dimanche 31 décembre 2017

LA SAINTE FAMILLE / Année B



31/12/17

Luc 2, 22-40

Le dimanche dans l’octave de la Nativité est celui de la sainte famille. Dans notre année liturgique, ce dimanche nous invite à contempler non seulement la famille de Jésus mais aussi sa vie cachée à Nazareth pendant 30 ans. Même si les Evangiles ne nous disent quasiment rien de cette vie cachée, c’est au sein de sa famille, en compagnie de Marie et Joseph, que Jésus s’est préparé longuement à sa mission.

L’Evangile de la présentation au temple met en avant la piété des parents de Jésus, leur fidélité à la loi de Moïse. La deuxième lecture nous invite à voir en Joseph et Marie des parents croyants. La foi est en effet la lumière qui les guide dans toutes leurs actions. Ce premier aspect de l’Evangile nous présente donc les parents de Jésus comme des modèles à imiter pour les parents chrétiens. Une famille chrétienne, c’est une famille dans laquelle Dieu n’est pas lointain ou étranger, c’est une famille dans laquelle la foi est cette boussole qui nous guide et nous oriente sur les chemins de la vie, dans les joies comme dans les épreuves. Dans ce contexte les parents sont les premiers témoins de la foi pour leurs enfants, essentiellement par leur exemple. Leur meilleure prédication se fait par le témoignage de leur vie. Des parents qui agissent et réagissent en croyants, qui jugent des choses de ce monde à la lumière de la foi, montrent dans leur vie quotidienne la présence et l’action de Dieu. Ils font comprendre à leurs enfants que la foi n’est pas une belle théorie, mais une force capable de transformer peu à peu notre vie et la société à laquelle nous appartenons.

L’intervention de Syméon et d’Anne, tous les deux remplis d’Esprit Saint, lors de la présentation de l’enfant Jésus, nous montre que la sainte famille n’était pas renfermée sur elle-même. Relevons en effet comment Joseph et Marie, pourtant privilégiés du point de vue spirituel, reçoivent grâce à Syméon et Anne une compréhension plus profonde de leur enfant. Jésus a été dès sa naissance et jusqu’à sa mort en croix une source d’étonnement pour ses parents. Mettre au monde des enfants implique toujours de se préparer à cet étonnement. Les enfants surprennent et leur évolution ne correspond pas toujours au projet de leurs parents. Dans une famille chrétienne, les parents donnent l’exemple de la foi et de l’amour pour Dieu et pour le prochain. Tout le reste est entre les mains de Dieu. Les parents n’ont pas le pouvoir de donner la foi à leurs enfants. Leur mission consiste à leur montrer humblement le chemin de la vie chrétienne. Par le baptême, ils offrent à leurs enfants le cadeau de la grâce divine pour qu’ils puissent être remplis de foi. Syméon voit en l’enfant Jésus un signe de contradiction ou de division. Il indique par-là la vocation particulière et unique de l’enfant par rapport à son peuple : il provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Grâce à l’Esprit Saint, Syméon permet aux parents de Jésus de comprendre dès le départ le caractère dramatique de sa mission. Cet enfant, en grandissant, les surprendra et sera pour eux une source de douleur lorsque sa mission s’achèvera sur la croix. Les parents chrétiens, eux aussi, ont besoin d’être ouverts aux autres, en particulier à des frères et sœurs dans la foi, pour mieux comprendre la destinée de leurs propres enfants.

Enfin la conclusion de l’Evangile nous indique quels sont les piliers de l’éducation chrétienne. Les parents sont là pour favoriser chez leurs enfants la croissance, celle du corps (il grandissait) par la saine nourriture et la santé physique, mais aussi celle de l’intelligence des choses (rempli de sagesse) par l’éveil culturel, et enfin la croissance dans la foi (la grâce de Dieu était sur lui).

lundi 25 décembre 2017

NATIVITÉ DU SEIGNEUR 2017


Noël 2017

Jean 1, 1-18

Le magnifique prologue de saint Jean célèbre le mystère de l’incarnation du Seigneur, Noël : et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous. Si nous méditons ce prologue en lien avec l’Evangile de saint Luc, celui de la messe de la nuit de Noël, alors nous comprenons que l’enfant né de la Vierge Marie, et couché dans la crèche, est le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu ! Le contraste est saisissant. Le nouveau-né, être fragile, faible et totalement dépendant, naissant dans le dénuement, et la Parole puissante de Dieu, la seconde personne de la Sainte Trinité ! Sous le regard de Joseph et de Marie, et, selon une pieuse tradition empruntée à Isaïe, sous le souffle de l’âne et du bœuf, la faiblesse du bébé est le signe paradoxal de la présence et de la puissance même de Dieu ! Ce bébé, incapable de proférer une seule parole intelligible, est la Parole même de Dieu ! C’est ainsi que Dieu choisit de se manifester et de se donner à nous en son Fils dans le mystère de l’incarnation. A partir de Noël, Dieu n’est plus seulement notre Père, il est aussi notre frère. Il n’est plus seulement dans les Cieux, image de sa transcendance, mais il se fait intérieur à chacun d’entre nous, infiniment proche, Emmanuel, Dieu avec nous.

Saint Jean nous fait contempler ce grand mystère de l’incarnation en lien avec celui de la création. Ou pour le dire autrement, l’incarnation du Verbe ne peut se comprendre que si nous la mettons en relation avec le projet créateur de Dieu. Ce n’est pas par hasard que Jean commence son prologue par ces paroles : au commencement était le Verbe. Tout connaisseur de la Bible y voit immédiatement une référence au premier verset du premier livre de la Bible, la Genèse : au commencement Dieu créa le ciel et la terre. Ce n’est pas davantage par hasard que Jean nous présente le Verbe comme la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. Ici encore la référence au chapitre premier de la Genèse est évidente et éclairante :

La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres. Dieu appela la lumière « jour », il appela les ténèbres « nuit ». Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour.
Grâce à ce parallèle avec le livre de la Genèse, Jean nous fait comprendre d’une manière très belle et profonde la signification du mystère de Noël. De la même manière qu’au premier jour de la création Dieu sépara la lumière des ténèbres, dans la nuit de la Nativité, il nous donne son Fils, parole de lumière pour vaincre nos ténèbres. Ce nouveau-né est le Verbe-Lumière par lequel Dieu vient commencer une nouvelle création. Noël, c’est donc le premier jour de cette création nouvelle dans les derniers temps. Noël, c’est déjà la victoire de la lumière sur les ténèbres du mal et du péché qui ont envahi le monde depuis le péché des origines. Mais cette victoire de la lumière ne s’impose jamais à nous dans l’ère chrétienne. Et Jean en est parfaitement conscient. Nous pouvons refuser de faire partie de cette nouvelle création. Nous pouvons refuser l’ère de grâce et de vérité inaugurée par Jésus. Et c’est ce refus qui blesse notre humanité aujourd’hui comme hier, et avec elle toute la création. Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Si avec la naissance du Fils de Dieu commence une création nouvelle, cela signifie qu’il nous faut, nous aussi, renaître, connaître une nouvelle naissance, une renaissance spirituelle dans le Christ. Il nous faut naître de Dieu, comme le dit Jean. Jésus enseignera cette grande vérité à Nicodème : personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Nous savons que cette nouvelle naissance commence par la grâce du baptême et le don de la foi. Mais c’est chaque jour que nous sommes appelés à faire partie de la création nouvelle par notre « oui » à la volonté de Dieu. Le mystère de l’incarnation pourra porter tous ses fruits dans notre vie de baptisés si nous mettons nos pas dans les pas de Jésus, Chemin nous conduisant vers la Vie. Lorsque saint Ignace de Loyola contemple l’incarnation du Seigneur dans ses Exercices spirituels, il propose un temps de prière au cours duquel nous sommes invités à demander une grâce au Verbe éternel incarné, celle de suivre et d’imiter davantage notre Seigneur, ainsi tout nouvellement incarné (n°109).

