lundi 28 juin 2010

13ème dimanche du temps ordinaire

13ème dimanche du TO/C
27/06/2010
Luc 9, 51-62 (p. 18)
En cette fin d’année scolaire la liturgie nous fait entendre la finale du chapitre 9 de l’Evangile selon saint Luc. Le contexte est ici important. Cet Evangile se situe entre l’envoi en mission des Douze et l’envoi en mission des 72 disciples. C’est donc bien dans un sens missionnaire que nous avons à recevoir ces paroles. Le moment est en outre décisif : « Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem ». Nous sommes à un tournant de l’Evangile. Le Seigneur se dirige vers la ville sainte avec ses apôtres pour y souffrir sa Passion et y mourir sur le bois de la croix. Et cela nous dit aussi quelque chose des moyens de la mission. C’est par la faiblesse de la Croix que Jésus sauvera notre humanité. C’est par l’offrande de sa personne et de sa vie par amour qu’il nous attirera vers le Père. La seule puissance dont Dieu dispose est précisément celle de son amour infini.
Je commencerai par méditer rapidement la deuxième partie de notre Evangile. Nous avons trois exemples d’hommes, anonymes, auxquels le Seigneur rappelle les exigences de la mission à sa suite. Pour annoncer le Règne de Dieu il faut avoir en soi certaines dispositions. Ce qui est commun à ces trois exemples c’est la nécessité du détachement pour celui qui veut suivre Jésus. Détachement vis-à-vis d’un certain confort de vie, détachement aussi par rapport aux liens humains et familiaux. Nul ne peut commencer à vivre ces exigences s’il ne met pas d’abord toute sa confiance en Dieu. C’est bien une question de foi totale. C’est par la force de cette foi que le disciple peut répondre à Jésus par un « oui » sans conditions ni retard. Le détachement est la condition nécessaire à la liberté du disciple. Celui qui suit Jésus doit devenir un homme libre qui se laisse conduire par l’Esprit. Etre libre ici ne signifie pas faire sa propre volonté, mais, comme Jésus, rechercher et accepter la volonté du Père. Ceci nous amène à méditer maintenant la première partie de notre Evangile.
Les Samaritains et les Juifs ne s’aimaient pas. Ils avaient même leur propre temple. De la Galilée à la Judée, Jésus doit traverser ce territoire de la Samarie. Et voilà qu’un village refuse de l’accueillir lui et ses disciples. Saint Luc nous en donne la raison : « parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem ». Notons ici l’étroitesse d’esprit des samaritains, signe d’une humanité divisée par le péché. Ne croyons pas avoir affaire à une vieille histoire du passé. En tant que curé j’ai connu la mesquinerie de l’esprit de clocher entre certains catholiques… qui refusaient d’aller à la messe dans le village d’à côté parce que c’étaient un peu des « ennemis »… Et voilà que Jacques et Jean, deux apôtres, proposent au Seigneur de punir de manière forte ces samaritains peu accueillants : « Veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ? » Souvenons-nous du contexte : Jésus monte à Jérusalem pour y souffrir sa Passion et mourir crucifié… Nos apôtres en sont restés à l’Ancien Testament, aux bonnes vieilles méthodes… Ici s’exprime la tentation du fanatisme religieux. Ce fanatisme est une caricature honteuse de la vraie foi et de la religion authentique. Il s’agit finalement d’imposer la vérité par la force. Il s’agit de s’imposer par tous les moyens possibles en bafouant la conscience et la liberté de ceux qui ne partagent pas nos convictions. Beaucoup de pages sombres de l’histoire de notre Eglise relèvent de ce fanatisme religieux. Et si en Occident il y a tant de personnes qui sont athées et refusent la religion, c’est en grande partie à cause de cela. C’est à cause de ce contre-témoignage que le pape Jean-Paul II a publiquement demandé pardon à Dieu lors du Jubilé de l’an 2000. Maurice Zundel écrivait en 1966 : « On peut dire que l’immense majorité des peuples n’ont pas choisi leur religion. Elle leur a été imposée. Or, une religion imposée ne peut pas être une religion mystique : ce ne peut être qu’une religion-objet, une religion prise du dehors ». Et nos évêques affirmaient dans leur lettre aux catholiques de France : « Entre Dieu et l’homme il ne s’agit jamais d’un rapport de forces, mais d’un rapport de liberté et, en dernière instance, d’une relation de confiance et d’amour ». Jésus, nous le voyons, ne rentre pas dans le projet punitif de ses apôtres. Au contraire il les interpelle vivement, il les réprimande et les remet ainsi dans l’axe de leur mission. La mission des apôtres n’est pas de punir au nom de Dieu. Ils doivent manifester au contraire la miséricorde et l’amour du Seigneur pour tous, en particulier pour les pécheurs et les ignorants. Quelques chapitres plus loin dans le même Evangile, le Seigneur Jésus parle lui aussi d’un feu. Non pas un feu vengeur qui tue les hommes, mais le feu issu de son cœur aimant par lequel il veut les attirer au Père. Non pas la force qui punit et contraint, mais la faiblesse d’un Dieu crucifié, désarmé, qui nous sauve et nous relève avec une patience infinie :
Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé !
Je dois recevoir un baptême, et comme il m'en coûte d'attendre qu'il soit accompli !

mercredi 16 juin 2010

11ème dimanche du temps ordinaire

11ème dimanche du TO/C
13/06/2010
Luc 7, 36- 8, 3 (p.1065)
Nous connaissons l’importance des repas dans les Evangiles. Jésus répondait volontiers aux invitations qu’on lui faisait, qu’elles viennent des pharisiens comme ici, de ceux qui étaient considérés comme des pécheurs ou encore du petit cercle de ses amis intimes. Le Seigneur était à l’aise avec tous. Il n’était pas l’homme d’une classe sociale ou d’une catégorie de la population. Il était à l’aise avec tous parce qu’il était, en tant que Fils de Dieu, suprêmement libre. Il ne dépendait ni du regard des autres ni de leurs jugements ni du quand dira-t-on… mais de la volonté du Père, volonté de salut pour tous les hommes. Et c’est lors d’un repas sacré, celui de la dernière Cène, que le Seigneur institua le sacrement de l’eucharistie. Ce sacrement que nous célébrons chaque dimanche a bien la forme d’un repas. Le repas est rassemblement autour de la table commune, celle de la famille ou des amis. Dans un repas nous ne faisons pas que manger et boire. Mais nous échangeons aussi le pain de la parole etc. Tout cela se retrouve à un niveau divin dans le sacrement de la messe.
Peu avant notre texte, Jésus lui-même rappelle dans l’Evangile selon saint Luc la mauvaise réputation qui était la sienne chez les honnêtes gens de la société de son temps : « Voilà un mangeur et un buveur de vin, un ami des collecteurs de l’impôt et des pécheurs ! » Ici notre Seigneur répond donc à l’invitation d’un pharisien, donc d’un observateur scrupuleux de la Loi de Moïse. Il est précisément chez une personne honnête. Et voilà qu’une femme, dont nous ne savons pas le nom, vient déranger ce repas, cette rencontre entre le pharisien et le Maître. Luc la qualifie de pécheresse. Le décor de la scène nous est ainsi donné : d’un côté l’observateur de la Loi, de l’autre la pécheresse. Saint Luc reflète la division religieuse entre les personnes dans la société juive de son temps. Une division qui donne deux camps : les justes d’un côté, les pécheurs de l’autre. Le repas, lieu de communion, va devenir lors de cette scène un lieu de division à cause de cette intruse. En plus cette femme est démonstrative. Et voilà qu’à la vue de ce spectacle une pensée intérieure surgit chez le pharisien : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse ». La pensée du pharisien nous instruit sur deux points qui sont au cœur du message de cet Evangile. Le premier porte sur l’identité de Jésus. Souvenons-nous que peu de temps avant, dans le même chapitre, c’est Jean-Baptiste lui-même qui semblait pris par le doute : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Ici le pharisien doute de la qualité de prophète attribuée à Jésus par certains. S’il réserve un aussi bon accueil à une pécheresse, c’est le signe évident qu’il n’est pas un homme de Dieu… Le second point porte sur le jugement émis par celui qui se considère juste sur cette femme : elle est une pécheresse. Jugement qui enferme cette femme dans son péché et la réduit à ce seul aspect de sa personne et de sa vie. Les nouveautés du langage contemporain prêtent parfois à rire… Mais certaines traduisent cette volonté de ne pas enfermer une personne dans une case. Au lieu de dire un handicapé ou un homosexuel par exemple, on dira volontiers une personne handicapée ou une personne homosexuelle. Ces manières de parler sont dans la logique de l’Evangile qui nous demande de ne pas juger, et encore moins condamner, notre prochain, même s’il est différent ou pécheur. En nous demandant de ne pas juger Jésus nous demande de ne pas nous mettre à la place de Dieu, car lui seul a autorité pour juger, lui seul est le juste juge. Le Seigneur lit dans les pensées de Simon et lui propose la petite parabole des deux débiteurs. Cette parabole nous enseigne d’abord que nous sommes tous pécheurs. Elle brise la division entre hommes justes et hommes pécheurs. Le seul homme juste ayant jamais existé c’est Jésus. Simon, l’honnête pharisien est lui aussi pécheur… La preuve, il vient d’enfermer cette femme dans son péché, il vient de la mépriser en la jugeant. Cette parabole enseigne aussi que les grands pécheurs lorsqu’ils s’approchent du Seigneur Jésus sont enflammés d’un amour plus ardent et intense que les personnes simplement honnêtes… Il y a comme un lien de réciprocité entre le pardon accordé par Dieu et l’amour du pécheur réconcilié. Cette femme a beaucoup aimé Jésus, elle le lui a montré par son audace et ses gestes de vénération et de tendresse. Cet amour attire sur elle la miséricorde du Seigneur. Et le pardon accordé et reçu la fait encore grandir dans l’amour pour Dieu. Le rapport entre la miséricorde et l’amour est comparable à un cercle. Si l’amour de Dieu pour nous est toujours premier et nous précède, notre amour pour lui le presse en quelque sorte à exercer sa miséricorde. La fin de l’Evangile répond d’une manière magnifique à la question sur l’identité de Jésus : non seulement il est prophète, envoyé par Dieu, mais il est bien plus. Puisqu’il a le pouvoir de pardonner les péchés et de réconcilier les pécheurs avec Dieu, c’est bien le signe qu’il est vraiment homme et vraiment Dieu, Fils du Dieu vivant venu non pas pour nous condamner mais pour nous sauver !

dimanche 6 juin 2010

SAINT SACREMENT

Le Saint Sacrement / C
6/06/2010
Luc 9, 11-17 (p. 1190)
Dimanche dernier nous avons fêté celui qui est au cœur de notre foi chrétienne : Dieu dans son mystère trinitaire, le Dieu unique, communion d’amour entre le Père, le Fils et le Saint Esprit. En ce dimanche nous fêtons le Saint Sacrement de l’eucharistie, c’est-à-dire le sacrement par excellence. Si le baptême est le fondement de toute notre vie chrétienne, l’eucharistie en constitue le sommet et le centre permanent. L’eucharistie, nous le savons, est liée d’une manière particulièrement forte à la célébration chrétienne du jour du Seigneur, le dimanche. Cette fête en l’honneur de l’eucharistie située après le dimanche de la Sainte Trinité nous redit le sens trinitaire de la célébration de la messe. Spontanément quand nous pensons à la messe nous pensons à Jésus qui a institué ce sacrement lors de la dernière Cène, nous pensons bien sûr au don de son Corps et de son Sang offerts en sacrifice pour que nous puissions communier à sa vie divine et nous en nourrir. Nous oublions peut-être la dimension trinitaire de l’eucharistie. Remarquons bien que la plupart des prières de la messe s’adressent non pas au Fils mais au Père. Cela est particulièrement vrai pour la grande prière eucharistique. Cette prière se termine par les mots suivants dits ou chantés par le prêtre : « Par lui, avec lui et en lui, à toi, Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du Saint Esprit, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles. » Ce à quoi l’assemblée des fidèles répond : « Amen ». Le Saint Sacrement de la messe est donc bien une prière, une offrande adressée au Père par le Fils dans l’Esprit.
Pour cette solennité l’Eglise nous fait entendre en ce dimanche le récit de la multiplication des pains en saint Luc. Cet événement n’est pas directement en lien avec l’eucharistie. Mais l’évangéliste nous le rapporte en pensant à ce grand sacrement. La multiplication des pains a sa place entre deux autres événements. En faisant ce geste le Seigneur Jésus se situe dans la suite de Moïse qui demanda à Dieu de nourrir le peuple au désert. Jésus se situe surtout à la place même de Dieu puisque c’est Dieu qui donna la manne au peuple affamé. En faisant ce geste le Seigneur Jésus annonce aussi le don de l’eucharistie, le don du pain de vie. Ce sont les Douze qui prennent l’initiative non pas de nourrir la foule des auditeurs mais de les renvoyer dans des lieux habités pour qu’ils puissent manger. Les apôtres sont des hommes réalistes nous le voyons, avec les pieds bien sur terre. La réponse du Seigneur à ces hommes a de quoi les déstabiliser : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Il sait très bien, lui, le Maître et Seigneur, qu’ils n’ont pas assez de nourriture pour nourrir cette foule… Par cette parole quelque peu provocatrice il veut toutefois les faire avancer dans la compréhension de leur mission. Ils ne sont pas là pour renvoyer les gens mais bien pour les nourrir de la Parole de Dieu. C’est la première partie de notre messe. Les Douze restent des hommes réalistes : « Nous n’avons que cinq pains et deux poissons… ». Remarquons au passage qu’ils n’ont pas pris au pied de la lettre les consignes que Jésus leur a données en les envoyant en mission… «N'emportez rien pour la route, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent ; n'ayez pas chacun une tunique de rechange. » Les apôtres confessent donc leurs limites humaines : « Nous n’avons que… » En cette année sacerdotale qui touche à sa fin cela nous redit que les ministres de l’eucharistie sont de pauvres hommes pécheurs. Et que dans l’eucharistie ils ne sont que des serviteurs secondaires. Que demande Jésus aux apôtres ? De faire le miracle ? Non, mais de préparer la foule à recevoir le don de Dieu : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante. » Les Douze obéissent. Là se trouve la grandeur du prêtre : non pas se mettre à la place du Christ mais lui obéir. C’est Jésus et lui seul qui peut réaliser ce miracle, comme c’est Jésus et lui seul qui peut faire qu’un peu de pain devienne son Corps offert pour nous. Et Jésus lui-même dépend d’un autre, de son Père : « levant les yeux au ciel… ». Finalement c’est du Père que viennent tous les dons : la manne autrefois, le pain multiplié, le pain de l’eucharistie. Oui, tout vient du Père par le Fils dans l’Esprit. Les apôtres ont préparé le miracle, et maintenant ils sont chargés d’en distribuer les fruits à la foule. Le prêtre catholique est un Jean-Baptiste, il doit préparer le peuple à la rencontre du Seigneur dans l’Eucharistie. Non seulement en observant fidèlement le rite de l’Eglise mais en s’impliquant avec toute sa foi et son amour dans la célébration de ce mystère. Pendant la consécration il s’efface. Il agit « in persona Christi ». Ce qui ne veut pas dire « à la place du Christ ». Ce qui signifie plutôt que le prêtre est alors un pur instrument de la grâce par lequel le Christ Ressuscité se donne à ses fidèles dans l’offrande de son Corps et de son Sang au Père. « Tous mangèrent à leur faim ». L’eucharistie comme nourriture de l’âme nous comble et nous rassasie. Le pain de vie est surabondant : il en reste 12 paniers ! La grâce que nous avons à demander est peut-être celle de la faim spirituelle et du désir de Dieu. L’Eucharistie est en effet la rencontre du don de Dieu et de notre faim spirituelle. Amen.