dimanche 30 mars 2008

Deuxième dimanche de Pâques

Deuxième dimanche de Pâques / A / Dimanche de la divine miséricorde
30 mars 2008 (page 478)
Jean 20, 19-31
En ce deuxième dimanche de Pâques les textes de la Parole de Dieu sont particulièrement beaux et significatifs. En prenant le temps d’explorer cette mine de la Parole, nous pourrions trouver beaucoup de filons : la communauté, le salut, la foi etc. Et bien sûr la miséricorde en ce dimanche de la divine miséricorde ! Pour ma part, je voudrais explorer pour vous le filon de la joie, état intérieur et spirituel qui convient si bien au temps de Pâques. Nous verrons que la joie est inséparable de toutes les autres thématiques déjà signalées, entre autres celle de la foi.
« Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». C’est la béatitude de la foi, c’est notre béatitude. Nous sommes dans la même situation que ces premiers chrétiens auxquels l’apôtre Pierre écrivait : « Jésus Christ, lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore. » Notre foi est vraiment source de joie parce qu’elle nous met en contact direct avec la source de la joie : Jésus dans son mystère pascal, Jésus le Vivant, Jésus le Ressuscité ! Par notre foi nous pouvons toucher Jésus comme Thomas le fit autrefois. Nous pouvons bénéficier de sa présence au milieu de nous sans le voir. Les disciples sont passés de la peur à la joie : ils « furent remplis de joie en voyant le Seigneur. » Or notre foi est comme un nouveau sens, un sens surnaturel qui nous permet de voir Dieu avec notre cœur, et non plus seulement avec les yeux de la chair.
Si les Actes des Apôtres décrivent le bonheur des premiers chrétiens dans la communauté de Jérusalem, leur profonde unité, leur communion en toutes choses y compris par le partage des biens, Pierre insiste dans sa lettre sur la joie chrétienne. « Vous tressaillez de joie. » Nous avons à bien comprendre ce message de l’apôtre Pierre. La joie chrétienne n’est pas une illusion factice, une douce utopie, un beau rêve. Cette joie est capable d’assumer même les épreuves, et c’est là sa véritable force. C’est bien parce qu’elle vient de la puissance et de la gloire de Jésus Vivant à jamais, qu’elle nous permet de ne pas nous laisser abattre par nos épreuves. La joie pascale exclue le découragement. Et Pierre va encore plus loin : non seulement nos épreuves ne peuvent pas nous enlever notre joie, mais elles nous permettent de grandir dans la foi. Cela rejoint bien le testament de Jésus le soir du jeudi saint : « Vous aussi, vous voilà dans la tristesse, mais je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie ; et votre joie personne ne vous l’enlèvera. » Nos épreuves vérifient la qualité, c’est-à-dire la solidité, de notre foi « qui est bien plus précieuse que l’or. » Combien parmi nous ont-ils conscience que leur plus grand trésor c’est justement leur foi chrétienne ? Si nous avions vraiment conscience de cela, nous serions dans une joie profonde, celle de l’action de grâce pour la foi qui nous permet de voir et de toucher le Seigneur chaque jour. Et Pierre dans sa lettre insiste : « Vous tressaillez d’une joie inexprimable qui vous transfigure, car vous allez obtenir votre salut qui est l’aboutissement de votre foi. » Nous ne pouvons que constater à quel point joie et foi sont liées dans notre vie chrétienne. Si la joie, don de l’Esprit, est d’abord un état intérieur, au plus profond de nous-mêmes, elle est aussi capable de nous transfigurer, affirme saint Pierre. C’est pour cette raison qu’elle doit également transparaître dans notre « extérieur » par notre amabilité, notre gentillesse, notre sourire surtout, et enfin par notre bonne humeur, notre capacité à rire et notre sens de l’humour !
Comment conclure si ce n’est en nous exhortant à revenir sans cesse auprès de Celui qui est la source de notre joie ? Jésus, le Vivant. A y revenir personnellement dans la prière et la méditation de l’Ecriture. Mais à y revenir aussi ensemble dans la célébration communautaire de l’eucharistie le dimanche et en semaine. Une communauté chrétienne n’est pas l’addition de personnes assistant à la messe, réparties aux quatre coins de l’église. Si la messe est le rassemblement des croyants heureux de célébrer le Seigneur ressuscité, comment se fait-il que nous ayons autant de mal à nous rassembler autour de l’autel ? Si la messe est le sommet de notre vie chrétienne, comment se fait-il que nous soyons avares de notre temps avec le Bon Dieu, arrivant facilement en retard et partant très rapidement ? Nous devons sans cesse nous redire que notre attitude personnelle peut être un témoignage ou au contraire un contre-témoignage. Nous devrions nous mettre dans la peau d’une personne étrangère à notre foi, entrant ici au cours d’une messe… Si cette personne nous voit dispersés, arrivant en retard, pressés de repartir, pensera-t-elle que nous sommes heureux de croire en Jésus-Christ ? Certainement pas ! Elle pensera plutôt que les chrétiens sont des personnes qui s’obligent à suivre un rite ennuyeux chaque dimanche ! Soyons donc par notre attitude concrète de vrais témoins de la joie de Pâques ! Amen.

