dimanche 21 juillet 2024

16ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

21/07/2024

Marc 6, 30-34

Jésus fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger.

L’image du berger et des brebis est très utilisée dans la tradition biblique pour nous parler des relations entre Dieu et ses créatures humaines, entre Dieu et l’humanité ou son peuple (l’image du troupeau). Jésus assume pleinement cette image en se présentant dans les Evangiles comme le bon berger ou le bon pasteur. Dans l’Evangile de ce dimanche le cœur de Jésus est rempli de compassion pour ses contemporains qui sont comme des brebis sans berger. Comme toujours l’image n’est qu’une image. Le berger terrestre, lui, ne se soucie de ses brebis que dans son propre intérêt, elles sont son gagne-pain et elles finiront à l’abattoir ! Ce n’est pas le cas évidemment du berger divin qui donne sa vie pour ses brebis. Il ne les exploite pas, il les aime et parce qu’il les aime il veut les sauver des dangers qui les menacent. Les hommes ont besoin de bergers mais pas de n’importe quels bergers ni dans n’importe quelles conditions ! Nous avons besoin de guides et d’exemples qui puissent nous inspirer et nous fortifier sur le chemin de notre vie. Jésus est l’unique berger parce qu’il est à la fois vrai Dieu et vrai homme, chemin qui nous conduit et nous unit à Dieu notre béatitude. Avec le berger divin nous n’avons rien à craindre car nous sommes confiés à l’amour même de Dieu. Les bergers ou les pasteurs dans l’Eglise, tous ceux qui à un titre ou un autre, sont des guides spirituels ne le sont que dans la mesure de leur fidélité au Christ, de leur union avec lui. Ces dernières années notre Eglise a été ébranlée par le scandale des abus sexuels commis par des pasteurs. Il faut bien comprendre que dans la plupart des cas ces abus sexuels n’ont été possible qu’en raison des abus d’autorité de la part de ces mêmes pasteurs. Pour le dire autrement c’est le viol des consciences qui a rendu possible le viol des corps au nom d’une conception dévoyée de l’obéissance. Si nous avons besoin de guides spirituels pour progresser sur le chemin de la foi, nous ne devons jamais renoncer à notre conscience et à notre liberté, fondements de notre dignité humaine. Le vrai pasteur, le guide spirituel authentique, n’asservit pas les personnes en les dominant ou en les subjuguant et cela pour sa propre gloire humaine ou ses propres fins. C’est tout le contraire qui est vrai. Le critère qui nous permet de reconnaître le pasteur et le guide qui agissent selon l’esprit du Christ, c’est qu’en l’écoutant et en le suivant nous grandissons en liberté, nous connaissons la libération apportée par le Christ, nous faisons l’expérience de sa compassion. Le gourou asservit les autres pour lui-même alors que le pasteur leur ouvre un chemin de libération en vue de leur communion avec Dieu. Dieu nous a voulus libres comme en témoigne ce verset du Siracide : C’est lui qui, au commencement, a créé l’homme et l’a laissé à son libre arbitre (15, 14). Si Jésus perçoit bien le besoin que nous avons d’avoir des pasteurs, des guides et des frères qui nous encouragent dans notre vie avec Dieu, il nous invite aussi à utiliser le don de notre liberté humaine. Nous devons être des adultes dans la foi et être capables de prendre par nous-mêmes des décisions pour notre vie comme en témoigne ce passage de l’Evangile selon saint Luc : Hypocrites ! Vous savez interpréter l’aspect de la terre et du ciel ; mais ce moment-ci, pourquoi ne savez-vous pas l’interpréter ? Et pourquoi aussi ne jugez-vous pas par vous-mêmes ce qui est juste ? Bref nous pouvons consulter nos pasteurs lorsque nous hésitons ou lorsque nous sommes dans le doute, mais n’oublions pas que la décision ultime nous appartient et qu’il s’agit bien de suivre notre conscience éclairée par la prière et par le Saint Esprit. Jésus nous le dit : nous sommes capables de juger par nous-mêmes de ce qui est juste. L’évêque, le prêtre, le supérieur de communauté, l’accompagnateur spirituel ne nous dispensent jamais de l’usage de notre liberté. Ils doivent au contraire nous encourager à faire les bons choix librement.

