dimanche 27 mars 2016

PÂQUES 2016



Avec la solennité de Pâques commence une semaine unique dans la liturgie de l’Eglise, semaine au cours de laquelle c’est Pâques chaque jour, semaine de l’octave de Pâques qui se terminera dimanche prochain avec la célébration de la divine miséricorde. Au cours de l’octave pascal, l’Eglise propose chaque jour à notre méditation un Evangile de Pâques. Nous sommes ainsi invités à revivre l’expérience qui fut celle des saintes femmes, des apôtres et des disciples d’Emmaüs. En ce dimanche de Pâques, l’Eglise n’a pas choisi un Evangile nous rapportant une manifestation de Jésus vivant à ses disciples. Le dimanche de Pâques est en effet tout entier consacré à la découverte du tombeau vide et des linges funéraires. C’est la première étape, c’est l’expérience fondamentale qui conduira les femmes comme les apôtres à la foi en Jésus ressuscité. Dans la version de saint Jean que nous venons d’écouter, il ne nous est pas dit pourquoi Marie Madeleine se rend au tombeau de Jésus de grand matin, alors qu’il fait encore sombre. Regardons dans un premier temps ce que les autres Evangiles nous disent de cette visite matinale au tombeau. Chez Matthieu Marie Madeleine n’est pas seule, elle est accompagnée d’une autre femme nommée elle aussi Marie. On nous dit simplement qu’elle était allée visiter la tombe. Marc quant à lui ajoute une troisième femme, Salomé, et nous indique clairement le but de cette marche : embaumer le corps de Jésus. Luc confirme cette version des faits en nous parlant des femmes qui, aux premières lueurs de l’aube, vont à la tombe emportant les aromates qu’elles ont préparés. En se rendant au tombeau le dimanche matin, les saintes femmes font donc un pèlerinage pour honorer celui qu’elles aiment et achever sa toilette funéraire, inachevée à cause du sabbat. C’est un pèlerinage conduisant à la tombe d’un mort, à la tombe de Jésus crucifié. Et là première surprise : la pierre a été enlevée du tombeau. Quelque chose d’imprévu s’est produit pendant la nuit. Même si cela ne nous est pas dit, Marie Madeleine, logiquement, a dû constater que le tombeau était vide, deuxième surprise, d’où son annonce aux apôtres : On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. Remarquez comment cette première annonce de Marie Madeleine aux apôtres ne contient pas la foi en la résurrection. Nous n’en sommes pas encore à cette étape. Elle se contente de rapporter ce qu’elle a vu et donne son interprétation : le corps de Jésus a été enlevé ou volé. C’est d’ailleurs cette interprétation que les chefs des prêtres donneront pour empêcher les Juifs de croire en la résurrection de Jésus. S’adressant aux gardes ils diront : Vous direz que ses disciples sont venus de nuit pendant que vous dormiez, et qu’ils ont fait disparaître son corps. Avant même que Jésus ne se montre vivant, Jean croit en la résurrection grâce à un autre signe, celui des linges funéraires laissés sur place selon une certaine disposition. Les premiers signes de la résurrection ne sont donc convaincants que pour Jean. Pierre comme Marie-Madeleine n’en sont pas encore à croire que Jésus est vivant. La foi en la résurrection de Jésus est centrale dans notre vie chrétienne. Tous les sacrements, en particulier les baptêmes de Kelel et d’Esther ainsi que l’eucharistie, seraient vidés de leur sens si le Christ n’était pas ressuscité. Ils ne seraient alors que des rites inutiles, inefficaces, incapables de nous communiquer la vie et l’amour du Christ vainqueur du mal et de la mort. En ressuscitant son Fils bien-aimé d’entre les morts, Dieu contredit les puissances politiques et religieuses de ce monde. Comme le dit le psaume, la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ; c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux. La liturgie catholique, comme la liturgie juive, a une dimension cosmique. Elle unit à la célébration des mystères du salut la célébration de la création. Ainsi Pâques est une fête de Printemps. A la magnifique résurrection de la nature qui réjouit nos cœurs et nos yeux correspond la résurrection encore plus magnifique du Crucifié par amour pour nous. Si pour s’émerveiller en présence de la création sortie de l’hiver, il suffit d’avoir de bons yeux, pour s’émerveiller de la résurrection du Seigneur nous avons besoin des yeux de la foi, ceux de l’apôtre Jean qui, au-delà des signes, a vu la réalité. Que le Seigneur Jésus augmente notre foi en sa sainte résurrection pour nous permettre d’accueillir réellement les dons de Pâques : sa paix et sa joie !

lundi 21 mars 2016

DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION / Année C


20/03/16

En cette année sainte de la miséricorde nous pouvons méditer plus particulièrement deux paroles de Jésus en croix dans le récit de la Passion tel que saint Luc nous le rapporte.

Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font.

Dans la Passion selon saint Luc, la première parole de Jésus crucifié est une parole de miséricorde. Lui, l’innocent condamné au supplice de la croix, lui qui souffre dans son âme et dans son corps, demande le pardon pour ses bourreaux et pour ceux qui, l’ayant rejeté, ont réclamé sa mort à Pilate. Cette grandeur d’âme est un signe de la divinité de Jésus. Au sein même du rejet et de la souffrance, il ne réclame pas à Dieu la vengeance comme autrefois le prophète Jérémie, mais il prie pour obtenir le pardon de ses bourreaux. Cette prière de miséricorde nous donne le pourquoi profond du mystère de la croix. Si Jésus accepte cette mort, c’est bien pour que nous recevions le pardon de nos péchés. Le premier martyr de l’Eglise chrétienne, le diacre Etienne, imitera cette attitude divine de son Maître en priant lui aussi en vue du pardon de ses bourreaux : Seigneur, ne leur compte pas ce péché. Mais l’amour miséricordieux de Jésus va encore plus loin. Il ne demande pas seulement au Père le pardon pour ses bourreaux, il les excuse : ils ne savent pas ce qu’ils font. Ils me crucifient parce qu’ils ignorent la vérité, ils pensent que je suis un imposteur. Ils me considèrent comme un blasphémateur, un simple homme qui s’est fait l’égal de Dieu. L’apôtre Paul a parfaitement compris cette prière de Jésus en croix. Lui-même, en effet, a d’abord persécuté les chrétiens par ignorance. Il le dit clairement dans sa première lettre à Timothée : J’ai obtenu miséricorde, parce que j’avais agi par ignorance, n’ayant pas la foi.
Et dans sa première lettre aux Corinthiens, Paul n’hésite pas à affirmer à propos des Juifs qui ont voulu la mort de Jésus : S’ils avaient connu la sagesse de Dieu, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire. Quant à Pierre, lorsqu’il s’adresse au peuple peu de temps après la Pentecôte, il souligne lui aussi le pourquoi de cette condamnation à mort : Maintenant, frères, je sais que c’est par ignorance que vous avez agi, tout comme vos chefs. La bonté infinie du Seigneur en croix non seulement ne nous condamne pas, mais elle tient compte de nos limites et de nos faiblesses pour nous excuser auprès du Père.

Amen, je te le déclare, aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.


C’est la deuxième parole de miséricorde de Jésus en croix en faveur d’un malfaiteur. Ce criminel nommé le bon larron est un homme droit qui reconnaît l’innocence de Jésus en même temps que sa propre culpabilité : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons, mais lui, il n’a rien fait de mal. D’un même mouvement il confesse son péché et la sainteté de Jésus. C’est l’attitude de tout chrétien qui s’approche de Jésus dans le sacrement du pardon. A cette attitude d’humilité, le malfaiteur ajoute une prière : Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne. Et voilà que le Seigneur exauce immédiatement cette prière : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. Si dans la première parole Jésus demande au Père le pardon pour ses bourreaux, ici, il accorde lui-même son pardon au malfaiteur qui le supplie. Ces deux paroles nous révèlent la communion du Père et du Fils lorsqu’il s’agit d’œuvrer en vue de notre réconciliation et de notre conversion. Ces deux paroles nous rappellent notre faiblesse, mais aussi notre capacité à revenir vers Dieu par la foi et l’humilité. Au seuil de cette semaine sainte, demandons à l’Esprit du Père et du Fils une foi plus vive et une véritable humilité en présence du mystère de Pâques.

