lundi 24 novembre 2008

Le Christ Roi de l'univers

Le Christ Roi de l’univers / A
23/11/08
Matthieu 25, 31-46 (p. 1029)
La fin de notre année chrétienne est une célébration de la royauté du Christ. Cette royauté commence avec le mystère même de l’incarnation. Jésus est manifesté comme Christ, c’est-à-dire Messie, à la fois roi et prêtre, au jour de son baptême. Mais c’est par le mystère de sa mort en croix et de sa résurrection qu’il fait resplendir aux yeux de tous son pouvoir royal. La deuxième lecture comme l’Evangile nous invitent à contempler l’accomplissement de cette royauté à la fin des temps, lors du retour en gloire de Notre Seigneur et au terme de notre histoire humaine telle que nous la connaissons actuellement.
Pour Paul le pouvoir royal de Jésus est lié à la victoire de sa résurrection. Et être Roi pour Jésus c’est d’abord « détruire toutes les puissances du mal », soumettre tous ses ennemis et surtout vaincre définitivement la mort. Le pouvoir royal que Jésus reçoit de son Père en tant que Fils unique, il le met au service de toute la création, en particulier au service des hommes et des femmes créés à l’image de Dieu. Le Christ Roi a un pouvoir pour nous libérer du mal. En ce sens « Christ Roi » et « Sauveur » sont des expressions très proches. « Quand tout sera sous le pouvoir du Fils, il se mettra lui-même sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous. » Le Christ Roi est bien ce bon berger qui nous conduit auprès du Père. Il est bien l’Alpha et l’Omega, le commencement et la fin, car c’est lui qui a pour mission de mener à son accomplissement l’histoire d’amour entre le Père et notre humanité. Pourquoi l’Alliance nouvelle et éternelle scellée dans le sang du Christ ? Pour que Dieu soit tout en tous. Pour que Dieu règne enfin dans toutes ses créatures par l’amour.
L’Evangile de Matthieu, lui aussi, nous parle de l’accomplissement du royaume lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire. Le pouvoir royal du Christ lui donne la capacité de juger les vivants et les morts. Ce jugement dernier, représenté par Michel-Ange à la chapelle Sixtine, est un jugement universel, il s’agit bien de toutes les nations. En jugeant, le Christ Roi séparera les hommes les uns des autres. Comme au commencement Dieu pour créer, pour donner la vie, « sépara la lumière des ténèbres ». L’avènement du royaume du Christ est bien une nouvelle création afin que Dieu soit tout en tous. Lorsque les justes et les maudits entendent la sentence du jugement ils ont la même réaction : ils sont surpris, étonnés par les paroles du Christ Roi. « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu ? Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim et soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ? » Il semble bien que les justes aient accompli le bien sans avoir conscience qu’ils rencontraient ainsi le Christ. Cette scène du jugement dernier nous montre que le salut n’est pas réservé aux seuls chrétiens. Cette scène nous fait comprendre qu’au Ciel, si nous avons la grâce d’y être admis, nous aurons peut-être bien des surprises, car là « les premiers seront derniers, et les derniers seront premiers. » Le critère du jugement ici n’est pas la foi mais l’amour de charité qui nous fait mettre au service de nos frères, en particulier des plus pauvres et des plus faibles. Et si certains sont maudits c’est parce qu’ils ont vécu de manière égoïste, sans faire attention à leurs frères en humanité. C’est ce que nous nommons le péché par omission. « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Nous qui nous réclamons du Christ nous avons la grâce de connaître la véritable nature de la charité qui va au-delà de la philanthropie ou encore de la générosité. Mais attention, la grâce ne supprime pas la nature ! Nous ne pouvons pas vivre l’amour de charité si nous n’avons pas un minimum de qualités humaines comme justement la générosité, le souci des autres, le sens du partage, la solidarité etc. Contrairement à nos frères qui n’ont pas la foi, nous, nous savons qu’aller à la rencontre de nos frères, surtout les plus fragiles, c’est faire une expérience spirituelle, une expérience de rencontre avec le Christ notre Roi. Cet Evangile nous ouvre un chemin pour vivre dès maintenant dans le Royaume de Dieu, déjà inauguré sur notre terre, terre encore soumise à bien des puissances du mal. Les gestes et les actes décrits par le Seigneur ne sont pas extraordinaires, ce sont des attitudes toutes simples d’accueil, de rencontre et de compassion. Mais ces attitudes nous coûtent toujours parce que nous sommes faibles et pécheurs, centrés d’abord sur nous-mêmes, nos intérêts et nos problèmes. Nous serions véritablement des saints si pour nous il était évident que nourrir un affamé c’est rencontrer le Christ lui-même ! En tant que baptisés et confirmés nous participons au pouvoir royal de Notre Seigneur. Non pas en faisant de beaux discours ou en nous lamentant sur la décadence de notre monde, mais en agissant pour que le mal recule et que la bonté soit manifestée ! Même si ce que nous pouvons faire nous semble une goutte d’eau dans l’océan de misère de notre monde, faisons-le de tout notre cœur dans la certitude d’être victorieux avec le Christ notre Roi et par Lui ! Amen.

lundi 17 novembre 2008

33ème dimanche du temps ordinaire

33ème dimanche du temps ordinaire / A
16/11/08
Matthieu 25, 14-30 (p. 976)
Nous voici parvenus à l’avant-dernier dimanche de notre année liturgique. Et c’est pour cela que l’Eglise offre à notre méditation un Evangile nous parlant de la venue du Christ, de son retour en gloire à la fin des temps. La parabole des talents, dont nous avons un équivalent en saint Luc avec la parabole des mines, est en effet une parabole « bilan » : elle est un appel à faire le bilan de notre vie même si notre mort peut nous paraître, pour certains d’entre nous, encore assez lointaine… En nous souvenant du message de saint Paul dans la deuxième lecture : « Le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit… Alors, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres. » La parabole des talents est un appel aussi à faire le bilan de l’année qui vient de s’écouler.
Le début de la parabole plante bien le décor : « Un homme, qui partait en voyage, appela ses serviteurs et leur confia ses biens. » Cet homme, c’est le Christ lui-même. Son « voyage » correspond bien au temps de l’Eglise, celui que nous vivons. Cette période de grâce, après le Christ, entre Noël (le premier avènement du Seigneur) et la fin des temps, sa parousie, son retour dans la gloire pour juger les vivants et les morts. Jésus est bien l’image parfaite de Dieu son Père. Dieu Notre Père, en créant le monde, est aussi parti en voyage… Ce qui signifie qu’il nous laisse libres et fait de nous des responsables à part entière de sa création. Souvenons-nous du premier chapitre de la Genèse. Dieu bénit l’homme et la femme et leur dit : « Développez-vous, multipliez-vous, remplissez la terre et dominez-la. Ayez autorité sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui vont et viennent sur la terre ! » Dieu n’est pas interventionniste, il respecte le principe de subsidiarité. Lui qui est la Cause première de tout ce qui existe, Lui le Créateur, respecte les causes secondes, c’est-à-dire l’autonomie et la liberté de ses créatures. Jésus agit de la même manière quand il part, lui aussi, en voyage. Il confie à ses serviteurs, c’est-à-dire aux chrétiens, ses biens. Les biens dont il s’agit ici ne sont plus seulement ceux de la création mais aussi ceux de la grâce, les biens spirituels : l’Eglise, la Parole de Dieu, les sacrements etc. Si Dieu n’est pas interventionniste à la manière d’un dictateur suprême et d’un surveillant général, il n’est pas non plus égalitariste… Le Seigneur Jésus confie à ses serviteurs 5 ou 2 ou 1 talent, « à chacun selon ses capacités ». Oui, le Seigneur nous fait des dons humains et spirituels en fonction de nos capacités. Autant dire qu’il n’exige pas de nous l’impossible. Il est réaliste, car Lui seul nous connaît vraiment. Le Seigneur Jésus, avant de partir en voyage (c’est une image qui nous parle du mystère de l’Ascension), nous confie et nous donne ses biens de manière très généreuse. Un talent représentait alors 30 kilos de métal précieux ou 15 ans de salaires pour un ouvrier…
« Longtemps après, leur maître revient et il leur demande des comptes. » Ce moment unique de notre histoire que nul ne connaît si ce n’est Dieu correspond soit à la fin des temps soit au jour de notre mort. Ce que nous nommons le jugement dernier et le jugement particulier. Les deux premiers serviteurs se sont montrés « bons et fidèles » dans la gestion de leurs talents. Ils ont compris que Jésus leur avait vraiment fait un don en leur faisant confiance. Ces talents reçus venaient bien de Dieu, mais ils étaient aussi à eux. Ils ne les ont pas gérés comme un bien étranger mais comme leur bien propre. Et la récompense du Maître nous empêche d’avoir une lecture capitaliste ou financière de cette parabole : « Entre dans la joie de ton Maître. » Si l’image est financière, la réalité est bien spirituelle. Ceux d’entre nous qui auront vécu leur vie selon l’Evangile et en portant beaucoup de fruits dans l’Esprit connaitront la joie indicible d’une parfaite communion avec le Christ. Quant au serviteur « mauvais et paresseux », celui qui justement va être séparé à jamais du Christ, il constitue pour nous une mise en garde solennelle. Pourquoi donc a-t-il échoué dans sa vie chrétienne ? Tout d’abord parce qu’il s’était fait une fausse image de Dieu : « Je savais que tu es un homme dur. » Au lieu de voir en Jésus l’amour et la miséricorde du Père, il n’a vu en lui qu’un juge sévère et exigeant. Et la conséquence de cette fausse vision a été pour lui la peur, cette peur qui paralyse, cette peur qui rend stérile et infécond. Et voilà ce serviteur, se présentant à son Maître, en lui disant : « Tu as ce qui t’appartient. » Il n’a pas compris que ce talent, venant de Jésus, lui était confié et donné, qu’il lui appartenait. Il l’a traité comme une chose étrangère. Il l’a enterré. Quant à nous, instruits par cette parabole, rendons grâce au Seigneur Jésus pour tous les biens humains et spirituels dont il nous a comblés. Et ne gâchons pas notre vie en passant à côté de la fécondité et de la puissance de l’amour de Dieu répandu en nos cœurs par le don de l’Esprit. Soyons images vivantes de Jésus pour le pauvre et le malheureux. N’ayons pas peur de nous donner dans la joie à la suite du Christ notre Seigneur !

mardi 11 novembre 2008

Dédicace de la basilique saint Jean de Latran

Dédicace de la Basilique du Latran
9 novembre 08
Jean 2, 13-22 (p.1316)
Nous fêtons donc aujourd’hui la dédicace de la Basilique saint Jean de Latran à Rome. C’est une majestueuse façade baroque du 18ème siècle qui accueille le pèlerin et le touriste venant à saint Jean de Latran. Sur cette façade nous trouvons en latin l’inscription suivante : « Mère et tête de toutes les églises de la ville et du monde », inscription qui souligne l’importance historique et la dignité de cette basilique romaine. Si la basilique saint Pierre est bien plus connue et visitée, n’oublions pas que c’est saint Jean de Latran qui est la cathédrale de l’évêque de Rome, donc du pape, d’où son rang unique de première église parmi toutes les églises du monde catholique. D’ailleurs c’est au Latran que les papes ont habité à partir du 5ème siècle et ce jusqu’à leur départ pour Avignon. 5 conciles de l’Eglise se sont tenus au Latran contre deux seulement au Vatican… Si la basilique du Latran a une telle importance dans notre histoire chrétienne, c’est de par ses origines qui remontent au 4ème siècle. Constantin se convertit au christianisme et donne par l’édit de Milan la liberté de culte aux chrétiens. C’est donc la fin d’une longue période d’insécurité et de persécutions pour les disciples du Christ. C’est en 320 que Constantin fait construire la première église officielle des chrétiens de Rome au Latran. La dédicace du Latran marque donc le début de la liberté de culte et la possibilité pour le christianisme d’être non plus une religion cachée, religion des catacombes, mais une religion au grand jour. Fêter la dédicace du Latran, c’est donc fêter la liberté de culte accordée aux tous premiers chrétiens par Constantin.
Les textes de la Parole de Dieu sont d’une richesse extraordinaire. 250 ans après la destruction du temple unique de Jérusalem, Constantin édifie la première église chrétienne. Pour nous chrétiens le lieu de culte n’a pas la même signification que pour les Juifs qui avaient un temple unique à Jérusalem. Une comparaison éclairante traduit le sens profond de la fête de la dédicace : de même qu’une église est consacrée au culte de Dieu par un rite spécifique, de même le chrétien est consacré au culte de Dieu par le baptême et la confirmation. Fêter la dédicace d’une église nous renvoie toujours au mystère de notre propre consécration. Contrairement à la vision propre au judaïsme, pour nous chrétiens, ce qui est premier ce ne sont pas les lieux de culte mais bien les membres du Peuple de Dieu que nous sommes. C’est le magnifique enseignement de la première lettre de Pierre : le Christ, notre Seigneur, y est comparé à une pierre vivante « rejetée par les hommes mais précieuse pour Dieu qui l’a choisie ». Et les chrétiens sont dans le Christ autant de pierres vivantes : « Et donc vous aussi, devenus pierres vivantes, construisez-vous comme un édifice spirituel, une race sainte de prêtres, pour offrir à Dieu par Jésus Christ les sacrifices spirituels qui lui sont agréables . » L’apôtre Paul est bien dans la même ligne de pensée lorsqu’il reprend lui aussi l’image de la construction qui a pour uniques fondations le Christ Jésus : « Vous êtes le temple de Dieu, l’Esprit de Dieu habite en vous. » Et dans sa première lettre aux Corinthiens Paul ose affirmer : « Votre corps est un temple de l’Esprit Saint, qui est en vous, venu de Dieu . » Le sacré pour un chrétien ne se trouve pas d’abord dans un lieu de culte. Ce qui est sacré, c’est l’homme, créature de Dieu appelé à vivre dans l’Alliance comme un fils bien-aimé du Père. Bref le vrai temple de Dieu, c’est l’homme. La Sagesse personnifiée dans le livre des Proverbes annonçait déjà cette merveilleuse réalité : « Je joue sur ce monde, sur la terre que Dieu a faite, et mon grand plaisir, c’est d’être chez les humains. » Fêter la dédicace, c’est nous redire notre incomparable dignité de fils de Dieu. Nous sommes réellement le temple sacré de Dieu, la demeure de la Sainte Trinité. Et Paul n’hésite pas à dire : « Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira. » Pensons dans la prière à tous nos frères chrétiens qui, de par le monde, sont persécutés. Et rougissons de notre peu de foi et de ferveur alors que nous avons la grâce de pratiquer librement notre religion. Fêter la dédicace du Latran nous invite à deux attitudes : solidarité tout d’abord avec les chrétiens persécutés, engagement à la suite du Concile Vatican II pour la liberté religieuse dans le monde. Et aussi attachement au siège de Pierre, sans lequel l’unité catholique se perdrait. « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai. » Si nous sommes les temples sacrés de Dieu, c’est par notre communion au Corps du Christ, c’est parce que nous sommes membres de l’unique Corps du Christ, qui est l’Eglise. Notre dignité vient du mystère pascal. Notre vie a sa source et sa finalité dans le corps ressuscité du Seigneur duquel ne cesse de jaillir pour tous l’eau vive, signe de l’amour de Dieu notre Père. Amen.