dimanche 26 juin 2011

LE SAINT SACREMENT

Saint Sacrement / A
26/06/2011
Jean 6, 51-58 (p. 1175)

Dimanche dernier en célébrant la fête de la Sainte Trinité nous nous sommes souvenus que le cœur du mystère même de Dieu est l’amour qui unit les trois personnes divines. Avec la fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ nous célébrons le don sacramentel de cet amour divin à l’Eglise. Tout sacrement est une manifestation de l’amour divin, mais l’eucharistie en est l’expression la plus parfaite. D’où le nom donné à ce sacrement : le Saint-Sacrement. Ce nom ne signifie pas que les autres sacrements ne soient pas saints, c’est évident. Il signifie que l’eucharistie ou la messe est le plus grand de tous les sacrements, le sacrement par excellence. C’est la raison pour laquelle une fête particulière lui est consacré en plus de la célébration de l’institution de l’eucharistie le soir du jeudi saint. C’est un pape français, Urbain IV, qui, en 1264, institua la fête de ce dimanche.
Tel est le pain qui descend du ciel : il n'est pas comme celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement.
La fin de notre Evangile nous renvoie au don de la manne dans le désert. Ce don annonçait le mystère de l’eucharistie. Jésus souligne la différence entre la manne et le pain de vie, son corps livré pour nous en sacrifice et offert comme nourriture spirituelle dans chaque eucharistie. Communier au Corps du Christ avec de bonnes dispositions, c’est nourrir en soi la vie même de Dieu, vie reçue au baptême, et c’est déjà, d’une certaine manière, anticiper la vie bienheureuse de communion avec Dieu Trinité au paradis.
La première lecture qui nous parle du don de la manne est intéressante pour nous faire comprendre le mystère de l’eucharistie en lien avec notre vie toute entière.
Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur ton Dieu te l'a imposée pour te faire connaître la pauvreté ; il voulait t'éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : est-ce que tu allais garder ses commandements, oui ou non ?
Nous pouvons comparer notre vie humaine sur cette terre à la longue marche des hébreux dans le désert avant d’atteindre la terre promise, image du paradis. Notre vie humaine de notre naissance à notre mort est une expérience de dépouillement et de purification, que nous soyons croyants ou pas. Vivre c’est en effet accepter de se détacher jour après jour. En ce sens la pauvreté fait partie de notre condition humaine marquée par le péché originel et par nos propres péchés. Combien de petites morts précèdent en effet la mort véritable ! Le croyant sait que les limites de sa condition humaine sont comme une mise à l’épreuve de son amour et de sa fidélité envers Dieu, seul maître de la vie.
Il t'a fait connaître la pauvreté, il t'a fait sentir la faim, et il t'a donné à manger la manne - cette nourriture que ni toi ni tes pères n'aviez connue - pour te faire découvrir que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur.
Beaucoup de nos contemporains, et même parmi eux des chrétiens, ne ressentent pas les limites de leur condition humaine, la pauvreté qui est attachée à toute vie. A cause du matérialisme, du confort de vie et de la richesse, il est facile de s’aveugler et d’oublier le sens ultime de notre vie sur cette terre. Nous ne pouvons pas apprécier le don de l’eucharistie à sa juste valeur si nous ne prenons pas conscience de notre pauvreté, si nous n’avons pas faim d’autre chose que ce que nous propose la société de consommation comme accès à un bonheur facile mais éphémère. L’eucharistie en tant que nourriture spirituelle doit correspondre en nous à une faim, à la conscience que nous avons besoin pour vivre en plénitude de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. Quand nous parlons des bonnes dispositions pour communier avec fruit nous pensons spontanément d’abord au fait que nous n’avons pas sur la conscience de péché grave à nous reprocher. Et c’est vrai, d’où l’utilité du sacrement du pardon pour nous permettre de mieux communier au don que le Christ nous fait à chaque eucharistie. Mais être dans de bonnes dispositions ce n’est pas seulement être en état de grâce, c’est aussi avoir le désir de Dieu, la faim d’une nourriture spirituelle. Cette nourriture nous est donnée par le Seigneur Jésus dans la messe. Le concile Vatican II parle des deux tables eucharistiques : celle de la parole de Dieu et celle du Corps du Seigneur. La fête de ce jour est une invitation à nous poser la question suivante : comment pouvons-nous mieux nous préparer à participer à ces deux tables par lesquelles notre vie spirituelle est fortifiée ? Pour la table de la Parole de Dieu il serait bon que nous puissions lire et méditer avant la messe, dans la semaine, les lectures du dimanche. Même si nous n’avons pas de missel elles sont désormais disponibles sur Internet. Pour la table du Corps du Seigneur la meilleure préparation serait de prendre chaque jour un temps de prière personnel, de rencontre avec le Christ ressuscité, en lui demandant de nous faire cette grâce : qu’il augmente en nous le désir de la communion avec lui!

lundi 20 juin 2011

LA SAINTE TRINITE

La Sainte Trinité / A
19/06/2011
Jean 3, 16-18 (p. 1156)

Il y a dans notre année liturgique une grande cohérence. Ce n’est donc pas par hasard que la célébration de la Sainte Trinité se situe après le dimanche de la Pentecôte. Avec le mystère pascal, culminant à la Pentecôte, Dieu nous a tout donné : son Fils, son Esprit, l’Eglise et les sacrements. La Pentecôte marque l’accomplissement de la révélation divine. Nous n’avons à attendre aucune révélation nouvelle. Tout est dit depuis que le Père nous a envoyé sa Parole et son Esprit. Et c’est avec l’assistance du Saint Esprit que l’Eglise, tout au long de son pèlerinage sur la terre, ne cesse d’approfondir le mystère de Dieu et celui de notre salut. Les premiers siècles du christianisme n’ont pas été de tout repos. De nombreuses querelles dogmatiques autour de la personne du Christ et donc de la nature même de Dieu ont divisé les premiers chrétiens. Et c’est au terme de cette recherche théologique initiale que l’Eglise, sous la conduite de l’Esprit Saint, a pu de mieux en mieux préciser sa foi en Dieu Trinité. Si bien qu’il n’est pas exagéré de dire que la foi en la Trinité est le centre et le sommet de toute la révélation chrétienne. Un chrétien ce n’est pas simplement celui qui reconnaît l’existence de Dieu dans sa vie, mais bien celui qui reçoit la révélation que Dieu est Trinité. C’est cette révélation que le grand savant et penseur français Blaise Pascal eut la grâce de recevoir le 23 novembre 1654. Au cours d’une expérience mystique qui dura deux heures, il comprit par le cœur, de l’intérieur, la différence entre le Dieu des philosophes et le Dieu de Jésus-Christ, et il la consigna dans un texte nommé le mémorial. C’est la seconde conversion de Pascal.
« Feu. Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants. Certitude, certitude, sentiment, joie, paix. Dieu de Jésus-Christ ».
Les textes de la Parole de Dieu nous montrent le vrai visage du Dieu de Jésus-Christ, et il est frappant de constater la continuité entre la première Alliance et l’Alliance nouvelle et définitive. Dieu se révèle en effet à Moïse comme « le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité ». Dans l’Evangile, Jésus lui-même nous parle de son Père, ce Père qui nous aime. L’amour de Dieu notre Père n’est pas là pour nous enfoncer dans la culpabilité et la honte, il n’est pas là pour nous condamner. C’est un amour qui sauve et qui relève, un amour qui veut sans cesse nous redonner notre dignité de fils et de filles de Dieu. Quant à saint Paul il promet aux chrétiens qui vivent selon l’Evangile la présence du Dieu d’amour et de paix. Saint Jean résumera dans une formule lapidaire tout le mystère de Dieu : Dieu est Amour.
Nous sommes baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. En tant que chrétiens nous croyons au Dieu trois fois Saint. Mais pour que cette foi en la Trinité soit vivante, il faut que d’une manière ou d’une autre nous en ayons fait l’expérience personnelle, un peu à la manière de Pascal et de tant d’autres chrétiens émerveillés en présence du mystère de Dieu. Autrement nous risquons d’avoir une foi en un Dieu abstrait et lointain, en quelque sorte une idée inaccessible de la perfection. Nous risquons bien d’être déistes davantage que chrétiens. C’est le rôle du Saint Esprit que de nous aider à entrer dans le mystère de Dieu non seulement avec notre intelligence mais aussi avec notre cœur, c’est-à-dire dans une relation d’amour avec le Dieu Trinité et avec chacune des personnes divines. Nous avons deux lieux privilégiés pour vivre notre foi en la Trinité : la prière personnelle et le service du prochain dans la charité. Dire que Dieu est Trinité, c’est affirmer que Dieu en lui-même est don d’amour, circulation, échange de vie et d’amour entre les trois personnes divines. Et la manifestation en Dieu de cet amour c’est la personne du Saint Esprit, lien de charité entre le Père et le Fils. L’être de Dieu ne se définit pas d’abord par l’éternité ou encore la toute-puissance. Cela nous le retrouvons dans le dieu des philosophes. L’être de Dieu se définit par la perfection de l’amour en Lui. Lui seul est Dieu parce que Lui seul est capable de se donner à un tel point. S’il est créateur et sauveur, c’est en raison de son identité profonde. Nous comprenons alors que c’est lorsque nous nous donnons par amour à Dieu et à notre prochain que nous nous ouvrons le mieux au mystère de la Sainte Trinité. Dans une époque marquée par le divertissement, l’agitation et le bruit, il nous est bon dans le silence extérieur et intérieur, le silence du cœur, de nous mettre en présence du Dieu Trinité. La qualité de notre vie humaine et chrétienne dépend essentiellement de la vérité de notre relation avec ce Dieu qui n’est pas un Dieu solitaire mais un Dieu communion. Dans une époque où beaucoup s’isolent dans leur bulle croyant y trouver le bonheur, notre foi en la Trinité nous rappelle l’importance des relations entre nous. Le bonheur en Dieu se vit dans l’ouverture et le don de chacune des personnes divines. Le bonheur consiste pour chacun de nous à passer du statut d’individu à celui de personne, donc d’être en relation. Contempler le mystère des personnes divines et en vivre, cela nous fait avancer sur ce chemin d’humanisation et de divinisation. Je laisserai à la carmélite Elisabeth de la Trinité le mot de la fin :

