dimanche 21 novembre 2021

Le Christ, roi de l'univers / année B

 


Le Christ, roi de l’univers / année B

21/11/2021

Jean 18, 33-37

Avec la solennité du Christ, roi de l’univers, instituée en 1925, nous clôturons notre année liturgique avant le temps de l’Avent. Il est significatif que sur les trois années du cycle liturgique, deux Evangiles soient extraits du récit de la Passion du Seigneur (années B et C) tandis que l’année A nous fait entendre le récit du jugement dernier. Le Christ roi nous est donc présenté par la liturgie de l’Eglise comme un roi souffrant, rejeté et qui offre sa vie en sacrifice. Ce roi est l’accomplissement de la figure du serviteur souffrant du Seigneur telle qu’elle nous est décrite dans le livre du prophète Isaïe.

Aujourd’hui nous méditons un passage du récit de la Passion selon saint Jean. Le quatrième évangéliste est le seul à nous rapporter ce profond dialogue établi entre le représentant de l’autorité romaine, Pilate, et Jésus. Comme souvent le Seigneur ne répond pas aux questions que lui pose Pilate. A la question essentielle lors d’un procès et d’un jugement, qu’as-tu donc fait ?, Jésus ne répond pas, il ne se défend pas mais en profite pour parler de sa mystérieuse royauté : Ma royauté n’est pas de ce monde, ma royauté n’est pas d’ici. Elle est donc essentiellement différente de la royauté détenue par un roi de ce monde ou bien un dirigeant ou encore un puissant. Cette royauté ne se défend pas avec les moyens de ce monde, avec la force de coercition de la police ou des soldats. Elle n’a rien à faire avec la violence parce qu’elle refuse de s’imposer par la contrainte. Au contraire, c’est une royauté qui fait appel à notre liberté. Pour mieux comprendre dans quel esprit Jésus, le Fils de l’homme, exerce sa royauté, nous pouvons nous référer à un passage de l’Evangile selon saint Marc : Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. Le Fils de l’homme est donc roi en servant et en souffrant, avant de devenir, après l’Ascension, le juge des vivants et des morts. Son service, son martyr, comprend le témoignage rendu à la vérité : Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. Ce témoignage n’est pas celui d’un scientifique ou d’un philosophe professionnel, car la vérité pour laquelle Jésus offre sa vie n’est pas une idée ou un concept. Elle est une vie, la vie même de Dieu qui veut se communiquer par amour à chacun d’entre nous. Comme le disait si bien Maurice Zundel, le témoignage authentique ne consiste pas à parler de Dieu mais à vivre Dieu. C’est la raison pour laquelle la vérité sur Dieu, sur nous-mêmes, sur notre condition humaine au sein de la création, ne peut se découvrir que par l’expérience, par le fait que notre volonté, librement, agit en conformité avec l’enseignement et l’exemple du Christ. C’est le sens de l’enseignement que Jésus donne à Nicodème : Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu.

Le témoignage du Christ roi rendu à la vérité a une résonance particulière dans le monde qui est le nôtre. Beaucoup souffrent de constater que la plupart des medias sont devenus des outils non pas d’information impartiale mais de propagande. Les pseudos débats des plateaux télé ne sont pas organisés pour chercher et trouver la vérité, mais pour divertir ou faire le buzz ! Beaucoup sont dégoûtés par les discours des puissants qui utilisent si souvent le mensonge, en abusant de la confiance de ceux qu’ils devraient servir. Beaucoup enfin souffrent de voir comment la langue et ses concepts, normalement au service de l’expression de la vérité, est devenue, elle aussi, un instrument de propagande cherchant délibérément à tromper, ce que l’on appelle la novlangue, à la suite de George Orwell, sans parler des éléments de langage des politiciens ou des lobbys. Les exemples sont malheureusement trop nombreux… on dira « frappe chirurgicale » au lieu de « bombardement », « modernisation » au lieu de « destruction du service public », « optimisation fiscale » au lieu de « fraude fiscale », « plan social » au lieu de « licenciements ». On utilisera le mot « réforme », qui a en lui-même une valeur positive en français, pour justifier des décisions politiques négatives pour l’ensemble de la population etc. Pervertir et détruire le langage est très grave. Car priver un peuple de l’accès à sa langue, c’est lui rendre plus difficile l’accès à la vérité, c’est le rendre manipulable lui faisant ainsi perdre sa liberté.

Plus que jamais notre foi nous donne accès à une bonne nouvelle : Le Verbe, la Parole de Dieu, s’est fait chair et il a habité parmi nous. Lui est toujours véridique, Lui se fait notre serviteur par amour. Que son règne de justice vienne sur la terre et au milieu de nous !

 


dimanche 14 novembre 2021

33ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

14/11/2021

Marc 13, 24-32

Dimanche prochain la solennité du Christ, roi de l’univers, marquera la fin de notre année chrétienne ou liturgique. En ce dimanche, Jésus nous fait comprendre que notre univers tel que nous le connaissons n’est pas éternel : il connaitra une fin, une transformation dans le Royaume de Dieu lors de la seconde venue du Christ en gloire. Il utilise pour ce faire le langage apocalyptique du Judaïsme de son temps. Un langage qui peut nous faire peur…

C’est l’occasion pour nous de réfléchir à la signification de notre année liturgique. Elle s’achève et commence avec la même vision de la fin des temps et du retour du Christ. Le 33ème dimanche du temps ordinaire et le premier dimanche de l’Avent ont la même tonalité. L’année liturgique chrétienne avec ses temps et ses fêtes a pour but de sanctifier le temps de notre histoire humaine. Le jour du Seigneur, le dimanche, est comme le pivot central du cycle liturgique. La sanctification de notre temps passe par la différentiation entre les jours, le dimanche étant un jour à part. Il y aussi les jours de fêtes et de solennités. Dieu nous permet ainsi par son Eglise d’échapper à la routine du temps qui se déroule, à l’ennui de jours qui seraient tous semblables. Même si le temps liturgique est un cycle qui se répète d’année en année jusqu’au retour du Christ, ce cycle nous permet de ne pas être écrasés par l’aspect répétitif du temps humain. En inscrivant dans ce temps une autre histoire que celle de nos vies personnelles, l’histoire du salut et celle du Christ, il nous libère de l’enfermement dans l’immanence. Dieu inscrit ainsi du nouveau dans la répétition de notre quotidien, nous invitant à écrire l’histoire avec lui par l’engagement de notre foi, de notre charité et de notre liberté.

Regardons maintenant quelques aspects significatifs des principaux temps liturgiques en commençant par le début avec l’Avent. Ce temps fait partie des temps de préparation. Il nous fait revivre la longue attente du Sauveur depuis la faute originelle en passant par toute l’histoire du peuple d’Israël telle qu’elle est consignée dans l’Ancien Testament. C’est aussi le temps de l’attente pour deux femmes, Elisabeth et Marie. Ensuite vient le temps de Noël qui inaugure une étape nouvelle et définitive dans l’histoire du salut. C’est le temps de l’incarnation, mystère par lequel la Parole de Dieu se fait chair et habite parmi nous en la personne de Jésus de Nazareth. Après l’Epiphanie et la fête du baptême du Seigneur, la première partie du temps dit ordinaire nous fait suivre pas à pas Jésus dans son ministère public de prédication du Royaume par la parole et par les actes. Le carême, autre temps de préparation, nous fait revivre à la fois la longue marche et errance du peuple hébreu dans le désert ainsi que le séjour du Christ tenté au désert. Tout cela aboutit enfin au temps de Pâques avec l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu lors de la fête de Pentecôte et le don de l’Esprit Saint à la première Eglise. Puis notre année chrétienne continue et s’achève avec la seconde partie du temps ordinaire, bien plus longue que la première. Nous approfondissons alors notre connaissance de l’Evangile tel qu’il fut prêché par le Seigneur pendant ses trois années de vie publique et nous revivons le développement missionnaire de l’Eglise au lendemain de la Pentecôte et jusqu’à aujourd’hui. Au cœur et à la fin de ce temps ordinaire les fêtes de l’Assomption de Marie, de la Toussaint et du jour des défunts orientent nos regards et nos cœurs vers la vie éternelle, nous rappelant que nous sommes tous appelés à participer à la résurrection du Christ en passant par la mort. Ainsi l’année liturgique constitue comme une grande fresque de l’histoire du salut culminant avec la manifestation du Fils de Dieu. A cette action de Dieu en notre faveur, nous pouvons répondre par un acte de foi renouvelé chaque jour et chaque année ainsi que par notre participation à la liturgie et aux sacrements, anticipation et avant-goût de la réconciliation de toutes les créatures et de la communion parfaite avec le Christ notre Seigneur.

Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.

Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.

lundi 8 novembre 2021

32ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

7/11/2021

Marc 12, 38-44

Dans l’Evangile de ce dimanche, saint Marc nous donne à voir deux petits tableaux décrivant des attitudes humaines. A travers ces tableaux nous devinons un Jésus fin observateur de la vie de son peuple. Et c’est à partir de ses observations qu’il nous livre deux enseignements : le premier concerne les scribes tandis que le second compare les riches et une pauvre veuve.

Le Seigneur invite dans un premier temps ses disciples à se méfier des scribes, des hommes lettrés et religieux ayant une fonction importante dans le Judaïsme. Le tableau dépeignant leur comportement les situe en des endroits variés : les places publiques, les synagogues, les diners. Les scribes sont des personnages publics, bien connus de tous. Leur omniprésence dans tous ces lieux n’a qu’un seul but : s’y faire remarquer, y compris par le port de vêtements spéciaux, et obtenir la louange qui vient des hommes ainsi que des places d’honneur. Ils recherchent en permanence les premières places alors que Jésus enseigne que les premiers seront les derniers et que qui s’élève sera abaissé… Non seulement ils manquent d’humilité et sont dévorés par l’ambition de briller en société, mais ils sont aussi cupides, recherchant comment s’enrichir sur le dos des plus pauvres, en particulier des veuves. Le verbe dévorer signale bien que leur cupidité est sans limites. Ce n’est qu’à la fin de ce tableau que Jésus parle de leurs dispositions religieuses. Et ici l’observateur est divin, capable de lire dans les cœurs sans se laisser tromper par les apparences de dévotion que prennent les scribes. Bref c’est le Tartuffe de Molière déjà présent dans l’Evangile, car ce que leur reproche Jésus, c’est bien leur hypocrisie, leur double jeu. Sous un vernis de religion, ils ne sont en fait que carriérisme, vanité et cupidité. Et la conclusion de ce premier tableau est sans appel : ils seront d’autant plus sévèrement jugés.

La figure biblique de la veuve sert de transition entre les deux tableaux : on passe en effet des veuves victimes de la cupidité des scribes à la pauvre veuve faisant son offrande de deux piécettes dans le Temple. On passe des scribes qui dévorent les biens d’autrui à la veuve qui se dépouille totalement de ce qu’elle possède. Dans le second tableau, Jésus montre que la pauvre veuve donne infiniment plus que les riches, mais il en fait aussi le parfait contrepoint de l’attitude des scribes. D’un côté une cupidité sans bornes, de l’autre une générosité extrême, un dépouillement total.

Ces peintures de caractère très vivantes ont pour but de nous montrer quel est le droit chemin de Dieu. Il passe par l’humilité et par la vérité de nos attitudes. En tant que croyants nous ne jouons pas une belle pièce de théâtre en vue d’être applaudis de tous. A la fin de notre vie terrestre, nous devrons dire autre chose au Seigneur que les dernières paroles d’Auguste rapportées par Suétone : Si la pièce vaut quelque chose, applaudissez ! Il s’agit donc pour nous de vivre et d’agir sous le regard de Dieu et en sa présence. Le culte authentique, le culte spirituel, consiste à pouvoir faire de notre personne et de toute notre vie une offrande agréable à Dieu. Nous trouvons en saint Matthieu un commentaire lumineux de la page évangélique de ce dimanche :

Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux… Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.