dimanche 17 décembre 2017

Troisième dimanche de l'Avent/ année B


Troisième dimanche de l’Avent/B

Jean 1,6-8.19-28

17/12/17

En ce troisième dimanche de l’Avent, nous retrouvons la figure de Jean le précurseur, voix qui crie à travers le désert. Le succès de sa prédication aux bords du Jourdain suscite la curiosité des autorités religieuses de Jérusalem. Face aux questions qui lui sont posé, Jean rend un témoignage. Tout d’abord celui de la vérité : Je ne suis pas le Messie. Pour se définir, Jean utilise une citation du prophète Isaïe : il n’est que la voix, criant dans le désert, pour préparer la venue de celui qui est la Parole, le Verbe de Dieu. Il rend aussi le témoignage de l’humilité : je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale, ce qu’on peut traduire de la manière suivante : je ne suis pas digne d’être l’esclave de Jésus, le Messie ! Dans le témoignage qu’il rend au Christ, je voudrais méditer une parole qui me semble particulièrement significative pour nous, disciples du Christ. A ceux qui lui posent tant de questions sur son identité et sur son activité, Jean répond : au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas, c’est-à-dire le Christ. Non seulement les prêtres et les Lévites ne connaissent pas le Christ qui vient à peine de se révéler aux foules en se faisant baptiser par Jean, mais trois ans plus tard ils ne le reconnaîtront pas davantage en le condamnant au supplice de la croix. A l’époque de la manifestation du Messie, il y eut comme un aveuglement de la part des élites religieuses, aveuglement qui les a empêchés de connaître Jésus de Nazareth. Qu’en est-il de nous chrétiens, plus de 2000 ans après ces événements ? Connaissons-nous vraiment le Christ ? Tout d’abord relevons qu’il se tient au milieu de nous. Par sa résurrection, le mystère de son Incarnation se prolonge dans le mystère de l’Eglise et sa présence nous est donnée : moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. Cette présence du Seigneur nous est même intérieure puisque le Règne de Dieu est au milieu de nous, en nous. Alors connaissons-nous mieux le Christ que les prêtres et les lévites venus de Jérusalem ? Oui, nous le connaissons par le don de la foi, par les Evangiles et l’enseignement de l’Eglise. Mais en même temps nous ne le connaissons pas tant que nous n’avons pas fait l’expérience personnelle de la vie spirituelle, de la vie de communion quotidienne avec lui, dans le cœur à cœur de la prière et dans l’amour du prochain. Puisque Jésus est le Fils de Dieu, la Parole du Père, jamais sur cette terre il est possible de le connaître d’une manière achevée et parfaite. Notre connaissance de Jésus est donc par définition partielle et progressive, c’est un chemin qui doit nous permettre avec les années d’entrer toujours plus profondément dans la connaissance du mystère du Christ. Car la connaissance par la vie et le cœur est différente de la connaissance simplement intellectuelle. On peut très bien apprendre son catéchisme en une semaine, mais nous avons bien besoin de toute notre vie pour faire passer les vérités du catéchisme de la tête dans le cœur. Dans sa lettre aux Ephésiens, saint Paul nous parle de ce chemin progressif de connaissance :

De cette manière, les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude.
La joie du troisième dimanche de l’Avent nous invite à reconnaître la présence du Christ au milieu de nous et en nous. Il nous appartient de toujours nous ouvrir davantage à cette présence, si discrète au milieu des bruits et de l’agitation de notre monde. Pour ce faire nous est donnée la grâce de la prière et de la méditation, ainsi que celle des sacrements, afin de progresser dans la connaissance du cœur jusqu’au jour où nous le connaîtrons pleinement, ayant atteint l’état de l’homme parfait et la stature du Christ dans sa plénitude.


dimanche 3 décembre 2017

Premier dimanche de l'Avent / année B


Premier dimanche de l’Avent/B

3/12/17

Isaïe 63-64

Au commencement d’une nouvelle année liturgique, je voudrais méditer avec vous la première lecture du prophète Isaïe.

Ce magnifique texte nous rappelle tout d’abord les deux dimensions principales du temps de l’Avent : temps du désir de Dieu et temps de l’accomplissement de ce désir par le mystère de l’incarnation. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais… ! Ce cri du prophète exprime toute l’attente de l’Ancien Testament, l’attente de la manifestation du Messie. Pour nous chrétiens, il exprime aussi l’attente du retour du Christ en gloire et de l’accomplissement de notre histoire humaine à la fin des temps. Cette supplication nous met devant les yeux l’objet de notre désir spirituel : la manifestation du Royaume des cieux, l’avènement des cieux nouveaux et de la terre nouvelle où la justice habite. Le règne du mensonge et de l’injustice nous font souffrir et nous savons que Dieu seul pourra nous délivrer de cette situation en nous délivrant de tout mal. A cette supplication correspond dans la première lecture l’exaucement de la prière : Voici que tu es descendu… Jamais on n’a entendu, jamais on n’a ouï dire, nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi agir ainsi pour celui qui l’attend. Oui, dans le mystère de l’incarnation que nous célébrerons pendant le temps de Noël, Dieu a répondu au désir des hommes, il s’est fait proche en Jésus son Fils. Désormais il est l’Emmanuel, Dieu avec nous, il est notre frère en humanité.

Le texte d’Isaïe chante d’une manière particulièrement forte les louanges de la grâce divine. En effet si Dieu nous abandonne à notre propre sort, nous sommes perdus. S’il nous retire son don d’amour, nous sommes vaincus et anéantis par le règne du mensonge et de l’injustice. Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ?... Car tu nous as caché ton visage, tu nous as livrés au pouvoir de nos fautes. Isaïe nous rappelle donc notre dépendance totale à l’égard de Dieu dans l’ordre de notre salut parce que nous dépendons tout simplement de lui d’abord dans l’ordre de l’existence : il est Père et Rédempteur. Seigneur, c’est toi notre père. Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de ta main.
Pendant ce temps de l’Avent où Jésus nous invite à la vigilance spirituelle, à rester éveillés dans le désir de sa venue et de sa présence, Isaïe nous indique le chemin à suivre : Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins. Tout attendre de la grâce de Dieu ne fait pas de nous des êtres passifs. L’attente de l’Avent est au contraire une attitude active tout comme la vigilance dont nous parle Jésus. Veiller en pratiquant avec la joie la justice, c’est s’engager, par notre attitude, nos choix et nos actes, pour la justice et la vérité. Veiller en se souvenant du Seigneur, c’est donner à la vie spirituelle et à la prière la place qui leur revient dans notre vie chrétienne de chaque jour. Ainsi la vigilance de l’Avent nous encourage à suivre les chemins du Seigneur Jésus, humblement, jour après jour, en recherchant activement le bien et la communion avec Lui dans le cœur à cœur de la prière.


dimanche 26 novembre 2017

LE CHRIST ROI DE L'UNIVERS / ANNÉE A


26/11/17

Matthieu 25, 31-46

La solennité du Christ roi de l’univers, instituée en 1925 par le pape Pie XI, marque la fin de notre année liturgique. La première lecture, le psaume et l’Evangile illustrent la royauté du Christ avec l’image biblique du berger ou du bon pasteur et celle, correspondante, des brebis. Cette association entre l’humble métier de berger et la royauté a de quoi nous surprendre, même si David, ancêtre du Christ, fut berger avant d’être consacré roi. Par ailleurs les bergers furent les premiers à venir honorer le nouveau-né de la crèche. A la fin de l’année chrétienne, la figure du roi-berger est aussi celle du juge : je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs. Le Fils de l’homme décrit dans l’Evangile séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres. L’une des facettes de la royauté du Christ réside donc dans sa fonction de juge. Le Christ Roi incarne la justice même de Dieu. L’Evangile nous donne le critère qui permettra l’exercice de cette justice : l’amour de charité envers notre prochain, en particulier envers les plus pauvres et les plus démunis. Tous ceux qui à travers leur vie auront contribué à soulager la souffrance d’autrui n’auront rien à craindre du jugement, car l’amour parfait bannit la crainte. Les grandes prophéties messianiques d’Isaïe insistent sur la justice divine du Messie à venir :

Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. Il jugera les petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays. Du bâton de sa parole, il frappera le pays ; du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant. 
La justice est la ceinture de ses hanches ; la fidélité est la ceinture de ses reins.

Bien plus tard le livre de la Sagesse développera cette figure du juge divin impartial qui demandera des comptes à ceux qui détiennent le pouvoir politique :

Écoutez donc, ô rois, et comprenez ; instruisez-vous, juges de toute la terre. Soyez attentifs, vous qui dominez les foules, qui vous vantez de la multitude de vos peuples. Car la domination vous a été donnée par le Seigneur, et le pouvoir, par le Très-Haut, lui qui examinera votre conduite et scrutera vos intentions.  En effet, vous êtes les ministres de sa royauté ; si donc vous n’avez pas rendu la justice avec droiture, ni observé la Loi, ni vécu selon les intentions de Dieu, il fondra sur vous, terrifiant et rapide, car un jugement implacable s’exerce sur les grands ; au petit, par pitié, on pardonne, mais les puissants seront jugés avec puissance. Le Maître de l’univers ne reculera devant personne, la grandeur ne lui en impose pas ; car les petits comme les grands, c’est lui qui les a faits : il prend soin de tous pareillement. Les puissants seront soumis à une enquête rigoureuse.

Une autre facette de la figure du Christ Roi est celle de la vie éternelle. Aux justes, il s’adresse ainsi : recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Tout a été créé dans et par le Fils. Sa royauté consiste donc à sauver toute la création après avoir détruit toutes les puissances du mal. Saint Paul nous fait entrevoir d’une manière grandiose le triomphe du prince de la vie sur toute forme de mort à la fin des temps :

Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds. Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous.

Le Christ roi, juge et serviteur de la vie, règne donc par la seule puissance de son amour divin afin que Dieu soit tout en tous. Cette magnifique formule de Paul nous montre le but de la royauté de Jésus : l’élimination totale du mal en nous et dans la création en vue de la parfaite réconciliation et communion. Le Royaume des Cieux ou le Paradis, c’est bien cela : Dieu qui sera tout en tous.


dimanche 19 novembre 2017

33ème dimanche du temps ordinaire / A


Matthieu 25, 14-30

19/11/17

Argent, banque, intérêts… Les images employées par Jésus dans la parabole des talents sont trompeuses. Le sujet de l’enseignement qui nous est délivré en ce dimanche n’a rien à voir avec les affaires, l’économie ou encore la finance. Jésus n’est pas venu parmi nous pour nous donner des cours d’école de commerce ou encore pour nous inviter à nous enrichir en faisant de bonnes opérations financières. L’homme de la parabole qui part en voyage, confie à ses serviteurs ses biens puis revient, c’est Jésus comme le dit l’introduction de l’Evangile. A la fin de l’année liturgique, les Evangiles abordent le thème de la fin de notre monde tel que nous le connaissons et du retour du Christ en gloire. A ce moment-là, cela ne nous servira absolument à rien d’avoir prospéré dans les affaires ou encore d’être riches, comme le montre par ailleurs l’histoire de l’homme riche qui meurt subitement en saint Luc. La conclusion donnée par le Seigneur est très claire :

Dieu lui dit : “Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?” Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu.

Les talents dont nous parle Jésus, ce sont nos dons et nos aptitudes. La langue française a conservé cette signification métaphorique du mot talent qui désignait bien à l’origine de l’argent sous la forme de trente kilos de métal précieux. D’ailleurs le maître donne à chacun selon ses capacités. Jésus nous confie ses biens et nous donne des capacités humaines et spirituelles. Tout au long de notre vie, nous sommes appelés tout d’abord à reconnaître ces dons, à les identifier, à en prendre conscience, puis ensuite à les faire fructifier, à les utiliser pour accomplir la volonté de Dieu. Car, nous dit la parabole, on nous demandera des comptes sur notre manière d’utiliser les dons du Seigneur. C’est le moment du bilan qui correspondra probablement pour nous au moment de notre propre mort. Et l’Evangile nous enseigne aussi qu’au plus nous avons reçu, au plus il nous sera demandé. Ceux qui ont reçu plus de dons en raison de leurs capacités ont donc le devoir de donner des fruits plus nombreux. Celui qui a reçu cinq talents en a gagné cinq autres, celui qui a reçu deux talents en a gagné deux autres.

Cherchons maintenant à comprendre pourquoi le troisième serviteur, mauvais et paresseux, n’a pas réussi sa vie aux yeux de son maître. Ce n’est pas parce qu’il n’a reçu qu’un talent, en fonction de ses capacités moindres par rapport aux deux premiers serviteurs. La première raison de son échec consiste en l’image faussée qu’il s’était fait de son maître : un homme dur. D’où l’importance pour nous, chrétiens, d’avoir une image vraie de notre Dieu, celle-là même que Jésus nous révèle en sa propre personne : un Dieu d’amour qui se donne et donne sans compter, un Dieu miséricordieux qui prend plaisir à nous pardonner et à nous relever chaque fois que nous tombons et que nous revenons à lui. Personne n’a en effet envie de travailler et de faire des efforts pour un maître au cœur dur et sévère, mais il en est tout autrement si ce maître est Jésus, doux et humble de cœur ! La seconde raison de l’échec de ce serviteur, nous la trouvons dans sa peur. Or, il est bien connu de tous que la peur paralyse et nous empêche d’entreprendre et d’aller de l’avant. Combien de fois dans la Bible le message de Dieu consiste à s’adresser à chacun de nous en lui disant : Confiance, n’aie pas peur !


Au soir de notre vie, puissions-nous avoir cette grâce de faire le bilan avec Jésus et de constater que grâce à lui notre passage sur cette terre aura donné beaucoup de beaux fruits ! N’attendons pas ce moment pour utiliser les dons du Seigneur et répandre autour de nous plus de joie, de confiance, de paix, d’amour et de solidarité ! Puissions-nous, à notre humble mesure, contribuer par ces fruits à l’édification du Royaume de Dieu !

dimanche 5 novembre 2017

TOUSSAINT 2017


Le concile Vatican II a enseigné, en conformité avec le message du Nouveau Testament, que tous les fidèles du Christ étaient appelés à la sainteté. C’est donc la vocation commune à tous les chrétiens en raison de la grâce reçue au baptême et à la confirmation. Cette grande vérité avait été quelque peu oubliée dans le passé, si bien qu’on en venait à penser que la sainteté était réservée aux vocations particulières : religieux, religieuses et membres du clergé. Saint François de Sales s’est élevé avec force contre cette réduction de l’appel à la sainteté à certaines vocations, et cela au 17ème siècle. En témoigne ce passage de son Introduction à la vie dévote :

C'est une erreur de vouloir bannir la vie dévote de la compagnie des soldats, de la boutique des artisans, de la cour des princes, du ménage des gens mariés. Il est vrai que la dévotion purement contemplative, monastique et religieuse ne peut être exercée en ces vocations-là mais aussi, outre ces trois sortes de dévotion, il y en a plusieurs autres, propres à perfectionner ceux qui vivent ès états séculiers. Où que nous soyons, nous pouvons et devons aspirer à la vie parfaite.

La solennité de la Toussaint est une occasion de nous rappeler cet appel universel à la sainteté, appel qui concerne tout autant les membres laïcs de l’Eglise que le clergé et les personnes consacrées dans la vie religieuse. Simplement chaque chrétien peut aspirer à la sainteté en fonction de sa vocation, ce qui signifie que les chemins et les moyens ne sont pas les mêmes pour tous. Saint François de Sales le montre clairement :

Dieu commanda en la création aux plantes de porter leurs fruits, chacune selon son genre : ainsi commande-t-il aux chrétiens, qui sont les plantes vivantes de son Église, qu'ils produisent des fruits de dévotion, un chacun selon sa qualité et vocation. La dévotion doit être différemment exercée par le gentilhomme, par l'artisan, par le valet, par le prince, par la veuve, par la fille, par la mariée ; et non seulement cela, mais il faut accommoder la pratique de la dévotion aux forces, aux affaires et aux devoirs de chaque particulier.

Le concile Vatican II enseigne que le lieu propre de l’exercice de la sainteté par les fidèles laïcs, c’est notre monde. Les personnes laïques, mariées ou célibataires, se sanctifient dans l’accomplissement de leurs tâches au sein même des réalités terrestres. D’où l’importance de toujours rechercher l’accomplissement de son devoir d’état dans la famille, le travail comme dans la société. Les laïcs se sanctifient tout particulièrement dans les domaines étudiés par la doctrine sociale de l’Eglise : la famille, le travail et l’économie, la politique, l’écologie et la promotion de la paix. C’est par leur engagement de foi dans ces réalités, si importantes pour la vie de la société, que les fidèles laïcs sont sel de la terre et lumière du monde. Cela ne signifie pas, bien sûr, que les laïcs pourraient se désintéresser de la spiritualité et de la vie de prière, bien au contraire. Simplement une maman ou un papa ne peuvent pas s’adonner à la prière de la même manière qu’une personne consacrée dans un monastère. Et saint François de Sales va encore plus loin en affirmant que notre recherche de la sainteté doit aussi tenir compte de notre situation personnelle concrète : il faut accommoder la pratique de la dévotion aux forces, aux affaires et aux devoirs de chaque particulier. Cela signifie que telle mère ou père de famille pourra prier chaque jour 30 minutes alors que pour d’autres 10 minutes suffiront… Donc pas de règles rigides et uniformes qui seraient valables pour tous dans la recherche de la vie parfaite ! Même si un minimum est exigé comme la participation à la messe du dimanche, la prière quotidienne et la confession pascale ainsi que la volonté de mettre en pratique le commandement de l’amour. La première lecture nous montre une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues. La sainteté n’est donc pas réservée à un petit nombre d’élus. Telle est notre espérance, devenir semblables à Jésus parce que nous le verrons tel qu’il est. Tout homme qui fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur. La sainteté est en effet d’abord un chemin, toujours à reprendre sans jamais se décourager. Elle est le chemin du désir de Dieu, du désir de ressembler au Christ des Béatitudes. Elle est le chemin de la communion avec Dieu par la pratique du commandement de l’amour. Nous faisons dès maintenant partie du peuple des saints et des saintes si nous nous reconnaissons dans les paroles du psaume :

Voici le peuple de ceux qui cherchent le Seigneur, qui recherchent la face de Dieu !

Les saints et les saintes du Ciel ont tous été des chercheurs de Dieu en pratiquant jour après jour, dans la joie comme dans les épreuves, les vertus de foi, espérance et charité.


samedi 21 octobre 2017

29ème dimanche du temps ordinaire / année A



Matthieu 22, 15-21

22/10/17

Dans les derniers jours de son ministère public à Jérusalem, Jésus est confronté à ses ennemis qui cherchent par tous les moyens possibles à le discréditer. Toutes les questions qui lui sont posées ne proviennent pas du désir de connaître la vérité mais de la volonté de le faire tomber dans un piège. La parole humaine en est réduite alors à n’être qu’une arme en vue de détruire l’adversaire. Pour citer l’Ecclésiaste, rien de nouveau sous le soleil. Cet usage hypocrite et pervers de la parole humaine se poursuit de nos jours dans les prétendus débats politiques, et certains de nos journalistes ressemblent bien aux pharisiens du temps de Jésus. Avant même de poser leurs questions, ils ont condamné la personne à laquelle ils s’adressent. Leur but n’est pas de mettre en valeur ce qu’elle pense réellement sur des sujets de fond, mais de la prendre en faute sur des détails insignifiants… Bref ils ne contribuent pas à informer de manière objective mais ils manipulent l’opinion publique. Pour masquer l’hypocrisie et la manipulation, rien ne vaut une bonne dose de flatterie… Maître, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens. Cette description de Jésus est parfaitement juste. Le problème réside dans le fait que les pharisiens n’y adhèrent pas intérieurement, ils sont dans l’hypocrisie la plus totale. Quant à leur question, elle est formulée de telle manière qu’elle révèle leur penchant légaliste : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à l’empereur ? Le Seigneur ne va tomber dans le piège et il va s’abstenir de répondre oui ou non de manière directe. Derrière la question des pharisiens se profile le problème politique qui les tracasse. Depuis Pompée, leur pays, la Judée, est une province sous l’autorité de Rome. C’est cela qu’ils ne supportent pas. C’est la raison pour laquelle ils se dispenseraient bien de payer l’impôt à César. Jésus n’est pas venu pour jouer le rôle d’un Messie politique, d’un Juif nationaliste, rempli de zèle pour bouter l’occupant romain hors d’Israël. Sa mission est essentiellement spirituelle : permettre aux hommes de se convertir pour accueillir le Royaume des Cieux. Il distingue donc les réalités de ce monde, temporelles, comme l’organisation politique, des réalités spirituelles. D’une manière très habile, il fait remarquer à ses ennemis qu’ils sont bien obligés d’utiliser les monnaies romaines dans leur vie quotidienne, que cela leur plaise ou pas. D’où la leçon selon laquelle il convient de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Implicitement, il leur répond qu’il faut payer l’impôt à César, car cela ne constitue absolument pas un obstacle à l’essentiel : la vie de communion avec Dieu. Les empereurs romains comme les présidents de la République passent, seul Dieu demeure. Autrement dit l’occupation romaine n’empêche pas le Juif qui le désire d’adorer Dieu en esprit et en vérité. C’est d’un autre domaine. D’ailleurs lorsque le Royaume de Juda et d’Israël était indépendant et libre, beaucoup de rois ont malheureusement été de mauvais rois qui ont été infidèles à la foi monothéiste et sont tombés dans des pratiques païennes… La vraie question n’est donc pas de type légal : est-il permis, oui ou non ? mais bien spirituelle : comment je peux progresser dans la vraie foi, l’amour et l’adoration du Dieu vivant quel que soit le contexte politique dans lequel je me trouve. Il est toujours dangereux de confondre la sphère temporelle du politique, par définition imparfaite et changeante, et la sphère de la vie spirituelle ancrée sur le roc de la sainteté de Dieu. Le billet de banque des Etats-Unis témoigne de cette confusion en osant mettre le nom de Dieu sur un vulgaire moyen de paiement, In God we trust… L’intention était probablement d’honorer Dieu, mais le résultat est dramatiquement l’opposé puisqu’on rabaisse le nom sacré de Dieu en l’imprimant sur un billet de banque… Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent… Une autre manière de dire : Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. D’où l’importance pour nous de ne pas diviniser la sphère temporelle et politique et de ne pas mettre Dieu au service des Césars de notre temps. Pour ce qui est des lois civiles justes comme payer l’impôt, Jésus est légaliste, et Paul à sa suite. Pour ce qui est de notre relation avec Dieu, Jésus dépasse le domaine de ce qui est permis ou pas, il nous demande en effet d’aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre intelligence et de toute notre force.