Pour conclure je citerai le concile Vatican II : La dignité de l’homme exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure (Gaudium et Spes 17).

mardi 25 juin 2024

Solennité des saints apôtres Pierre et Paul

 

Saints Pierre et Paul 2024

Dans son étude consacrée au phénomène de société qu’est devenu le tatouage[1], le père Bertrand Monnier développe une réflexion intéressante sur le charisme propre aux deux apôtres que nous fêtons en ce dimanche :

Dans l’histoire de l’Eglise chrétienne, deux grandes tendances se sont ouvertes dès les premières années du christianisme avec les deux piliers que sont saint Pierre et saint Paul. […] Les deux piliers de l’Eglise chrétienne déploient deux dynamiques complémentaires : une dynamique structurelle (Pierre) et une dynamique missionnaire (Paul). Saint Pierre assure la construction d’une Eglise, avec un héritage bien particulier qui est devenu une tradition… Tout cela est organisé pour accompagner les communautés chrétiennes de manière efficace tant sur le plan matériel que spirituel. Et, conjointement à cela, la dynamique missionnaire de saint Paul a pour but d’annoncer la foi chrétienne à ceux qui ne la connaissent pas encore (ou qui ne la connaissent plus). C’est une dynamique d’aventure et d’ouverture aux autres cultures. […] Saint Pierre et saint Paul se sont querellés à propos de la manière de devenir chrétien. Puisque Jésus était juif, il était nécessaire pour saint Pierre que les païens se convertissent d’abord au judaïsme avant de devenir chrétiens. Mais pour saint Paul, il devait être possible pour les païens de devenir directement chrétiens, sans passer par les pratiques juives. […]  Dans une société où le christianisme est « exculturé », il est très compréhensible que la majorité des pratiquants se retrouvent dans le courant pétrinien. Il est plus rassurant, en effet, dans ce genre de situation, de rester « entre soi » autour de codes et de langages déjà connus. Cependant, cette situation a engendré un grand déséquilibre à la fin du 20ème siècle car le manque d’ouverture sur les autres cultures contemporaines a creusé un écart entre les communautés chrétiennes et les nouveaux courants plus actuels. Ainsi, tout ce qui procède de la culture contemporaine est largement ignoré des communautés chrétiennes. Cet écart culturel est la première et principale cause du déficit de vocations sacerdotales, et le manque de prêtres a élargi plus encore le fossé culturel puisque ces derniers n’ont pas pu faire autrement que d’assurer la mission pétrinienne en priorité afin de répondre aux besoins rituels immédiats.

Les apôtres Pierre et Paul ont donc reçu de Dieu deux charismes différents et complémentaires, tous les deux nécessaires pour que l’Eglise et les chrétiens puissent accomplir leur mission dans le monde d’aujourd’hui, tellement différent de celui de la première Eglise où la grande majorité des citoyens de l’Empire romain étaient religieux, polythéistes ou monothéistes. Quand les deux apôtres exhortent les chrétiens à vivre l’Evangile dans le concret de la vie ils se rejoignent. Et c’est cette harmonie de pensée que je voudrais mettre en valeur en guise d’ouverture. Je vous recommande la méditation du chapitre 12 de la lettre aux Romains, un chef d’œuvre de l’apôtre Paul. En voici un très beau passage que je cite ici de manière développée :

Que votre amour soit sans hypocrisie. Fuyez le mal avec horreur, attachez-vous au bien. Soyez unis les uns aux autres par l’affection fraternelle, rivalisez de respect les uns pour les autres. Ne ralentissez pas votre élan, restez dans la ferveur de l’Esprit, servez le Seigneur, ayez la joie de l’espérance, tenez bon dans l’épreuve, soyez assidus à la prière. Partagez avec les fidèles qui sont dans le besoin, pratiquez l’hospitalité avec empressement. Bénissez ceux qui vous persécutent ; souhaitez-leur du bien, et non pas du mal. Soyez joyeux avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent. Soyez bien d’accord les uns avec les autres ; n’ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble. Ne vous fiez pas à votre propre jugement. Ne rendez à personne le mal pour le mal, appliquez-vous à bien agir aux yeux de tous les hommes. Autant que possible, pour ce qui dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes. Bien-aimés, ne vous faites pas justice vous-mêmes.  […] Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire. […] Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien.

