dimanche 31 janvier 2021

Quatrième dimanche du temps ordinaire/ année B

 

31/01/21

Marc 1, 21-28

Nous suivons avec saint Marc les premiers pas de Jésus en Galilée. L’épisode de ce dimanche se situe le jour du Sabbat dans la synagogue de Capharnaüm. Jésus y enseigne et délivre un homme tourmenté par un esprit mauvais. L’évangéliste souligne à deux reprises l’autorité avec laquelle le Seigneur donne son enseignement :

On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes.

Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité !

Notre époque connaît une crise de l’autorité qui commence par celle des parents à l’intérieur de la famille et s’étend jusqu’aux responsables politiques et religieux en passant par l’école, la police et la justice. L’autorité authentique est un don au service des personnes et de la société. Je vais citer un peu longuement quelques réflexions de Bernard Romain sur l’autorité. « L’autorité, du latin auctoritas, se rattache par sa racine au même groupe qu’augere (augmenter). L’autorité est donc le moyen de « tirer vers le haut », de « tirer le meilleur de chacun ». L’autorité est le pouvoir d’obtenir, sans recours à la contrainte, un certain comportement de la part de ceux qui lui sont soumis. L’autorité c’est la capacité d’obtenir l’obéissance sans recourir à la force. L’exercice de l’autorité suppose un consentement de celui sur qui elle s’exerce, donc, de sa part, une reconnaissance de la personne dont émane l’autorité. L’autorité implique donc une relation librement consentie. Elle rejette la contrainte, la pression, l’intimidation ou la menace. Tout se passe comme s’il y avait, dans l’autorité, un caractère naturel, une forme d’évidence. » De ces réflexions je retiens le caractère naturel de l’autorité et le fait qu’elle ne s’oppose pas à la liberté. Au contraire elle permet même à la liberté de grandir. C’est bien ce qu’ont dû percevoir les contemporains de Jésus dans la synagogue en écoutant son enseignement. Contrairement aux scribes, Jésus avait une autorité naturelle qui suscitait l’étonnement. Alors d’où venait la différence entre Jésus et les maîtres religieux de son temps ? On pourrait répondre en mettant en avant sa divinité, cette divinité que justement il ne veut pas révéler. C’est pourquoi il fait taire l’esprit impur qui a reconnu en lui bien plus qu’un Juif pieux et rempli de sagesse. Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. L’autorité de Jésus était naturelle non seulement parce qu’il était le Fils de Dieu mais d’abord parce qu’il était Saint. Pour mieux le comprendre regardons ce que le Seigneur reproche aux maîtres de la Loi dans l’Evangile selon saint Matthieu :

Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens…

L’image des pesants fardeaux imposés aux autres peut très bien nous faire penser au discours habituel de la plupart des responsables politiques et économiques qui demandent aux citoyens et aux salariés de faire des efforts, des sacrifices, de se serrer la ceinture… mais qui se gardent bien de remettre en cause tous leurs privilèges et leurs confortables salaires… Les sacrifices, c’est bon pour le peuple, pour les autres, mais pas pour eux qui prétendent, bien à tort d’ailleurs, être l’élite du pays… Ce qui ruine toute autorité, c’est bien le fossé entre d’un côté les paroles et les principes, et, de l’autre, les actes et les comportements. Ils disent et ne font pas… Ce fossé est tellement grand que l’on parle de moralisation de la vie politique sans jamais réussir à la traduire dans les faits. La sainteté de Jésus, source de son autorité naturelle, consiste dans l’adéquation entre ses paroles et ses actes. Remarquez aussi comment la sainteté de Jésus va de pair avec son amour miséricordieux. Au plus une personne est réellement sainte, au moins elle condamne et juge les autres, au plus elle est capable de miséricorde et de pardon. Enfin l’autorité de Jésus provient du fait que lorsqu’il parle de Dieu, il n’en parle pas comme un livre de catéchisme ou une leçon bien apprise. Ses auditeurs perçoivent immédiatement que Jésus vit de Dieu, qu’il a une expérience intime de celui qu’il appelle son Père. Il n’est pas un professionnel de la religion comme les scribes, il est un mystique, une personne qui vit de l’union permanente avec Dieu. Nous comprenons mieux pourquoi dès ses premières apparitions en public Jésus a frappé d’étonnement ses contemporains. Son autorité naturelle provenait à la fois de l’exemple donné et du partage d’une expérience spirituelle vécue au plus profond de son être. Ou pour le dire autrement on ne peut enseigner avec autorité que par l’exemple et parce que l’on a assimilé dans les profondeurs de son cœur et de son âme l’objet de son enseignement.

lundi 18 janvier 2021

Deuxième dimanche du temps ordinaire / année B

 

17/01/21

Jean 1, 35-42

En ce dimanche nous commençons la première partie du temps ordinaire entre le temps de Noël et le carême qui, cette année, débutera le 17 février. Le temps ordinaire nous est donné par l’Eglise pour suivre le Seigneur Jésus dans son ministère, pour écouter ses enseignements et contempler ses actes. Cette année nous le ferons plus particulièrement sous la conduite de saint Marc. Ce dimanche fait exception puisque nous venons d’écouter un passage de l’Evangile selon saint Jean se situant après le baptême du Seigneur. Il est logique qu’au commencement du temps ordinaire nous écoutions un Evangile du commencement de la mission du Seigneur, un Evangile qui nous fait passer de Jean à Jésus. Jean désigne Jésus à deux de ses disciples en disant : Voici l’Agneau de Dieu. Par ces paroles que nous reprenons à chaque messe, Jean prophétisait la passion et la mort violente de Jésus en croix. De la même manière que les agneaux étaient sacrifiés dans le temple, Jésus se donnera un jour lui-même en sacrifice et acceptera de mourir pour être notre Sauveur.

Les deux disciples entendirent ce qu’il disait, et ils suivirent Jésus. L’effet immédiat de la parole de Jean est puissant. Ses disciples deviennent les disciples de Jésus. Ils comprennent que Jean n’était là que pour un moment, pour les introduire à la rencontre avec le Christ. Au cœur de cet Evangile nous trouvons un dialogue entre les deux disciples et Jésus :

« Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : «Maître, où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez, et vous verrez. »

Nous ne savons pourquoi les disciples en entendant Jean ont décidé de suivre Jésus. Celui-ci, se retournant vers eux, le leur demande : Que cherchez-vous ? La foi comporte toujours cet élément de la recherche. La foi est toujours dynamique. Elle exige de nous un approfondissement toujours renouvelé de notre relation avec le Seigneur. La foi nous pose finalement cette question : Que cherchons-nous dans notre vie ? Qu’est-ce qui est pour nous le plus important ? Où trouvons-nous la source de notre bonheur et le courage de vivre malgré les difficultés et les obstacles ? Les Grecs, créateurs de la philosophie, et à leur suite les Romains, se sont posé la grande question : qu’est-ce qu’une vie heureuse pour les mortels ? Que signifie réussir sa vie ? Et des histoires comme celle d’Ulysse ont constitué une partie de la réponse qu’ils ont donnée à cette question éternelle qui habite le cœur de tout homme. La réponse des deux disciples à la question de Jésus, Maître, où demeures-tu ?, se présente sous la forme d’une question et non pas d’une affirmation. Leur réponse n’a pas été : nous cherchons le bonheur ou encore la vie éternelle… Mais bien nous voulons savoir où tu demeures. Il me semble évident qu’à ce moment-là ils n’ont pas demandé l’adresse de Jésus qui avait tendance justement à ne pas avoir d’adresse ou de résidence fixe… Mais qu’à travers cette question, ils voulaient connaître Jésus, ils voulaient savoir qui il était réellement. Au niveau simplement humain, la maison ou l’appartement d’une personne peut nous révéler bien des choses sur ses goûts, son caractère, ses valeurs etc. Une maison révèle souvent quelque chose de notre intimité. Le lecteur de l’Evangile de Jean sait depuis le début que Jésus est la demeure de Dieu, le Verbe auprès de Dieu. Et Paul affirme : En lui, dans son propre corps, habite toute la plénitude de la divinité. Mais les deux disciples n’en sont pas encore là ! La réponse du Seigneur nous dit ce qu’est la foi, ce que signifie être son disciple : Venez, et vous verrez. Ou pour le dire autrement : venez, et vous comprendrez, vous recevrez la lumière de la foi. Le premier pas de la foi, toujours à renouveler, consiste simplement à faire confiance à Jésus, à accepter de ne pas tout comprendre immédiatement. Il s’agit d’abord de rester auprès lui comme on aime passer du temps auprès d’un ami. Jésus, dans sa réponse, nous décrit la foi, la relation avec lui, d’abord comme une expérience, et c’est l’amour qui préside à cette expérience. La foi ne consiste pas à comprendre intellectuellement qui est Dieu ou qui est son Fils Jésus, chose d’ailleurs impossible tant que nous sommes pèlerins sur cette terre. Si nous faisons confiance, nous verrons. Si nous restons auprès de Jésus dans l’amour et la prière, nous verrons. Alors seulement notre intelligence recevra un rayon de la divine lumière et nous progresserons dans la connaissance du mystère de Dieu sans jamais véritablement le comprendre. C’est encore avec saint Paul, dans sa lettre aux Ephésiens, que je terminerai cette méditation :

Ainsi vous serez capables de comprendre avec tous les fidèles quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… Vous connaîtrez ce qui dépasse toute connaissance : l’amour du Christ. Alors vous serez comblés jusqu’à entrer dans toute la plénitude de Dieu.