dimanche 15 octobre 2017

28ème dimanche du temps ordinaire / A


Matthieu 22, 1-14

15/10/17

Nous avons probablement tous déjà fait cette expérience désagréable : inviter des amis à une fête ou à un bon moment à passer ensemble et recevoir une réponse négative du style : excuse-moi, mais je n’ai pas le temps… Peut-être avons-nous renouvelé nos invitations quelques fois… et avons-nous fini par nous décourager devant le manque d’enthousiasme de ceux que nous invitions à partager un bon moment ensemble… Dans ces moments nous pouvons ressentir en nous de l’amertume et de la colère en nous posant la question suivante : ceux que nous avons invité et qui ont refusé étaient-ils vraiment des amis ou bien de simples connaissances ?
Dans la Bible, Dieu se présente très souvent à nous comme celui qui appelle, celui qui invite. C’est le thème principal de la parabole de ce dimanche. Mais ici ce n’est pas une simple invitation à participer à une fête quelconque : il s’agit en effet du Père qui célèbre les noces de son Fils. Une fête de mariage n’est pas comparable à une banale soirée de fête ! C’est un événement extrêmement important et significatif. Mais si le Fils de Dieu, Jésus, est l’époux dans la parabole, alors qui est l’épouse ? Plusieurs réponses peuvent être données à cette question. Pensons tout d’abord au mystère de l’incarnation par lequel le Fils de Dieu épouse notre humanité en se faisant notre frère. Mais l’épouse peut aussi être l’Eglise pour laquelle Jésus a donné sa vie, et donc d’une certaine manière chaque membre de l’Eglise, chaque baptisé. Tous les chrétiens sont ainsi appelés à fêter les noces du Royaume des cieux, à se réjouir de l’Alliance d’amour entre le Père et l’humanité en son Fils Jésus. Oui, la multitude des hommes est appelée.

Si cette parabole nous parle de l’invitation de Dieu, elle nous montre aussi comment nous répondons à cet appel : les invités ne voulaient pas venir ; ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce. Ces réactions sont déjà bien décevantes, mais il y a pire encore : les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. C’est le drame qu’ont vécu tous les prophètes, Jésus lui-même et tous les serviteurs de l’Evangile qui continuent aujourd’hui à inviter tous les hommes au repas de fête, au festin de l’Alliance entre Dieu et l’humanité. Bref Dieu invite et les hommes préfèrent s’occuper de leurs affaires terrestres plutôt que de lui répondre. Si Dieu nous considère comme ses enfants bien-aimés, malheureusement nous le considérons souvent comme un détail dans notre vie, celui à qui nous donnons la dernière place. Une fois que nous avons passé la plus grande partie de notre temps à notre travail, à nos occupations et à nos divertissements, peut-être donnerons-nous quelques miettes de notre temps pour vivre notre relation avec Jésus. Le repas des noces ne fait pas seulement allusion au festin symbolique de la fin des temps dans le Royaume des cieux mais aussi au repas de l’eucharistie auquel nous sommes invités chaque dimanche, repas qui nous prépare justement à notre entrée dans la vie éternelle : heureux les invités au repas du Seigneur ! Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Quand il s’agit d’organiser notre week-end, notre dimanche, quelle place donnons-nous à cette invitation que Jésus nous fait par la voix de son Eglise ? Pouvons-nous répondre au Seigneur, si nous l’aimons vraiment, non, désolé, je n’ai pas le temps, je n’ai pas une heure à te consacrer pour participer à ton repas de fête ? L’image du repas des noces, donc du festin de l’amour entre Dieu et l’humanité, ne se limite pas à évoquer la communion au corps et au sang de Jésus lors de la messe du dimanche. Chaque fois que nous donnons de notre temps et que nous nous donnons nous-mêmes au Seigneur pour nourrir notre foi et notre relation avec lui, nous répondons oui à son invitation : lecture de la Bible, prière personnelle, temps de récollection ou de retraite etc.

Le repas est prêt mais les invités n’en étaient pas dignes. La liturgie de la messe nous fait bien comprendre que nous ne serons jamais dignes du grand don qui nous est fait. Non pas pour nous décourager ou nous condamner, mais pour mettre en notre cœur l’humilité sans laquelle nous ne pouvons pas profiter pleinement du don de la communion. C’est la raison pour laquelle nous reprenons les paroles de l’officier romain dans l’Evangile. Nous sommes venus, nous avons répondu à l’appel du Seigneur, mais il nous faut demeurer humbles et éviter l’orgueil qui nous ferait penser que nous faisons partie du petit nombre des élus, car le fait même d’avoir répondu à l’invitation est déjà une grâce de Dieu :


Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri.

dimanche 1 octobre 2017

26ème dimanche du temps ordinaire / A


Premier octobre 2017

Mt 21, 28-32

Dans l’Evangile de ce dimanche, Jésus s’adresse aux chefs des prêtres et aux anciens. Ceux-ci lui reprochent son action dans le Temple, lorsqu’après son entrée triomphale dans Jérusalem, il en a chassé  les marchands et les changeurs de monnaie qui y commerçaient en vue des sacrifices d’animaux. La tension est donc vive entre le Seigneur et les responsables religieux du peuple. La petite parabole des deux fils, très simple à comprendre, s’adresse à eux pour leur reprocher leur manque de foi. Si les pécheurs, représentés ici par les publicains et les prostituées, ont cru au message de Jean-Baptiste, eux ont refusé de croire, même après avoir vu l’exemple de la conversion des pécheurs. La parabole porte donc sur notre capacité à croire et notre capacité à mettre notre vie en harmonie avec la foi que nous proclamons. Elle nous parle aussi de la possibilité que nous avons d’endurcir notre cœur. Elle reprend l’image du travail dans la vigne de Dieu, déjà rencontrée dimanche dernier. Notre travail dans la vigne est le signe que nous voulons accomplir la volonté du Père. Nous lui faisons confiance et nous obéissons à sa parole. Jésus insiste sur l’importance de nos actes (le travail dans la vigne), actes qui représentent les fruits de notre foi, donc notre conversion. La vie chrétienne exige en effet de chacun de nous une conversion permanente car le risque est grand pour nous de ressembler au fils qui dit oui, qui dit à Dieu « je crois en toi », mais qui refuse ensuite de conformer sa vie à la parole de Dieu. Jésus avait déjà enseigné ce point au chapitre sept du même Evangile, et cet enseignement est une constante dans ses paroles : Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux.

Plus loin dans le même Evangile, Jésus dénonce cet écart entre les paroles et les actes chez les maîtres de la Loi et les Pharisiens : Tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas.


Finalement la parabole des deux fils est un commentaire de la demande du Notre Père : Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ! Un aspect intéressant de cette parabole concerne notre psychologie humaine blessée par le péché et soumise à la tentation. Nous avons probablement déjà fait l’expérience du premier fils dans notre vie. Face à la volonté de Dieu, connue à travers les enseignements du Seigneur et les inspirations de l’Esprit Saint, nous avons tout d’abord dit « non », nous avons refusé. Et souvent il nous faut un certain temps pour pouvoir dire « oui » et agir en conformité avec ce que le Seigneur attend de nous. Ce qui signifie que notre conversion à l’Evangile est un processus qui prend toujours du temps, à la suite de notre premier acte de foi en Dieu. Ce qui rend notre vie avec le Christ enthousiasmante et vivante, belle et joyeuse, c’est cette expérience que nous pouvons faire chacun, chacune, de manière personnelle. C’est le fait que de petites victoires en petites victoires, nous nous fortifions et nous progressons dans l’accomplissement de la volonté de Dieu. Et au plus nous sommes sanctifiés par l’amour du Seigneur, au plus l’accomplissement de notre vocation chrétienne devient pour nous une source de joie, de paix et d’épanouissement. La lutte demeure toujours présente, mais c’est d’abord la présence de Jésus Ressuscité qui nous guide et nous soutient pour que notre « oui » soit vraiment un « oui » authentique : Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. 

dimanche 17 septembre 2017

24ème dimanche du temps ordinaire / année A


17/09/17

Matthieu 18, 21-35

Le chapitre 18 de l’Evangile selon saint Matthieu est une catéchèse sur le mystère de l’Eglise. L’Evangile de ce dimanche correspond à la conclusion de cette catéchèse construite à partir des paroles du Christ. L’enseignement de Jésus part souvent des questions qu’on lui pose. Le Seigneur aime en effet écouter les questions des hommes pour délivrer son message. Le chapitre 18 s’ouvre par une question des disciples et s’achève par une question de Pierre :

Qui donc est le plus grand dans le Royaume des Cieux ?

Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ?


A ces deux questions, le Seigneur répond en donnant des modèles à imiter, des sources d’inspiration pour notre conduite chrétienne. La vraie grandeur consiste à se faire petit comme un enfant et le pardon authentique fait de nous des imitateurs de Dieu. D’un côté nous avons donc comme modèle le petit enfant et de l’autre Dieu le Père ! Humilité et pardon, humilité et miséricorde vont donc de pair, et trouvent en Jésus, image du Père, leur union parfaite et leur sommet. Ces deux dispositions du cœur, ces deux attitudes sont caractéristiques de la vie chrétienne, et dessinent par conséquent le visage de l’Eglise. Le Fils éternel de Dieu s’est manifesté en la personne de Jésus pour offrir à l’humanité le pardon de Dieu et à la création tout entière le don de la réconciliation et de la paix. Si Jésus exige de Pierre et de tous ses disciples un pardon sans limite, un pardon infini, c’est parce que la miséricorde de Dieu est elle-même infinie et sans bornes. La capacité de pardonner chez les chrétiens devient ainsi une participation humaine à la miséricorde de Dieu manifestée dans le Christ. Que le pardon soit un thème central dans la prédication de Jésus ne demande pas beaucoup de démonstration… Qu’il nous suffise de penser à la demande du Notre Père ! Cette capacité de pardonner est le signe de la présence du Royaume de Dieu parmi nous, elle est un signe éclatant de sainteté. A l’inverse l’attitude du débiteur impitoyable dans la parabole nous fait retomber dans un monde privé de la grâce divine, dans un univers païen. Chaque fois que nous refusons en tant que chrétiens d’offrir le pardon, nous ne sommes pas simplement ingrats et illogiques mais nous bloquons en quelque sorte l’avènement du Royaume de Dieu. Nous déconstruisons ce que Jésus nous a obtenu par l’offrande de sa vie. Notre psychologie humaine, blessée par le péché des origines, est ainsi faite que nous sommes généralement indulgents envers nous-mêmes et impitoyables envers les autres. Les grands saints nous étonnent souvent parce qu’ils se considèrent comme de grands pécheurs. Ils inversent dans leur vie l’instinct psychologique qui accuse autrui avant de se remettre soi-même en question. Notre tendance à être sans pitié envers autrui va de pair avec une autre tendance, presque automatique en nous, celle du jugement. Nous progresserons dans notre capacité à pardonner au fur et à mesure que nous vaincrons cette tendance à juger rapidement les autres sans connaître les tenants et les aboutissants de leur histoire personnelle. Si pardon et humilité vont de pair dans la vie de l’Eglise, alors le conseil que Paul donnait aux premiers chrétiens nous est infiniment précieux si nous voulons refléter dans nos vies la miséricorde du Seigneur à notre égard : ne faites rien par rivalité ni pour la gloire ; ayez l’humilité de croire les autres meilleurs que vous-mêmes. Au lieu de penser chacun à son intérêt, que chacun se préoccupe des autres.

dimanche 10 septembre 2017

23ème dimanche du temps ordinaire / A


10/09/17

Matthieu 18, 15-20

L’Evangile de ce dimanche nous parle de la vie de la communauté chrétienne, de la vie en Eglise. Jésus aborde deux aspects de cette vie communautaire : le péché et la prière. Si nous lisons cet Evangile dans le contexte plus large du chapitre 18 de l’Evangile selon saint Matthieu, nous nous apercevons que ce chapitre s’ouvre par une question des disciples : Qui donc est le plus grand dans le Royaume des Cieux ? Et à cette question Jésus répond en appelant un petit enfant… Si quelqu’un peut se rabaisser au niveau de cet enfant, c’est lui le plus grand dans le Royaume des Cieux. Ainsi la note essentielle des disciples, donc de l’Eglise, c’est l’humilité. L’Eglise, à l’exemple de son Maître et Seigneur, est d’abord servante. Jésus aborde ensuite la question du scandale dans la communauté chrétienne. Puis, juste avant l’Evangile de ce dimanche, il propose la parabole de la brebis perdue avec comme conclusion : votre Père des Cieux ne veut pas qu’un seul de ces petits se perde. Si l’Eglise est d’abord servante, c’est pour le salut de tous les hommes. Ou pour le dire autrement l’Eglise n’est pas signe de salut en dominant mais en s’abaissant, comme Jésus l’a fait lors du lavement des pieds.

Dans ce contexte les paroles sur la correction fraternelle s’éclairent d’un jour nouveau. Elles nous rappellent que l’Eglise sainte est composée de membres pécheurs. Le péché dont parle ici Jésus doit revêtir une certaine gravité. Il ne s’agit pas des péchés véniels auxquels tous les chrétiens succombent quotidiennement. Il s’agit du péché qui constitue un contre-témoignage flagrant, du péché qualifié de mortel par l’Eglise car il nous sépare de Dieu et blesse la communion de l’Eglise. D’où la nécessité d’une intervention de la communauté auprès du pécheur en vue de son salut et pour obtenir son repentir. Jésus recommande en priorité une intervention discrète (va lui parler seul à seul), car elle respecte davantage la dignité de la personne qui a péché. La correction fraternelle n’a pas pour but d’humilier publiquement le pécheur. Ce n’est que lorsque le pécheur s’endurcit dans sa faute que cette correction de la part de l’Eglise prend un caractère solennel et public qui peut aboutir à ce que nous appellerions aujourd’hui l’excommunication (considère-le comme un païen et un publicain). Dans des cas extrêmes l’Eglise a en effet le devoir de protéger ses membres contre un membre qui, par son attitude, sème le trouble et cause le scandale. L’importance de la communion en Eglise se vérifie avec les paroles de Jésus sur la prière : la prière communautaire a plus de puissance que la prière personnelle, car quand deux ou trois sont réunis au nom de Jésus, il est là au milieu d’eux. L’enseignement du Seigneur sur l’Eglise s’ouvre par l’humilité et se conclue, à la fin du chapitre 18, par l’importance du pardon : mon Père des cieux vous traitera de la même façon si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond de son cœur. A travers les paroles de Jésus, saint Matthieu nous offre ainsi une magnifique catéchèse sur la vie en Eglise. L’Eglise telle que Jésus la veut est cette communauté de croyants qui vit le service comme la véritable grandeur et qui se dévoue totalement à un monde réconcilié. Le pouvoir de la communauté Eglise n’a pas d’autre but que le salut de tous, et ce salut implique l’engagement des chrétiens pour la justice et pour la paix. L’Eglise, corps du Christ et temple de l’Esprit, est enfin le lieu privilégié de la présence et de l’action du Seigneur, en particulier dans la prière communautaire et liturgique : Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux.


dimanche 2 juillet 2017

13ème dimanche du temps ordinaire / A


2/07/17

Matthieu 10, 37-42


Au centre de l’Evangile que nous venons d’écouter se trouve cette sentence paradoxale : Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. Autour de cette sentence Jésus nous parle de notre famille humaine et de notre famille spirituelle, l’Eglise en tant que communauté des croyants. Il commence par nous parler de notre condition de disciples. Etre son disciple exige de notre part ce que j’appellerais un amour et un attachement prioritaires. Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. La traduction liturgique en utilisant l’adjectif digne peut nous porter à une fausse interprétation de la pensée du Christ. Une autre traduction, celle de Chouraqui, peut nous aider à y voir plus clair : Qui me préfère père ou mère ne vaut pas pour moi. Nous savons bien que nous ne serons jamais dignes du Christ. C’est d’ailleurs que nous disons avant chaque communion eucharistique. Il faut donc comprendre : Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne d’être appelé mon disciple, parce qu’il préfère l’amour de sa famille à mon amour. Pour le dire clairement : l’amour pour le Christ doit être prioritaire dans la vie du disciple. Tout le reste, aussi légitime soit-il, doit passer après notre attachement au Christ. Si, malheureusement et cela arrive parfois, il y a concurrence dans notre vie entre l’amour que nous devons à Jésus et celui que nous devons à nos parents ou à nos enfants, alors nous devons toujours choisir l’amour pour Jésus afin d’être vraiment ses disciples. C’est ce que Jésus lui-même a mis en pratique dans sa propre vie par rapport à sa propre famille humaine. Souvenons-nous de l’épisode lors du pèlerinage à Jérusalem lorsque le jeune Jésus, âgé de 12 ans, demeure dans le temple sans prévenir ses parents : En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » A cet instant précis, le jeune Jésus fait comprendre à Marie et à Joseph que son amour pour le Père est premier. Plus tard il montrera que sa vraie famille n’est pas celle de la chair et du sang, mais bien la famille spirituelle : Quelqu’un lui dit : « Ta mère et tes frères sont là, dehors, qui cherchent à te parler. » Jésus lui répondit : « Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? » Puis, étendant la main vers ses disciples, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Car celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. » Si Jésus exige de nous un attachement aussi fort que celui que je viens de décrire, n’oublions pas que dans la deuxième partie de cet Evangile il s’identifie à nous, qui sommes ses disciples : Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. En partant du Père, source de toute vie, jusqu’à nous et en passant par le Christ, c’est une même et unique famille, celle des enfants de Dieu. Si bien qu’accueillir un chrétien, c’est accueillir le Christ lui-même, et donc Dieu lui-même. Nous le voyons l’amour prioritaire est réciproque : des disciples pour le Christ et du Christ pour les disciples. Si Jésus a aimé Marie et Joseph, ce n’est pas d’abord parce qu’ils étaient ses parents, mais surtout parce qu’ils étaient des disciples qui cherchaient en toutes choses dans leur vie la volonté du Père. Ce que Jésus enseigne ici est d’ordre surnaturel. Il nous fait comprendre que les liens les plus importants ne sont pas ceux de la chair et du sang, mais ceux de l’Esprit. Ce n’est pas pour rien qu’il nous faut renaître de l’eau et de l’Esprit par le baptême pour faire partie de cette nouvelle réalité qu’est l’Eglise, famille des enfants de Dieu unie par les liens de la foi, de la charité et de l’espérance : A tous ceux qui l’ont reçu, le Verbe a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu.

dimanche 25 juin 2017

12ème dimanche du temps ordinaire / A


25/06/17

Matthieu 10, 26-33

Les paroles de Jésus dans l’évangile de ce dimanche s’adressent d’abord aux apôtres, c’est-à-dire aux missionnaires choisis et envoyés par le Christ pour rendre témoignage à l’Evangile. Jésus ne leur promet pas un succès facile. Il leur annonce des difficultés et des oppositions. Ce n’est pas parce qu’ils annoncent l’Evangile au nom du Christ qu’ils seront accueillis à bras ouverts. L’annonce de l’Evangile se heurte aujourd’hui comme hier à bien des résistances, des oppositions ou tout simplement à une froide indifférence. Ce qui est valable pour les apôtres l’est aussi pour chaque chrétien, donc pour chacun d’entre nous. Car, même si nous n’avons pas la vocation de missionnaire, de par notre baptême et notre confirmation nous sommes, nous aussi, appelés à rendre témoignage à l’Evangile de Jésus, par nos actes et par nos paroles. L’avertissement qui clôt cette page évangélique est donc aussi valable pour les laïcs qui n’ont pas reçu une mission particulière au sein de l’Eglise : Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux.

Le refrain qui revient à trois reprises dans ces paroles de Jésus est un appel à ne pas avoir peur au milieu des inévitables difficultés que comporte le témoignage chrétien : soyez donc sans crainte. Un passage de cet Evangile demande une explication et un approfondissement particulier : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. Dans la tradition philosophique de Platon, on distingue en l’homme l’âme immortelle du corps périssable. Jésus reprend en partie cette distinction, mais en soulignant le fait que même l’âme peut connaître une espèce de mort en « périssant dans la géhenne ». C’est une allusion à l’enfer, à la damnation. Tous ceux qui ont persécuté les chrétiens se sont attaqués à leur vie, en martyrisant et en faisant périr le corps. Ces persécutions sont malheureusement d’actualité pour beaucoup de nos frères chrétiens d’Orient qui n’ont souvent pas d’autre choix que l’exil ou la mort. Mais Jésus nous dit que nous devons surtout craindre celui qui a le pouvoir de faire périr notre âme dans la géhenne. Même s’il n’est pas nommé, on peut penser ici au diable. En Europe nous ne sommes pas persécutés et nous jouissons de la liberté de culte. Cependant nous devons craindre ce qui peut tuer notre âme, tout ce qui peut tuer en nous la vie de communion avec Dieu. Ou sans la tuer, la rendre plus difficile. Nous devons craindre tout ce qui peut nous éloigner de cette communion avec Dieu et nous empêcher de témoigner de l’Evangile. La société de l’indifférence religieuse dans laquelle nous sommes plongés est, par certains aspects, tout aussi dangereuse pour la vitalité de notre foi que des persécutions. Car cette indifférence va de pair avec une idéologie mettant au cœur de l’existence humaine la recherche effrénée du plaisir, du divertissement, de la réussite et des richesses. Cette indifférence s’accompagne en effet d’un matérialisme grossier qui range la prière dans la case des occupations inutiles et à éliminer. Le silence est perçu comme une menace, et la mode consiste à écouter de la musique (ou du bruit !) en permanence… L’inactivité et le repos deviennent insupportables si bien que l’on consulte à longueur de journée son smartphone… Tous ces phénomènes, s’ils traduisent le mal-être de l’homme contemporain, contribuent aussi à lui fermer l’accès à une vie spirituelle, à une vie d’intériorité qui exige de goûter le silence extérieur pour établir en soi le silence du recueillement. Quelques chapitres plus loin dans l’évangile selon saint Matthieu, Jésus adopte un langage imagé et radical pour nous prémunir contre tout ce qui peut faire périr notre âme dans la géhenne :

Si ta main ou ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le et jette-le loin de toi. Mieux vaut pour toi entrer dans la vie éternelle manchot ou estropié, que d’être jeté avec tes deux mains ou tes deux pieds dans le feu éternel. Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans la vie éternelle, que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne de feu.
Au-delà des images empruntées à notre corps, nous pouvons facilement trouver ce que nous devons « couper » pour vivre de la vie de Dieu en nous. De quoi devons-nous nous séparer, nous libérer, pour être davantage disponibles à la vie spirituelle ? A quoi pouvons-nous renoncer, avec l’aide de la grâce divine, afin de recentrer notre vie sur le Christ mort et ressuscité pour nous ?


dimanche 18 juin 2017

LE SAINT SACREMENT / A


18/06/17

Jean 6, 51-58

Après la Pentecôte, l’Eglise nous fait célébrer la Sainte Trinité (c’était dimanche dernier) et le Saint Sacrement. Parmi les sept sacrements de l’Eglise catholique, seul le sacrement de l’eucharistie a une fête qui lui correspond. C’est dire toute son importance. D’où le nom de Saint Sacrement que nous pouvons traduire de la manière suivante : le sacrement par excellence. Tous les sacrements sont en effet porteurs de la sainteté de Dieu mais l’eucharistie l’est à un degré plus parfait encore puisqu’elle nous met directement en communion avec Jésus. N’oublions pas par ailleurs que chaque Jeudi Saint nous faisons aussi mémoire de ce sacrement. La différence entre les deux fêtes est la suivante : le Jeudi Saint nous nous souvenons de l’institution de ce sacrement par le Seigneur lors de la dernière Cène, alors qu’en ce dimanche nous essayons de saisir la signification de ce sacrement pour nous et pour la vie de l’Eglise.

La première lecture de cette messe nous rappelle la longue marche du peuple hébreu dans le désert, après la libération d’Egypte. Cette marche est une préparation spirituelle à l’installation en terre promise. Moïse présente ce temps de la vie du peuple comme une mise à l’épreuve de sa fidélité envers Dieu. L’un des problèmes essentiels auxquels le peuple a été confronté est bien celui de l’eau et de la nourriture. La manne (qui signifie en hébreu Qu’est-ce que c’est ?) est cette nourriture mystérieuse donnée par Dieu pendant le temps du séjour au désert.

Dans l’Evangile selon saint Jean, Jésus lorsqu’il veut faire comprendre le mystère de l’eucharistie à ses disciples se réfère à l’expérience du peuple dans le désert. Il se présente en effet comme la manne nouvelle et surtout bien meilleure que celle donnée par Dieu autrefois : Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel. Dans le saint sacrement de la messe, nous recevons pour le temps de notre pèlerinage sur cette terre la nouvelle manne, le corps et le sang du Seigneur, mort et ressuscité pour nous. Cette nourriture spirituelle nous donne la vie éternelle en nous faisant communier à la personne du Christ : celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.

Il est très éclairant de mettre en relation le saint sacrement avec la demande du Notre Père concernant le pain quotidien : donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. En effet pendant le temps de notre vie sur cette terre, temps qui correspond spirituellement à la longue marche des hébreux dans le désert, nous avons besoin chaque jour de la nourriture pour notre corps et de la nourriture spirituelle. Dans le Notre Père nous demandons les deux pains : le pain pour le corps et le pain pour l’âme, en nous souvenant que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. Rares sont les personnes qui peuvent participer à la messe chaque jour. Le pain spirituel que nous demandons au Père est par excellence le pain eucharistique mais il est aussi la Parole de Dieu telle que la Bible nous la transmet. Ce pain spirituel, c’est aussi chaque temps de prière que nous prenons dans la semaine pour vivre notre communion avec la Trinité, communion commencée au jour de notre baptême. Recevoir le pain spirituel chaque jour, c’est donc tout au long de la semaine vivre de la communion eucharistique du dimanche et se préparer à la prochaine communion que nous ferons. C’est, à travers la méditation de la Bible, la lecture d’un auteur spirituel et par la prière sous toutes ses formes, se préparer à bien profiter du grand don qui nous est fait chaque fois que nous participons à la messe du dimanche avec foi et amour. C’est se préparer au grand moment de la communion eucharistique et faire en nous l’expérience du psaume 33 : Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! C’est en effet à travers notre participation à l’eucharistie que nous pouvons éprouver la vérité des paroles de Jésus en saint Matthieu : «Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger ». Chaque communion eucharistique anticipe ainsi la joie du Paradis qui consistera à voir Jésus dans le face-à-face de l’amour éternel.