samedi 22 mars 2008

JEUDI SAINT

Jeudi Saint, Messe en mémoire de la Cène du Seigneur
20 mars 2008
Jean 13, 1-15 (page 341)
La célébration du Jeudi Saint a pour but de nous rappeler l’institution du sacrement de l’eucharistie par Jésus, la veille de sa mort. C’est le sens de la deuxième lecture dans laquelle l’apôtre Paul redit aux chrétiens de Corinthe toute l’importance de ce sacrement. Cependant l’Eglise n’a pas choisi comme Evangile un récit de cette institution de l’eucharistie, récit que l’on peut trouver chez Matthieu, Marc ou Luc. Elle a préféré nous rapporter l’événement du lavement des pieds dans l’Evangile de Jean. Le quatrième évangéliste situe en effet le lavement des pieds dans le cadre de la dernière Cène, le dernier repas de Jésus avec ses apôtres. Il y a donc un rapport entre le lavement des pieds et le sens de l’eucharistie. L’eucharistie est le sacrement de l’amour de Jésus pour nous. La communion eucharistique, si elle suppose la foi, est d’abord une communion d’amour entre le Christ et chacun d’entre nous. Si nous communions au corps du Christ à la messe, nous devons grandir dans l’amour du Christ. La belle introduction que Jean donne au geste du lavement des pieds ne nous permet aucun doute : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout ». La clef d’interprétation de ce geste, c’est donc l’amour fou du Seigneur pour nous. « Jusqu’au bout » signifie aussi en grec jusqu’à la perfection : Oui, il ne manque absolument rien à l’amour du Christ, parce que c’est un amour proprement divin qui a sa source en Dieu notre Père. Le geste du lavement des pieds est comme un testament en acte de Jésus, à la veille de sa Passion. Pour faire ce geste, un geste d’esclave, de domestique, Jésus doit quitter son vêtement et se mettre à genoux devant ses apôtres. Lui qui est le Fils de Dieu ! Ce geste ne peut exister que dans la mesure où notre Seigneur a le cœur humble. En lui, aucune trace d’orgueil ou de sentiment de domination. Ce geste est un abaissement de la divinité, de la sainteté du Fils unique, à notre pauvre niveau de créatures marquées par la misère du péché. Par ce geste inouï Jésus signifie aussi à ces hommes leur grande dignité dans le cœur de Dieu. L’humanité est bien le sommet de toute la création de Dieu, en elle il y la trace de Dieu, son image. C’est cela que Jésus reconnaît en se mettant à genoux devant des hommes qui vont bientôt l’abandonner par peur ou par lâcheté. Pour éclairer encore davantage le lavement des pieds, nous pouvons nous référer à un passage de saint Luc : « Heureux ces serviteurs que le Seigneur à son retour trouvera éveillés ! En vérité, je vous le dis, c’est lui qui se mettra le tablier ; il les fera passer à table et les servira l’un après l’autre. » Cet Evangile de Luc va encore plus loin puisque dans la gloire du Paradis Jésus se fera notre serviteur !
