dimanche 30 septembre 2018

26ème dimanche du temps ordinaire / B



Marc 9, 38-48

30/09/18

L’Evangile de ce dimanche rassemble divers petits enseignements de Jésus donnés à ses disciples à Capharnaüm.

Le premier part d’un fait vécu rapporté par Jean. Les disciples ont en effet vu, chemin faisant, une personne chasser des esprits mauvais au nom de Jésus. Et ils ont voulu l’en empêcher. Quelle est donc la raison donnée par Jean ? Car il n’est pas de ceux qui nous suivent. La réaction des disciples révèle leur sectarisme, sectarisme condamné par Jésus car celui qui n’est pas contre nous est pour nous. C’est une tentation permanente pour les disciples de se croire les propriétaires exclusifs du bien. Avant le développement de l’œcuménisme, c’est ainsi que les chrétiens s’excluaient les uns les autres, catholiques contre protestants et vice-versa. La réaction de Jésus nous invite à comprendre que non seulement faire le bien n’est pas la propriété des disciples mais que l’Esprit Saint inspire de bonnes actions à tous les hommes de bonne volonté. Au sectarisme des disciples Jésus oppose l’universalité de Dieu, Père créateur, qui veut le salut de tous les hommes et qui peut agir dans le cœur de tous pour que son Règne arrive. En tant que catholiques nous devons donc nous réjouir et rendre grâce à Dieu lorsque nos frères protestants ou des croyants d’autres religions ou encore des athées réalisent de bonnes œuvres.

Le deuxième enseignement, très bref, parle du comportement des hommes à l’égard des disciples de Jésus avec l’exemple du verre d’eau. Dans l’événement précédent, il s’agissait d’un bien spirituel accompli au nom de Jésus : chasser des démons. Ici il s’agit d’un bien corporel : soulager la soif des disciples. Mais l’on pourrait ajouter toutes les œuvres de bienfaisance corporelle que nous trouvons au chapitre 25 de saint Matthieu : donner à manger, vêtir etc. J’avais soif, et vous m’avez donné à boire. Ces œuvres de charité seront récompensés, la version de saint Matthieu précise qu’il s’agira de la récompense suprême : celle du Paradis, de la vision béatifique des élus.

L’enseignement suivant, sur le scandale, porte sur une action mauvaise : entraîner la chute des croyants. Celui qui cause ainsi le scandale, mieux vaut pour lui mourir immédiatement, jeté dans la mer avec une meule au cou ! La chute des petits que sont les croyants peut venir des incroyants comme d’autres croyants. Les terribles scandales de pédophilie ayant ébranlé l’Eglise ces derniers temps nous montrent la gravité de certaines actions qui sont des contre-témoignages manifestes. En positif, cet enseignement du Christ exige que nous nous soutenions les uns les autres dans la foi par notre attitude et notre vie dans la communauté Eglise. Il s’agit bien plutôt que de nous entre-détruire de nous édifier les uns les autres par la foi agissant par l’amour. Dans la communion de l’unique corps du Christ, chaque membre est responsable et solidaire de tous les autres membres. Comme l’affirme saint Paul, si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie.

Dans le dernier enseignement de cette page évangélique, Jésus utilise des images violentes (couper sa main, arracher son œil) pour nous inviter à la fermeté par rapport à tout ce qui peut nous entraîner au péché, donc au mal. Car ce qui est en jeu ici, c’est notre vie éternelle ou au contraire notre perdition. Ces images choc ne doivent pas nous faire perdre de vue que dans certains cas, par exemple des mauvaises habitudes acquises depuis longtemps, il nous faudra beaucoup de temps et de patience pour en être libérés avec l’aide du Seigneur, et pouvoir « couper notre main ou arracher notre œil ». Plus profondément Jésus nous invite à nous poser la question suivante : qu’est-ce qui, dans ma vie, m’entraîne au péché ? La deuxième lecture peut nous fournir certaines indications comme l’amour des richesses, du plaisir et du luxe, ainsi que l’indifférence au sort de notre prochain. Pour conclure nous pourrions méditer la formule concise que nous trouvons dans la première lettre de saint Jean :

Tout ce qu’il y a dans le monde – la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, l’arrogance de la richesse –, tout cela ne vient pas du Père, mais du monde. Or, le monde passe, et sa convoitise avec lui. Mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure pour toujours.


dimanche 16 septembre 2018

24ème dimanche du temps ordinaire / B



16/09/18

Marc 8, 27-35

Jésus choisit un moment bien particulier pour annoncer à ses disciples son propre destin : l’accomplissement de son mystère pascal à Jérusalem où il devra beaucoup souffrir de la part de l’élite religieuse du peuple pour être finalement condamné à mort. Il fait cette annonce scandaleuse immédiatement après la profession de foi de Pierre qui reconnaît en lui le Messie. C’est cette réalité du Messie souffrant que Pierre rejette. Celui qui vient de reconnaître en Jésus le Messie se voit traité de Satan, car ses pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes. La scène évangélique de ce dimanche présente donc un paradoxe. D’un côté Pierre proclame la vraie foi, et de l’autre il est incapable d’accepter que son Maître puisse souffrir et être tué. Ce paradoxe rejoint le cœur de notre expérience chrétienne. Nous pouvons confesser la foi catholique en ce qui concerne la personne de Jésus et y adhérer, tout en ayant des difficultés à incarner cette foi dans notre vie. Nous pouvons communier au Christ mort et ressuscité pour nous, et ne pas accepter pour nous-mêmes le mystère de la croix. D’où l’enseignement par lequel se termine notre Evangile : la nécessité pour tout disciple d’accepter dans sa vie le scandale de la croix. Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.

Que signifie donc prendre sa croix à la suite du Seigneur ? Nous ne sommes pas tous appelés à être martyrs, mais tous nous avons à prendre cette croix de Jésus, en sachant que son joug est facile à porter et son fardeau léger dans la mesure où nous recevons sa grâce et son amour. Comme souvent il est très utile de faire appel à d’autres passages bibliques pour mieux saisir ce que signifie prendre sa croix. Tout d’abord un verset des Béatitudes : Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. La persécution fait partie de la vie du chrétien dans la mesure où le témoignage authentique qu’il donne dérange forcément. Quand nous nous engageons réellement au nom de notre foi pour la vérité, la justice et la paix, nous allons contre l’esprit du monde. Aller à contre-courant n’est jamais confortable et demande une grande force de caractère, une force qui ne peut venir que de la présence et de l’action de l’Esprit Saint en nous. Un passage de l’apôtre Paul aux Romains nous fait bien comprendre ce qu’est la justice chrétienne : Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. Notre foi est en effet une force de contestation par rapport à un monde qui promeut souvent de fausses valeurs et qui s’engage dans bien des impasses tout en se proclamant « civilisé ». S’engager pour la paix, pour la justice sociale, le partage des biens et la solidarité, la sobriété évangélique, l’écologie, la vérité et l’honnêteté, implique de souffrir à la suite de Jésus sans avoir peur du jugement des autres. Ceux qui s’engagent sur ce chemin peuvent même être exclus et connaître la solitude de ceux qui semblent prêcher dans le désert. Mais le chrétien persécuté pour la justice n’est jamais seul, puisqu’il vit de l’intérieur une profonde communion avec le Messie souffrant, lui aussi rejeté à cause de la justice du Royaume des cieux. Le Concile Vatican II, dans la constitution sur l’Eglise dans le monde ce temps, nous livre un commentaire particulièrement beau des paroles de Jésus nous invitant à le suivre sur son chemin de souffrance, de mort et de résurrection :

En acceptant de mourir pour nous tous, pécheurs, Jésus nous apprend, par son exemple, que nous devons aussi porter cette croix que la chair et le monde font peser sur les épaules de ceux qui poursuivent la justice et la paix. Constitué Seigneur par sa résurrection, le Christ à qui tout pouvoir a été donné, au ciel et sur la terre agit désormais dans le cœur des hommes par la puissance de son Esprit ; il anime aussi, purifie et fortifie ces aspirations généreuses qui poussent la famille humaine à améliorer ses conditions de vie et à soumettre à cette fin la terre entière. […] De tous il fait des hommes libres pour que, renonçant à l’amour-propre et rassemblant toutes les énergies terrestres pour la vie humaine, ils s’élancent vers l’avenir, vers ce temps où l’humanité elle-même deviendra une offrande agréable à Dieu (n°38).

dimanche 9 septembre 2018

23ème dimanche du temps ordinaire / B



9/09/18

Marc 7, 31-37

L’Evangile de ce dimanche nous rapporte la guérison d’un sourd-muet. Comme souvent saint Marc nous donne beaucoup de détails. Dès les commencements du christianisme, cette guérison a été interprétée de manière spirituelle, si bien que nous en avons toujours une trace dans le rite de l’Effata lors du sacrement de baptême. Le geste autrefois accompli par Jésus a donc été compris comme l’annonce de ce que le baptême réalise pour celui qui croit en Jésus Sauveur : il devient capable d’écouter la Parole de Dieu et de la transmettre. Nous retrouvons une partie de ce symbolisme lorsque nous traçons une croix sur nos lèvres avant d’écouter l’Evangile. Mais revenons au sens premier de notre Evangile et regardons comment les détails donnés par l’évangéliste peuvent enrichir notre compréhension de cet événement. Tout d’abord l’action se situe en Décapole, donc en dehors des frontières d’Israël. Ce sourd-muet est certainement un païen. Par son geste de guérison, Jésus signifie que le don de la foi sera offert à tous les hommes. Le Seigneur réalise son geste à l’écart, loin de la foule, et il recommande de n’en rien dire à personne. Ce geste de bonté à l’égard d’un homme coupé de la société à cause de son handicap est fait gratuitement, sans arrière-pensée. Jésus ne recherche ni le succès ni la publicité en guérissant les malades. Il veut simplement leur témoigner son amour et surtout il veut donner un signe de la guérison pour laquelle il est venu, la guérison spirituelle qui permet à l’homme blessé par le péché de recevoir un cœur et un esprit nouveau. Le sourd-muet ne vient pas de lui-même vers le Seigneur, il lui est présenté par des personnes dont nous ignorons l’identité et qui le prient de poser la main sur lui. Ceux qui amènent le sourd-muet à Jésus attendent donc de lui un geste précis, celui de l’imposition des mains, par lequel on demandait à Dieu la guérison. Ce geste est toujours celui du sacrement des malades. Mais Jésus ne va pas utiliser ce geste traditionnel. Il met ses doigts dans les oreilles du sourd et applique sa salive sur sa langue. Et surtout il prie en disant : Ouvre-toi ! Les deux gestes très concrets du Seigneur, que nous serions tentés de regarder de travers au nom de l’hygiène, nous enseignent une profonde vérité sur ce que sont les sacrements de l’Eglise. Le mystère de l’Incarnation, la Parole de Dieu faite chair en la personne de Jésus de Nazareth, n’élimine jamais le corps, et ne sépare jamais le corps de l’esprit. Dans quasiment tous les sacrements nous retrouvons cet aspect concret de l’action de Dieu en notre faveur. Et si les sacrements ont d’abord pour but la guérison spirituelle et notre sanctification, ils s’adressent toujours à notre être charnel. Cela se vérifie au plus haut point dans la communion eucharistique qui est une manducation mais aussi dans les différentes onctions d’huile.  Finalement ce miracle de guérison nous enseigne la fonction de la liturgie et des sacrements, signes sensibles de la grâce divine. Nous ne sommes pas seulement des êtres doués de raison et d’intelligence, nous sommes aussi des êtres inséparables de la dimension corporelle. D’où l’importance pour nous de la beauté de la liturgie que nous célébrons. Car Dieu ne nous parle pas seulement par des lectures et des sermons, mais il s’adresse à tous nos sens par la beauté de l’espace liturgique, de la musique, des chants, des fleurs, par l’odeur de l’encens, la lumière des cierges etc. C’est aussi et peut-être d’abord par nos sens que nous vivons la liturgie comme le lieu où la Sainte Trinité nous guérit et nous transforme en nous faisant communier au mystère de mort et de résurrection du Sauveur. Nous comprenons ainsi davantage le souhait de saint Paul pour les chrétiens de Thessalonique : 

Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers ; que votre esprit, votre âme et votre corps, soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ.