestion : pourquoi ne pas utiliser régulièrement dans notre prière quotidienne le magnifique texte de la séquence de Pentecôte ?

O lumière bienheureuse,

Viens remplir jusqu’à l’intime

Le cœur de tous tes fidèles.

Lave ce qui est souillé,

Baigne ce qui est aride,

Guéris ce qui est blessé.

Assouplis ce qui est raide,

Réchauffe ce qui est froid,

Rends droit ce qui est faussé.

 


dimanche 16 mai 2021

Septième dimanche de Pâques / année B

 

16/05/2021

L’année liturgique nous fait revivre en ce moment les jours entre l’Ascension et la Pentecôte, ce temps béni où les premiers disciples attendaient la réalisation de la promesse du Christ, le don de l’Esprit Saint. De Pâques à la Pentecôte, c’est un seul et unique mystère qui se déploie et qui fonde l’Eglise. Une Eglise envoyée par le ressuscité et consacrée dans la vérité par l’Esprit. Dans le mystère trinitaire le Saint Esprit est le lien d’amour entre le Père et le Fils, leur amour mutuel et réciproque. Saint Jean nous fait entendre cette révélation à la fois si simple et si merveilleuse : Dieu est amour. Si l’être même de Dieu, sa vérité la plus profonde, consiste à aimer, alors nous comprenons l’importance de l’Esprit Saint dans nos vies chrétiennes puisqu’Il est l’amour du Père et du Fils. L’amour du Père se manifeste d’abord dans la chair, dans le mystère de l’incarnation du Fils unique à Noël. Après l’Ascension c’est l’Esprit Saint qui continue et mène à son achèvement l’œuvre du Fils. C’est l’Esprit qui rend présent pour nous l’amour du Ressuscité, particulièrement dans la prière et dans les sacrements. C’est par la puissance de l’Esprit Saint que le pain et le vin deviennent dans l’eucharistie corps et sang du Christ. Nous comprenons alors que la chair et l’esprit ne sont plus séparés. Dans le mouvement de l’incarnation la chair est parole de Dieu et à partir de l’Ascension elle n’est plus visible si ce n’est dans le mystère eucharistique et dans le visage du frère, en particulier de celui qui souffre dans son corps et dans son âme. Le don de l’Esprit permet à notre faiblesse humaine marquée par le péché d’être elle aussi parole de Dieu, signe pour nos frères. L’Esprit de Jésus ne cesse jamais de vouloir nous sanctifier et nous transfigurer pour que nous soyons de plus en plus possédés par l’amour de Dieu. Dans la deuxième lecture nous avons entendu Jean nous livrer le secret de notre existence chrétienne dont le centre est toujours la révélation de Dieu qui est amour.

Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. C’est notre foi dans le mystère de l’incarnation. Grâce à cette foi nous percevons en l’homme Jésus de Nazareth, dans ses paroles et ses actes, la Parole de Dieu qui nous est adressée, le Fils de Dieu venu nous rassembler par la puissance de son amour.

Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. Qui nous permet de reconnaître dans nos vies l’amour que Dieu a pour nous si ce n’est l’Esprit Saint ? Remarquons comment Jean utilise à cinq reprises le verbe « demeurer » pour dire qui nous sommes en tant que chrétiens. A l’image de l’union entre le Père et le Fils, nous demeurons en Dieu et lui en nous. Ce qui permet cette union, cette communion, c’est bien notre foi en Jésus et notre fidélité au commandement de l’amour fraternel : Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection. En communion avec Marie et les disciples dans l’attente de l’Esprit consolateur, supplions Jésus de nous rendre capables de cette intelligence spirituelle, celle du cœur, par laquelle nous percevons la simplicité et la beauté de la vie chrétienne. Que l’Esprit Saint nous permette de transformer nos misères et nos chutes en de nouvelles occasions pour aimer vraiment à la manière de Jésus. Ne soyons pas des chrétiens résignés ou découragés. Au contraire soyons persuadés que nous pouvons changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair grâce à l’Esprit du Ressuscité. Ayons cette folle espérance de voir s’accomplir en nous la victoire de Jésus sur le Mauvais !

dimanche 9 mai 2021

Sixième dimanche de Pâques / année B

 

9/05/2021

Jean 15, 9-17

Les paroles particulièrement fortes que nous venons de recevoir font partie du testament nouveau que Jésus donne à ses disciples la veille de sa mort. Ce passage d’Evangile nous donne accès au cœur de la révélation chrétienne dans sa beauté et sa simplicité. Le secret de Jésus, ce qui nous permet de comprendre sa personne, sa vie et sa mission, c’est l’amour de charité qui habite son cœur. Il est le médiateur de l’amour divin : Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Le commandement du testament nouveau, Demeurez dans mon amour, Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés, se présente sous la forme d’un don et non pas d’un devoir. C’est dans la mesure où nous recevons la grâce de l’amour divin par Jésus que nous devenons capables de demeurer dans son amour et de le transmettre. Le Seigneur nous parle de son choix, son choix qui précède toujours et suscite de notre part une réponse de foi : Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit… Nous sommes donc dans le règne de la grâce et non pas sous le régime de l’obligation. La morale chrétienne est essentiellement une morale intérieure dans le sens où elle surgit du cœur qui se laisse enflammer d’amour par l’Esprit Saint. Le testament nouveau de Jésus et l’Evangile de l’amour accomplissent parfaitement la prophétie de Jérémie : Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Dans son encyclique « Dieu est amour », le pape Benoît XVI décrit bien cette intériorisation de la loi divine :

La volonté de Dieu n’est plus pour moi une volonté étrangère, que les commandements m’imposent de l’extérieur, mais elle est ma propre volonté, sur la base de l’expérience que, de fait, Dieu est plus intime à moi-même que je ne le suis à moi-même (n°17).

C’est dans ce contexte du don de la loi nouvelle inscrite dans les cœurs que Jésus qualifie la relation qu’il veut avoir avec nous du nom d’amitié. C’est le seul passage des Evangiles où il appelle ses disciples ses amis.

Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître.

Ce verset constitue une véritable révolution dans la conception religieuse classique de la relation entre Dieu et l’homme, Dieu étant habituellement le maître et l’homme le serviteur. Jésus établit un amour d’amitié avec nous. La relation d’amitié est tout sauf hiérarchique, elle implique au contraire l’égalité entre les amis. Si nous parvenions à prendre conscience du don magnifique qui nous est fait, notre cœur serait véritablement comblé de la joie spirituelle. Ce qui nous permet d’entrer dans cette relation d’amitié avec le Christ, c’est d’aimer comme lui nous a aimés : Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Dans la relation d’amitié authentique, il est naturel de vouloir faire plaisir à l’autre, d’aller au-devant de ses désirs. Chaque fois que nous nous aimons les uns les autres, nous sommes certains de réjouir le cœur du Christ et donc celui du Père. Chaque fois que nous sommes capables de sortir de notre égoïsme pour nous tourner vers l’autre dans un mouvement de don et d’amour, nous fortifions en nous l’homme intérieur. Nous permettons au Christ de faire de nous ses amis.