La réaction de Pierre, « Tu ne me laveras pas les pieds, non, jamais ! », montre à quel point ce geste du Seigneur a dû être déconcertant pour les Apôtres… Et Pierre nous rappelle d’ailleurs Jean le baptiste qui refusait de baptiser Jésus dans les eaux du Jourdain: « Quoi ? Tu viens à moi ? C’est moi qui devrais me faire baptiser par toi ! » Du baptême au lavement des pieds, Notre Seigneur suit un même itinéraire et ne s’en écarte jamais : il nous montre un Dieu qui, par surabondance d’amour et de miséricorde, veut se faire le serviteur de ses créatures, un Dieu qui n’a pas honte de s’abaisser pour que nous puissions nous laisser réconcilier avec lui ! Comme Jean et comme Pierre, nous avons bien souvent notre image de Dieu, une image qui n’est pas forcément chrétienne : Un Dieu distant, un Dieu tellement transcendant, puissant et majestueux, qu’il ne peut que nous dominer, nous regarder de haut. Paradoxalement l’attitude de Pierre n’est pas une attitude humble mais plutôt orgueilleuse. C’est de la fausse humilité ! Car en fait Pierre est davantage attaché à son image de Dieu qu’à la vérité que Jésus veut lui révéler par le geste du lavement des pieds. La véritable humilité consiste à laisser Dieu être ce qu’il veut être pour nous, à accepter cette idée folle qu’il vient se faire notre serviteur, à genoux devant nous en Jésus, son Fils bien-aimé ! Aucun homme n’aurait pu inventer le récit du lavement des pieds, car ce qui se passe ici va bien au-delà de la conception naturelle, habituelle, que les hommes peuvent se faire de leur(s) dieu(x).
Je conclurai en mettant en valeur la notion d’exemple : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ». La grandeur selon l’Evangile n’a rien à voir avec la grandeur selon le monde. La seule grandeur valable pour Jésus, la seule qui nous rapproche vraiment de Dieu, c’est bien le service de Dieu et de notre prochain par amour. L’ambition du chrétien c’est la sainteté, la ressemblance avec Dieu. Tant que nous n’avons pas découvert la joie du service comme une bienheureuse sortie de notre égoïsme, nous ne pouvons pas suivre Jésus. Comme le disait Chris Mc Candless, le jeune aventurier du film Into the Wild, le bonheur n’est authentique que quand il est partagé…