dimanche 6 mars 2016

Quatrième dimanche de carême / C


6/03/16

Luc 15, 1-3 ; 11-32

Le chapitre 15 de l’évangile selon saint Luc nous rapporte trois paraboles consacrées au thème de la miséricorde divine. En cette année sainte de la miséricorde, nous méditons à nouveau la parabole du fils prodigue, bien connue de tous. Jésus n’a pas donné ces paraboles d’abord comme un enseignement. L’introduction de saint Luc est très importante pour nous faire comprendre qu’elles sont en fait une réponse à une critique : Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! Bref les hommes religieux accusent Jésus de laxisme, il est trop bon envers les pécheurs. Il devrait, au contraire, se montrer sévère et exigeant à leur égard.

Les personnages de la        parabole correspondent donc aux personnages réels. Jésus justifie son attitude d’accueil envers les pécheurs en s’identifiant au père miséricordieux, donc à Dieu lui-même. En même temps le fils prodigue correspond au groupe des publicains et des pécheurs qui venaient tous à Jésus pour l’écouter, tandis que le fils aîné, jaloux de son frère, représente bien le groupe des pharisiens et des scribes qui murmurent contre Jésus parce qu’il serait trop bon.

L’un des grands enseignements de cette parabole, c’est que tous ont besoin de se convertir, tous ont besoin de se laisser réconcilier avec Dieu, même si c’est pour des raisons très différentes. Spontanément on pense d’abord au fils prodigue pour montrer le chemin de la conversion comme retour vers le père et regret de ses fautes. La première partie de l’histoire nous montre comment ce fils, en s’éloignant de son père, finit par perdre sa dignité. Lui qui était riche, grâce à l’héritage reçu de son père, finit dans la pauvreté et endure la faim. C’est le chemin que Jésus lui-même a voulu parcourir pour nous sauver. Non pas qu’il se soit éloigné du Père ou qu’il ait commis le péché, mais, comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture, celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu.


N’oublions pas cependant la conversion ratée du fils aîné, dévoré par la jalousie envers son frère. Lui, extérieurement, ne s’est jamais éloigné de la maison de son père et a toujours obéi à ses volontés. Mais son obéissance était tout extérieure, et de fait il est incapable de comprendre la joie de son père lorsque son frère finit par revenir. S’il avait vraiment aimé son père, il aurait été capable de communier à sa joie. Sa justice était formelle et ne touchait pas vraiment son cœur. Cette justice ressemble à celle d’un fonctionnaire ou d’un soldat obéissant aux ordres venus d’en haut. On ne lui demande pas d’approuver dans son cœur la bonté et la justesse des ordres, on lui demande seulement de les exécuter sans broncher ni discuter. Depuis son élection, et en particulier à travers l’année de la miséricorde, le pape François rappelle aux catholiques qu’ils peuvent être, eux aussi, les pharisiens et les scribes de notre temps. En insistant sur le devoir de l’Eglise d’aller vers les périphéries et de s’oublier elle-même pour porter l’Evangile du Christ à ceux qui se sont éloignés, le pape nous invite à être miséricordieux comme le père de la parabole. Au lieu d’être jaloux et de nous mettre en colère lorsque Dieu pardonne et accueille ses enfants égarés, nous devrions au contraire nous réjouir et rendre grâce parce que notre frère qui était mort est revenu à la vie. Avoir un cœur vraiment catholique nous préserve de l’esprit sectaire et de l’orgueil religieux. Notre justice ne vient pas d’une observance extérieure des commandements divins mais de l’amour du Christ. C’est lui qui nous permet de communier intérieurement avec Dieu notre Père, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et se réjouit de retrouver le fils perdu. Les fidèles que nous voulons être doivent se garder de l’amertume pour pouvoir participer à la fête, car il y a des derniers qui seront premiers et des premiers qui seront derniers.