« II me semble qu'au ciel, ma mission sera d'attirer les âmes en les aidant à sortir d'elles pour adhérer à Dieu par un mouvement tout simple et tout amoureux, et de les garder en ce grand silence du dedans qui permet à Dieu de s'imprimer en elles, de les transformer en Lui-même.»

jeudi 2 juin 2011

ASCENSION DU SEIGNEUR

Ascension du Seigneur / A
2/06/2011
Matthieu 28, 16-20 (p. 704)

A la fin du temps pascal, entre Pâques et la Pentecôte nous célébrons l’Ascension du Seigneur. Beaucoup, même parmi les catholiques, confondent cette fête avec celle de l’Assomption de Marie célébrée le 15 août. L’Ascension c’est pour Jésus et l’Assomption pour Marie ! Mais ces deux fêtes ont un point commun : elles nous montrent la puissance du mystère pascal à l’œuvre dans notre humanité. Jésus et Marie ont connu la mort, cette mort qui est la marque de notre condition humaine après le péché originel, mais leurs corps n’ont pas connu la corruption du tombeau. En Jésus et en Marie notre humanité est transfigurée et glorifiée en Dieu. En Jésus et en Marie notre humanité est parfaitement unie à Dieu, elle participe à la vie même et à l’amour de la Sainte Trinité. L’Assomption de Marie est sa Pâque à elle, dans le chemin ouvert par son Fils, le premier-né d’entre les morts. Ce qui fait le lien entre l’Assomption et l’Ascension, et du coup peut créer la confusion, c’est un même vocabulaire : Marie, comme Jésus, a été élevée au ciel avec son corps. Cette comparaison entre les deux mystères nous indique que cette fête est aussi la notre. Nous aussi, à la suite de Jésus et de Marie, nous sommes appelés à entrer dans la gloire de Dieu après le passage de notre mort. Et notre corps connaitra aussi une résurrection, une transfiguration en passant par l’anéantissement, conséquence de la mort. C’est là la différence entre nous et Marie. Grâce à Jésus, Dieu nous donnera un corps glorieux.
C'est à eux, les apôtres, que Jésus s'était montré vivant après sa Passion : il leur en avait donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur était apparu, et leur avait parlé du royaume de Dieu.
Pour le dire simplement l’Ascension marque la fin de ce temps privilégié au cours duquel le Ressuscité s’est manifesté à ses disciples pour les confirmer dans la foi et les envoyer en mission. A partir de l’Ascension aucun chrétien ne peut voir sur cette terre le Seigneur Jésus dans sa condition glorieuse. Il devient invisible à nos yeux de chair. Et c’est cela que signifie son entrée dans le ciel où il siège désormais à la droite du Père, partageant sa puissance et priant pour nous et pour son Eglise. Il est vrai que le Christ s’est manifesté à des saints et des saintes à travers une apparition pour leur confier un message. Mais cela reste exceptionnel et rare dans l’histoire de l’Eglise. Et l’on pourrait se poser la question suivante : pourquoi Jésus n’a-t-il pas choisi de continuer à se manifester aux hommes, comme il l’a fait entre sa résurrection et son ascension ? Tout simplement parce que son royaume n’est