lundi 17 mars 2008

Dimanche des Rameaux et de la Passion

Dimanche des Rameaux et de la Passion / A
16 mars 2008
Lecture brève de la passion (page 273)
La liturgie des Rameaux et de la Passion est comme un grand porche d’entrée, un porche solennel, qui nous fait passer du carême à la semaine sainte, c’est-à-dire au sommet de toute notre année liturgique.
En méditant ces textes magnifiques de la Parole de Dieu, j’ai été frappé par la place que tiennent les foules dans ces dernières heures de la vie de Notre Seigneur. L’évangéliste Matthieu parle autant de la foule que des foules. De la foule des Rameaux qui acclame le Christ Roi à la foule qui réclame à Pilate la mort de Jésus : voilà un itinéraire qui nous livre une leçon spirituelle de premier ordre. Les foules sont versatiles, elles changent rapidement d’opinions, car elles sont manipulables. Dans la Passion de Notre Seigneur, ce sont les élites religieuses d’Israël qui vont retourner les foules en les manipulant. L’obscurité du ciel de la Passion nous renvoie bien à l’obscurcissement des consciences humaines. Lorsqu’une personne humaine se laisse absorber par une foule manipulée, elle devient capable du pire et les digues de sa conscience cèdent alors rapidement. « Quel mal a-t-il donc fait ? » La question du païen Pilate n’obtient comme réponse que des cris : « Qu’on le crucifie ! » A ces cris inhumains répondra le grand cri du Fils de l’homme au moment de sa mort. Ce récit de la Passion écrit par un Juif pourrait bien nous sembler paradoxal car ce sont les païens qui font preuve d’humanité ou de clairvoyance envers Jésus. Certes il y a les soldats du gouverneur qui se moquent et torturent. Ce sont des bourreaux, des violents, probablement habitués à s’amuser avec les condamnés… Mais remarquons bien que les seules personnes dans ce récit ce sont Pilate, sa femme et le centurion chargé de la garde de Jésus ! Tous les autres n’existent que par des groupes… La femme de Pilate parle de Jésus comme d’un juste et le centurion donne la plus belle des professions de foi : « Vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu ! » L’ébranlement cosmique de la Passion vient ouvrir le cœur du soldat païen à la nouvelle grâce issue du cœur du Christ. Quant à Pilate il ne va pas jusqu’au bout des exigences de sa conscience. Il sait très bien que Jésus est innocent, il voudrait le sauver, mais il fait passer l’ordre public avant l’exigence de la vérité et de la justice. Même s’il se lave les mains, il n’en est pas moins responsable, lui aussi, de la condamnation d’un juste…
Cette contemplation de la Passion nous invite au moins à deux attitudes en tant que chrétiens. La première consiste à rechercher et à cultiver avec le Seigneur une relation vraiment personnelle, particulièrement par la prière et la méditation de la Parole. Le chrétien n’est pas un mouton anonyme bêlant à l’unisson du troupeau… Il est appelé dans la communion du Corps du Christ à devenir toujours davantage une personne ! La seconde concerne les exigences de notre conscience humaine et chrétienne. L’exemple de Pilate devrait nous mettre en garde sur de possibles compromissions par lesquelles nous nions notre dignité de fils de Dieu et la dignité de nos frères. Etre chrétien, c’est aussi savoir utiliser l’objection de conscience chaque fois que la vérité et la justice sont en jeu dans nos vies ou dans la vie de notre prochain.
Amen