A cette exhortation de Paul répond de manière parfaite celle de Pierre dans sa première lettre :

Vous tous, enfin, vivez en parfait accord, dans la sympathie, l’amour fraternel, la compassion et l’esprit d’humilité. Ne rendez pas le mal pour le mal, ni l’insulte pour l’insulte ; au contraire, invoquez sur les autres la bénédiction, car c’est à cela que vous avez été appelés, afin de recevoir en héritage cette bénédiction. […] Honorez dans vos cœurs la sainteté du Seigneur, le Christ. Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. Ayez une conscience droite, afin que vos adversaires soient pris de honte sur le point même où ils disent du mal de vous pour la bonne conduite que vous avez dans le Christ. (chapitre 3)



[1] Dieu est-il tatoué ? (2024)

mardi 11 juin 2024

10ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

9/06/2024

Marc 3, 20-35

Après les solennités de la Sainte Trinité et du Saint Sacrement nous reprenons le rythme des dimanches du temps ordinaire avec la lecture de l’Evangile selon saint Marc en cette année liturgique B. Nous sommes encore dans les premiers chapitres de cet Evangile, au chapitre troisième. Jésus est entouré par la foule venue l’écouter. Comme assailli par une multitude de personnes, si bien qu’il n’était même pas possible de manger, précise l’évangéliste. Jésus attire donc à lui les foules et sa vie devient en quelque sorte entièrement publique. Plus de temps ni d’espace pour soi, si ce n’est de nuit, à l’aube pour la prière. On peut donc parler d’un succès de la prédication du Seigneur au commencement de sa vie publique. Mais ce succès inquiète et interroge. D’abord les siens, le gens de chez lui, qui n’hésitent pas à le juger sévèrement : Il a perdu la tête. Manière élégante de dire « il est devenu fou ». Nul n’est prophète dans son pays et encore moins dans sa famille. A la fin de notre page évangélique ce sont les membres de sa propre famille qui viennent le chercher pour le ramener à une vie plus calme et conforme à la raison. Entre Jésus et sa famille la foule des auditeurs fait en quelque sorte écran. Jésus échappe aux siens au profit de tous ces inconnus qui viennent l’écouter. C’est l’occasion pour lui de rappeler que les liens du sang n’ont pas d’importance à ses yeux et que la famille des enfants de Dieu qu’il vient rassembler est ouverte à tous pourvu que l’on cherche à faire la volonté du Père dans sa vie. Saint Jean traduira cet enseignement du Christ dans ces versets de son magnifique prologue : Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu.

Alors que sa famille tente de le ramener à la raison, les scribes quant à eux, venus spécialement de Jérusalem, l’accusent de connivence avec le démon ! Il est possédé par un esprit impur. De fou voilà que Jésus devient un possédé ! Succès auprès de foules, incompréhension et échec total auprès des siens et des spécialistes de la religion : le contraste est saisissant. L’accusation gravissime des scribes rappelle la voix du serpent de la Genèse accusant Dieu de mensonge et de tromperie : Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. Le succès de Jésus auprès des foules de Galilée inquiète les autorités de Jérusalem. Et c’est probablement la jalousie et l’envie qui les incitent à cette attaque frontale : traiter de démoniaque celui qui est envoyé par Dieu. Si Jésus continue dans cette voie, ils risquent bien de perdre et leur pouvoir et leur position. Jésus discerne dans cette tactique pour le discréditer un blasphème contre l’Esprit Saint. Face à l’évidence du bien qu’il est lui-même et qu’il fait au nom de Dieu, comment est-il possible de l’accuser de connivence avec les démons ? Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Les scribes se sont aveuglés volontairement, et c’est là précisément le péché qui ne peut pas être pardonné. Ils sont ces guides aveugles que Jésus apostrophe en Matthieu 23. Peut-être que leur aveuglement vient du fait qu’ils se soucient davantage de préserver leur place et leur autorité que de rechercher la volonté de Dieu et de l’accomplir dans leur vie. Leur aveuglement sur la personne de Jésus et son œuvre provient de leur manque de communion réelle avec Dieu, celui qu’ils prétendent servir et défendre. Au lieu de rechercher le Royaume de Dieu et sa justice pour eux-mêmes, ils se sont institués en inquisiteurs, devenant une espèce de police religieuse qui, à force de vouloir débusquer des hérésies, en vient à blasphémer contre l’Esprit Saint ! Jésus, lui, ne cesse de nous appeler à la conversion du cœur. Ne perdons pas notre temps et notre énergie à épier et à juger la conduite des autres. Soyons vraiment spirituels et comprenons que le Royaume de Dieu est au-dedans de nous. 

dimanche 2 juin 2024

SAINT SACREMENT 2024

 


Prenez, ceci est mon corps ; Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. (Marc 14)

Le sang du Christ fait bien davantage, car le Christ, poussé par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans défaut ; son sang purifiera donc notre conscience des actes qui mènent à la mort, pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant. (Hébreux 9)

Les lectures bibliques que nous venons d’écouter en cette solennité du Saint Sacrement de l’eucharistie mentionnent la réalité de l’Alliance entre Dieu et nous. Dans cette Alliance c’est toujours Dieu qui est premier, qui prend l’initiative, qui appelle et invite, qui se donne. La messe ou l’eucharistie est le sacrement de l’Alliance nouvelle et éternelle instituée par le Christ médiateur d’une alliance nouvelle, d’un testament nouveau. C’est toujours l’amour du Christ à jamais vivant qui appelle et rassemble les chrétiens chaque dimanche pour la célébration du Saint Sacrement de l’eucharistie. Dans la deuxième lecture les fruits spirituels de l’offrande que Jésus fait de sa personne et de sa vie sont présentés en termes de libération et de purification :

De cette manière, il a obtenu une libération définitive.

Son sang purifiera donc notre conscience des actes qui mènent à la mort, pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant.

En tant que sacrement de l’Alliance nouvelle l’eucharistie nous sanctifie et nous libère en nous donnant accès au salut de Dieu par le Christ dans l’Esprit. L’eucharistie est le sacrement de la communion non seulement avec Dieu par le Christ mais aussi de la communion entre nous dans l’Eglise. Le Saint Sacrement est le sacrement de l’unité qui fait mémoire de la personne du Christ donnée pour la multitude. Dans la célébration de l’eucharistie les vivants sont unis aux défunts, les hommes et femmes de ce temps aux générations qui nous ont précédées depuis l’aube des temps. L’eucharistie est bien le sacrement universel qui abolit les frontières de l’espace et du temps. La communion au Christ mort et ressuscité pour nous à travers les espèces du pain et du vin consacrés nous arrache à nos particularismes pour nous hisser au niveau de l’amour même de Dieu. Ce que saint Paul affirme de la grâce du baptême se vérifie aussi dans chaque célébration eucharistique vécue dans la foi et selon l’intention de l’Eglise : En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus.

