dimanche 16 février 2020

Sixième dimanche du temps ordinaire / Année A



Matthieu 5, 17-37

16/02/20

Nous poursuivons en ce dimanche notre méditation du sermon sur la montagne. Jésus se présente à nous comme celui qui vient pour accomplir la Loi et les Prophètes, c’est-à-dire les porter à leur perfection. Cet accomplissement passe par la mise en pratique d’une justice supérieure à celle pratiquée par les élites religieuses du peuple d’Israël. Le Seigneur donne ensuite quatre exemple de cette justice nouvelle en partant chaque fois de l’un des dix commandements de la Loi de Moïse. Ce faisant, il nous enseigne ce qu’est la sainteté chrétienne. Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens… Eh bien ! Moi, je vous dis… Pour Jésus il ne s’agit pas seulement de respecter les commandements mais de déraciner le péché du cœur de l’homme. Pour lui, tout part du cœur, de notre intériorité, le bien comme le mal. Dans l’Evangile selon saint Marc cette vérité est clairement enseignée :

Car c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur.
A partir de deux exemples regardons comment Jésus veut libérer notre cœur de l’emprise du mal.

Il y a tout d’abord le commandement fondamental qui interdit le meurtre. Le Seigneur élargit la portée de ce commandement pour aller jusqu’à la racine de l’homicide. En tant que chrétien, même si je n’ai tué personne, je peux tout de même enfreindre ce commandement fondamental. Comment donc ? Chaque fois que je me laisse dominer par la colère contre mon frère, chaque fois que je l’insulte ou le maudit. Jésus nous fait faire le lien entre l’acte de tuer et le péché capital de colère. Si j’éteins en moi le feu de la colère, alors je ne tomberai pas dans cette faute grave. Si je m’entraine par une discipline quotidienne à maîtriser ma langue, alors je ne tuerai pas mon prochain par mes paroles. Car la langue est une arme, et mal utilisée, elle a le pouvoir de tuer même si elle n’ôte pas la vie. Il faudrait relire à ce sujet tout le chapitre 3 de la lettre de saint Jacques. En voici un passage significatif :

Notre langue est une petite partie de notre corps et elle peut se vanter de faire de grandes choses. Voyez encore : un tout petit feu peut embraser une très grande forêt. La langue aussi est un feu ; monde d’injustice, cette langue tient sa place parmi nos membres ; c’est elle qui contamine le corps tout entier, elle enflamme le cours de notre existence, étant elle-même enflammée par la géhenne.  Toute espèce de bêtes sauvages et d’oiseaux, de reptiles et d’animaux marins peut être domptée et, de fait, toutes furent domptées par l’espèce humaine ; mais la langue, personne ne peut la dompter : elle est un fléau, toujours en mouvement, remplie d’un venin mortel.

Le second exemple concerne l’interdiction du mensonge dans les serments. Jésus porte à sa perfection ce commandement en interdisant tous les serments. Un chrétien ne doit pas jurer car sa parole doit être toujours véridique et sincère. De même que notre langue ne doit pas être utilisée pour maudire ou insulter, de même elle doit toujours servir la vérité et fuir la duplicité. L’utilisation habituelle du mensonge ruine les relations humaines et la vie en société. Au final nous n’avons plus confiance en personne car nous soupçonnons l’autre de vouloir nous tromper. La pratique du mensonge est encore plus grave et plus destructrice lorsqu’elle est le fait des responsables politiques… qui feignent ensuite de se plaindre du désintérêt croissant des citoyens pour les élections ! Que votre parole soit “oui”, si c’est “oui”, “non”, si c’est “non”. Ce qui est en plus vient du Mauvais. Jésus, Parole du Père, Verbe éternel, nous rappelle ici le sérieux de notre parole, l’importance de respecter le sens des mots au lieu de les travestir en vue de tromper, enfin le respect de nos engagements. C’est la raison pour laquelle il ne faut jamais s’engager à la légère ni promettre sans avoir d’abord mûrement réfléchi. Souvenons-nous de l’exemple d’Hérode contraint de faire décapiter Jean suite à une promesse irréfléchie faite en public… Notre parole nous engage et nous avons aussi un devoir de fidélité envers les mots du langage humain qui sont toujours porteurs d’une vérité propre, celle du dictionnaire. Il nous faut lutter contre une tendance désormais de plus en plus envahissante qui tord volontairement le sens des mots et détruit ainsi la vérité. Que l’on pense au mot mariage appliqué abusivement aux personnes de même sexe ou encore au mot réforme impliquant toujours un progrès mais abusivement utilisé  par les politiciens pour organiser une régression sociale… Orwell dans son roman 1984 avait inventé le concept de novlangue, celui d’une recréation du langage pour le mettre au service non pas de la vérité mais du mensonge. Déjà Isaïe mettait en garde ses contemporains contre cette perversion du langage !

Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, Qui changent les ténèbres en lumière, et la lumière en ténèbres, Qui changent l'amertume en douceur, et la douceur en amertume!

dimanche 9 février 2020

Cinquième dimanche du temps ordinaire / A



Matthieu 5, 13-16

9/02/20

Avec les Béatitudes, au commencement du chapitre 5 de son Évangile, saint Matthieu commence une longue section allant jusqu’au chapitre 7 qui rassemble divers enseignements de Jésus donnés sur la montagne. Le lieu de cet enseignement, la montagne, fait penser à Moïse qui, sur le mont Sinaï, reçoit les tables de la Loi. Ici Jésus, nouveau Moïse, nous donne les tables de la loi nouvelle qui vient perfectionner la loi de Moïse. Le passage que nous venons d’entendre se situe immédiatement après les Béatitudes. Ici le Seigneur comme dans les Béatitudes fait en quelque sorte le portrait de ses disciples. S’adressant à eux, il leur rappelle leur identité. Comme dans les Béatitudes, ce qui est dit des disciples est d’abord valable pour Jésus. Il suffit pour s’en convaincre de nous souvenir du chapitre 8 de saint Jean dans lequel le Seigneur se présente comme la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres : il aura la lumière qui est vie.

Sel de la terre et lumière du monde : ces deux images sont facilement compréhensibles. Regardons d’abord ce qu’elles ont en commun : terre et monde. Comme leur Maître, les disciples sont donnés au monde, leur mission comme leur témoignage ne se limite pas à leur ville ou à leur pays, mais ils comportent une valeur universelle. C’est l’un des sens de notre appartenance à l’Eglise catholique, une Eglise universelle envoyée à tous et au service de tous. Le sel donne du goût, de la saveur aux aliments ; la lumière quant à elle est indispensable. A quoi serviraient les yeux dans une nuit permanente ? Dans les deux images la présence du chrétien dans le monde est présentée comme utile et nécessaire. Parce que là où est le chrétien, là aussi est le Christ. Telle est notre dignité et notre mission. Encore faut-il que nous soyons vraiment chrétiens comme le bon sel qui garde sa capacité. Encore faut-il que nous ne cachions pas notre foi. Comment témoigner ? A la fin de cette page évangélique, Jésus nous donne le critère essentiel : De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux.

Pour être du bon sel, pour être une lumière sur le lampadaire, nous n’avons pas d’autre choix que de faire le bien, donc que de le choisir et de le désirer. C’est d’ailleurs en nous rappelant cette vérité que Jésus achève son enseignement sur la montagne à la fin du chapitre 7 : Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux… Celui qui entend les paroles que je dis là et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc.

La première lecture nous montre le lien indissociable entre ce bien que nous sommes appelés à faire et la vertu de charité, en particulier pour notre prochain. Autant les images de sel de la terre et de lumière du monde peuvent avoir un aspect abstrait, autant leur sens profond se vérifie par des actions concrètes. Ces actes par lesquels nous choisissons le bien découlent de ce que nous sommes : disciples du Christ. Et en même temps c’est en les pratiquant avec persévérance que nous devenons ce que nous sommes : réellement chrétiens. Tout ce bien, nous pouvons le réaliser dans notre communion avec le Christ car sans lui nous ne pouvons rien faire. Bien souvent notre incapacité à faire le bien nous humilie et nous fait honte. Ce n’est pas une raison pour nous décourager et abandonner la Parole du Seigneur. Lui, il compte sur nous pour faire rayonner sur notre monde la lumière de son Evangile.