jeudi 25 décembre 2008

Nuit de NOEL

Messe de la nuit de Noël / Luc 2, 1-14 (page 204)
Année 2027. Plus d’enfant, plus de futur, plus d’espoir : depuis 18 ans, aucune naissance n’a eu lieu… Tel est le sombre scénario du film « Les fils de l’homme » réalisé en 2006 par Alfonso Cuaron… En cette nuit de la Nativité, nous fêtons la naissance du plus beau des enfants de l’homme, Jésus, le Fils de l’homme. Noël nous renvoie d’abord au miracle de la vie. Noël nous tourne vers Dieu notre Père, vers Dieu créateur, source de toute vie. Notre vie est un miracle, peut-être l’oublions-nous trop facilement… En cette sainte Nuit la tradition veut que nous nous échangions des cadeaux. Le premier et le plus beau des cadeaux c’est Dieu notre Père qui nous l’offre : c’est tout simplement le fait que, comme Jésus, nous soyons venus au monde. Notre existence est en effet un merveilleux cadeau. Nous sommes créés de manière unique à l’image de Dieu. C’est dire toute la dignité et la valeur de notre vie. En notre personne, quelles que soient nos faiblesses, nos défauts, nos péchés, Dieu est présent. C’est ce qui fait de notre vie une histoire sacrée. Nous sommes les témoins vivants d’un Dieu Père et Créateur. C’est pour cette raison que toute atteinte à la vie humaine est un grave péché contre Dieu. Chris Mc Candless, le personnage principal du film Into the wild, avait écrit dans son carnet de notes: « Chaque jour sur cette terre est un bon jour ». Célébrer Noël, c’est dans un premier temps célébrer la beauté de notre vie et de notre vocation humaines. C’est faire mémoire de la bonté de la création, oui, Dieu vit que cela était très bon ! Que l’enfant de Bethléem ouvre nos yeux et notre cœur pour que nous comprenions à quel point chaque jour sur cette terre est un bon jour… Il ne s’agit pas pour nous de faire comme si les difficultés n’existaient pas, mais il s’agit de reconnaître la bonté de notre condition de créatures. Noël nous pousse fortement à dire « merci » à Dieu et à nos parents, à retrouver le chemin de la louange et de la gratitude, en une époque où tout nous pousserait à gémir et à nous plaindre !
Mais Noël ne saurait se limiter à une célébration émerveillée du don de la vie. Avec le mystère de l’incarnation, nous allons encore plus loin dans la compréhension de ce que nous sommes. L’enfant dans la mangeoire est un signe donné aux bergers comme à nous aujourd’hui. Sans parler il nous dit que Dieu notre Père épouse notre humanité. En Jésus, Dieu se lie pour toujours à chaque homme et à chaque femme. Noël c’est le commencement d’une nouvelle Alliance entre Dieu et chacun d’entre nous. Une Alliance définitive, forte, irréversible. Du côté de Dieu, il n’y a pas de marche arrière possible. Des fois il nous arrive de nous plaindre à notre prochain en lui disant : « Si tu étais à ma place, tu me comprendrais ! » Eh bien non seulement Dieu s’est mis à notre place, mais il est devenu en son Fils l’un de nous, il s’est fait notre frère en humanité en toutes choses, à l’exception du péché. Depuis cette nuit de Bethléem au cours de laquelle la Parole de Dieu a pris chair de la Vierge Marie, tout en nous prend une nouvelle valeur, une dignité nouvelle. Par le mystère de l’incarnation, Dieu sanctifie le temps et l’espace. Depuis Noël toute terre est sainte, tout moment de l’Histoire et de notre histoire est sacré. Depuis Noël nous sommes véritablement entrés dans un temps de grâce et de renouveau. Si nous avons à sanctifier le temps de notre existence, c’est pour, en des moments privilégiés, prendre conscience que notre vie est déjà sanctifiée tout entière par le mystère de l’incarnation. Par la prière et par le respect du jour du Seigneur, le dimanche, nous offrons à Dieu un espace dans lequel il vient nous redire son amour. En contemplant le nouveau-né dans la mangeoire, vrai Dieu et vrai homme, comment ne pas saisir notre immense dignité aux yeux de Dieu, la place unique que nous tenons dans son cœur, et cela de manière personnelle ? Dans la banalité de notre vie quotidienne, nous devons saisir en tant que chrétiens toute la valeur de ce que nous vivons. Et justement, malgré les apparences et la routine, nous devrions comprendre que notre quotidien est tout sauf banal. Puisqu’il est le lieu de la communion avec Dieu par le Christ dans l’Esprit. Si dans notre quotidien, nous voulons être forts, regardons l’enfant de la mangeoire ! Il est le Dieu fort ! Notre vraie force ne consiste pas dans le pouvoir, la domination ou encore l’ambition ou le carriérisme. Mais bien dans la profondeur de notre vie de communion avec Jésus, Fils de Dieu. Comment, en vivant vraiment unis à Lui, comme Lui s’est uni à nous, pourrions-nous encore avoir peur ? Notre force dépend de notre foi. Si dans notre quotidien, nous voulons être libres, regardons encore l’enfant dans la mangeoire ! C’est dans la pauvreté, la simplicité et l’humilité que Dieu nous donne son Fils. Nous trouverons davantage notre liberté dans la vérité de notre vie que dans la recherche des biens ou des objets extérieurs à notre personne. L’enfant de la crèche nous ouvre un chemin d’humilité, c’est-à-dire de vérité sur nous-mêmes. Il nous invite à nous débarrasser de nos masques et de nos apparences pour vivre jour après jour comme des créatures bien-aimées du Père. Vivre libres c’est rechercher en toutes choses la volonté de Dieu. La grâce de Noël en nous apprenant à bien vivre nous donne aussi le sens de notre mort. Lorsque nous parviendrons au terme de notre vie terrestre, puissions-nous faire nôtres les paroles de Chris Mc Candless : « J’ai eu une vie heureuse, et j’en remercie le Seigneur. Au-revoir, et que Dieu vous bénisse tous ! » Amen.