Si l’eucharistie est d’abord le signe de l’amour de Dieu qui nous précède et nous appelle, elle suscite toujours notre réponse libre de croyants qui, ensemble, rendent grâce à Dieu pour tous ses bienfaits et en premier lieu pour la personne de Jésus. Le Saint Sacrement est une école de gratitude pour Dieu et une école de charité universelle pour nos frères en humanité. En guise d’ouverture finale je vous partage ces paroles lumineuses de Maurice Zundel sur le mystère que nous célébrons en ce dimanche du Saint-Sacrement : Vivre la messe, c’est aller toujours plus avant, s’enfoncer dans ce silence où l’on entend les choses essentielles, où l’on rencontre au fond de son cœur le visage du Seigneur, en même temps que l’on sent toute l’humanité, que toute l’histoire, tout l’univers est là rassemblé et qu’il attend de recevoir par nous toute la lumière de l’amour… Nous voulons accomplir un acte enraciné dans la vie, qui nous transforme en nous mettant au service de l’humanité. On ne peut vivre la messe sans emporter avec soi le désir de transfigurer la vie, de la rendre plus belle et les autres plus heureux… Nous sommes à la messe simplement pour nous charger de Dieu afin de le donner aux autres… C’est dans la mesure où nous serons pour eux un sourire et une joie qu’ils croiront que le christianisme est autre chose qu’une mythologie, qu’un tissu de superstitions et que vraiment il est enraciné dans la vie. J’ajouterai : comme le pain et le vin sont enracinés dans notre vie humaine, fruits de la terre et du travail des hommes.

dimanche 26 mai 2024

Sainte Trinité 2024

 


Le mot « Trinité » n’est pas un mot biblique. Vous ne le trouverez pas dans le Nouveau Testament. Ce que l’on trouve dans le Nouveau Testament, c’est la mention du Père, du Fils et de l’Esprit comme dans l’Evangile de ce dimanche : Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.

Dans la seconde lettre de saint Paul aux Corinthiens l’apôtre utilise une formule trinitaire pour conclure sa lettre, formule reprise dans la liturgie au début de la messe : Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous.

Ce n’est qu’après la Pentecôte que les premiers disciples ont pu accueillir pleinement le mystère du Christ mort et ressuscité. Le don de l’Esprit était donc nécessaire pour que leur foi en Jésus soit affermie. Ce n’est qu’après la réflexion des grands conciles des 4ème et 5ème siècle que le mystère de Dieu Trinité a pu être accueilli pleinement dans la première Eglise. Le mot Trinité a donc été conçu par la Tradition en s’appuyant sur la révélation de Jésus. Ce mot affirme en même temps les trois personnes divines (Tri-) et leur unité. A l’époque du Christ il existait bien dans la religion romaine traditionnelle une triade, celle de Jupiter, Junon et Minerve qui avait son temple sur le Capitole à Rome. Mais ces trois divinités ne constituaient pas pour autant une Trinité. Il s’agissait bien de trois dieux et pas d’un dieu unique. De la même manière la lecture chrétienne de l’Ancien Testament a laissé entrevoir des préfigurations de la Trinité mais c’est uniquement par le mystère de l’incarnation, par la personne, la vie et l’enseignement de Jésus que Dieu se révèle à l’humanité comme Trinité. En ce sens la vision trinitaire de Dieu est une nouveauté radicale que ce soit par rapport aux triades païennes ou au monothéisme strict du Judaïsme. C’est d’ailleurs l’un des motifs essentiels de la condamnation à mort du Christ. C’est parce qu’il a témoigné de la relation unique qui l’unissait à son Père que Jésus a été condamné comme un blasphémateur, un homme qui prétendait être l’égal de Dieu. La révélation trinitaire est inséparable de la révélation selon laquelle Dieu est Amour. Cela signifie que l’être des personnes divines se définit par les relations qu’elles entretiennent entre elles. Le monothéisme trinitaire met au cœur de Dieu la relation et des relations d’amour. C’est par un don réciproque que les personnes divines existent au sein de la Trinité. Dieu n’est pas un être solitaire, un monarque absolu qui se complaît en lui-même et qui veut dominer. Il est essentiellement don d’amour, tourné vers un autre, donc ouverture infinie. Le Père, le Fils et l’Esprit tiennent leur être propre de la relation et du don dans l’échange d’amour et de vie au sein de la Trinité. Maurice Zundel est probablement l’un des penseurs chrétiens qui a le mieux saisi ce grand mystère de la sainte Trinité. Je lui laisse donc la parole : L’immense majorité des chrétiens ne sont pas des mystiques, ils ne sont pas entrés dans une union nuptiale avec Dieu. La plupart des chrétiens ne comprennent pas cette égalité dans l’amour, ils sont encore tributaires d’une conception juridique : ils songent à ce qu’ils ont à donner à Dieu et ce qu’ils peuvent garder pour eux-mêmes. Ils voient en Dieu un pouvoir dont ils dépendent, un pouvoir qui les domine ou qui les menace, qui éventuellement pourra les sauver, mais non pas un amour qui les sollicite sans s’imposer jamais, un amour qui s’offre toujours, mais qui ne s’impose jamais. Ils ne voient pas que ce qui importe essentiellement c’est le don de la personne à la personne, que le seul bien c’est cela. Le bien, c’est le don que nous sommes. Le mal, c’est le refus que nous devenons. Dieu ne peut que s’offrir, mais jamais il ne peut nous contraindre, c’est pourquoi il a l’air si souvent absent, absent parce que nous le sommes. Ce n’est jamais Dieu qui se refuse, c’est toujours l’homme : la maison dont les volets sont clos en plein jour est encore dans la nuit. Et ce n’est pas la faute du soleil. Le Dieu qui transparaît en Jésus-Christ est un Dieu essentiellement nouveau. Il ne s’agit plus d’affirmer une formule, il s’agit de la vivre, il s’agit de comprendre que ce message jaillit du fond de l’humanité du Christ vers la nôtre et qu’il nous concerne essentiellement. Être humble, être grand c’est la même chose.

dimanche 12 mai 2024

Septième dimanche de Pâques / année B

 

12/05/2024

1 Jean 4, 11-16

Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui.

Nous sommes dans la dernière partie du temps pascal, entre l’Ascension de Jésus et le don de l’Esprit Saint au jour de Pentecôte. La deuxième lecture de ce 7ème dimanche de Pâques nous redit une vérité essentielle de la révélation chrétienne : Dieu est amour. Oui, ce Dieu invisible qui est Esprit est aussi Amour. Le Dieu révélé par la personne et la vie du Christ est Trinité, communion d’amour entre les trois personnes divines. La Pentecôte marque bien l’accomplissement de cette révélation avec le don de l’Esprit, lien d’amour entre le Père et le Fils. Dans le mystère de l’incarnation Dieu nous donne son Fils et ce don trouve sa plénitude dans le don de l’Esprit fait par le Père et le Fils. Dieu se révèle comme Trinité en se donnant à nous, en nous communiquant son amour par le Fils dans l’Esprit. Après l’Ascension la présence divine n’est plus visible à nos yeux de chair. Cette présence d’amour ne peut se vivre que dans l’intériorité de la vie spirituelle, ce qu’exprime parfaitement bien le verbe « demeurer » si cher à saint Jean, le verbe de l’inhabitation divine, inhabitation réciproque entre chacun de nous et Dieu :

Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu.

Ce verset de saint Jean nous montre la puissance de l’acte de foi en Jésus confessé comme Fils de Dieu et Sauveur. Cet acte de foi, à la manière d’un sacrement, établit entre nous et Dieu une communion de vie et d’amour, au plus intime de nous-mêmes. Et nous savons que c’est grâce à l’Esprit Saint que nous pouvons faire cet acte de foi qui attire en nous la présence divine. L’inhabitation divine ne dépend pas seulement de notre acte de foi en Jésus Fils de Dieu. Elle se réalise dans la mesure où nous mettons en pratique son commandement, celui de l’amour fraternel qui s’étend jusqu’à l’amour des ennemis et qui est donc universel et sans limites.

Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui.

Saint Jean nous montre ainsi que nous ne pouvons jamais séparer notre foi en Jésus des œuvres de l’amour, du fruit de l’Esprit. Pour reprendre la belle formule employée par saint Paul dans sa lettre aux Galates, ce qui nous permet de demeurer en Dieu, c’est la foi qui agit par la charité. La foi parce que personne n’a jamais vu Dieu si ce n’est le Fils. La charité parce que Dieu est amour. Et dans ces deux domaines essentiels de notre vie chrétienne, c’est l’Esprit Saint qui est notre Maître et notre Guide.

Avec frère Roger de Taizé, invoquons l’Esprit du Père et du Fils, et demandons Lui de demeurer dans la grâce de la foi et de la charité :

Esprit Saint, qui habites chaque être humain, tu viens déposer en nous ces réalités d’Évangile si essentielles : la bonté du cœur et le pardon. Aimer et l’exprimer par notre vie, aimer avec la bonté du cœur et pardonner : là tu nous donnes de trouver une des sources de la paix et de la joie. Amen.

 

 

 

 

jeudi 9 mai 2024

Ascension du Seigneur / année B

Ascension du Seigneur 2024

La première partie du temps pascal, les 40 jours entre Pâques et l’Ascension, fonde la foi de l’Eglise dans la résurrection du Seigneur. Le Ressuscité s’est manifesté uniquement à quelques personnes, ses disciples, hommes et femmes, choisis par Dieu comme l’affirme Pierre chez Corneille : Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance.

La grande majorité des témoins du Christ ressuscité sont ses amis, Paul étant l’exception. Il ne s’est pas manifesté à ceux qui ont voulu sa mort : les grands prêtres et Pilate. Dans la plupart des cas le Ressuscité se manifeste à des personnes qui l’ont suivi, aimé et lui ont fait confiance. Aucun esprit de revanche dans le cœur du Christ qui l’aurait poussé à se montrer vivant aux autorités religieuses et civiles qui l’ont condamné à mourir sur une croix. Aucune volonté d’en mettre « plein la vue » en révélant sa victoire sur la mort aux foules par de grandes manifestations glorieuses. Les manifestations du Ressuscité sont humbles, discrètes et s’adressent en priorité à des personnes, au groupe des disciples, pas à des foules.

Le mystère de l’Ascension marque la fin de ces manifestations du Ressuscité dans l’attente de l’Esprit Saint promis par Jésus. Dans la finale de son Evangile Marc en parle avec les images suivantes : Il fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Dans ce mystère c’est notre humanité qui est unie à Dieu pour toujours, assumée en lui. L’Ascension confirme ce qui a commencé avec l’Incarnation. Et l’Incarnation se prolonge et s’actualise dans le mystère de l’Eglise corps du Christ et de sa mission dans le monde. L’enlèvement de Jésus au ciel signifie un nouveau mode de présence : non plus charnel et limité à un peuple et un territoire précis, mais glorieux et universel. Après son Ascension le Christ semble absent comme Dieu lui-même est invisible, mais en fait sa présence est encore plus forte et plus puissante. Ce qui lui permet de donner cette consigne missionnaire à ses disciples au moment de l’adieu qu’il leur fait : Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Plus aucune limite dans cet universel de la mission puisqu’il inclue toute la création comme destinataire de la Bonne Nouvelle et pas seulement l’humanité. Saint Paul le dit à sa manière dans la deuxième lecture : Et celui qui était descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux pour remplir l’univers. Le Christ ressuscité remplit donc de sa présence l’univers dans le mystère de son Ascension et le règne de Dieu son Père et Père de tous s’exerce au-dessus de tous, par tous, et en tous. L’image de Jésus qui monte au ciel est donc trompeuse car elle pourrait nous faire croire à une grande prise de distance par rapport à notre vie humaine sur cette terre. Ce que Paul nous dit du Père de tous, de notre Père qui est aux cieux, peut nous aider à surmonter cette difficulté puisque précisément ce Père qui est aux cieux est en même temps en tous, donc proche de chacune de ses créatures. A la fois transcendant et immanent.

L’exhortation par laquelle Paul ouvre le chapitre 4 de sa lettre aux Ephésiens ne nous invite pas à nous évader au ciel mais à faire fructifier sur cette terre les trésors de la grâce divine : Je vous exhorte donc à vous conduire d’une manière digne de votre vocation : ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous.

Et si le mystère de l’Ascension nous appelait tout en orientant notre cœur vers les réalités du Ciel, les réalités divines et spirituelles, à accueillir ce Ciel, c’est-à-dire Dieu lui-même, sur notre terre ? Et si le Ciel, c’était de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix ?