dimanche 30 septembre 2012

26ème dimanche du temps ordinaire



L'Évangile de ce dimanche nous présente trois enseignements du Seigneur Jésus. Le premier est donné à partir d’une réflexion de Jean. Un homme chasse des esprits mauvais au nom de Jésus mais il ne fait pas partie du groupe des disciples : « Nous avons voulu l’en empêcher ». La réponse du Maître à son disciple est toujours d’actualité. Elle nous rappelle que si Dieu agit dans et par son Eglise, son action et bien sûr sa présence dépassent les frontières de l’Eglise catholique. L’Esprit de Dieu est libre d’agir comme il le veut et quand il le veut : « Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va : c’est la même chose pour celui qui est né de l’Esprit ». En tant que catholiques nous ne sommes pas les propriétaires exclusifs de Dieu ni les propriétaires de sa grâce et de sa vérité. Nous sommes plutôt les serviteurs de son projet d’amour et de réconciliation pour tous les hommes. Ainsi le qualificatif de catholique a deux sens que nous devons nous garder de séparer. Le catholique c’est bien celui qui a reçu la plénitude de la révélation divine, donc la vérité sur Dieu et sur l’homme. Et en même temps c’est celui qui est ouvert à l’universel : il sait que le Christ ressuscité, par son Esprit, permet à des non-catholiques de participer à la vérité et à la grâce divines. Au lieu d’en être jaloux, il s’en réjouit.
Le deuxième enseignement sur le don du verre d’eau nous rappelle la solidarité qui doit exister entre chrétiens. Nous sommes les membres d’un même corps. Cette solidarité, comme l’exemple du verre d’eau nous le montre, ne consiste pas forcément à faire des choses extraordinaires. Elle nous invite jour après jours à être attentifs les uns aux autres et à savoir reconnaître dans tout chrétien une image du Christ lui-même. Cela n’est pas une tache facile car nous sommes parfois très différents les uns des autres, et cela pour de multiples raisons. C’est dans la famille, la petite Eglise, que cet apprentissage doit commencer pour s’étendre ensuite au corps de toute l’Eglise en passant par la communauté paroissiale. En notre temps il est une solidarité que nous ne devons pas oublier, celle avec les chrétiens d’Orient qui vivent dans des conditions difficiles et sont parfois persécutés à cause de leur foi. Nous pouvons exercer notre solidarité par des organismes comme L’œuvre d’Orient ou encore L’Aide à l’Eglise en détresse.
 
Le troisième enseignement est sévère et il concerne le scandale ainsi que ce qui nous conduit au péché. Il y a bien des manières d’entraîner la chute d’un de nos frères dans la foi. Mais bien souvent c’est à cause de notre manque de charité envers le prochain que nous pouvons donner un contre-témoignage. Nous sommes en quelque sorte les porteurs de Dieu, d’où l’importance de nos paroles et de nos actions. Il est nécessaire de demander au Seigneur cette grâce de pouvoir refléter autour de nous sa bonté et sa miséricorde tout en témoignant de sa vérité. « Si ta main t’entraîne au péché, coupe-la… ». Bien sûr Jésus ne nous invite pas à l’automutilation. Derrière ces images comprenons bien l’essentiel. Il est important de nous connaître, de savoir où se trouvent nos faiblesses, nos tentations. Et ensuite de nous séparer ou de nous éloigner de ce qui nous entraîne à commettre le mal. C’est cela couper sa main, son pied ou arracher son œil. Heureusement nous pouvons toujours compter sur la miséricorde du Seigneur quand nous regrettons sincèrement nos péchés. Nous pouvons recevoir cette miséricorde dans le sacrement de la confession et du pardon. Nos fautes peuvent donc être l’occasion pour nous de progresser spirituellement. Elles nous aident à mieux nous connaître ainsi que nos points faibles. C’est à l’Esprit Saint que nous pouvons demander avec confiance la force et le courage nécessaires pour nous séparer de ce qui nous entraîne dans la tentation. Par-dessus-tout c’est en étant des chrétiens unis à Jésus par la prière et les sacrements que nous garderons toujours vivante en nous l’espérance de devenir meilleurs.

dimanche 23 septembre 2012

25ème dimanche du temps ordinaire



Dimanche dernier nous avons entendu la profession de foi de Pierre. Et c’est à l’occasion de cette profession de foi que Jésus a révélé pour la première fois à ses disciples le destin tragique qui l’attend à Jérusalem. Et voilà qu’il recommence à leur donner cet enseignement. Il le fait dans le secret de l’intimité qui est celle existant entre le Maître et ceux qu’il a choisis pour être ses collaborateurs dans l’annonce de l’Evangile. Déjà Pierre, le premier parmi les Douze, s’était révolté contre l’annonce de la Passion et de la mort du Christ. Les intimes de Jésus ne comprennent toujours pas la signification de cette annonce. C’est seulement après la Pentecôte, avec l’aide de l’Esprit Saint, que leurs cœurs et leur intelligence pourront s’ouvrir et recevoir la lumière de Pâques. Pour le moment la perspective évoquée par le Christ les paralyse si bien qu’ils ont même peur de l’interroger sur ce point.
Pierre s’était déjà fait reprocher de penser de manière trop humaine. C’est-à-dire d’une manière qui ignore la lumière de la foi. Cette fois ce sont tous les disciples qui vont se retrouver dans cette situation car ils ont discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. Jésus le sait. Et à la question qu’il leur pose ils ne répondent pas. Leur silence est celui de la honte. Ils ont bien conscience que leurs pensées ne sont pas à la hauteur de l’enseignement de Jésus. Ils ressemblent à des enfants se sentant coupables d’avoir mal agi, remplis de honte devant leurs parents. Dans l’histoire de notre humanité le désir d’être grand a été le moteur puissant de bien des aventures politiques et militaires, sans parler de la gloire recherchée par certains artistes ou certains scientifiques, sans oublier non plus le domaine de la compétition sportive. Ce désir est inscrit au plus profond de notre nature humaine. Jésus ne vient pas le détruire, il vient l’orienter pour nous éviter de tomber dans le grand péché d’orgueil. En christianisme nous savons bien que la véritable grandeur c’est la sainteté, c’est notre condition de baptisés et de fils de Dieu. Où se situe la différence essentielle entre les grandeurs humaines et la grandeur évangélique ? Probablement dans le fait que la grandeur évangélique n’est pas d’abord une conquête de l’homme mais un don de Dieu, une grâce. Naturellement nous sommes incapables, comme les apôtres, d’accepter ce renversement des valeurs humaines opéré par l’Evangile : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ». Cela nous rappelle de nombreux autres passages des Evangiles : « Qui s’abaisse sera élevé », par exemple. Cela nous rappelle surtout un geste symbolique fait par le Christ lui-même à la veille de sa mort : le lavement des pieds. Une fois de plus Pierre refusera dans un premier temps que son Maître s’abaisse devant lui afin de lui laver les pieds. En enseignant à ses disciples la grandeur du service Jésus leur donne un moyen concret de comprendre et d’accepter ce qu’il leur annonce : sa Passion et sa mort. En changeant peu à peu de mentalité, en comprenant leur mission d’abord comme un humble service, ils comprendront aussi que l’abaissement de Jésus dans sa Passion et dans sa mort est en fait son élévation, sa véritable gloire, puisqu’à ce moment-là il est le parfait serviteur de Dieu et du salut des hommes. Pour reprendre une belle expression du cardinal Ratzinger les évêques et les prêtres sont les serviteurs de la joie des hommes. La grandeur évangélique, en nous préservant du poison de l’orgueil et du carriérisme, nous fait vivre de la vraie joie et nous donne une paix profonde. Nous nous rendons alors compte par expérience que chaque fois que nous servons dans l’esprit de Jésus nous recevons sa joie. C’est en désirant le bien et le bonheur des autres, c’est en agissant dans ce sens, que nous sommes comblés de joie. La grandeur évangélique comporte toujours une participation à la croix du Christ mais aussi à sa joie.
 

dimanche 16 septembre 2012

24ème dimanche du temps ordinaire



La profession de foi de Pierre est au centre de l’évangile selon saint Marc. C’est donc une étape décisive dans le ministère public du Seigneur Jésus. Cet événement est bien plus qu’une simple profession de foi. Il pose en effet la question de l’identité de Jésus. Et c’est le Seigneur lui-même qui provoque cette question en commençant par un sondage d’opinion auprès de ses disciples : « Pour les gens, qui suis-je ? » Nous comprenons immédiatement que la question importante n’est pas la première. Cette question de type sondage est tellement générale qu’elle n’engage pas. Or la profession de foi chrétienne est toujours un engagement personnel parce qu’elle suppose la suite du Christ. Le disciple ce n’est pas seulement celui qui affirme des choses vraies sur son maître mais c’est celui qui le suit, celui qui s’efforce de l’imiter. D’où la seconde question, beaucoup plus personnelle : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » La réponse de Pierre, « tu es le Messie », est juste. Mais la suite du récit nous montre qu’il a encore besoin de se convertir car ses pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes. En tant que croyants nous pouvons en effet affirmer des choses vraies sur Dieu, conformes au catéchisme, et ne pas être fidèles au Christ dans notre vie. Etre chrétien c’est en effet marcher derrière le Christ dans son mystère de mort et de résurrection. Ou pour le dire autrement notre engagement personnel est tout aussi important que notre profession de foi.
 
Il est remarquable que dans l’évangile de Marc le Seigneur ne commente pas la bonne réponse du premier de ses apôtres si ce n’est pour interdire à ses disciples de propager cette réponse ! « Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne ». Consigne surprenante puisque la mission même des apôtres c’est d’annoncer le Nom de Jésus Sauveur. Ce secret messianique, comme le nomment les spécialistes de saint Marc, est valable pour un temps, celui qui précède la Passion, la mort et la résurrection du Christ. Après Pâques et la Pentecôte les disciples pourront proclamer que Jésus est le Messie. Si d’un côté le Seigneur interdit que l’on parle de lui comme Messie, de l’autre il leur annonce « ouvertement » les souffrances et la mort qu’il devra bientôt endurer. Jésus, nous le savons, vient accomplir tout l’Ancien Testament. Et aussi par conséquent les prophéties d’Isaïe sur le serviteur souffrant du Seigneur. Notre première lecture nous en a donné un extrait. Jésus connaît bien ses apôtres et il connaît ce qu’il y a dans le cœur de l’homme en général. Il sait qu’ils n’ont retenu de la figure du Messie que l’aspect triomphant et glorieux. Il sait que le cœur de l’homme répugne naturellement à la souffrance et à l’humiliation. C’est la raison pour laquelle il met d’abord en avant l’aspect tragique de sa mission. Pour qu’il n’y ait pas d’équivoque sur son identité de Messie. Il sera d’abord un Messie souffrant et humilié pour ensuite entrer dans sa gloire de Fils de Dieu et de Sauveur. C’est pour cela que la belle profession de foi de Pierre n’est pas suffisante si elle n’est pas suivie de son engagement à la suite de son Maître. Ce n’est pas avec notre raison que nous sommes capables d’accepter ce mystère de souffrance et de mort. Mais c’est en « perdant » notre vie pour le Christ et pour l’Evangile. Seule la logique du don de nous-mêmes peut nous faire découvrir la fécondité cachée de ce qui semble intolérable : un Messie crucifié. Jésus ne nous demande pas d’aimer la souffrance ou de la rechercher. Par son exemple il nous enseigne que le chemin qui conduit à la vie en plénitude comporte inévitablement cette dimension de l’échec, de la finitude et finalement de la mort. La vraie liberté nous permet d’assumer tout cela en communion avec le Christ. Seule la grâce du Christ peut nous apprendre à nous détacher de notre vie pour en faire un don jour après jour. Notre amour passionné de la vie est bon dans la mesure où il comprend que nos petites morts quotidiennes peuvent devenir semences de vie.

dimanche 9 septembre 2012

23ème dimanche du temps ordinaire


Tout au long de l’été, de dimanche en dimanche, nous avons médité sur l’eucharistie en lisant le chapitre 6 de saint Jean. Depuis dimanche dernier la liturgie nous fait entendre à nouveau l’évangile selon saint Marc. Aujourd’hui Jésus guérit un sourd-muet. Cette guérison a été interprétée tout au long de l’histoire de l’Eglise de manière spirituelle. Jésus est celui qui nous permet d’écouter la Parole de Dieu et d’annoncer la bonne nouvelle. Jésus, en nous faisant le don de sa vie et le don de la foi, nous permet de prier Dieu notre Père et de chanter ses louanges. Ce n’est pas sur cet aspect du récit que j’insisterai en ce dimanche. Marc note que cette guérison a été accomplie « en plein territoire de la Décapole », donc en dehors d’Israël. En plus notre récit est précédé par celui de la guérison d’une petite fille  étrangère. Le sourd-muet de notre Evangile est très probablement un païen lui aussi, un étranger, et pourtant Jésus le guérit. Cela nous semble tout à fait naturel après 2000 ans de christianisme. Cette attitude du Seigneur est pourtant annonciatrice d’une nouvelle manière de vivre et de comprendre le judaïsme, manière qui deviendra le christianisme en grande partie grâce à l’apôtre Paul. La notion de peuple élu est ambigüe dans la mesure où elle pouvait être mal comprise. Dans le projet de Dieu se choisir un peuple ne voulait pas dire exclure les autres. Certains passages de l’Ancien Testament montrent en effet la dimension universelle de la mission confiée à ce petit peuple, choisi par Dieu non pas parce qu’il était meilleur que les autres, mais par pure grâce. A certains moments de son histoire Israël n’a pas vécu sa mission selon le plan de Dieu. Le peuple élu a ainsi été tenté par l’orgueil religieux et nationaliste et a fini par bien souvent mépriser les autres, c’est-à-dire les païens. En guérissant le sourd-muet Jésus renverse donc une barrière, un mur entre les Juifs et les païens. Cela m’amène à faire un lien avec la deuxième lecture. Saint Jacques est le témoin d’autres barrières, cette fois au sein de la première Eglise. Non plus un mur entre les races et les religions, mais un mur entre les pauvres et les riches. Le Seigneur Jésus n’a cessé d’enseigner à ses disciples qu’ils étaient tous frères, jouissant de la même dignité d’enfants de Dieu dans l’Eglise. Mais c’est bien une tendance humaine que de vouloir séparer, diviser, plutôt que d’unir et de rassembler. Saint Jacques critique vivement ceux qui oublient la fraternité dans la communauté et qui, en raison de considérations de personnes, créent différentes classes de chrétien, ici en fonction de la richesse. Il n’est pas si éloigné que cela le temps où dans l’Eglise de France il y avait des enterrements de première classe et de deuxième classe comme dans le TGV il y a la première classe et la seconde… Les catholiques qui avaient les moyens pouvaient ainsi payer pour leurs défunts un enterrement de première classe ! Le concile Vatican II avait bien conscience de ce problème puisqu’il l’aborde dans la constitution sur la liturgie en ramenant la pratique de l’Eglise à l’idéal évangélique :
« Dans la liturgie, en dehors de la distinction qui découle de la fonction liturgique de l’ordre sacré, et en dehors des honneurs dus aux autorités civiles conformément aux lois liturgiques, on ne fera aucunement acception des personnes privées ou du rang social, soit dans les cérémonies soit dans les pompes extérieures. »
Si saint Jacques veut rectifier de mauvaises attitudes dans la communauté, c’est saint Paul, l’apôtre des païens, qui a le mieux exprimé dans ses lettres le fondement théologique d’une Eglise comprise comme une société sans classes. Je me limiterai à citer ici deux passages qui sont très proches, le premier dans la lettre aux Galates, le second dans celle aux Colossiens :
« Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n'y a plus ni juif ni païen, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus l'homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu'un dans le Christ Jésus. »
« Revêtez l'homme nouveau, celui que le Créateur refait toujours neuf à son image pour le conduire à la vraie connaissance. Alors, il n'y a plus de Grec et de Juif, d'Israélite et de païen, il n'y a pas de barbare, de sauvage, d'esclave, d'homme libre, il n'y a que le Christ : en tous, il est tout. » C’est bien le Christ, et lui seul, qui est le principe de notre unité et donc de notre fraternité.