dimanche 28 novembre 2010

Premier dimanche de l'Avent

Premier dimanche de l’Avent / A
28/11/2010
Matthieu 24, 37-44 (p. 6)

Au commencement de cette nouvelle année liturgique nous entendons le Seigneur Jésus nous parler de son avènement à la fin des temps. Pour les Juifs de l’époque du Christ la question du retour du Messie et de la fin du monde était une question essentielle. L’attente eschatologique était alors très forte et même les premiers chrétiens croyaient que le retour du Christ dans la gloire était tout proche... Dans d’autres passages de l’Evangile le Seigneur utilise un langage emprunté au style apocalyptique, ici il n’en est rien.
Au centre de cette page d’Evangile nous entendons une invitation pressante: “Veillez donc”. Et la raison pour laquelle nous devons demeurer vigilants nous est immédiatement donnée: “Car vous ne connaissez pas le jour où votre Seigneur viendra”. Pour les chrétiens que nous sommes veiller c’est donc se tenir prêts à accueillir le Seigneur qui vient, le Seigneur qui viendra. Voilà le premier sens spirituel du temps de l’Avent. Personne ne connaît la date de cet Avènement mais nous savons tous avec certitude que notre vie terrestre aura un terme au moment de notre mort. Et nous ne connaissons pas plus la date de notre mort que celle de l’Avènement du Seigneur. Même si nous pouvons mourir de bien des manières... Après une longue maladie ou de manière brutale et accidentelle par exemple. Autour de cet enseignement central de Jésus, “Veillez”, nous avons deux illustrations. La première est empruntée à l’histoire passée: Souvenez-vous de ce qui s’est passé au temps du déluge. La seconde est une petite parabole. Dans la première illustration le Seigneur compare notre situation à celle de nos ancêtres avant le déluge. Et il nous décrit les activités normales des hommes sans préciser qu’ils étaient pécheurs. Jésus adapte donc l’histoire de Noé puisque dans l’Ancien Testament ce qui motive le déluge c’est bien la méchanceté des hommes. Il insiste sur l’effet de surprise de cet événement. Et il nous montre comme une loterie du salut: l’un est pris, l’autre laissé; l’une est prise, l’autre laissée. Sans nous dire sur quel critère certains sont sauvés et d’autres sont exclus du salut de Dieu. Et nous pourrions véritablement avoir peur devant ce qui nous semble être un tirage au sort, un peu au hasard... La fine pointe de cet enseignement, nous l’avons vu, n’est pas de type moral. Mais ce qui fait que certains sont pris dans le Royaume de Dieu et que d’autres sont laissés à l’extérieur de ce Royaume c’est tout simplement la différence entre ceux qui veillent et ceux qui se sont endormis. Comme dans la parabole des vierges sages et des vierges insensées. Jésus veut ainsi nous convaincre de la nécessité que nous avons de nous préparer à le rencontrer. C’est déjà vrai en cette vie terrestre mais c’est encore plus vrai pour notre préparation au grand passage, à ce moment qui marquera la fin de notre vie. Cette vigilance spirituelle ne doit pas être marquée par la peur mais bien plutôt par une confiance encore plus grande en la puissance de l’amour de Dieu à notre égard. La première lecture comme le psaume nous montrent que le Royaume de Dieu est un royaume de paix. Et c’est dans la paix de l’Esprit Saint que nous devons nous préparer à entrer dans la Jérusalem du ciel. La meilleure préparation à la rencontre avec le Seigneur et à sa venue se trouve dans l’accomplissement joyeux et courageux de notre devoir d’état chaque jour en fonction de notre vocation et de notre âge. Je ne sais plus quel jeune saint avait fait cette réponse merveilleuse à un adulte qui lui demandait: “Que ferais-tu si tu devais mourir dans l’instant qui vient?” Il avait répondu: “Je continuerais à jouer avec mes camarades”. C’est cela être prêt.
Quant à la petite parabole du voleur elle insiste elle aussi sur l’effet de surprise. Dieu n’est pas un voleur bien sûr. Et son intention n’est pas de nous tendre un piège en nous laissant dans l’ignorance du jour de notre mort et du moment de la fin de notre monde. Dieu n’est pas un maître sadique qui profiterait de l’effet de surprise pour pouvoir mieux nous punir. Le fait que Dieu nous laisse dans l’ignorance du jour et de l’heure est au contraire une source de liberté extraordinaire. Ce serait terrible si nous connaissions par avance le moment de notre mort ou celui de la fin du monde comme le prétendent les témoins de Jéhovah (ils l’ont annoncé à plusieurs reprises...). Veiller, c’est bien utiliser notre liberté en ce monde en vue du combat de la lumière. Oui, la vie chrétienne est une lutte spirituelle non pas contre de prétendus ennemis mais contre ce qui, en nous, nous empêche de reconnaître le vrai visage de Dieu et de le rencontrer dans la foi, l’espérance et la charité. Veiller, c’est rechercher inlassablement la vraie paix, signe du Royaume de Dieu, et c’est rayonner la bonté de Dieu par nos actes et nos choix de chaque jour. Ce programme n’est réalisable que par la grâce de Dieu et par une vie de prière toujours plus authentique. Seule cette expérience de la prière personnelle est capable de nous faire passer des idées humaines sur Dieu à la connaissance intérieure du Dieu qui est Amour: communion du Père, du Fils et de l’Esprit Saint.

vendredi 19 novembre 2010

LE CHRIST ROI DE L'UNIVERS

Le Christ Roi de l’Univers / C
21/11/2010
Luc 23, 35-43 (p. 1042)

La fête du Christ Roi de l’univers, d’institution récente (1925), marque la fin de notre année chrétienne.

Dans un premier temps je voudrais méditer pour vous quelques aspects de ce mystère de la royauté du Christ à partir des lectures bibliques. Ensuite je vous proposerai quelques applications concrètes de ce mystère dans la vie de notre Eglise et dans notre vie chrétienne d’aujourd’hui.