dimanche 9 mars 2008

5ème dimanche de carême

5ème dimanche de carême / A
9 mars 2008
Jean 11, 1-45 (page 220)
L’évangéliste Jean a créé un lien entre la réanimation de Lazare et la guérison de l’aveugle-né, l’évangile de dimanche dernier. Il le fait de manière explicite à travers la question des Juifs : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Et de manière implicite : nous retrouvons en effet le thème de la gloire de Dieu et celui de la lumière : « Cette maladie est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié ».
Comme les évangiles de la Samaritaine et de l’aveugle de naissance, celui de Lazare est un véritable appel à la foi. Le septième et dernier miracle de Jésus dans l’évangile de Jean nous est rapporté pour que nous fassions nous aussi un itinéraire de foi. Comme dans le récit de la Samaritaine, l’humanité de Jésus est ici mise en relief. A trois reprises l’amour de Jésus pour Lazare et ses sœurs est souligné. Le Seigneur est capable de sentiments authentiquement humains : il est bouleversé d’une émotion profonde et il pleure. Si cette page évangélique est un appel à la foi, elle est en même temps une présentation du mystère de Jésus vrai Dieu et vrai homme.
Le Seigneur accomplit ce signe impressionnant pour fortifier la foi de ses disciples et pour susciter la foi des Juifs venus entourer Marthe et Marie dans leur deuil. Jean souligne en effet la puissance du signe sur ceux qui en ont été les témoins privilégiés : « Les nombreux Juifs, qui étaient venus entourer Marie et avaient donc vu ce que faisait Jésus, crurent en lui ». Comme dans l’Evangile de dimanche dernier ce qui est en jeu ici c’est bien de reconnaître en Jésus l’envoyé de Dieu.
Au centre de ce récit nous avons, non pas la réanimation de Lazare ou sa sortie du tombeau, mais une affirmation solennelle du Seigneur : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Et devant le tombeau de Lazare, Jésus promet à Marthe : « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ». Cet évangile devrait nous plonger dans une immense action de grâce. Nous croyons en Jésus, l’envoyé du Père. Nous avons cette grâce incommensurable de la foi chrétienne. Nous ne la méritons pas, nous la recevons comme un cadeau du bon Dieu. Pensons un peu à tous ceux qui autour de nous aimeraient croire mais ne le peuvent pas ! Par le baptême nous avons reçu ce germe de la foi. Nous sommes des privilégiés car ce germe a pu grandir en notre cœur. Et chacun pourrait raconter son histoire de rencontre avec le Seigneur comme un Vivant. C’est le Seigneur qui a mis sur notre chemin telle ou telle personne, tel événement, tel signe pour que la foi de notre baptême puisse se développer, pour qu’elle soit vivante aujourd’hui. Vous le savez, frères et sœurs, en France et en Europe il semble bien que la foi soit devenue un produit rare, un produit de luxe, si vous me permettez cette analogie quelque peu commerciale ! Nous avons donc reçu beaucoup, il nous sera demandé davantage. Notre foi est en même temps un don et une responsabilité. Vivre dans le Christ, mettre notre confiance en Lui, c’est déjà vivre de la vie même de Dieu, et c’est le mystère du baptême, de toute vie chrétienne. Avec le Christ nous sommes déjà vainqueurs de la mort éternelle. Vous me direz que nous n’avons pas la chance, comme les Juifs de l’Evangile, de voir un mort sortir de son tombeau… Nous pouvons, si nous vivons intensément de notre foi, voir la gloire de Dieu dans notre monde qui semble pourtant si malade, si déchiré et si égoïste. C’est bien par amour que Jésus redonne vie à son ami Lazare. Cet amour de Dieu répandu dans les cœurs des croyants et des hommes de bonne volonté produit aujourd’hui encore des signes et des miracles. C’est bien sûr évident dans la vie des saints de notre temps, et ils sont nombreux. Mais c’est aussi vrai chaque fois que des croyants délient les personnes des liens de l’injustice et de la haine, des liens de l’égoïsme et du mépris. Notre foi est une force, une puissance au service de la vie et du bonheur de tout homme. Notre foi a le pouvoir de libérer. Elle peut, si nous le voulons, nous libérer d’abord de nous-mêmes… Car nous sommes parfois nos propres tyrans, esclaves de nos passions et de notre égoïsme. C’est alors que notre foi nous oxygène et nous fait respirer le grand air pur de l’Esprit, particulièrement dans la prière et le sacrement du pardon. Notre foi peut aussi contribuer à la libération de ceux avec lesquels nous partageons un bout de chemin ici-bas sur terre, toutes les personnes que la Providence met sur notre route. Sommes-nous pour elles des foyers de lumière, d’espérance et d’amour ? N’oublions jamais que la plus grande preuve de l’existence de Dieu c’est la joie et l’enthousiasme de nos existences chrétiennes ! Je laisserai le mot de la fin à l’auteur du Cantiques des Cantiques : « L’amour est fort comme la mort, la passion est implacable comme l’abîme. Ses flammes sont des flammes brûlantes, c’est un feu divin ! Les torrents ne peuvent éteindre l’amour, les fleuves ne l’emporteront pas ». Amen.

jeudi 6 mars 2008

4ème dimanche de carême

4ème dimanche de Carême / A
2 mars 2008
Jean 9, 1-41 (page 164)
Il y a au moins un point commun entre l’Evangile de dimanche dernier (la Samaritaine) et celui de cette liturgie : la question concernant l’identité de Jésus.
Si nous regardons de près le long récit que donne saint Jean de la guérison de l’aveugle-né, nous constatons que l’évangéliste ne consacre que quelques versets à la guérison en elle-même. Ce qui semble l’intéresser bien davantage, c’est la polémique que ce geste de Jésus a suscité dans l’entourage du miraculé.
L’aveugle de naissance témoigne très simplement du miracle dont il est le bénéficiaire. Jean insiste sur la difficulté que les personnes de son entourage ont à accepter ce simple et constant témoignage. Et c’est ainsi que la polémique va naître dans trois groupes différents : les voisins, les pharisiens et les parents. Ceux qui refusent d’accueillir le témoignage de l’aveugle-né refusent en fait de reconnaître Jésus dans sa véritable identité d’envoyé du Père. Ce signe de Jésus, la guérison de l’aveugle de naissance, divise autant les voisins que les pharisiens. Dans ces deux groupes il y a ceux qui refusent de se rendre à l’évidence. Les pharisiens ont en outre un motif religieux : Jésus a guéri cet homme le jour du sabbat ! Quant aux parents du miraculé ils adoptent une attitude neutre par peur des Juifs.
La question centrale est finalement celle de l’identité de Jésus. Les voisins la formulent d’une manière qui semble anodine : « Et lui, où est-il ? » En nous référant au premier chapitre du même Evangile, nous pouvons comprendre toute la portée de cette question. En effet les deux disciples demandent à Jésus : « Maître, où demeures-tu ? » Ce qui, chez saint Jean, va plus loin que la simple localisation géographique. Les pharisiens, quant à eux, affirment leur ignorance au sujet de l’identité de Jésus : « Quant à celui-là, nous ne savons pas d’où il est ». Confrontés au raisonnement plein de bon sens du miraculé, ces hommes savants se mettent en colère et l’injurient. Jean souligne à quel point leur cœur est habité de mépris pour cet homme simple, cet homme du peuple : « Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fait la leçon ? » En contraste avec l’ignorance peccamineuse des pharisiens, nous trouvons le beau chemin de foi de l’homme auquel Jésus a rendu la vue. Lui aussi part de l’ignorance : « Je ne sais pas », mais au fur et à mesure, un peu comme la femme de Samarie, son cœur va s’ouvrir à la lumière de la foi, par paliers. Il reconnaît d’abord en Jésus un prophète puis le Seigneur : « Je crois, Seigneur ».
Cette page évangélique est autant l’histoire de ceux qui se laissent toucher par la grâce que celle de ceux qui lui résistent et refusent de croire : « Les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme, qui maintenant voyait, avait été aveugle ». Bref ils refusent le signe de peur d’être amenés à la foi en Jésus. C’est véritablement l’endurcissement du cœur devant l’évidence des signes de Dieu. Ce grave péché n’est pas seulement l’affaire de certains incroyants ou athées, mais il peut, de manière paradoxale, concerner aussi certains croyants. Nous vivons de la foi en Jésus, mais rien ne nous empêche de nous rendre inaccessibles aux appels de sa grâce. Rien ne nous empêche de fermer les yeux aux signes qu’il nous donne pour nous conduire parfois là où nous ne voudrions pas aller…
Ce sont deux paroles du Seigneur, paroles encadrant tout le récit, qui nous donnent la fine pointe de cet Evangile. Au début : « Je suis la lumière du monde » ; et à la fin : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles ». Il y a bien sûr un va et vient entre le sens physique et le sens spirituel de la vision. La source d’aveuglement pour les pharisiens, c’est bien leur orgueil religieux, leur autosatisfaction. Ils n’ont pas besoin de la lumière qu’est Jésus. A l’opposé l’aveugle de naissance, bien que physiquement aveugle, va accéder à une double vision parce qu’il est humble. Il va recouvrer la vue et dans la foulée accéder à la lumière de la foi. Il va reconnaître Jésus comme son Sauveur.
Cet Evangile est un appel à cultiver et à retrouver, si nous les avons perdues, la simplicité et l’humilité dans nos rapports avec le Seigneur. Soyons convaincus avec Pascal qu’ « il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir et assez d’obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire ».
Amen