dimanche 24 juin 2012

Nativité de saint Jean Baptiste


Dans notre année liturgique chrétienne nous fêtons trois naissances : celle du Seigneur Jésus, celle de Notre-Dame et enfin celle de Jean-Baptiste. Parmi les saints du calendrier Jean a donc un statut unique. Toutes les fêtes des saints correspondent en effet à la date de leur mort ou de leur martyre. Et c’est le 29 août que nous faisons mémoire du martyre de Jean. Pourquoi donc l’Eglise dans sa liturgie accorde-t-elle à Jean une place particulière parmi les autres saints ? Parce qu’il se situe à une période charnière de l’histoire du salut. Il est le dernier des prophètes. Il est le seul parmi les prophètes à avoir vu le Christ. Les autres n’ont fait que l’annoncer. Jean est celui qui fait passer l’Ancienne Alliance dans la Nouvelle.
La liturgie de la Parole exprime à la fois la continuité de Jean avec les prophètes qui l’ont précédé et sa nouveauté. La première lecture est un magnifique texte du livre d’Isaïe dans lequel un prophète décrit sa vocation et sa mission. Avant même notre naissance Dieu a un projet pour nous. En nous créant dans le sein de notre mère il nous donne une vocation. Certes nous ne sommes pas tous appelés à avoir une mission comme celle de Jean. Mais tous nous sommes appelés à la sainteté en cherchant la volonté du Seigneur dans nos vies et en y répondant généreusement. La première lecture et le psaume nous redisent que notre existence ici-bas n’est pas seulement le fruit de l’union charnelle de notre père et de notre mère. Dans cette union Dieu créateur est présent. Nous sommes créés à son image et selon sa ressemblance. Et c’est le fondement même de notre dignité humaine. Nous appartenons bien sûr au règne animal mais à l’intérieur de ce règne nous constituons l’espèce humaine en raison d’un don particulier de Dieu et de son appel : « J’ai du prix aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force ». A cette affirmation du prophète répond celle du psaume 138 : « Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis ». Par son appel, Dieu notre Père fait de nous des co-créateurs, c’est-à-dire des êtres capables de continuer et d’achever sa création. Nous sommes responsables devant Dieu de sa création. D’où l’urgence de développer chez tous les chrétiens un engagement écologique fort. Après l’échec de Copenhague, les politiciens réunis à Rio ont une fois de plus enterré le changement nécessaire dans notre attitude vis-à-vis de la création. Nous savons désormais que ce sont les citoyens et les associations qui pourront faire bouger les choses.
Jean se situe donc dans la continuité des prophètes de l’Ancien Testament. Mais il annonce aussi la nouveauté du Christ. Le nom que ses parents veulent lui donner, nom donné par l’ange Gabriel, est un nom nouveau dans la famille : « Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! » Et comme souvent dans la Bible un nom a un sens, un nom annonce la mission de l’enfant qui vient de naître. Jean signifie « Dieu fait grâce ». Et comment ne pas penser ici à ce que Jean l’évangéliste écrit dans son prologue ?
Tous nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce : après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.
Le nom nouveau de Jean, un nom qui vient du ciel et non pas de sa famille, annonce bien ce que sera notre condition de chrétiens. Par le baptême nous entrons en effet dans une famille nouvelle, celle des enfants de Dieu, une famille dans laquelle les liens spirituels sont plus importants que ceux de la chair, et c’est encore le prologue de Jean qui peut nous éclairer :
Mais tous ceux qui l'ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d'une volonté charnelle, ni d'une volonté d'homme : ils sont nés de Dieu.
Fêter la naissance de Jean c’est donc célébrer avec gratitude le nom nouveau que nous avons reçu au jour de notre baptême. Si à ce nom nouveau nous faisons correspondre, par la grâce de Dieu, une vie nouvelle, alors nous serons admis dans le Royaume de Dieu. Là, dans la communion de Dieu Trinité, notre vie humaine et chrétienne s’épanouira en plénitude, selon la promesse contenue dans le livre de l’Apocalypse :
Au vainqueur je donnerai de la manne cachée ; je lui donnerai aussi une pierre blanche, avec, écrit sur cette pierre, un nom nouveau que personne ne connaît sauf celui qui la reçoit.




dimanche 17 juin 2012

11ème dimanche du temps ordinaire

Après les fêtes de la Sainte Trinité et du Saint-Sacrement nous reprenons la liturgie du temps ordinaire avec la lecture continue de l’Evangile selon saint Marc (année B). L’Evangile de ce dimanche, au chapitre 4 de saint Marc, nous fait entendre la prédication de Jésus dans les premiers temps de son ministère public en Galilée. L’évangéliste a regroupé dans ce chapitre l’enseignement en paraboles. Les deux paraboles que nous venons d’entendre nous parlent du Règne de Dieu. Elles constituent une reprise et un développement de la toute première prédication du Seigneur après les tentations au désert : « Les délais sont accomplis, le Règne de Dieu est là, convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ! » En la personne de Jésus le Règne de Dieu est donc déjà là, déjà présent, déjà agissant au milieu des hommes. La première parabole est celle de l’homme qui jette le grain dans son champ. Ce grain c’est, entre autres choses, le bon grain de la Parole de Dieu. En nous donnant cette parabole Jésus nous demande de faire un acte de foi en la présence du Règne de Dieu au milieu de nous. Il nous demande en fait de lui faire totalement confiance car il est le maître de la moisson. Cette parabole s’adresse en particulier à tous ceux parmi nous qui ont des responsabilités familiales, professionnelles, éducatives. Elle concerne autant les parents, que les professeurs ou les prêtres. Tous nous ressemblons à cet homme qui sème le grain. La parabole, contrairement à ce que pourrait laisser penser une lecture superficielle, ne nous encourage pas à la paresse ou à la négligence. Nous avons à faire notre travail : semer le grain et moissonner. Mais nous devons toujours nous souvenir que c’est la force de Dieu et elle seule qui fera porter du fruit à notre travail. Une fois que nous avons semé, nous devons faire confiance à l’œuvre de Dieu. Et ce n’est pas parce que nous ne voyons pas de résultats visibles et immédiats que nous devons douter de l’œuvre de Dieu ou encore culpabiliser. Cette parabole nous invite aussi à la patience. Dans le domaine du Règne de Dieu il est dangereux d’appliquer les règles de la productivité capitaliste. La logique du Règne de Dieu est totalement opposée aux slogans de notre économie : produire toujours plus, toujours plus vite et à un prix toujours plus bas. L’œuvre de Dieu se réalise dans le temps, dans la durée et n’est perceptible que dans la mesure où nous sommes capables de lire les signes des temps. Il en est d’ailleurs ainsi de toutes les grandes choses dans notre monde. Un étudiant sérieux et qui aime ce qu’il étudie sait très bien qu’il a besoin de nombreuses années pour vraiment assimiler l’objet de son étude. Cette parabole nous met donc en garde contre une vision humaine de l’évangélisation dans notre Eglise. Si nous recherchons uniquement des chiffres et des statistiques, rapidement, nous risquons de prendre le chemin d’une secte américaine avec ses méthodes fort peu catholiques. Le Règne de Dieu parmi nous est une réalité divine donc surnaturelle. Ce n’est pas un business que nous aurions à faire fructifier par des moyens seulement humains. Le concile Vatican II a beaucoup insisté sur ce point. La force de l’Eglise vient de Jésus seul et pas de sa richesse ou de son pouvoir temporel : « La vertu du Seigneur ressuscité est sa force pour lui permettre de vaincre dans la patience et la charité les afflictions et les difficultés qui lui viennent à la fois du dehors et du dedans, et de révéler fidèlement au milieu du monde le mystère du Seigneur, encore enveloppé d’ombre, jusqu’au jour où, finalement, il éclatera dans la pleine lumière. » Il s’agit donc pour l’Eglise d’utiliser dans sa mission « tous les moyens, et ceux-là seulement, qui sont conformes à l’Evangile et en harmonie avec le bien de tous ». « L’énergie que l’Église est capable d’insuffler à la société moderne se trouve dans cette foi et dans cette charité effectivement vécues et ne s’appuie pas sur une souveraineté extérieure qui s’exercerait par des moyens purement humains. » Si le temps de la moisson tarde, si le Règne de Dieu semble une réalité humble et discrète au milieu de nous, si nous sommes minoritaires, n’ayons pas peur. Si nous travaillons vraiment selon l’Esprit de l’Evangile, nous pouvons être certains qu’au moment où Dieu le voudra nous pourrons constater avec joie que nous n’avons pas travaillé en vain. Mais pour cela il faut que nous cultivions en nous le sens surnaturel de la foi. Il faut que nous soyons convaincus que notre travail est une participation à l’œuvre de Dieu et que c’est donc lui le Maître de toutes choses. N’oublions jamais que Dieu seul a le pouvoir de convertir les cœurs par les moyens qu’il choisit dans sa souveraine liberté.

dimanche 3 juin 2012

LA SAINTE TRINITE

Le mystère de la Sainte Trinité est au centre de la foi et de la vie chrétienne. C’est un mystère fondamental. Ce qui permet de dire d’une personne qu’elle est chrétienne, c’est qu’elle croit en Dieu Trinité. Tous les chrétiens qu’ils soient catholiques, orthodoxes ou protestants sont unis par un même baptême donné au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Certains mouvements sectaires comme les témoins de Jéhovah affirment être chrétiens, mais en niant la Trinité ils refusent ce qui est au cœur même de la révélation chrétienne. La Sainte Trinité est aussi ce qui distingue nettement le christianisme du Judaïsme et de l’Islam. Certes Judaïsme, christianisme et Islam sont trois monothéismes. Mais la conception de Dieu propre au christianisme est unique, notre monothéisme est en effet trinitaire. Si l’on observe l’histoire de la révélation biblique on remarque que Dieu se révèle d’abord comme unique dans l’Ancien Testament, comme le Père créateur et le Père du peuple d’Israël. Ensuite vient la révélation du Fils, en Jésus, Parole du Père, et c’est le commencement d’une Alliance nouvelle et définitive, non plus seulement avec un peuple particulier mais avec tout être humain. Enfin par le don de l’Esprit Saint à la première Eglise, le jour de Pentecôte, la personne de l’Esprit se révèle en plénitude. Ou pour le dire autrement Dieu le Père nous a donné son Fils et le Père et le Fils nous ont donné l’Esprit. Dans notre vie chrétienne cet ordre de la révélation est en quelque sorte inversé. Car c’est l’Esprit Saint qui vient en premier. Saint Paul affirme très clairement que nul ne peut croire en Jésus Sauveur sans l’Esprit et que nous ne pouvons pas prier Dieu notre Père sans l’Esprit. L’Esprit de Pentecôte, celui de notre baptême et de notre confirmation, est le fondement même de notre vie chrétienne et spirituelle. La deuxième lecture de cette liturgie nous donne une belle définition du chrétien : être fils de Dieu, c’est se laisser conduire par l’Esprit de Dieu. C’est le Saint Esprit qui nous permet de reconnaître Dieu comme notre Père et de le prier en reprenant les mots mêmes de Jésus, le Fils unique : « Abba ! », ce qui signifie : « Papa chéri ». Croire en la Sainte Trinité, c’est donc avoir avec Dieu une relation merveilleuse, une relation nouvelle. Dans beaucoup de religions la relation entre l’homme et Dieu (ou les dieux) est marquée par la crainte et par le marchandage. L’homme craint un Dieu terrible et tout-puissant. Pour se mettre Dieu de son côté et obtenir ses faveurs il lui offre des sacrifices. Pour éviter le châtiment il suit les ordres de Dieu. Le christianisme créée une relation avec Dieu très différente. Car au fondement de la vie chrétienne il y la réalité de la grâce : donc d’un Dieu qui se donne à sa créature. Nous avons vu comment le Fils et l’Esprit nous ont été donnés et nous sont donnés chaque jour en particulier par les sacrements. Pour se donner à nous Dieu n’a pas attendu que nous soyons justes, parfaits ou saints. Il s’est donné à nous gratuitement. Nous ne sommes plus dans le marchandage mais sous la loi de la grâce. Et Dieu attend de nous une réponse d’amour bien sûr, il désire que nous mettions en pratique ses commandements, non pas pour nous imposer sa loi, mais pour notre libération : L'Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c'est un Esprit qui fait de vous des fils ; poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l'appelant : « Abba ! » Cette affirmation de Paul rejoint ce que le Seigneur Jésus dit à ses disciples la veille de sa mort : Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant, je vous appelle mes amis, car tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître. Dans l’Alliance nouvelle et éternelle, notre relation avec Dieu est celle de l’amitié et de la tendresse. Le but du chrétien c’est de participer un jour pleinement à la vie même de la Sainte Trinité. La Trinité c’est cette circulation, cet échange de vie et d’amour en Dieu. La Trinité c’est la plénitude et la perfection de la vie et de l’amour, donc de la joie. C’est en suivant le Christ, Fils unique, que peu à peu nous apprenons à vivre en fils de Dieu : Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers ; héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire. La grandeur de notre vocation chrétienne, la communion avec Dieu Trinité, exige en effet que nous soyons purifiés de tout ce qui nous sépare encore de la sainteté de Dieu, de la perfection de son amour.