dimanche 21 décembre 2008

4ème dimanche de l'Avent

4ème dimanche de l’Avent / B
21/12/08
Luc 1, 26-38 (p.184)
Le 4ème dimanche de l’Avent, tout proche de Noël, est le dimanche de Marie et de Joseph. La première lecture de l’Ancien Testament éclaire admirablement bien le sens de l’Annonciation à Marie et vice-versa, sans oublier le psaume 88.
Prenons donc le temps de comprendre ce passage capital du second livre de Samuel, dans lequel la figure centrale est celle du roi David. Le deuxième roi d’Israël vient de s’installer dans sa nouvelle capitale Jérusalem. Et la paix règne enfin pour le peuple de Dieu. David nous est ici présenté comme un homme pieux qui a le souci de la gloire du Seigneur : « J’habite dans une maison de cèdre, et l’Arche de Dieu habite sous la tente ! » L’intention de David semble louable : il veut construire une maison pour le Seigneur… Mais voilà que par le prophète Nathan Dieu va manifester sa volonté et son projet. Notre texte liturgique saute quelques versets de la prophétie de Nathan, je les cite ici : « Depuis le jour où j’ai fait sortir les Israélites d’Egypte jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas eu de maison pour habiter, mais j’étais avec eux et je n’avais qu’une tente comme demeure. De tout le temps que j’ai fait route au milieu des Israélites, je n’ai jamais dit à l’un des Juges d’Israël, à ceux que j’avais faits pasteurs de mon peuple Israël : Pourquoi ne me construisez-vous pas une maison de Cèdre ? » Dieu rappelle la longue aventure de l’Exode, le temps où son peuple était nomade. David, généreusement, veut construire une maison pour l’Arche mais telle n’est pas la volonté de Dieu ! Et le Seigneur renverse la situation : C’est moi qui te construirai une maison ! Il y a bien sûr comme un jeu de mot avec le double sens de « maison » : le bâtiment de cèdre d’un côté, et la descendance royale de l’autre. David propose à Dieu un bâtiment, Dieu lui promet une descendance : « Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours ». La descendance promise par Dieu à David est à la fois proche et lointaine… La prophétie parle d’abord de Salomon, le fils de David. Et c’est lui qui construira au 10ème siècle avant J.C le temple de Jérusalem, temple qui sera détruit en 587. Mais une lecture chrétienne de la prophétie nous fait entrevoir son sens lointain. En effet Dieu promet au roi que sa maison demeurera pour toujours. Cette promesse s’accomplit d’une manière inattendue avec la naissance du Messie, ce qui nous ramène au récit de l’Annonciation en saint Luc.
Le nom de David y est cité deux fois, et ce n’est pas un hasard. Tout d’abord Joseph est de la maison de David, d’où la naissance de Jésus à Bethléem. Ensuite Gabriel reprend presque mot à mot une partie de la prophétie de Nathan en l’appliquant à l’enfant qui doit naître de la Vierge Marie : « Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin ». Ce que Nathan avait dit à David 10 siècles auparavant va s’accomplir en Marie de manière spirituelle. Le Messie sera bien Roi, mais un Roi divin. « Il te fera lui-même une maison… » Cette maison promise par Dieu à David pour sa descendance, c’est la Vierge Marie elle-même. Les litanies de la Vierge Marie ne lui donnent-elles pas ces titres éloquents : Tour de David, Arche de la Nouvelle Alliance ?
Il est utile pour nous de comparer l’attitude de Marie et celle de David. Le roi, bien que généreux et pieux, propose à Dieu ses plans… Dans le récit de l’Annonciation, c’est le contraire qui se vérifie. Par l’envoi de l’ange Dieu prend l’initiative et propose à Marie son plan… Marie est invitée à faire sienne la volonté de Dieu même si cette volonté la surprend et la bouleverse, même si elle ne comprend pas tout des paroles mystérieuses de Gabriel. Marie peut devenir le temple de Dieu, le sanctuaire du Fils de Dieu, parce qu’elle dit « oui » à la volonté de Dieu : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole ». Et Luc reprend une expression de l’Ancien Testament, utilisée à propos de la gloire de Dieu investissant le temple de Jérusalem, pour l’appliquer à la jeune fille de Nazareth : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ». Chrétiens, nous avons nos cathédrales et nos églises, mais n’oublions jamais la grande leçon de cette liturgie. C’est en répondant « oui » à l’appel et à la volonté de Dieu sur nous que nous lui construisons les temples qu’Il désire… Ou plutôt que nous nous laissons édifier par l’Esprit-Saint en temples spirituels. Comme Marie nous pouvons donner au monde la présence du Dieu Sauveur, l’Emmanuel. Lui qui préfère habiter les tentes nomades de nos corps de chair que les temples sédentaires faits de pierres… Ce n’est pas pour rien que saint Jean dans son prologue, en parlant du mystère que nous allons célébrer à Noël, écrit littéralement : « Et le Verbe s’est fait chair et il a planté sa tente parmi nous ». Amen.

