dimanche 25 décembre 2016

NATIVITÉ DU SEIGNEUR 2016


Noël 2016

La solennité de Noël nous met en présence du mystère de l’incarnation. Avec Marie, Joseph, les bergers et les anges, nous contemplons ce nouveau-né qui est fils de Marie et Fils de Dieu. Dans ce mystère, Dieu notre Père se fait notre frère en Jésus. Pour nous aider à méditer cette grande vérité de notre foi, je vous propose d’écouter un passage de la lettre aux Hébreux :

Celui qui sanctifie, et ceux qui sont sanctifiés, doivent tous avoir même origine ; pour cette raison, Jésus n’a pas honte de les appeler ses frères… Puisque les enfants des hommes ont en commun le sang et la chair, Jésus a partagé, lui aussi, pareille condition : ainsi, par sa mort, il a pu réduire à l’impuissance celui qui possédait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable, et il a rendu libres tous ceux qui, par crainte de la mort, passaient toute leur vie dans une situation d’esclaves. Car ceux qu’il prend en charge, ce ne sont pas les anges, c’est la descendance d’Abraham. Il lui fallait donc se rendre en tout semblable à ses frères, pour devenir un grand prêtre miséricordieux et digne de foi pour les relations avec Dieu, afin d’enlever les péchés du peuple. Et parce qu’il a souffert jusqu’au bout l’épreuve de sa Passion, il est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve.

Oui, Jésus est bien notre frère et il nous regarde comme ses frères. Notons comment l’auteur de la lettre aux Hébreux fait le lien entre le mystère de l’incarnation et celui de la rédemption, entre Noël et Pâques. A Noël, le Verbe de Dieu se rend en tout semblable aux hommes, il vient partager notre condition humaine, afin de nous sanctifier et de nous rendre libres par la puissance de son amour. Voici le fondement divin de la fraternité chrétienne : Dieu vient vivre de l’intérieur notre vie humaine, le Père et Maître se fait notre serviteur et notre frère dans l’enfant de la crèche. Cette fraternité nous conduit à la véritable liberté des enfants de Dieu. Pour comprendre en quoi consiste notre liberté chrétienne, nous pouvons nous référer à une discussion entre Jésus et les Juifs dans l’Evangile selon saint Jean :

Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres… Amen, amen, je vous le dis : qui commet le péché est esclave du péché. L’esclave ne demeure pas pour toujours dans la maison ; le fils, lui, y demeure pour toujours. Si donc le Fils vous rend libres, réellement vous serez libres.
Nous le constatons, la suprême liberté c’est d’être libéré du pouvoir du mal, ce qui correspond à la dernière demande du Notre Père. Nous sommes frères et fils, vraiment libres, dans la mesure où nous demeurons fidèles par nos actes et par nos pensées à la parole de Jésus, à Jésus qui est lui-même le Verbe de Dieu.

Si le mystère de l’incarnation est le fondement divin de notre fraternité, Jésus étant notre frère en humanité, il est aussi le fondement divin de notre égalité aux yeux de Dieu. A Noël, par le don de l’enfant dans la crèche, Dieu confirme et fortifie ce qui avait commencé dans la création. Si nous sommes tous des créatures du Père, créées dans, par et pour le Verbe, alors nous sommes tous frères, tous nous avons une égale dignité, tous nous sommes appelés à vivre de la liberté des enfants de Dieu. Jésus a voulu fonder une nouvelle humanité dans laquelle il n’y aurait plus de maîtres ni d’esclaves, plus de dominants ni de dominés, plus d’oppresseurs ni d’opprimés. Et son Eglise, signe du Royaume des cieux, il l’a voulue comme une communauté de frères et de sœurs, dans laquelle la hiérarchie et l’autorité ne sont possibles que dans un esprit d’abaissement et de service :

Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul maître pour vous enseigner, et vous êtes tous frères. Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé.

En cette fête, nous avons chanté dans la joie le chant des anges :

Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime.

L’Emmanuel, Dieu avec nous, nouveau-né dans la crèche, nous enseigne que cette paix que nous désirons tant pour nous-mêmes et pour notre monde ne deviendra réalité qu’à la mesure de notre libération intérieure : libération des idoles du pouvoir, de la violence et de l’argent, libération de l’esclavage dans lequel se trouvent ceux qui s’estiment supérieurs aux autres, dans la domination et le mépris. L’Emmanuel nous enseigne que la paix de Dieu dépend de la fraternité humaine. Ce nouveau-né, dans sa pauvreté et sa fragilité, nous invite à abattre les murs de notre orgueil pour répandre sur notre monde blessé et meurtri le remède de la divine humilité.

dimanche 18 décembre 2016

Quatrième dimanche de l'Avent/A


Matthieu 1, 18-24

18/12/16

Le quatrième dimanche de l’Avent nous prépare directement à la célébration de Noël. Et Noël, c’est le mystère de l’incarnation, le mystère d’un Dieu qui se fait proche de nous, qui se fait l’un de nous pour nous apporter le cadeau de son salut. Avec l’incarnation, Dieu notre Père se fait notre frère en Jésus. Les deux noms donnés à l’enfant qui doit naître résument bien la portée du mystère de l’incarnation : cet enfant sera Dieu avec nous (Emmanuel) pour nous sauver (Jésus). Cette naissance de Dieu dans notre humanité ne peut pas se faire sans nous. D’où l’importance de la collaboration, de la coopération de Marie et de Joseph à cette œuvre de salut. L’Evangile de cette liturgie nous rappelle qu’au « oui » de Marie a dû aussi correspondre le « oui » de Joseph, son époux. Si le mystère de l’incarnation exige la libre participation de notre humanité, Jésus étant le fils de Marie, né de la race de David selon la chair, ce mystère est d’abord l’œuvre de Dieu. C’est l’une des significations de la conception virginale rappelée deux fois par saint Matthieu :

Elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.
L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint.

La conception virginale est le signe que l’enfant qui va naître sera vraiment Dieu, car conçu dans le sein de Marie par l’Esprit Saint, vrai Dieu et vrai homme, comme nous le proclamons dans notre profession de foi. Un très beau passage du psaume 84 a souvent été interprété comme une annonce du mystère de l’incarnation, et donc de cette collaboration entre le Ciel et la terre :

Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ;
La vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice.

Vous avez peut-être déjà entendu une sentence, attribuée faussement à saint Ignace de Loyola : Prie comme si tout dépendait de Dieu, agis comme si tout dépendait de toi. Elle est en fait une déformation (ou une adaptation) de la maxime d’un jésuite hongrois du 18ème siècle, Hevenesi :

Telle est la première règle de ceux qui agissent: crois en Dieu comme si tout le cours des choses dépendait de toi, en rien de Dieu. Cependant mets tout en œuvre en elles, comme si rien ne devait être fait par toi, et tout de Dieu seul.

Dans son aspect paradoxal, la maxime de Hevenesi indique les conséquences pratiques dans notre vie de notre foi dans le mystère de l’incarnation. Encore une fois, c’est bien de la collaboration entre Dieu et les hommes qu’il s’agit. Voici le commentaire éclairant qu’en fait le père Paul Valadier :


Les deux membres de phrase s'appellent mutuellement dans une tension bénéfique et féconde: la sentence suppose une relation typiquement chrétienne entre Dieu et l'homme, pour parler le langage classique de la théologie entre grâce et volonté. Cette relation n'est ni d'opposition simple (comme si Dieu était d'autant plus reconnu que l'homme est nié), ni de confusion (comme si tout revenait soit à Dieu, soit à l'homme dans un exclusivisme irrespectueux du Verbe fait chair pour que la chair soit divinisée). Elle ne peut être intelligible que si on la pense et on la vit sur l'horizon de l'économie du salut, telle que la tradition chrétienne, catholique notamment, la lit en Jésus-Christ. Jésus-Christ n'est pas lui-même d'autant plus Dieu qu'il serait moins homme, et il n'est pas non plus une ombre humaine qui ferait signe vers un Dieu sans visage. Pleinement porteur de la divinité dans son humanité même, c'est cette humanité concrète qui donne la véritable image et ressemblance de Dieu.