dimanche 26 janvier 2020

Troisième dimanche du temps ordinaire / année A



26/01/20

Matthieu 4, 12-23

En ce dimanche l’évangéliste Matthieu nous fait revivre les commencements du ministère public du Seigneur. Immédiatement après les tentations au désert, Jésus choisit de quitter Nazareth pour Capharnaüm, ville située au bord de la mer de Galilée appelée aussi lac de Tibériade. L’arrestation de Jean Baptiste par Hérode semble avoir été l’événement déclencheur de ce déménagement vers le nord de la Galilée. L’évangéliste insiste sur le choix de Capharnaüm y voyant l’accomplissement d’une prophétie. Dans Isaïe la Galilée est appelée Galilée des Nations, carrefour des païens. En faisant de cette ville située au bord du lac sa base missionnaire, Jésus de Nazareth devient Jésus de Capharnaüm. Ce choix indique dès le départ la portée universelle de sa mission. Au lieu de prêcher depuis Jérusalem, le centre religieux d’Israël, Jésus va aux frontières, aux périphéries comme dirait le pape François. C’est aussi une manière de dire qu’il se met au service des plus abandonnés et des plus méprisés, tous ceux que l’on relègue aux marges d’Israël pour diverses raisons. Ce choix de Capharnaüm marque sa prise de distance par rapport aux autorités religieuses de Jérusalem et garantit ainsi sa liberté de parole.

Le premier message que Jésus délivre dans sa prédication n’a rien d’original puisque Jean Baptiste a lui aussi prêché l’imminence du Royaume des cieux et la nécessité de se convertir pour l’accueillir : Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. Jésus place ainsi toute sa prédication sous le patronage des prophètes, Jean étant le dernier et le plus grand parmi les prophètes. Même si Jésus respecte la Torah, les cinq premiers livres de notre Ancien Testament, son inspiration vient principalement des livres prophétiques. C’est ce qui explique l’opposition inévitable qui se manifestera très tôt entre lui et les docteurs de la Loi, eux qui considéraient la Torah comme la source principale, presque unique, de la vie religieuse du peuple Juif. Royaume des cieux et Royaume de Dieu sont des expressions équivalentes. Le Royaume est tout proche, ce qui n’empêchera pas Jésus de nous faire demander dans le Notre Père : Que ton règne vienne. Ce qui est certain et tout à fait nouveau, c’est que Dieu se fait proche de nous en Jésus l’Emmanuel. Si bien que le Royaume tend à se confondre avec la manifestation de Jésus, avec le mystère de l’incarnation. Dans l’Evangile selon saint Luc, le Seigneur nous fera comprendre que ce Royaume des cieux est en nous. Il n’est pas seulement proche dans le temps, il nous est intérieur : le royaume de Dieu est en vous. Ce qui fera dire au pape Grégoire le grand : le ciel, c’est l’âme du juste. C’est par le mouvement de la conversion que nous devenons nous-mêmes ce royaume des cieux. L’appel des quatre premiers disciples nous montre de manière concrète ce que signifie se convertir : tout laisser pour suivre Jésus. Cela signifie renoncer à nos manières humaines de voir pour adopter les pensées de Dieu, renoncer à notre volonté propre pour rechercher la volonté de Dieu. Dire Que ton règne vienne c’est en même temps dire Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Nous sommes le royaume des cieux chaque fois que nous accordons notre volonté à celle de notre Père céleste. Toute la Bible nous apprend à connaître et à mettre en pratique cette volonté de Dieu. Je laisserai au prophète Michée le soin de nous rappeler qu’elle ne consiste pas en des choses compliquées et inaccessibles : Homme, on t’a fait connaître ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher avec ton Dieu. Jésus a simplifié le contenu moral de la foi en le résumant au double commandement de l’amour. Il est Sauveur parce qu’il nous permet de mettre en pratique ce commandement en le suivant, en écoutant sa parole et en recevant sa grâce, particulièrement dans les sacrements et la vie de prière.


dimanche 19 janvier 2020

Deuxième dimanche du temps ordinaire / année A



Jean 1, 29-34

19/01/20

Nous entrons à nouveau dans le temps liturgique dit « ordinaire ». Un temps qui se divise en deux périodes distinctes de notre année liturgique : celle qui précède le carême et celle qui suit le temps pascal. Le temps ordinaire a pour but de nous faire revivre les événements de la vie publique de Jésus entre le moment de son baptême et celui de son entrée messianique dans Jérusalem. Cette année c’est avec saint Matthieu que nous suivrons et écouterons le Christ dans sa prédication et dans ses actions. Mais nous commençons avec une exception puisque l’Evangile de ce dimanche est un passage de l’Evangile selon saint Jean. Nous sommes encore sur les bords du Jourdain avec Jean le baptiste et nous prolongeons en quelque sorte la fête de dimanche dernier, celle du baptême du Seigneur.

Nous pouvons être surpris par le fait que Jean affirme à deux reprises à propos de Jésus : Je ne le connaissais pas. Jean ne connaît pas Jésus et en même temps sa mission consiste à ce qu’il soit manifesté au peuple d’Israël.  Malgré son ignorance, le précurseur est bien celui qui introduit Jésus auprès du peuple et lui permet de commencer sa mission. Par révélation du Père, Jean va passer de l’ignorance à la profession de foi et au témoignage : c’est lui le Fils de Dieu.

Dans l’Evangile de ce dimanche, Jean nous instruit sur l’identité profonde du Fils de Dieu et sur sa mission dans le mystère de son incarnation.

Il est tout d’abord celui qui baptise dans l’Esprit Saint. Deux chapitres plus loin, dans son entretien avec Nicodème, le Seigneur affirmera : Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit. Baptiser dans l’Esprit Saint, cela signifie plonger une créature humaine dans le feu de l’amour divin. Baptiser dans l’Esprit, cela signifie permettre au vieil homme de renaître à une vie nouvelle, celle des enfants de Dieu. Seul le Fils de Dieu a ce pouvoir de nous ressaisir au plus intime de nous-mêmes pour faire de nous des hommes nouveaux. Et il le réalise par la puissance de l’amour divin.

Si Jésus est présenté comme celui qui baptise dans l’Esprit Saint, c’est bien parce qu’il est l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. Dans sa présentation de Jésus, Jean, en tant qu’inspiré, voit loin. Il voit déjà le terme : les jours de la Passion et de l’offrande de Jésus sur la croix. En se soumettant au baptême d’eau donné par Jean, Jésus se montrait solidaire d’un peuple pécheur. Il désignait le sens de sa mission : nous libérer de l’esclavage du péché. C’est par l’offrande sa vie qu’il réalisera en plénitude cette mission. Par ses paroles inspirées, Jean nous fait donc parcourir dès le début du temps ordinaire tout l’itinéraire de Jésus qui le conduira du baptême dans l’eau au baptême dans le sang.

C’est en méditant ce mystère que saint Jean peut affirmer dans sa première lettre :

C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : non pas seulement avec l’eau, mais avec l’eau et avec le sang. Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité. En effet, ils sont trois qui rendent témoignage, l’Esprit, l’eau et le sang, et les trois n’en font qu’un.

dimanche 5 janvier 2020

ÉPIPHANIE 2020


Épiphanie 2020

Saint Matthieu est le seul parmi les évangélistes à nous rapporter l’épisode de la visite des mages orientaux à Bethléem. Tandis que saint Luc nous parle de la crèche, saint Matthieu mentionne la maison dans laquelle Marie se tient avec son fils nouveau-né. Probablement qu’après la naissance de Jésus dans la crèche, ses parents sont restés à Bethléem un certain temps et ont pu ainsi trouver une maison, une fois le recensement terminé. Si nous poursuivons notre comparaison entre les deux récits, il est aussi intéressant de relever qu’aux bergers de Luc correspondent les mages de Matthieu. Un parallélisme peut ainsi s’établir entre la pauvreté et l’ignorance des bergers et la richesse et la science des mages. L’une des significations de l’Epiphanie est l’universalité du salut apporté par la naissance de l’enfant Jésus. Dieu se fait en son Fils notre frère pour dire la proximité de son amour pour tous les hommes, pauvres et riches, savants et ignorants. Cependant les bergers et les mages ont un point en commun : ils appartiennent à des catégories mal considérées dans le Judaïsme. N’oublions pas que les mages devaient être en même temps des scientifiques et des astrologues… La frontière entre astronomie et astrologie étant ténue à cette époque. Or l’astrologie est condamnée et ridiculisée dans certains passages de l’Ancien Testament.

Ces mages ont donc en quelque sorte tout contre eux : astrologues et païens. Cela n’empêche pas Dieu de les guider par l’étoile jusqu’à Jésus. Dans l’Evangile de cette solennité, nous voyons la diversité des moyens adaptés que Dieu utilise pour guider les hommes et les conduire vers le salut. L’étoile pour les mages, les Ecritures pour les Juifs et enfin le songe pour les mages. L’étoile peut aussi bien représenter la création, la nature que la science puisque seuls les astronomes peuvent en déchiffrer le message. Les Ecritures représentent la révélation et la foi. Le mystère de l’Epiphanie nous montre de manière concrète comment foi et science peuvent mener à Dieu ou pour le dire autrement comment le livre de la nature complète le livre de la révélation. S’il y a eu au cours de l’histoire de l’humanité des scientifiques athées, de nombreux exemples nous montrent qu’il est tout à fait possible d’être un grand scientifique et un grand croyant, pour n’en citer qu’un pensons à Blaise Pascal.

Un dernier élément de méditation nous est donné si nous comparons les mages païens au Juif Hérode, les savants au roi. Hérode avait tout de son côté pour pouvoir, lui aussi, se prosterner devant l’enfant de Bethléem : les Ecritures et l’enseignement des prêtres et des scribes. Mais il laissa son cœur se troubler et pécha en commettant mensonge et tromperie. Pour un homme de pouvoir comme lui, entendre ces voyageurs lointains parler du roi des Juifs a dû le bouleverser profondément. Les mages partaient de loin, dans tous les sens du terme. Ils arrivent à Jérusalem au terme d’un long voyage qui n’est que l’image de leur longue recherche spirituelle du salut et de la vérité. Et voilà que ceux qui étaient loin sont le plus proche de Jésus tandis que celui qui était prêt s’en éloigne infiniment par son péché et son obsession maladive du pouvoir. Tel est le paradoxe de l’Epiphanie qui annonce l’enseignement de Jésus selon lequel bien des premiers seront derniers et bien des derniers seront premiers.

Ce paradoxe nous invite à l’humilité en tant que catholiques. Nous qui avons tout pour connaître le salut apporté par Jésus dans le mystère de l’incarnation, nous sommes parfois plus éloignés de Jésus que ceux qui sont hors de l’Eglise. Parce qu’une tentation terrible menace chacun de nous, celle de vivre notre foi de manière routinière. Les mages orientaux nous rappellent l’importance du désir spirituel et de la recherche de Dieu. Le croyant authentique est toujours en chemin, toujours poussé de l’avant par la recherche d’une communion plus forte et plus intime avec Jésus. Et il n’hésite pas à contempler en même temps le livre de la création et celui de la révélation, à unir dans son cœur foi et raison pour atteindre son but.
Paul, le converti, est un magnifique exemple de ce dynamisme de la foi, d’un homme qui ne s’est jamais laissé endormir par une pratique religieuse routinière et automatique :

Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.