dimanche 14 décembre 2008

3ème dimanche de l'Avent

3ème dimanche de l’Avent / B
14/12/08
Jean 1, 6-8 + 19-28 (p. 109)
En ce troisième dimanche de l’Avent nous poursuivons notre chemin vers Noël avec Jean le Baptiste comme guide. Dans l’Evangile Jean nous est présenté pas seulement comme un prophète mais aussi comme un témoin. Jean est le dernier et le plus grand de tous les prophètes. Il est le premier témoin de Jésus. Sa mission consiste à amener le peuple Juif à la foi en Jésus qui vient. Le Messie va se manifester et Jean est là pour que tous puissent croire par lui, à travers son témoignage. Dans le projet de Dieu un témoin est donc une personne par laquelle d’autres sont attirées à Jésus. Le témoin, c’est celui par qui l’incroyant ou celui qui doute met enfin sa foi en Jésus. Comment Jean témoigne-t-il de Jésus ? Par sa parole, par ses actes et enfin par son humilité. Le pape Paul VI disait que notre époque moderne a davantage besoin de témoins que de professeurs. Tout simplement parce que le témoin enseigne non seulement par ses paroles mais par toute sa vie. C’est là que se trouve la force du témoignage chrétien. Le témoin ne donne pas la foi, il n’en a pas le pouvoir. Sa force est ailleurs : il peut par sa vie et sa personne attirer au Christ ses frères les hommes. Un vrai témoin est forcément humble, c’est-à-dire fidèle à la vérité. Lorsque Jean est interrogé sur son identité, il répond en vérité. Il ne se met pas à la place de Jésus. Il dit tout simplement : « Je ne suis pas le Messie. » Combien de faux docteurs, de fondateurs de sectes se réclamant du christianisme se sont pris pour des sauveurs ? Et ont par conséquent fondé leur « église » non plus autour de la personne du Christ mais autour de leur propre personne… Jean, le premier témoin de Jésus, est profondément humble. Et cette humilité du témoin nous renvoie aussi à l’humilité même de Dieu…
Interrogé sur son identité, Jean répond en se référant au prophète Isaïe : « Je suis la voix qui crie à travers le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur ». Saint Augustin remarquait avec justesse que si Jean est la voix, Jésus est la Parole. Et c’est ce qui est affirmé dans le magnifique prologue de l’Evangile selon saint Jean : Le Verbe (la Parole de Dieu) s’est fait chair et il a habité parmi nous. C’est ce que nous fêterons à Noël. La Parole de Dieu se fait nouveau-né dans la paille de la crèche sous le regard émerveillé de Marie et de Joseph. Désormais Dieu ne nous parle plus du haut du ciel, mais de l’intérieur, à partir de notre condition humaine. Dieu a toujours été proche de l’homme. Mais à partir du moment où sa Parole épouse notre humanité en Jésus, Dieu devient en quelque sorte intérieur à chacun d’entre nous, plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes… Tout ce mouvement de Dieu vers nous est bien résumé par le commencement de la lettre aux Hébreux : « Dieu dans le passé avait parlé à nos pères à bien des reprises et de bien des façons par les prophètes, mais en ces jours qui sont les derniers, il nous a parlé par le Fils », c’est-à-dire par Jésus, né de Marie. Lorsque Jean commence sa mission en baptisant les Juifs dans les eaux du Jourdain, Jésus est déjà là, Jésus est sur le point de se manifester au peuple, lui la Parole de Dieu ! Pourquoi donc Dieu aurait-il besoin d’un homme comme Jean pour présenter son Fils au peuple ? Telle est la question que nous pouvons nous poser. Jésus n’aurait-il pas pu se présenter lui-même, sans intermédiaire ? Pourquoi Dieu a-t-il encore besoin de la voix de Jean alors que sa Parole est présente en Jésus ? Parce que Dieu, lui aussi, est humble. Parce que volontairement, par amour, Dieu veut avoir besoin de nous, pauvres témoins humains. Parce que Dieu respecte infiniment notre liberté et qu’il ne veut pas s’imposer à nous par une manifestation directe et éclatante. Dieu notre Père nous parle par son Fils de manière définitive. Il n’y aura rien à ajouter à la révélation du Christ, et ceux qui y ajouteront quelque chose ou qui la transformeront seront des imposteurs, des menteurs. Mais comme Jésus, aujourd’hui encore, bien après Jean, demeure au milieu de notre humanité comme le grand inconnu ou méconnu, « celui que vous ne connaissez pas », Dieu a encore besoin de la voix de son Eglise, de la voix des pauvres témoins que nous sommes… Ce n’est pas pour rien que Jésus lui-même a voulu et fondé son Eglise en appelant à lui 12 hommes, les apôtres, pour qu’ils soient justement sa voix dans le monde. Le concile Vatican II a bien rappelé que l’Eglise et sa hiérarchie (le pape et les évêques) n’était en aucun cas au-dessus de la Parole de Dieu. L’Eglise est au contraire la servante de la Parole de Dieu. Faute de quoi elle ne serait plus témoin de l’unique Sauveur, Jésus-Christ. De Jean, le premier témoin du Christ, au chrétien de ce temps, c’est un même et unique témoignage rendu au Christ qu’il nous est donné de recevoir et de transmettre. Baptisés et confirmés nous sommes donc envoyés comme témoins dans un monde qui, en grande partie, ignore la présence du Sauveur. A la suite de Jean, nous sommes cette voix qui crie à travers le désert… Le fait que le désert soit le lieu de notre témoignage ne doit pas nous décourager : l’Esprit du Seigneur est à l’œuvre dans les cœurs !

mardi 9 décembre 2008

Deuxième dimanche de l'Avent

Deuxième dimanche de l’Avent / B
7/12/08
Marc 1, 1-8 (p. 60)
En ce deuxième dimanche de l’Avent l’Eglise nous donne comme guide dans notre marche à la rencontre du Seigneur Jean-Baptiste. Jean est à la fois le dernier des prophètes et l’un des plus grands témoins du Christ. Il se tient à la frontière qui marque le passage de la première Alliance à la nouvelle Alliance dans le Christ. Et le lieu qu’il choisit pour accomplir sa mission de précurseur, c’est le désert. Jésus lui-même, après son baptême par Jean, suivra le même chemin sous l’impulsion de l’Esprit : il ira au désert avant de commencer sa mission de Sauveur. Il y restera 40 jours. Ce choix de Jean d’aller prêcher dans le désert peut nous sembler bien bizarre. Bien sûr il accomplit ainsi la prophétie d’Isaïe, c’est notre première lecture. Mais si Jean veut proclamer un baptême de conversion pour le pardon des péchés, pourquoi aller dans le désert et non pas là où les hommes habitent ? Peut-être parce que Jean veut se préparer intérieurement à sa grande mission. Et que le désert dans toute la Bible est à la fois le lieu de la rencontre avec Dieu et le lieu de la mise à l’épreuve. Ce choix de Jean nous dit toute l’importance des préparations, et l’importance dans notre vie des temps de silence, de méditation et de prière. Jésus s’est préparé pendant 30 ans à Nazareth et il y a ajouté une retraite de 40 jours au désert… Dans nos vies chrétiennes, et c’est valable autant pour les laïcs que pour les prêtres, un temps de retraite spirituelle annuelle n’est pas une option ou un luxe, mais bien une nécessité vitale. Au moins 3 jours par an consacrés uniquement à nourrir et à approfondir notre relation avec le Seigneur au désert… Ce ne serait déjà pas si mal ! Or que voyons-nous dans notre Evangile ? Un phénomène bien étonnant ! Jean, dans son désert, attire à lui les foules. Le bouche à oreille devait être très efficace en ces temps où ni la radio ni les journaux ni la télé ne donnaient les nouvelles… Jean est porteur d’une Bonne Nouvelle pour les pécheurs et les attire à lui dans ce lieu reculé. Aujourd’hui, en 2008, tous les responsables de l’accueil dans les communautés religieuses disent qu’ils sont parfois débordés par les demandes de personnes voulant se retirer au désert pour faire le point ou pour un séjour spirituel… A la suite de Jean, les moines et les moniales vivent ce paradoxe : ils se sont retirés au désert, dans des lieux solitaires, et pourtant ils attirent à eux les foules…
La grandeur de Jean nous est rendue évidente si nous réfléchissons un peu à cette situation. C’est pour lui un succès énorme, toutes ces personnes qui viennent se faire baptiser en masse dans les eaux du Jourdain et qui acceptent d’entendre sa prédication. Une prédication qui était à l’image de sa nourriture : à la fois douce comme le miel et amère comme les sauterelles. Jean est un prédicateur qui peut nous paraître austère, sévère. Eh bien, ce succès ne lui monte pas à la tête ! Jean est grand parce que justement il est humble. A aucun moment il ne se détourne de la vérité de sa mission. Il n’est pas là dans le désert en train d’organiser un show pour impressionner les foules venues à lui et se faire une carrière de prédicateur célèbre. Non, il n’est là que pour préparer le chemin au Christ. Il est là pour parler au cœur de Jérusalem. Il n’a pas d’autre but que celui-ci : que ces foules puissent aller à la rencontre du Seigneur et trouver auprès de Lui la consolation qui vient de Dieu. En ce sens Jean est l’image du parfait témoin du Christ.
« Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi… Moi, je vous ai baptisé dans l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. » Le dernier des prophètes ne manipule pas les foules, il n’utilise pas son succès pour les tromper. Il est vraiment cet indicateur de la vérité. Envoyé par Dieu pour préparer les chemins de son Fils, il indique celui qui vient, le plus puissant, le plus fort que lui. Totalement saisi par la grandeur du Messie et le caractère unique de sa mission, il sait qu’il doit diminuer pour que le Christ grandisse dans les cœurs de ces personnes en attente de salut et de réconciliation. Son baptême dans l’eau n’est pas un sacrement, seulement un rite par lequel les Juifs de bonne volonté signifient leur volonté de conversion. C’est le plus puissant, celui qui vient, qui seul, peut baptiser dans l’Esprit. Ce qui signifie plus clairement que ce que l’homme Jean ne peut donner, l’homme Jésus parce qu’il est Fils de Dieu le donnera. Jean ne peut qu’appeler à la conversion. Mais le Christ, par le don de l’Esprit, est capable d’opérer cette conversion dans les cœurs. Seul Dieu peut en définitive convertir notre cœur de pierre en un cœur de chair, c’est-à-dire en un cœur aimé, réconcilié et aimant. Nous le savons bien, personne dans l’Eglise, pas même le pape, n’a ce pouvoir. A la suite de Jean, prêtres et évêques doivent être les témoins de la Bonne Nouvelle et appeler à la conversion, à l’accueil du Christ qui doit régner dans tous les cœurs. Mais c’est à chaque chrétien de se donner les moyens d’accueillir intérieurement l’Esprit Saint pour que la parole entendue puisse porter tous ses fruits. Et parmi ces moyens, il y a l’expérience de la retraite spirituelle, l’expérience du désert dans le silence et la prière. Amen.