La deuxième lecture, un très beau texte de l’apôtre Paul, nous invite à regarder le projet de Dieu dans toute son ampleur, de la création jusqu’à la fin des temps. La royauté du Christ ne se comprend que par rapport à ce projet du Père. Elle en est le commencement, le centre et l’accomplissement. Affirmer du Christ qu’il est le roi de l’univers, c’est donc d’abord rappeler que « c’est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre » et que tout est créé « par lui et pour lui ». Oui, Dieu donne vie à toute la création par son Fils unique, sa Parole vivante et éternelle. Et Adam est le roi de la création parce qu’il est créé avec Eve à l’image et à la ressemblance de Dieu. Adam et Eve sont l’image terrestre du Fils créateur. La vocation de l’homme et de la femme consiste donc à régner sur la création en collaborant à l’oeuvre même de Dieu. La royauté d’Adam est domination sur la création non pas pour la détruire ou l’asservir mais bien plutôt pour en faire une offrande au Père créateur, une action de grâce, un cri de reconnaissance et d’émerveillement pour l’oeuvre de Dieu. L’écologie ou le respect pour notre environnement naturel est donc une exigence chrétienne qui découle directement de notre vocation de roi de la création. Ce n’est pas quelque chose de facultatif pour le chrétien qui a compris le sens de sa place au sein de la création. Nous savons aussi qu’Adam et Eve, par le péché des origines, ont introduit le mal dans le monde. Ils n’ont plus été capables, en se séparant de Dieu, de continuer à exercer leur royauté sur l’univers de manière juste. En s’incarnant le Fils unique de Dieu vient nous redonner la royauté sur la création par le pardon des péchés et en nous offrant de nous réconcilier avec Dieu. En tant que baptisés et confirmés nous sommes déjà membres du royaume du Christ. Nouvel Adam, le Christ est aussi le roi de l’univers. Et c’est en lui que toute chose sur cette terre aura son accomplissement total. Tout chrétien est roi lorsqu’il fait remonter vers le Christ toute son activité, lorsqu’il offre au Christ l’ébauche d’une création nouvelle. Car c’est toute la création qui est appelée à entrer dans le royaume de Dieu, transfigurée par l’amour du Christ Roi. L’eucharistie en est une magnifique préfiguration puisque le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ. L’Evangile nous montre comment le Christ est roi. Son trône, c’est la croix. Et il semble bien impuissant. En fait c’est sur la croix que, d’une manière paradoxale, le Christ déploie toute sa puissance royale qui est une puissance de don de soi et d’amour sans limites. C’est par la croix qu’il ouvre les portes du paradis fermé, le royaume de Dieu, au bandit qui le supplie.

Voyons maintenant quelques conséquences de ce mystère dans la vie de l’Eglise et dans notre vie. Depuis Constantin et jusqu’à une époque récente, l’Eglise a été tentée par la théocratie. En s’alliant étroitement au pouvoir politique elle a voulu dominer la société tout entière. Elle a succombé aux mirages du pouvoir et de la richesse, oubliant le caractère spirituel de la royauté de son Maître et Seigneur. Les chrétiens du 4ème et du 5ème siècles de persécutés qu’ils étaient sont devenus persécuteurs des païens. Et il a fallu des saints et des saintes, des Francois d’Assise par exemple, pour rappeler à l’Eglise sa vocation évangélique. Avec le concile Vatican II notre Eglise a renoncé à cette tentation d’imposer la royauté du Christ par la puissance et par la force. Elle est entrée en dialogue avec notre monde, comprenant qu’elle devait se faire la servante de notre humanité en adoptant les moyens qui furent ceux du Christ dans le temps de son incarnation. Ce n’est pas en dominant mais bien en servant que notre Eglise participe à la royauté du Christ sur l’univers. Mais plus de 40 ans après le Concile une autre tentation nous guette : celle de nous contenter de beaux discours. Ces beaux discours qui nous donnent bonne conscience et ne changent rien dans les faits ! Les chrétiens que nous sommes exercent la royauté du Christ sur cette terre non pas en créant des réseaux d’influence plus ou moins occultes mais en donnant l’exemple. Paul VI disait déjà en son temps à quel point l’homme contemporain avait davantage besoin de témoins que de professeurs. Enseigner la foi c’est bien, la vivre c’est encore mieux. Pour illustrer mon propos par un seul exemple : cela ne sert pas à grand chose pour le chrétien ou pour l’Eglise de répéter son refus de l’avortement tant qu’il ou elle n’agit pas pour accueillir les femmes en difficulté et pour les aider à garder l’enfant qu’elles portent. L’Eglise et les chrétiens seront crédibles dans la mesure où notre enseignement se transformera en actes et en choix concrets. Parler cela ne coûte pas grand chose, s’engager c’est tout autre chose. Ne soyons pas comme certains hommes politiques qui demandent aux citoyens des sacrifices alors qu’ils ne renoncent pas à leurs privilèges... Oui, nous sommes roi de la création par et pour le Christ si nous témoignons de son Royaume par nos actes et par le don réel de notre personne. La royauté du Christ s’étendra sur notre terre si nous donnons l’exemple de notre vie.

33ème dimanche du temps ordinaire

33ème dimanche du TO/C
14/11/2010
Luc 21, 5-19 (p. 990)

L’avant-dernier dimanche de notre année liturgique, celui qui précède la fête du Christ roi de l’univers, nous transmet un message difficilemment compréhensible si nous ne faisons pas l’effort de nous remettre dans la mentalité juive du temps de Jésus.
Pour mieux nous introduire à ce passage de la fin de l’Evangile de saint Luc, je vais utiliser des termes techniques en les expliquant bien sûr. Mais ces termes sont nécessaires pour nous éviter de recevoir ce texte d’une manière fondamentaliste et de nous retrouver ainsi dans la peur et l’angoisse.
Ici nous entendons une partie du discours eschatologique de Jésus, discours que l’on retrouve aussi en parallèle dans les versions de Matthieu et de Marc. Discours que nous réentendrons au début du temps de l’Avent, l’année liturgique commencant et se terminant dans la même perspective, celle de la fin des temps et du retour du Christ dans la gloire. Voilà le sens du terme « eschatologique ». Notre Evangile de Luc est d’autant plus difficile à comprendre qu’il mélange cette vision de la fin des temps avec la ruine historique de Jérusalem en 70 de notre ère. Nous sommes donc à deux niveaux de l’histoire humaine : le niveau historique avec l’allusion à la ruine du Temple et aux persécutions des premiers chrétiens et un niveau supra-historique puisqu’il marque justement la fin du temps de l’histoire humaine et l’entrée de toute la création dans le Royaume de Dieu. Et pour ajouter encore à la difficulté de compréhension ce discours eschatologique de Jésus utilise un style littéraire bien particulier, le style apocalyptique, déjà présent dans l’Ancien Testament. D’où toutes ces images de catastrophes cosmiques et de guerres.
Alors que retenir pour notre vie chrétienne d’aujourd’hui de cet Evangile au style obscur et déroutant pour nos mentalités cartésiennes ?