 

 

 

lundi 1 novembre 2021

TOUSSAINT 2021

 




La solennité de la Toussaint est pour nous une occasion favorable de méditer sur la sainteté de Dieu. En effet la sainteté des saints et des saintes, connus et inconnus, une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues, cette sainteté humaine est une participation à la sainteté de Dieu. Jésus-Christ manifeste cette sainteté de Dieu dans notre condition humaine de la manière la plus parfaite possible et il en constitue pour nous la source. Notre sainteté vient de la sienne, elle est un don et un appel de son amour. Dans la Bible il est fréquent d’entendre un appel à imiter Dieu ou à imiter le Christ. En effet la sainteté des créatures humaines est toujours une image particulière de la sainteté même de Dieu. D’où l’importance pour nous de comprendre ce que signifie l’affirmation selon laquelle Dieu est Saint. C’est ce que nous chantons à chaque messe au seuil de la prière eucharistique en reprenant les paroles du prophète Isaïe.

La sainteté de Dieu a été révélée dans une histoire particulière à un peuple particulier, Israël, en même temps que l’unicité de Dieu. Or ce peuple vivait dans un contexte où les dieux étaient nombreux. C’était le cas à l’époque de la révélation du Christ. Faire un détour par les dieux de la mythologie grecque et romaine nous aide à mieux comprendre la sainteté du Dieu révélé à Israël. Cette mythologie est fortement imprégnée d’anthropomorphisme. Cela signifie que les dieux sont représentés sous forme humaine. Mais aussi que les dieux ne sont pas meilleurs que les hommes, ils ont des qualités mais aussi des défauts. Le roi des dieux, Jupiter, passe son temps à tromper sa femme Junon par exemple. Bref les dieux de la mythologie ne sont pas éthiques. Ils sont juste immortels et dotés de pouvoirs spéciaux. Et quand les Romains s’adressent à Jupiter en le qualifiant de très bon et très grand, cela n’a rien à voir avec la bonté du Dieu biblique. Optimus, traduit par très bon, signifie en fait que Jupiter est le garant de la prospérité du peuple romain et non pas qu’il aimerait ce peuple. Ce détour étant fait, revenons maintenant à la sainteté du Dieu biblique. Même si dans l’Ancien Testament, on prête parfois à Dieu des attitudes humaines comme la colère et la jalousie, le Dieu de la révélation est transcendant car il est esprit, donc invisible. Dire de Dieu qu’il est saint ce n’est pas seulement affirmer sa perfection et sa bonté, mais aussi sa transcendance, sa différence absolue avec les créatures que nous sommes. C’est bien cette transcendance que Paul rappelle aux Grecs d’Athènes : Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qu’il contient, lui qui est Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas des sanctuaires faits de main d’homme ; il n’est pas non plus servi par des mains humaines, comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, le souffle et tout le nécessaire. Dire de Dieu qu’il est Saint, c’est toujours se rappeler qu’il est Esprit et Amour. Si comme l’enseigne Jésus, Dieu seul est bon, notre sainteté consiste à recevoir cette bonté et à y participer par pure grâce. La sainteté est donc une divinisation progressive de l’homme. Contrairement aux grecs qui se faisaient des dieux à leur image, nous sommes appelés à devenir images de Dieu en l’imitant. Le prophète Osée révèle bien le propre du Dieu biblique : Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer.  On ne peut rien comprendre aux exigences de l’Evangile et à la morale chrétienne, si nous oublions que notre but est d’agir à la manière de Dieu, et donc de refléter dans nos existences sa bonté et sa sainteté. Au terme de notre pèlerinage terrestre nous serons appelés à voir Dieu, l’Esprit invisible à nos yeux de chair. Cette vision de Dieu qui rend parfaitement heureux est l’aboutissement du chemin de sanctification que nous vivons à la suite du Christ et en communion avec lui : Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu !