dimanche 21 février 2016

Deuxième dimanche de carême / C


21/02/16

Luc 9, 28-36

Si le premier dimanche de carême souligne l’importance du jeûne, en particulier chaque vendredi de carême, le deuxième dimanche nous rappelle la place de la prière dans notre vie chrétienne et dans notre préparation à Pâques.

La transfiguration du Seigneur a lieu alors que Jésus prie sur la montagne. Ce mystère lumineux révèle la divinité du Christ à travers la beauté de son corps transfiguré. Mais n’en est-il pas de même pour chacun d’entre nous, à un autre niveau bien sûr, chaque fois que nous prions en esprit et en vérité ? Le temps que nous consacrons à la prière personnelle et que nous offrons à Dieu nous transfigure en effet. Ce contact privilégié avec Dieu dans la prière a la capacité de nous transformer. En nous mettant en présence de Dieu et de son amour chaque jour nous lui permettons de sanctifier notre être. Il transforme notre cœur de pierre en un cœur de chair capable d’aimer comme Jésus nous a aimés. Encore faut-il que nous soyons vraiment sur cette montagne de la prière véritable. Il ne s’agit pas ici de réciter rapidement une formule. Il s’agit de prendre réellement le temps de monter sur la montagne avec Jésus, c’est-à-dire d’entrer dans la prière. Cela ne se fait pas en cinq minutes, sauf pour les saints et les mystiques. L’expérience nous montre que ce temps de la prière ne ressemble pas toujours, loin de là, à la transfiguration. La prière est souvent difficile pour nous, elle relève d’un combat spirituel. Pendant que Jésus prie, alors qu’il est transfiguré, les apôtres sont accablés de sommeil. Cette précision donnée par saint Luc nous invite à aller voir ce qui se passe lors de l’agonie de Jésus. Sur le mont des Oliviers, Jésus prie. Cette fois dans l’angoisse et la douleur. Nous ne sommes plus sur la montagne de la transfiguration. Il est intéressant de relever la persévérance de Jésus dans la prière. Il ne prie pas seulement quand il est heureux et que tout va bien, il prie aussi dans la difficulté. Si Jésus persévère dans la prière, les apôtres eux continuent de dormir à force de tristesse, précise saint Luc. C’est la célèbre oraison de saint Pierre. Et c’est alors que Jésus leur donne un enseignement toujours valable pour nous aujourd’hui : Pourquoi dormez-vous ? Levez-vous et priez, pour ne pas entrer en tentation.


Si la transfiguration nous montre la capacité de transformation de la prière, l’agonie nous enseigne que par la prière nous pouvons résister au mal. Aux jours d’angoisse, de doute et de difficultés, la tentation serait justement d’abandonner la prière et de s’endormir alors que nous avons besoin du contraire : prier pour ne pas entrer en tentation. Ces deux récits évangéliques nous encouragent donc fortement à la persévérance dans la prière tout au long de ce carême. La prière chrétienne nous divinise, elle nous rend semblable à Jésus, et, en même temps, elle nous fortifie pour résister au mal.

dimanche 14 février 2016

Premier dimanche de carême / année C



Luc 4, 1-13

14/02/16


Le mot danois pour désigner le temps du carême est fastetiden. Si le français carême provient des 40 jours que Jésus passa dans le désert, le danois fastetiden met l’accent sur le jeûne de Jésus dans le désert. Le carême, c’est en effet le temps du jeûne. Sous l’inspiration de l’Esprit Saint, immédiatement après son baptême, Jésus choisit de se retirer dans la solitude pour y jeûner. La première tentation du démon s’appuie sur la faim de Jésus. C’est sur cette tentation que je voudrais attirer votre attention au commencement de ce carême. Si tu es le Fils de Dieu… Le diable ne s’appuie pas seulement sur la faim du Seigneur. Il fait appel en lui à un sentiment entièrement spirituel : le besoin que nous avons de prouver aux autres notre valeur. Il ne nous suffit pas d’être ce que nous sommes, nous avons besoin de la reconnaissance et de la louange des autres. Jésus affamé dans le désert est vraiment le Fils de Dieu. Il le sait d’autant mieux que la voix du Père au moment du baptême le lui a solennellement rappelé : C’est toi, mon Fils, le bien aimé, tu as toute ma faveur. Alors pourquoi aurait-il donc besoin de le prouver au démon qui le tente ? Cette tentation ne se comprend bien que si nous la mettons en relation avec le récit de la chute originelle au chapitre 3 du livre de la Genèse. L’histoire du serpent, du fruit défendu, d’Adam et Eve représente en effet la tentation fondamentale et originelle. Que dit donc le serpent à Eve pour l’inviter à désobéir à Dieu ? Vous serez comme des dieux… Cette tentation du commencement est bien celle de l’orgueil. Adam et Eve sont des créatures humaines, le démon leur propose de s’élever par eux-mêmes au niveau de Dieu. Jésus, lui, est vrai Dieu et vrai homme, le démon exige de lui une preuve. Il profite de l’état physique de faiblesse provoqué par le jeûne pour susciter dans le cœur du Messie la faiblesse spirituelle, celle de l’orgueil. Ordonne à cette pierre de devenir du pain. Fais donc un tour de magie extraordinaire pour me prouver que tu es vraiment le Fils de Dieu, montre-moi donc ton pouvoir divin ! Si la faim pouvait bien affaiblir Jésus, dans son cœur nulle place pour l’orgueil. C’est en citant le livre du Deutéronome, donc la parole de Dieu, que Jésus est vainqueur du démon et qu’il déjoue sa ruse : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre. Jésus n’est pas dans une spiritualité désincarnée. L’adverbe seulement a son importance. Il reconnaît que le pain est nécessaire à la vie humaine et c’est pour cela qu’il nous fait demander au Père dans la prière notre pain quotidien. Nous trouvons dans la réponse de Jésus au démon l’une des significations spirituelles de notre jeûne, particulièrement chaque vendredi de carême. Nous ne jeûnons pas pour le plaisir d’avoir faim, mais bien pour prendre une conscience renouvelée que nous avons besoin d’un autre pain pour vivre pleinement de manière humaine, pour être les fils de Dieu que nous avons commencé de devenir par le don du baptême. Et c’est là que la suite du texte du Deutéronome nous éclaire : l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur. Le voilà donc l’autre pain dont nous avons tant besoin ! C’est celui de notre nourriture spirituelle car nous ne sommes pas seulement corps mais aussi âme. Se priver du pain du corps, réduire cette nourriture, pour mieux nous disposer à recevoir le pain de l’âme, c’est bien le sens spirituel du carême et du jeûne. Un appel pressant à la prière et à la méditation, à la lecture amoureuse de la Parole de Dieu qui peut bien transformer nos cœurs de pierre en cœur de chair. Si nous sommes vraiment fils de Dieu, nous n’avons pas à transformer une pierre en pain, mais, humblement, nous pouvons permettre à la grâce de Dieu de transformer la pierre de notre cœur, le cœur endurci, dans un cœur qui soit du pain, ce cœur de chair que le Père veut nous donner. C’est ainsi que nous serons pour nos frères, dans l’amour, le bon pain de Dieu.