lundi 28 septembre 2020

26ème dimanche du temps ordinaire / année A

 

Matthieu 21, 28-32

27/09/20

Comme toujours il est important de remettre dans son contexte le passage d’Evangile que nous venons d’écouter. Le chapitre 21 marque une nouvelle étape dans la vie de Jésus. Celui-ci entre en effet à Jérusalem et reçoit l’acclamation des foules : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Immédiatement après cette entrée messianique sur une ânesse, Jésus entre dans le Temple et s’attaque à la présence des changeurs de monnaie et des vendeurs de colombes. D’où un conflit entre lui et les autorités religieuses qui lui demandent : De quelle autorité fais-tu tout cela ? Qui t’a chargé de le faire ? C’est bien aux chefs des prêtres et aux anciens que s’adresse la petite histoire des deux fils appelés à travailler dans la vigne de leur père. Eux reprochent à Jésus d’avoir chassé les marchands du temple, lui leur reproche leur endurcissement de cœur. Ils ont refusé de croire en la parole de Jean le baptiste alors que les publicains et les prostituées y ont cru.

L’histoire des deux fils nous présente un enseignement essentiel dans tout le Nouveau Testament : le plus important, ce ne sont pas nos paroles mais nos actes. Je pourrais citer de très nombreux textes allant dans ce sens. Je me limiterai ici à deux d’entre eux particulièrement significatifs. Le premier dans le même Evangile au chapitre 7 : Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux.

Le second texte se trouve dans la première lettre de saint Jean : Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité.

Le christianisme nous pousse toujours à l’action en conformité avec la volonté de Dieu et son projet d’amour pour sa création. C’est la raison pour laquelle le thème de la conversion, du changement de vie, tient une place centrale dans la prédication de Jésus, des apôtres et de l’Eglise. La vie chrétienne est un processus tout au long duquel nous permettons à Dieu de changer notre cœur de pierre en un cœur de chair, capable de choisir et d’accomplir le bien, capable aussi de supporter le mal avec patience. Ce choix moral, cette décision de conformer sa vie à l’Evangile, n’a pas seulement une dimension personnelle. C’est un engagement qui doit aussi avoir des conséquences sociales. Car il existe ce que Jean-Paul II appelait des structures de péché : c’est-à-dire une organisation de la société qui favorise le mal et pousse les personnes au péché. Nous constatons la vérité de cet enseignement quand nous considérons la crise écologique dans laquelle nous vivons. L’Etat a tendance à culpabiliser les citoyens pour se dispenser de prendre ainsi ses responsabilités. Les petits gestes individuels sont importants, mais totalement inefficaces tant que les structures de production industrielle, l’économie et les échanges commerciaux mondialisés ne seront pas changés. Il est facile de stigmatiser la surconsommation, mais à quoi bon si les Etats favorisent la surproduction et la publicité ? On peut culpabiliser les personnes qui prennent l’avion trop souvent, mais à quoi bon si l’on encourage par des traités de libre-échange la circulation mondialisée des marchandises de manière massive ?

L’histoire des deux fils nous rappelle enfin l’importance de la parole donnée. Si je dis « oui », je me suis engagé, et il est donc essentiel de tout faire pour tenir mon engagement. Jésus nous enseigne dans le même Evangile la valeur de notre parole : Que votre parole soit “oui”, si c’est “oui”, “non”, si c’est “non”. Ce qui est en plus vient du Mauvais.

 

dimanche 20 septembre 2020

25ème dimanche du temps ordinaire / année A

 


Matthieu 20, 1-16

20/09/20

En ce temps de vendanges, l’Evangile nous propose une parabole du travail dans la vigne. L’image de la vigne est très fréquente dans la Bible et on la trouve déjà dans l’Ancien Testament. Cette parabole est encadrée par deux versets semblables :

Beaucoup de premiers seront derniers, beaucoup de derniers seront premiers.

C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers.

Le texte liturgique ne nous fait pas entendre le premier verset. Ce qui nous empêche de comprendre que la parabole est en fait un commentaire de ce verset. Dans cet enseignement Jésus n’a pas pour but de nous faire une leçon d’économie ou de nous parler du bon fonctionnement d’une entreprise. Il s’agit bien des règles qui s’appliquent au Royaume des cieux. Il s’agit de la logique de Dieu qui est très différente de la nôtre. La justice de Dieu n’est pas une simple copie de la justice humaine qui serait portée à sa perfection. Cette justice divine peut nous choquer car elle opère un renversement total des valeurs qui ont lieu dans notre monde et en particulier dans le monde du travail et du salariat. Si l’on considère l’appel de Dieu à travailler dans sa vigne, l’ancienneté n’a aucune importance. L’essentiel, c’est de répondre oui à l’appel de Dieu. Et l’une des grandes leçons de cette parabole c’est qu’il n’est jamais trop tard pour répondre oui. On n’est jamais trop vieux pour entendre l’appel du Seigneur et changer de vie. L’exemple du bon larron, et tant d’autres à sa suite, nous montre bien que la conversion peut avoir lieu au dernier moment, quelques minutes avant de mourir. Et Dieu ne fait pas de différence entre celui qui l’a servi et aimé depuis sa plus tendre enfance et celui qui découvre sa présence et son amour au dernier moment. De son point de vue la prime à l’ancienneté n’existe pas. Cette parabole peut être comprise à différents niveaux : personnel, nous venons de le voir, mais aussi historique. Israël, le premier à avoir reçu l’appel de Dieu, n’a pas à en tirer orgueil par rapport aux païens, les derniers venus qui ont accueilli l’Evangile du Christ. Ou encore un pays qui a reçu l’Evangile depuis très longtemps comme l’Italie ou la France n’en est pas pour autant supérieur à un pays qui l’a reçu plus tardivement comme le Danemark ou la Lituanie. Car dans tout cela il n’est pas question du mérite des uns et des autres, mais de la grâce de Dieu qui appelle en tout temps tous les hommes à travailler dans la vigne du Royaume. Cette logique divine devrait avoir aussi des conséquences dans la vie de l’Eglise qui est une ébauche du Royaume sur cette terre. Dans une paroisse les nouveaux convertis, les catéchumènes ou les derniers venus ne sont pas des chrétiens de seconde zone qui devraient s’effacer totalement en présence des anciens. Tous doivent trouver leur place dans une communauté chrétienne. Pour que cela puisse se réaliser, il faut renoncer à la logique humaine du pouvoir et de la domination et s’engager dans celle du service. Cette parabole ne nous parle pas seulement de l’appel de Dieu adressé à tous et à tout moment. Elle nous parle surtout de sa bonté infinie qui ne fait pas de différence entre les premiers et les derniers et qui donne la même récompense à tous. Car dans le Royaume des Cieux la récompense est unique contrairement au salaire de cette terre, proportionnel aux heures de travail. Le denier représente la vie pour toujours en Dieu et avec Dieu, la communion parfaite et bienheureuse avec la Sainte Trinité. Dieu ne peut donc pas donner moins qu’un denier ni plus. Car c’est lui-même qui se donne en récompense. Si les premiers peuvent se retrouver les derniers, c’est dans la mesure où ils n’ont pas accepté la logique du Royaume des Cieux. Au lieu de se réjouir de ce que les derniers ont, eux aussi, bénéficié de la bonté du maître de la vigne, ils ont été orgueilleux et jaloux. Or, comme le dit saint Jean Chrysostome, Dieu veut à tout prix empêcher les premiers appelés de mépriser les derniers.

 

 

dimanche 6 septembre 2020

23ème dimanche du temps ordinaire / année A

 


6/09/20

Matthieu 18, 15-20

En cette période de rentrée, Jésus nous parle de l’importance de l’Eglise, la communauté, l’assemblée des chrétiens. Si l’Eglise est sainte, elle est composée de pécheurs. Dans la première partie de l’Evangile le Seigneur aborde la difficile question du péché à l’intérieur de la communauté. Le Notre Père nous rappelle que nous devons pardonner les offenses. Mais ce pardon n’exclut pas ce que la tradition chrétienne nomme la correction fraternelle : Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère.

Cette correction est décrite en trois étapes : d’abord seul à seul, ensuite avec d’autres chrétiens, enfin au niveau de l’Eglise elle-même. Faire remarquer à un frère ou à une sœur que son attitude est déplacée du point de vue de la foi chrétienne n’a pas pour but d’humilier celui qui a commis une faute. Il s’agit bien plutôt de lui permettre de guérir de son mal. Il est donc essentiel que cette correction s’exerce avec miséricorde et avec amour. Le passage parallèle en saint Luc mérite aussi d’être cité : Si ton frère a commis un péché, fais-lui de vifs reproches, et, s’il se repent, pardonne-lui. Même si sept fois par jour il commet un péché contre toi, et que sept fois de suite il revienne à toi en disant : “Je me repens”, tu lui pardonneras.

L’exercice de la correction fraternelle dans la communauté Eglise est un art délicat et difficile. D’autant plus que nous devons toujours avoir à l’esprit la parabole de la paille et de la poutre : Quoi ! tu regardes la paille dans l’œil de ton frère ; et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? Ou encore : Comment vas-tu dire à ton frère : “Laisse-moi enlever la paille de ton œil”, alors qu’il y a une poutre dans ton œil à toi ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère.

Dans certains cas si mon frère pèche contre moi ou m’offense, c’est parce que je l’ai moi-même entraîné au péché par mon attitude mauvaise à son égard. Je n’ai donc qu’à m’en prendre à moi-même et à me corriger. Remarquons bien que Jésus présente d’abord la correction fraternelle comme un dialogue entre deux personnes. Cette démarche implique que l’offense soit grave et qu’en conscience je sois blessé injustement, sans aucune responsabilité de ma part. Dans les cas les plus graves et lorsqu’un frère s’entête dans son attitude mauvaise et refuse de reconnaître qu’il a mal agi, alors c’est l’Eglise qui peut utiliser son pouvoir de lier ou de délier. Deux chapitres plus haut ce pouvoir est confié à Pierre de manière personnelle. Ici, il est confié à l’Eglise en tant que telle. Il arrive en effet que l’Eglise sanctionne l’un de ses membres en allant jusqu’à l’excommunication qui signifie qu’un fidèle s’est exclu par sa faute de la communion ecclésiale.

La deuxième lecture nous rappelle quelle est la racine du péché : mon incapacité à aimer mon prochain comme le Christ me le commande. L’amour ne fait rien de mal au prochain. Donc, le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour. Quand j’ai conscience d’avoir péché gravement contre mon prochain, je dois recourir au sacrement du pardon. Mais pour que ma démarche soit vraiment complète, je dois demander pardon à la personne que j’ai offensée et si possible réparer mon tort. Cela demande beaucoup d’humilité donc de force. Lorsque le pécheur est capable de faire cette démarche, il prend les devants et évite ainsi à la personne offensée de s’engager dans le processus toujours difficile et pénible de la correction fraternelle.