Il y a tout d’abord le point de départ de cet enseignement du Seigneur Jésus. L’admiration des disciples pour la beauté du Temple, qui, notons-le, n’était déjà plus celui de Salomon mais bien un Temple renconstruit. Et Jésus leur annonce que tout cela sera détruit. C’est en effet l’empereur Titus qui rasera le temple et pillera ses trésors en les ramenant à Rome comme nous le montrent les bas-reliefs de l’arc de Titus en haut du forum. C’est un peu comme si aujourd’hui un prophète nous annoncait la destruction du Vatican et de la basilique saint Pierre... L’homme par son génie artistique et par ses progrès techniques est en effet capable de réaliser des merveilles, des chef-d’oeuvres. Mais tout cela est fragile. Que nous reste-t-il des fameuses 7 merveilles de l’antiquité ? La lecon pour nous est la suivante : rien dans ce monde n’est éternel, tout passe et trépasse. Cela signifie aussi que notre monde actuel blessé par le mal et le péché n’est pas éternel mais qu’il connaitra une fin, une transfiguration dans le Royaume de Dieu.

Le deuxième point d’intérêt pour nous concerne l’annonce des faux prophètes. Ces menteurs utiliseront tout au cours de l’histoire la peur de la fin du monde pour grossir les rangs de leurs disciples. Les témoins de Jéhovah en sont une parfaite illustration. Avec la mondialisation et tous les problèmes économiques et humains qu’elle entraîne, comme un écart toujours plus grand entre des masses aculées à survivre dans la misère et une élite de très riches voulant toujours davantage, avec le terrorisme islamique et le réveil des intégrismes dans toutes les religions, les faux prophètes ont un terrain propice pour prospérer et se développer. Nous vivons sans aucun doute un temps de grave crise. Et dans une telle situation la Parole de Jésus doit demeurer notre unique espérance et notre source d’inspiration pour ne pas avoir peur mais relever les défis de notre temps en chrétiens.

Enfin un troisième point d’intérêt pour nous se trouve dans l’annonce des persécutions que les disciples du Christ auront à endurer tout au long de l’histoire. Le langage de Jésus relève bien de ce contexte apocalyptique : « Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom ». Mais il n’invite pas pour autant à la peur mais bien à la confiance : « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu ». L’Aide à l’Eglise en détresse faisait remarquer avec justesse que les chrétiens n’auront jamais été autant persécutés qu’au cours du 20ème s. Et un hebdommadaire comme Marianne, que l’on ne peut pas soupconner de cléricalisme, s’indignait dans son dernier numéro du silence assourdissant autour du massacre des chrétiens en Irak. En disant : aujourd’hui la seule catégorie de personnes qu’on peut maltraiter impunément dans le monde ce sont bien les chrétiens qui risquent de disparaître totalement du Moyen et du Proche Orient. Pour nous qui vivons encore sous le régime de la liberté de culte en Europe ce message du Christ a un double sens : il nous montre d’abord que la croix fait toujours partie d’une manière ou d’une autre de la vie chrétienne et la persécution peut prendre des visages bien différents. Nous sommes bien prévenus : c’est par notre persévérance dans le témoignage de la foi que nous obtiendrons la vie à la suite du Ressuscité. Le message de Jésus nous invite aussi à la solidarité avec nos frères persécutés en terres islamiques. Par la prière bien sûr mais aussi par nos dons à des oeuvres chargées d’alléger leur fardeau comme l’Oeuvre d’Orient ou l’Aide à l’Eglise en détresse. Que la scandaleuse lâcheté de la plupart des hommes politiques et des associations de défense des droits de l’homme réveille en nous ce sens de l’appartenance au Corps du Christ dans lequel nous sommes tous solidaires les uns des autres.

TOUSSAINT

Toussaint 2010
Matthieu 5, 1-12 (p. 1297)

Chaque année la fête de la Toussaint nous rappelle le but de notre vie chrétienne : la sainteté. Au jour de notre baptême nous avons été sanctifiés par la puissance de l’amour du Christ pour nous. Nous sommes véritablement devenus des saints, des temples de la Sainte Trinité. Baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, confirmés dans le même Esprit, nous sommes déjà saints parce que nous portons le beau nom de chrétiens, parce que nous sommes les membres du Corps du Christ. Mais notre expérience nous rappelle aussi chaque jour à quel point nous avons du mal à demeurer fidèles à la grâce de notre baptême, à cette vie divine qui nous habite au plus profond de notre être. C’est l’expérience de notre péché et de notre faiblesse, d’où l’importance du sacrement du pardon qui chaque fois nous remet dans la grâce de notre baptême en nous redonnant un vêtement tout blanc pour reprendre l’image de l’Apocalypse ou encore un coeur pur. C’est ainsi que la sainteté est en même temps ce qui nous caractérise et ce que nous avons à devenir, notre vocation à tous. Le Concile Vatican II a enseigné que tous les chrétiens étaient appellés à la sainteté. Et cette vocation à la sainteté est un appel au vrai bonheur de l’homme. Car nous ne pouvons pas vivre ce bonheur en nous contentant des seules joies terrestres et matérielles. Elles sont importantes et nous n’avons pas à les mépriser, seulement à les mettre à leur juste place pour qu’elles n’étouffent pas en nous le désir de Dieu. Notre vrai bonheur ne concerne pas seulement notre corps, notre sensualité, notre intelligence et notre raison, mais aussi notre coeur et notre âme. Il exige donc l’expérience de l’amour véritable et l’expérience de l’absolu, de Dieu lui-même.
Avant d’aller plus loin dans notre réflexion, regardons comment les textes de cette liturgie caractérisent les chrétiens que nous sommes :

- Serviteurs de Dieu dans l’Apocalypse
- Membres du peuple qui cherche Dieu dans le psaume
- Enfants de Dieu dans la deuxième lecture
- Appellés au bonheur dans l’Evangile

Quelle richesse ! Je ne retiendrai ici que l’expression du psaume. Elle nous donne deux moyens de progresser vers la sainteté. Tout d’abord nous sommes les membres du peuple de Dieu, du Corps du Christ, nous sommes l’Eglise. Ce qui signifie que l’on ne devient pas saint tout seul, isolé dans son coin. Nous avons besoin les uns des autres pour grandir dans la sainteté et pour nous encourager sur ce chemin à la fois magnifique et difficile. La sainteté est toujours un don de l’amour de Dieu et ce don il nous le fait à travers notre appartenance à l’Eglise. L’expression du psaume nous rappelle aussi que nous sommes un peuple en marche, orienté vers notre avenir en Dieu. L’Eglise n’a pas d’autre but que d’aider chacun de ses membres à vivre dans l’amitié avec Dieu. L’Eglise doit sans cesse nous redire que nous avons à rechercher Dieu dans nos vies. Un saint n’est pas celui qui dit : j’ai trouvé Dieu et j’attends maintenant la mort pour parvenir à la béatitude éternelle. Le saint, c’est celui qui a conscience que jusqu’à son dernier souffle il devra chercher Dieu. Oui, Dieu s’est révélé à nous comme un Père en nous envoyant son Fils Jésus et en nous donnant l’Esprit de sainteté. Mais Dieu demeure toujours un mystère, c’est-à-dire une réalité inépuisable. Et c’est pour cela qu’en tant que croyants nous devons toujours le chercher, toujours revenir à Lui par le désir de l’amour.
Signalons enfin un danger pour nous tous, en fait une fausse représentation de la sainteté. Pour certains la sainteté chrétienne consisterait en une vie honnête, faite de mesure et de perfection morale. C’est ce type de vie que menait Paul le pharisien avant sa rencontre avec le Christ Vivant sur le chemin de Damas. Nous ne pouvons pas comprendre la sainteté chrétienne sans nous référer aux propos de Paul qui parle de la folie de la croix, donc de la folie de l’amour de Dieu à notre égard. Nous ne sommes plus dans cet idéal grec et classique de mesure mais au contraire dans l’excès. La sainteté, nous le voyons, va bien au-delà d’une vie morale honnête. Elle nous met en contact avec le Dieu vivant et vrai, le Trois fois Saint, elle nous fait entrer dans la vie divine de la Trinité, communier à cet échange de vie et d’amour en Dieu même. La sainteté ne nous met pas d’abord en relation avec une Loi ou des commandements mais en relation avec le mystère même de Dieu. Elle n’est donc pas d’abord une affaire de morale, mais une affaire d’amour et de recherche spirituelle. Nous avons peur de la sainteté parce que l’idée de perfection morale nous semble inaccessible, utopique au fond. Mais si nous attendons de vivre une morale parfaite pour nous mettre en chemin, alors oui nous en resterons là où nous sommes. C’est pas à pas, humblement, que nous avons à nous lancer dans cette grande marche de la sainteté à la suite de tous les saints et de toutes les saintes de l’histoire de notre humanité. Ne restons pas au bord du chemin en nous disant : ce n’est pas fait pour nous ! C’est progressivement, choix après choix, jour après jour, qu’avec la grâce du Christ, nous avancerons sur ce chemin. Les 9 béatitudes balisent notre route. Et ces balises nous rappellent qu’il est impossible de séparer notre recherche de Dieu de l’amour du prochain : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés ! » En résumé nous avons repéré trois moyens parmi tant d’autres de progresser dans la sainteté : parcourir ce chemin avec d’autres dans l’Eglise, rechercher sans cesse le vrai visage de Dieu et agir de manière concrète au service de la justice parmi les hommes.

31ème dimanche du temps ordinaire

31eme dimanche du TO/C
31 octobre 2010
Luc 19, 1-10 (p.891)

Saint Luc nous rapporte dans cette page d’Evangile la rencontre entre Zachee et Jesus. Avec une mise en scene pleine de details et d’une originalite rare. Pour mieux entrer dans cette scene je vais tenter une comparaison, une actualisation avec les limites que comporte bien sur ce genre d’exercice...
Pour cela vous devez imaginer que vous etes une personne riche avec un rang important dans la societe. Vous etes aussi passionne par le cinema et vos acteurs preferes se nomment Leonardo di Caprio, Nicole Kidman ou encore Matt Damon. Bref des celebrites dont tout le monde a entendu parler. Et voila que vous decidez de vous rendre au festival de Cannes. Vous attendez sur la croisette le passage de votre star preferee, mais la foule vous comprime, vous n’etes pas au premier rang et votre reve serait de voir ne serait-ce que le visage de Leonardo ou de Nicole... avant qu’ils n’entrent dans le palais des festivals. Et voila que vous vient a l’esprit une idee folle : vous etes dans vos plus beaux atours et vous vous mettez a grimper sur un palmier pour etre bien sur de ne rien rater du passage des stars ! Tout le monde se moque de vous, on vous prend pour un fou et la police ne va pas tarder a venir vous arreter, mais peu importe, votre desir est tellement fort que vous en oubliez les convenances humaines. Et voici que Leonardo di Caprio passant au pied de votre palmier vous repere, s’arrete et vous invite a venir le rejoindre ! Quelle joie pour vous !