pas de ce monde. L’ascension nous montre que notre vie terrestre, avec toute sa valeur et son importance, n’est pas le but ultime. Notre horizon dernier c’est la vie éternelle en Dieu, c’est la vie bienheureuse dans la communion de la Sainte Trinité, dans la communion des saints. D’ailleurs les apôtres ne l’ont pas compris : Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël? L’Ascension nous empêche de vouloir établir sur terre une théocratie. Jésus est Roi mais il n’est pas venu pour mettre en place des systèmes politiques, même si ceux-ci se réclament de lui et prétendent le servir. Nous n’avons pas à confondre le christianisme avec ce qui a été pendant des siècles une forme de son expression historique donc limitée et bien imparfaite, la chrétienté. La chrétienté s’est écroulée mais le christianisme demeure. Avec l’Ascension, Jésus confirme le règne de la foi, de l’espérance et de la charité. Le chrétien vit de ces vertus, de ces puissances divines reçues au baptême, pour reconnaître la présence de son Roi glorieux mais invisible aux yeux de chair. Au jour de l’Ascension, le Ressuscité ne nous a pas abandonné. Tout d’abord parce qu’il nous promet la venue du Saint Esprit. Lui part, d’une certaine manière, mais c’est pour nous donner le Saint Esprit : Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous: C’est l'Esprit de vérité. Mais aussi pour une autre raison. Ce n’est pas parce que Jésus est désormais invisible qu’il est incapable de se rendre présent à chacun d’entre nous. Bien au contraire. Avant l’Ascension le Seigneur ne pouvait se rendre présent qu’à une infime partie de l’humanité, dans un seul lieu : Israël. Maintenant qu’il est dans la gloire de Dieu avec son humanité, notre humanité, sa présence est catholique, universelle. Non seulement à travers l’Eglise et les sacrements mais aussi d’une manière personnelle auprès de chaque chrétien, particulièrement dans la prière et le témoignage de la foi :
Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit, qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre.
Dans cette perspective du mystère de l’Ascension, la dernière parole de Jésus dans l’Evangile selon saint Matthieu a une importance particulière :
Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde.
Matthieu a choisi de terminer son Evangile avec ces paroles du Seigneur avant l’Ascension. La joie du chrétien, celle que nul ne peut lui ravir, c’est de reconnaître dans la foi cette présence du Ressuscité auprès de lui. Cette présence ne se limite pas aux moments de prière et à la messe, elle est coextensive à toute notre vie, même la plus ordinaire. Oui, Jésus, Fils de Dieu, est vraiment notre compagnon de route. Et chaque fois que nous témoignons de lui par nos actes et nos paroles nous pouvons être certains de sa présence en nous, à nos côtés. Dans la force de l’Esprit Saint c’est par nous, les membres de son Corps, qu’il choisit de se rendre présent à tous, même à ceux qui ne le reconnaissent pas encore comme le Seigneur de leur vie.