dimanche 23 octobre 2011

30ème dimanche du temps ordinaire

Comme dimanche dernier les pharisiens envoient auprès de Jésus l’un des leurs, un docteur de la Loi, pour lui tendre un piège. La question, cette fois, est plus spirituelle que celle sur l’impôt : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Le docteur de la Loi demande donc à Jésus une interprétation de la Torah (les cinq premiers livres de l’Ancien Testament). Il aurait pu répondre par lui-même à la question qu’il pose comme le montre la version de saint Luc avec le développement de la parabole du bon samaritain. La question du maître de la Loi est différente : « Que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle ? » Et c’est le Seigneur qui interroge à son tour le maître de la Loi : « Que dit l’Ecriture, que vois-tu dans la Loi ? » Et lui de répondre en citant le commandement de l’amour de Dieu et du prochain. En tirant de la Loi ce qu’elle a de meilleur Jésus ne semble donc rien inventer. Ceux qui étudiaient l’Ecriture à son époque pouvaient arriver à la même conclusion que lui. Jésus va dans le sens de la simplicité et de la clarté. Non pas que ces commandements soient faciles à mettre en pratique. Mais ils indiquent au croyant de bonne volonté un chemin sûr pour répondre à la volonté de Dieu dans sa vie. Dans sa question le Docteur de la Loi ne cite justement que la Loi, la Torah. Dans sa réponse le Seigneur affirme : « Tout ce qu’il y a dans l’Ecriture- dans la Loi et les Prophètes- dépend de ces deux commandements ». Il rappelle ainsi l’importance de la tradition prophétique qui permet au juif comme au chrétien de ne pas en rester à une religion légaliste mais à vivre sa foi comme une recherche intérieure de Dieu. Les prophètes ont toujours vivement insisté pour que le culte envers Dieu s’accompagne de la justice sociale qui est une expression privilégiée de l’amour du prochain. Dans la version de saint Marc le maître de la Loi commente la réponse de Jésus en citant les prophètes Osée et Amos : « Fort bien, Maître, tu as raison de dire que Dieu est l'Unique et qu'il n'y en a pas d'autre que lui. L'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices. » Je voudrais maintenant faire deux remarques à propos du double commandement de l’amour. Le Seigneur nous demande d’aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit. Dieu créateur nous a donné des facultés qui font que nous sommes son image sur cette terre. Pour vraiment aimer Dieu nous devons utiliser toutes ces facultés naturelles (le sentiment, la religiosité, l’intelligence etc.) dans l’exercice des dons spirituels reçus au baptême et à la confirmation : foi, espérance et charité. C’est donc avec tout ce que nous sommes que nous devons aller à la rencontre du Seigneur chaque jour. Notre foi ne doit pas détruire nos facultés naturelles mais les élever et les transfigurer. Le but du croyant ce n’est pas de devenir insensible (sans cœur) et encore moins idiot (sans esprit). Pour aimer Dieu nous avons besoin et de notre cœur et de notre intelligence. Ma deuxième remarque porte sur l’amour du prochain. Jésus dans le même Evangile nous donne une règle simple et infaillible pour savoir comment aimer en vérité notre prochain : « Faites donc pour les autres tout ce que vous voulez qu’on fasse pour vous, c’est bien ce que disent la Loi et les Prophètes ». J’ai lu récemment dans la presse que des caissières du magasin Dia d’Albertville sont en grève depuis 2 ans pour protester contre le travail du dimanche qui leur est imposé. Est-ce que leur patron vient lui aussi travailler le dimanche ? La première lecture, extraite d’un livre de la Loi, nous montre à quel point la Bible peut être d’une actualité frappante et comment l’amour du prochain devrait structurer concrètement notre rapport à l’argent et au commerce : Si tu prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple, à un pauvre parmi tes frères, tu n'agiras pas envers lui comme un usurier : tu ne lui imposeras pas d'intérêts. Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. C'est tout ce qu'il a pour se couvrir ; c'est le manteau dont il s'enveloppe, la seule couverture qu'il ait pour dormir. S'il crie vers moi, je l'écouterai, car moi, je suis compatissant ! A l’heure de la crise financière et économique mondiale les chrétiens doivent proposer une alternative à un système qui adore le veau d’or de l’argent et du profit et qui ne veut pas se remettre en question. Un chrétien ne peut se résigner face à l’injustice, il est par nature un indigné. Déjà en 1914 Péguy voyait le danger venir : Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation et sans mesure… L’argent est seul devant Dieu.

dimanche 16 octobre 2011

29ème dimanche du temps ordinaire

Nous continuons en ce dimanche notre lecture de la section de l’Evangile selon saint Matthieu consacrée au ministère public de Jésus après son entrée dans Jérusalem. Nous sommes donc dans ce temps entre le jour des rameaux et la Passion. Matthieu consacre 5 chapitres de son Evangile aux derniers jours de la prédication du Seigneur dans la ville sainte. Le contexte n’est plus du tout le même que celui du ministère public de Jésus en Galilée. C’est un contexte tendu et dramatique, l’opposition à l’enseignement de Jésus étant devenue de plus en plus forte. La page d’Evangile de cette liturgie est bien connue de tous. Elle fait partie de ces moments de vives discussions entre les pharisiens et le Seigneur. Ici les pharisiens échafaudent un plan pour tendre un piège à Jésus en lui posant une question embarrassante : celle de l’impôt dû à l’empereur. Ces hommes, traités d’hypocrites par Jésus, ne cherchent pas la vérité. Le débat n’est pour eux qu’une occasion de triompher de celui qu’ils ont pris en haine et de le mettre en difficulté. La perversité et la mesquinerie de leur méthode est malheureusement d’une grande actualité. Combien de soi-disant « débats » politiques ne sont en fait que des joutes oratoires pour faire tomber l’autre ? Et ne parlons pas de certaines séances à l’assemblée nationale, séances qui devraient faire honte à ceux qui se comportent comme des gamins dans une cour de récréation alors qu’ils sont censés débattre démocratiquement en vue du bien commun. Non seulement les pharisiens sont pervers mais ils utilisent même la flatterie la plus basse pour essayer de dissimuler leur manœuvre : « Maître, tu es toujours vrai etc. » Les Juifs subissent à l’époque de Jésus l’occupation romaine comme une humiliation insupportable. Dans leur culture religieuse être gouverné par un non-Juif donc par un païen est tout simplement insupportable. Certains sont toutefois prêts à collaborer avec le pouvoir romain alors que d’autres ne cessent de fomenter des séditions pour se libérer du joug impérial. Payer l’impôt à César c’est reconnaître en quelque sorte la légitimité de son pouvoir. S’il y avait des changeurs dans le temple, changeurs malmenés par Jésus, c’était parce que l’on considérait comme impie le fait d’acheter les animaux pour les sacrifices avec des pièces de monnaie païennes. Comme souvent Jésus ne répond pas directement, évitant ainsi de tomber dans le piège qui lui est tendu. Il fait simplement remarquer à ses opposants que la monnaie qu’ils utilisent couramment dans leur vie est celle émise par l’empereur. D’où la célèbre réponse : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Ce qui signifie d’abord : payez l’impôt à César, cela ne vous empêchera pas d’adorer Dieu et d’être de bons Juifs. Dans un sens plus profond cette parole du Seigneur, souvent oubliée dans l’histoire de l’Eglise, fonde nettement la distinction entre la sphère politique et la sphère religieuse. Pour le dire autrement le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel ne doivent pas se confondre. Jésus énonce ici le principe de la laïcité. A ne pas confondre avec le laïcisme qui veut exclure de la vie sociale toute manifestation religieuse. L’oubli de ce principe a commencé très tôt dans l’histoire de la chrétienté. Le premier Concile de l’Eglise (Nicée en 325) a été convoqué et présidé par Constantin et non pas par le pape ! Mais c’est Théodose qui, dès la fin du 4e siècle, a fait du catholicisme la religion d’Etat et qui a interdit les sacrifices païens, fermé les temples et persécuté les païens. Les persécutés sont ainsi devenus à leur tour persécuteurs parce qu’ils ont adopté la manière romaine de gérer le rapport du religieux avec la vie civile. Pourquoi les chrétiens ont-ils été persécutés ? Parce qu’ils refusaient de sacrifier à l’empereur divinisé. Non pas parce qu’ils avaient créé une nouvelle religion. Mais bien parce que leur refus de sacrifier était interprété comme un manque de civisme. Théodose, l’empereur qui se prétendait très chrétien, est aussi l’empereur qui a ordonné le massacre de 7000 habitants de Thessalonique en raison de leur révolte. L’évêque de Milan, Ambroise, l’a excommunié sur le champ. Comme quoi le principe édicté par Jésus est précieux pour éviter aux chrétiens que nous sommes de nous engager dans des impasses. Ne confondons jamais le Royaume de Dieu avec les puissants de ce monde et leur pouvoir.

dimanche 9 octobre 2011

28ème dimanche du temps ordinaire

Il existe un lien évident entre la parabole de ce dimanche et celle entendue dimanche dernier. Dans ces deux histoires Dieu ne cesse d’envoyer ses serviteurs les prophètes aux hommes. Son amour est patient. C’est inlassablement que le Seigneur nous rappelle notre vocation de fils de Dieu. Face à cette persévérance divine la réponse humaine se décline en trois attitudes : indifférence, refus et violence. La raison profonde de ces attitudes, c’est bien notre ingratitude. Ingratitude qui atteint son sommet avec la crucifixion de Jésus. La parabole de ce dimanche nous montre un roi (Dieu) qui célèbre les noces de son Fils (Le Christ) avec l’humanité. En effet ces noces ont commencé dans le sein de la Vierge Marie lorsque la Parole de Dieu a voulu prendre notre condition humaine. C’est par le mystère de l’incarnation que Jésus, dès la crèche, épouse notre humanité et se fait le frère de chacun d’entre nous. L’accomplissement de ces noces, dont nous parle la parabole, c’est le Royaume de Dieu. Entre Noël et l’accomplissement final (la célébration des noces dans le Royaume) nous vivons le temps de l’Eglise. Et chaque messe du dimanche est une anticipation du repas nuptial : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde ; heureux ceux qui sont invités au festin des noces de l’Agneau ! ». La première partie de notre parabole s’achève ainsi : « Le repas est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes ». Comment expliquer que non seulement le peuple d’Israël mais aussi chacun d’entre nous, à des degrés divers, nous refusons de répondre à l’invitation divine ? Les invités ne veulent pas venir. Telle est la première réaction. Dans notre vie quotidienne nous n’aimons pas être dérangés, surtout quand nous faisons quelque chose qui nous intéresse ou nous passionne. La deuxième réaction met en avant notre travail (champ et commerce). Le travail est une réalité bonne par laquelle nous gagnons notre vie et rendons un service à la société. Mais dans notre religion il y a un jour consacré au Seigneur, un jour de cessation du travail. Pour empêcher qu’il ne devienne une idole, un obstacle sur notre route avec Dieu. La tentation de notre activité professionnelle, c’est l’appât du gain, l’amour immodéré du profit et de l’argent. Saint Paul enseigne à Timothée que « l’amour de l’argent est la racine de tous les maux ». Et le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz dénonce le triomphe actuel de la cupidité et ses conséquences désastreuses pour des millions de personnes sur notre planète. Nous n’aimons pas être dérangés et voilà que Dieu vient nous déranger dans nos activités lucratives ou nos divertissements pour nous inviter à partager sa joie dans le Royaume. D’où aussi la troisième réaction : ceux qui sont invités finissent par tuer ces empêcheurs de tourner en rond que sont les serviteurs du roi, en l’occurrence les prophètes d’hier et d’aujourd’hui. Pourquoi donc notre refus de goûter à la joie du Royaume ? C’est probablement parce que le bonheur du Ciel nous semble abstrait et lointain. Alors nous lui préférons les bonheurs que nous pouvons obtenir sur cette terre maintenant et de manière concrète. Cela rejoint l’enseignement de la parabole du semeur : Et il y en a d'autres qui ont reçu la semence dans les ronces : ceux-ci entendent la Parole, mais les soucis du monde, les séductions de la richesse et tous les autres désirs les envahissent et étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit. Ayant vu pourquoi il nous est si difficile d’écouter l’appel du Seigneur à participer aux noces de son Fils, nous pouvons trouver un remède. Et ce remède consiste tout simplement à faire dès maintenant l’expérience de la joie de Dieu. Comment est-ce possible ? J’ai déjà parlé de notre participation à la messe du dimanche, anticipation réelle du festin des noces de l’Agneau. Mais sans une vie de prière personnelle notre participation à la messe risque de devenir routinière. Pour répondre à l’invitation du Seigneur, nous devons être prêts et vigilants, même au milieu de toutes nos activités humaines. Ce qui nous permet d’être prêts, c’est chaque jour la relation personnelle que nous nouons avec Dieu dans la prière, la méditation de sa Parole et la lecture spirituelle. La vie de prière ressemble parfois à une traversée du désert, nous ne ressentons pas la présence de Dieu, il semble absent. Mais si nous persévérons malgré tout en renouvelant notre acte de foi et d’amour, si nous lui demeurons fidèles, alors nous vivrons vraiment de sa joie en profondeur. Nous pouvons nous appuyer sur sa promesse : « Votre joie, personne ne vous l’enlèvera ». Grâce à cette expérience de vie dans l’Esprit Saint la joie du Royaume ne sera plus pour nous une réalité abstraite et lointaine, donc inintéressante. Ayant déjà goûté en nous et dans notre vie les fruits de l’Esprit (amour, joie et paix), nous aurons faim de Dieu et soif de sa présence.