Voila toutes proportions gardees la situation qu’a du vivre notre Zachee perche sur son sycomore a Jericho. Jesus etait un peu une star dont tout le monde parlait surtout a cause de ses nombreux miracles. Mais il avait aussi de farouches opposants. Avant meme que Jesus n’entre a Jericho la nouvelle s’etait repandue parmi la population et la foule ne cessait de grandir dans la rue centrale pour voir celui dont on parlait tant. Pour certains c’etait un divertissement dans la grisaille du quotidien, d’autres etaient simplement curieux et puis, comme toujours, il y avait les admirateurs et les opposants. Le riche Zachee, le chef des publicains, cherchait a voir qui etait Jesus. Son desir allait au-dela de la simple curiosite. La formule de Luc nous le revele. Il ne dit pas : Zachee cherchait a voir Jesus mais bien « qui etait Jesus ». Ce petit homme avait pressenti un mystere derriere ce Jesus de Nazareth. Et pour tenter d’y voir plus clair le voila qui se ridiculise aux yeux de tous en grimpant sur un arbre ! En montant sur cet arbre Zachee s’abaisse en fait aux yeux de tous, il joue sa reputation de notable, haï peut-etre, mais riche et craint dans la ville. La folie de ce chef des collecteurs d’impots va susciter une rencontre inoubliable, une rencontre qui le marquera pour toute sa vie. Celui qui voulait voir Jesus est vu par Jesus. Oui, le Seigneur s’arrete au pied de son arbre et lui demande de descendre vite. Le Seigneur s’invite chez lui ! Nous comprenons alors que c’est Jesus qui cherchait Zachee bien plus que Zachee ne le cherchait... Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui etait perdu. Et le premier effet de cette rencontre avec le Seigneur c’est une joie immense qui envahit le coeur de Zachee. Avoir chez soi Jesus de Nazareth c’est bien sur infiniment plus que rencontrer une star du cinema ou une celebrite quelconque. La joie est toujours le signe de la presence de Dieu, le fruit de l’Esprit Saint. Toute la suite du recit nous montre comment a partir de cette rencontre avec le Seigneur Zachee va se transformer, se convertir et finalement accueillir le salut de Dieu manifeste en son Fils bien-aime. Le signe que Zachee se convertit ce n’est pas seulement la joie qui l’habite mais sa generosite, son sens du partage. Il n’est plus un riche egoiste et parfois malhonnete. Il va largement partager ses biens et reparer les fautes qu’ils auraient pu commettre dans l’exercice de son metier. Oui, il est vraiment transforme et c’est desormais un homme nouveau.

Je ne retiendrai pour nous qu’un enseignement de cette magnifique page evangelique. Si nous voulons vraiment connaitre la personne de Jesus, nous devons absolument faire l’experience de la rencontre et de la communion avec lui car il est Vivant aujourd’hui comme il y a 2000 ans dans les rues de Jericho. Si notre raison et notre intelligence ont leur place dans la vie de foi, c’est surtout par l’amour que nous grandissons dans la connaissance de Dieu. Et le moyen privilegie que nous avons de grandir dans l’amour de Dieu c’est bien la priere personnelle et la frequentation des sacrements, en particulieur l’eucharistie et le sacrement du pardon. Notre sycomore ou notre plamier a nous ce sont ces moments que nous reservons a la rencontre avec Jesus dans la priere communautaire et personnelle. C’est par notre fidelite a la vie de priere que peu a peu nous nous transformons sous l’influence de l’Esprit et que nous devenons capables de nous depasser dans bien des domaines. Sans cette vie de priere personnelle, sans cette spiritualite de chaque jour, notre foi risque fort de s’atrophier. Il nous restera un vernis religieux, mais Dieu deviendra pour nous une idee abstraite ou pire une ideologie. Nous serons des hommes religieux, fideles a des rites, mais nous aurons perdu le contact reel avec le Dieu vivant. Que l’exemple de Zachee relance au plus profond de notre coeur le desir de Dieu, le desir de le renconter dans la communion de son amour !

30ème dimanche du temps ordinaire

30eme dimanche du TO/C
24 octobre 2010
Luc 18, 9-14 (p. 845)

Apres la parabole de la veuve et du juge, Jesus nous enseigne a nouveau en ce dimanche par une parabole, celle du pharisien et du publicain. Et comme dimanche dernier saint Luc nous donne le but de cet enseignement en nous designant a qui il s’adresse en particulier : « pour certains hommes qui sont convaincus d’etre des justes et qui meprisent tous les autres ». Le Seigneur veut ici nous mettre en garde contre une tentation qui peut concerner les hommes pieux et religieux, donc chacun de nous dans la mesure ou nous avons le desir de vivre notre foi chretienne de maniere fervente : celle de l’orgueil spirituel. Dans la savoureuse mise en scene de la parabole, tous les details sont importants et nous permettent ainsi de mieux connaitre la nature de cette tentation. Relisons ensemble cette mise en scene avec d’un cote le pharisien et de l’autre le publicain. Pour les deux personnages qui nous sont presentes en contraste, le contexte est le meme. Tous les deux montent en effet au Temple pour y prier. La priere du pharisien est interieure, ce que nous nommerions aujourd’hui l’oraison mentale. C’est aussi une priere d’action de graces, de remerciement, donc une priere qui commence tres bien : « Mon Dieu, je te rends grace... ». Combien il est important dans notre vie spirituelle de ne pas nous limiter a la priere de demande mais de donner aussi une place de plus en plus importante a la priere de remerciement, de louange et d’adoration silencieuse ! Mais voila que la priere de cet homme qui commencait si bien va deriver et se terminer tres mal... La ou ca derape c’est dans le motif de son action de grace : « parce que je ne suis pas comme les autres hommes... ou encore comme ce publicain ». Ce pharisien est le parfait exemple de l’orgueil spirituel et cela pour deux raisons. Tout d’abord de par son sentiment de superiorite spirituelle sur les autres, sentiment qui s’accompagne inevitablement d’un jugement impitoyable sur les autres qui sont tous mauvais... Nous connaissons peut-etre des personnes qui pour se prouver a elles-memes qu’elles sont dans le bon et droit chemin eprouvent le besoin de rabaisser les autres et de les condamner. Dans cette priere qui n’en a plus que l’apparence, le pharisien ne cherche pas a entrer en relation avec Dieu. De fait il se regarde lui-meme, se contemple, se considere si bon qu’il frise l’idolatrie. Est-ce vraiment Dieu qu’il adore ? N’est-ce pas plutot sa propre perfection morale et spirituelle ? La deuxieme cause de son orgueil spirituel se trouve dans l’etalage qu’il fait de sa fidelite aux details de la Loi de Moise. Cet homme n’a pas besoin de Dieu pour etre justifie et sanctifie. Il se justifie lui-meme a travers ses oeuvres. Non seulement ce n’est plus Dieu qu’il adore mais lui-meme, mais en plus il enleve a Dieu sa prerogative de juge des coeurs. Seul Dieu nous connait vraiment, bien mieux que nous-memes ne pouvons nous connaitre. Car seul Dieu lit dans les coeurs et penetre au trefonds de nos intentions les plus secretes. C’est grace a la connaissance parfaite qu’il a de notre coeur et des motivations de nos actions et de nos paroles que Dieu est le seul juge, celui qui ne peut jamais se tromper. C’est aussi pour cela que Jesus nous interdit de juger notre prochain et de le condamner. La deuxieme lecture nous montre comment saint Paul, le pharisien converti, a vaincu cette tentation de celui qui se justifie lui-meme en presence de Dieu. Dans ce passage de sa lettre a Timothee, l’apotre affirme sa fidelite a Dieu, il a persevere dans le droit chemin. Il a tenu bon jusqu’au bout, et c’est jusqu’au bout qu’il a annonce l’Evangile aux paiens. Mais il y a une grande difference avec le pharisien de notre parabole. Paul ne tombe pas dans le peche d’orgueil, il sait, et il le dit, que sa force, donc sa fidelite a sa mission, vient de Dieu : « Le Seigneur m’a assiste, il m’a rempli de force ». Paul ne tire pas sa justice de lui-meme ou de ses bonnes actions, car il sait que sans la grace de Dieu il serait encore prisonnier de l’ignorance et du peche. La priere du publicain, dans notre parabole, est une priere de supplication : « Mon Dieu, prends pitie du pecheur que je suis ! » Nos deux personnages incarnent donc deux attitudes opposees : l’orgueil et l’humilite. Rien ne nous eloigne davantage de Dieu que l’orgueuil spirituel qui est le peche de Satan, et rien ne nous unit davantage a Dieu que l’humilite. L’humilite, l’une des plus grandes vertus chretiennes, n’est pas l’humiliation ou encore le masochisme de celui qui ne veut voir en lui que les faiblesses, les defauts et le mal en repetant a longueur de journee : je suis nul, je ne vaux rien etc. L’humilite c’est porter un regard realiste sur ce que nous sommes et reconnaitre en effet la part d’ombre qui est en nous. Blaise Pascal dans ses Pensees a tres bien percu la valeur indispensable de l’humilite comme verite dans notre vie chretienne. Oui, la verite de notre etre c’est que nous ne sommes ni ange ni bete. Nous sommes des creatures humaines. Et il nous faut savoir garder l’equilibre de la verite lorsque nous nous presentons devant le Seigneur dans la priere. Nous ne nous presentons pas comme des saints ni comme des etres qui ne seraient que peche. Nous nous presentons tels que nous sommes : comme des pecheurs pardonnes et justifies, en marche vers la saintete. Pascal conseille au chretien, a la suite de l’Evangile, d’eviter les deux tentations opposees : l’orgueil d’un cote, le desespoir de l’autre. A nous de cultiver la simple et joyeuse humilite chretienne en sachant accepter les humiliations mais surtout en choisissant de nous abaisser en presence du Seigneur et des autres.

29ème dimanche du temps ordinaire

29eme dimanche du TO/C
17/10/2010
Luc 18, 1-8 (p. 799)

Apres nous avoir entretenu de la foi et de la gratitude, le Seigneur Jesus nous invite en ce dimanche a une reflexion sur la priere. Et cela a l’aide de la petite histoire du juge et de la veuve. Parabole tellement claire qu’elle se passe de commentaires. Si Jesus nous raconte cette parabole semblable a une autre dans le meme Evangile (celle de l’homme couche derange par son ami venu lui demander du pain), c’est dans un but bien precis : « pour nous montrer qu’il faut toujours prier sans se decourager ». Cet Evangile n’est donc pas un enseignement general sur la priere et cela pour deux raisons. La premiere, evidente, c’est qu’il nous parle de l’une des caracteristiques de la priere chretienne : elle ne se decourage jamais, donc elle est perseverante. La seconde, c’est qu’il s’agit ici de l’une des formes de la priere chretienne : la priere de demande. En effet la veuve demande au juge de lui faire justice. Et nous verrons enfin le lien de cet enseignement avec la realite de la foi. Priere et foi etant bien sur inseparables.
Pourquoi donc Jesus insiste-t-il tant sur cette qualite que doit avoir notre priere, la perseverance ? Parce qu’il nous connait mieux que nous-memes ne pouvons nous connaitre. Il sait qu’a cause du peche mais aussi parce que nous sommes des etres incarnes, corps, esprit et ame, nous pouvons tres vite nous decourager dans notre vie spirituelle. Dieu peut sembler a certains moments tellement lointain ou absent... Jesus sait aussi que quand nous demandons quelque chose a Dieu dans la priere et que nous ne l’obtenons pas immediatement, nous abandonnons facilement. Nous pratiquons la priere de demande dans un esprit de rentabilite. Et s’il nous semble que nous ne sommes pas exauces nous passons a autre chose. C’est contre cette tentation que le Seigneur veut nous mettre en garde. Permettez-moi de traduire d’une maniere triviale le message de la parabole : il faut casser les pieds au Bon Dieu a la maniere de cette pauvre veuve ! Partons de nos experiences humaines les plus simples pour comprendre a quelle point notre faiblesse nous expose a baisser les bras dans le combat de la priere. Ceux parmi vous qui ont ou ont eu de jeunes adolescents et vous les jeunes vous savez par experience combien il est difficile de perseverer dans un choix. Un tel veut jouer du piano, un autre veut se mettre au tennis, un autre enfin veut creer un groupe de musique avec ses amis etc. Combien ont commence plein d’enthousiasme pour au final abandonner au bout de 6 mois ou d’un an ? Je reprends l’exemple de l’apprentissage du piano. Au debut cela demande beaucoup de travail et de patience pour tres peu de resultats. Au debut on se fait tres peu plaisir a repeter des exercices et des gammes... Ce n’est que la perseverance qui apporte la joie de bien jouer ! Bien sur la priere est d’un autre ordre, surnaturel, et tout ne depend pas de nous dans cet ordre. Car prier est d’abord une grace de Dieu, un don de son amour, puisque nous ne pouvons pas prier sans la foi et la charite. Il n’en reste pas moins vrai que pour la part qui est la notre, celle de notre liberte, la comparaison avec la perseverance dans l’apprentissage du piano nous instruit. Je pense en effet que plus nous prions, plus nous sommes fideles a la priere, plus la priere devient aise et facile. La perseverance dans la priere nous permet de gouter, si Dieu le veut, son amour, sa presence d’une maniere plus intense et plus forte. Quand je dis qu’il faut donc casser les pieds au Bon Dieu, cela doit etre compris dans le contexte de notre Evangile. La priere de demande n’a rien a voir avec le caprices des enfants qui exasperent leurs parents tant qu’ils n’ont pas obtenu ce qu’ils voulaient. La parabole nous parle d’une veuve, donc d’une femme pauvre. Voila la premiere condition pour une bonne priere de demande : se tenir comme un pauvre en presence de Dieu. C’est cette humilite qui nous permet de dire en verite : Que ta volonte soit faite ! Si dans notre priere de demande perseverante nous mettons de cote cette demande du « Notre Pere » alors nous ne sommes plus dans la priere chretienne. Enfin l’autre condition pour une bonne priere de demande, c’est Jesus lui-meme qui nous la donne avec la fin de cet Evangile : « Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Cette interrogation angoissee nous interpelle. Alors nous savons comment demander dans la priere. Il est evident que nous n’avons pas le droit de demander des choses mauvaises mais seulement ce qui nous semble bon pour nous-memes et pour les autres. Nous le faisons avec humilite, foi et perseverance. Car aucune priere n’est perdue. Enfin souvenons-nous que le miracle de la priere de demande se trouve parfois ailleurs que dans son exaucement. Car toute priere nous transforme et nous rend meilleurs. Je terminerai par un exemple illustrant cela. Si je prie pour la conversion de mon ennemi, de celui qui me fait du mal, peut-etre que lui ne changera pas. Cela ne signifie pas que je ne suis pas exauce. Car il se peut qu’a travers cette priere perseverante Dieu augmente ma force et ma patience pour aimer malgre tout cette personne antipathique ou qui me veut du mal.

28ème dimanche du temps ordinaire

28eme dimanche du TO / C
10/10/2010
Luc 17, 11-19 (p. 756)

L’Evangile de ce dimanche nous renvoie en partie a celui de dimanche dernier dans lequel Jesus mettait en avant la puissance de la foi dans notre vie : « Releve-toi et va, dit-il au lepreux purifie, ta foi t’a sauve ». Cette consigne du Seigneur au lepreux apres sa guerison nous montre non seulement la puissance de la foi mais aussi son dynamisme. Dans un acte d’adoration ce samaritain se prosterne aux pieds de Jesus. Le dynamisme de sa foi l’invite maintenant a se relever, geste qui annonce la resurrection, et a poursuivre sa route, a aller de l’avant. Jesus loue le fait que cet homme soit revenu sur ses pas pour rendre grâce, pour dire merci. Dans la foi il nous est bon de faire memoire des bienfaits recus, et l’eucharistie est en partie action de grâce pour les merveilles accomplies par Dieu dans notre histoire. Mais notre foi serait incomplete si elle ne se tournait que vers le passe. Ce lien tres fort avec Dieu nous invite bien sur a vivre le present de maniere intense, l’aujourd’hui de Dieu dans nos vies. Et l’eucharistie n’est pas seulement un memorial dans le sens du passe, c’est un memorial qui rend present aujourd’hui l’amour du Christ Ressuscite dans sa Parole et dans son Pain. Enfin nous le savons la celebration de la messe nous oriente aussi vers notre avenir et celui de notre humanite : « Nous attendons ta venue dans la gloire ». Releve-toi et va ! En celebrant l’eucharistie chaque dimanche et en communiant au Christ Vivant, si nous le pouvons, nous vivons notre foi comme une force capable de nous relever et de nous faire aller de l’avant. La foi est tout sauf une nostalgie du passe. Elle est, je le repete, un dynamisme qui fait que l’on peut avoir un coeur jeune et un grand âge ou un âge avance ! Notre foi est dans ce sens inseparable de l’esperance chretienne, esperance fondee sur la fidelite de Dieu a ses promesses et a sa parole.
La fine pointe de cet Evangile est cependant ailleurs et elle est evidente. Sur 10 lepreux purifies un seul, un samaritain, donc un etranger pour le Juif de Judee, revient sur ses pas pour glorifier Dieu et remercier Jesus. Cette page de saint Luc nous parle donc d’une attitude extremement importante pour tout chretien. Une attitude que l’on peut nommer reconnaissance, gratitude, action de grâce, merci etc. C’est l’occasion de rappeler que le mot eucharistie signifie tout simplement action de grâce, donc attitude profonde de reconnaissance et de gratitude pour Dieu notre Pere, par Jesus le Fils dans l’Esprit. Pour savoir dire merci a Dieu dans la priere et pas seulement lors de la messe du dimanche il faut deja être capable de cette attitude au niveau simplement humain. Or de plus en plus de personnes dans nos societes occidentales vivent comme si tout leur etait dû. Dire merci va bien au-dela de la simple politesse. C’est la traduction concrete d’une philosophie de vie selon laquelle je ne suis pas le centre du monde, une philosophie de la vie comme dependance des autres, relation avec les autres. Dans l’education des enfants et des jeunes, il est essentiel de leur apprendre cette tres belle attitude de la gratitude, expression privilegiee de la charite. S’il n’y a pas ce fondement humain tout simple comment vivre notre relation avec Dieu ? Ne croyons pas pouvoir transmettre aux enfants et aux jeunes l’Evangile du Christ sans en même temps leur apprendre les valeurs fondamentales de la vie humaine en communaute. Paul VI disait avec raison qu’un homme incapable d’apprecier a leur juste valeur les joies que la vie humaine lui donne sera a fortiori incapable de vivre de la joie chretienne et spirituelle. L’attitude du samaritain gueri est certes une attitude de croyant qui se sent pousse a dire de tout son coeur « merci » a Jesus. Mais elle est aussi une qualite humaine du coeur. Les 9 autres lepreux etaient certainement croyants eux-aussi, mais ils ne sont pas revenus pour dire leur joie d’être gueris. Eux ont ete simplement gueris alors que le samaritain a aussi ete sauve. Tres belle lecon de vie pour chacun d’entre nous, invitation a ouvrir les yeux et surtout le coeur pour percevoir dans la foi tout ce que nous recevons de Dieu et des autres depuis notre venue en ce monde. Reconnaitre notre dependance envers Dieu et envers nos freres ne nous rend pas moins humains, bien au contraire cette humilite nous humanise, en nous faisant grandir dans l’amour elle nous sauve. Alors reapprenons cette belle qualite du coeur, la gratitude, et la joie de Dieu nous comblera de plus en plus.

27ème dimanche du temps ordinaire

27eme dimanche du TO/C
3/10/2010
Luc 17, 5-10 (p. 707)

L’Evangile de ce dimanche aborde deux realites essentielles de notre vie chretienne : la foi et les oeuvres, deux realites qui vont de pair et sont donc inseparables.
La demande des apotres au Seigneur, « Augmente en nous la foi », est riche d’enseignements sur cette realite. Tout d’abord remarquons cette vive conscience qu’ont les apotres de leur manque de foi. Oui, leur foi est faible et ils le reconnaissent avec humilite. Ils se tournent vers Celui qui est a l’origine de la foi : Jesus en tant que Fils de Dieu. Car la foi est d’abord un don de Dieu. Elle ne resulte pas seulement de notre desir de croire en Lui. Le plus important dans la demande des apotres se trouve precisement dans le verbe « augmenter ». Cela nous rappelle que notre foi n’est pas une realite figee mais au contraire une realite dynamique. En effet du jour de notre bapteme a celui de notre mort la foi vit en nous, elle nous fait vivre dans l’union avec Dieu. Si la foi est vivante, alors comment s’etonner qu’elle connaisse des hauts et des bas, des moments d’obscurite et de lumieres ? Nous devons tout faire pour accueillir en nous une foi toujours plus grande et intense, mais souvenons-nous que Dieu peut permettre pour notre progres spirituel des nuits de la foi, des moments ou croire en Dieu n’est plus evident ni aise. Le doute dans ce sens n’est pas le contraire de la foi, il ne la supprime pas. Il la met a l’epreuve et nous pouvons ressortir de cette epreuve avec une foi plus adulte et plus mature. La reponse du Seigneur aux apotres nous donne une autre caracteristique de la foi chretienne : sa puissance. Nous sommes habitues a l’image de la foi qui deplace les montagnes, dans cet Evangile elle deplace les arbres ! Qu’est-que cela peut bien signifier ? La foi en nous unissant a Dieu nous fait participer a sa puissance. Dans la Genese lorsque Dieu cree il lui suffit d’une parole pour que la vie surgisse. Par la foi nous participons a la puissance meme de la Parole de Dieu capable de creer. Mettre notre foi en Dieu ne fait pas de nous des personnes amoindries, faibles et passives. Le dynamisme de la foi est au contraire cette force que Dieu nous donne pour etre vainqueurs de toutes les forces de mort presentes en nous-memes et dans notre monde. Et comment parler de la puissance de la foi sans evoquer au passage la puissance de la priere ? Puissance qui dans les deux cas ne signifie pas efficacite dans le sens commun du terme. L’efficacite exige un resultat ou un rendement immediat et visible. La puissance de la foi est reelle. Pour la percevoir nous devons etre capable de lire les signes de Dieu dans notre vie et dans le monde. Et lorsque nous avons une vue d’ensemble nous pouvons dire : oui, ma foi en Dieu a ete puissante, oui, ma priere a porte son fruit.
Si notre foi est vivante elle porte forcement des fruits, elle se manifeste dans notre agir, dans nos oeuvres. Et c’est l’objet de la deuxieme partie de notre Evangile avec la parabole du serviteur et du maitre. Comme toujours lisons cette parabole en lien avec les Evangiles dans leur ensemble. La fine pointe de cet enseignement n’est pas dans une description du type de rapport que nous devons avoir avec Dieu (le maitre de la parabole). Car si le chretien est serviteur de son Dieu c’est dans un sens totalement nouveau. L’esprit que nous avons recu n’est pas un esprit de peur mais bien un esprit de force, d’amour et de raison. Jesus nous l’a dit : nous ne sommes plus pour lui des serviteurs mais des amis. Notre relation chretienne avec Dieu n’est pas celle de l’esclave avec son maitre. Et dans la revelation du Nouveau testament c’est Dieu lui-meme qui se fait le serviteur de ses creatures comme le montre entre autre la scene du lavement des pieds. L’enseignement de cette parabole concerne donc le rapport que nous avons non pas avec Dieu mais avec nos oeuvres et nos actions. En nous demandant de nous considerer comme des serviteurs quelconques lorsque nous avons accompli notre devoir d’etat et notre devoir de chretiens, Jesus nous invite a l’humilite c’est-a-dire a la verite. Le danger pour nous serait de tirer orgueil de nos bonnes actions, de nous glorifier de notre fidelite aux commandements du Seigneur en oubliant que tout est grace et que notre puissance vient precisement de notre foi en lui.
Alors en ce dimanche qui est un peu l’equivalent d’une rentree tardive pour notre communaute francophone de Copenhague soyons heureux d’etre des hommes et des femmes de foi. Soyons dans la reconnaissance pour la puissance de notre foi manifestee a travers toute notre vie et toutes nos actions. Soyons certains que si nous sommes dociles au souffle de l’Esprit tout au long de cette annee scolaire, Dieu fera par nous des merveilles d’amour dans notre coeur, dans nos familles, nos lieux de vie et notre communaute de Sakramentskirke.