dimanche 22 mai 2011

5ème dimanche de Pâques

5ème dimanche de Pâques / A
22/05/2011
Jean 14, 1-12 (p. 625)

Dans ce temps liturgique entre Pâques et l’Ascension, l’Eglise nous fait entendre un Evangile situé avant l’événement de la résurrection. Nous nous retrouvons avec les apôtres autour de Jésus dans une atmosphère faite d’intimité et de questionnements. Le moment est solennel, le Seigneur sait que le lendemain il devra souffrir sa Passion. Ces paroles appartiennent donc au Testament du Seigneur. Et dans ce Testament il y a une annonce de la résurrection et de la vie que Jésus glorifié veut partager avec chacun d’entre nous: Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi. Dimanche dernier, Jésus s’est présenté à nous comme le Bon Berger venant en ce monde pour que nous ayons la vie en abondance. Cet Evangile brille déjà des lumières de Pâques. Ce Testament est rempli d’espérance.
Ces paroles, prononcées à l’occasion du dernier repas au cours duquel l’Eucharistie fut instituée, sont à la fois un appel et une révélation.
Avant de donner sa vie pour que nous ayons la vie en abondance le Seigneur Jésus nous lance un appel pressant : Croyez en moi comme vous croyez en Dieu. Au moment du doute et du questionnement, le Maître indique à ses disciples la seule force qu’ils ont à leur disposition, la force de la foi en Lui. Il les supplie : « Faites-moi confiance, car je suis le Fils de Dieu, l’envoyé du Père ». Il s’agit pour ces hommes qui ont tout quitté pour le suivre de le suivre jusqu’au bout. Il s’agit pour eux de remettre leur vie, leur espérance entre ses mains à Lui, entre ces mains qui demain seront clouées sur le bois de la croix, et qui sembleront impuissantes. Ces saintes mains qui n’ont cessé de faire le bien et de bénir. La suite montrera que cet appel à croire n’aura été que très peu entendu… Seul Jean était présent avec les saintes femmes au pied de la Croix. Notre foi en Jésus, Fils de Dieu, est une force qui nous permet de ne pas être paralysés par la peur : Ne soyez donc pas bouleversés. L’originalité de notre foi chrétienne se révèle justement dans la place unique et centrale de cet homme-Dieu nommé Jésus de Nazareth. Le chrétien ne se définit pas d’abord comme celui qui croit en Dieu, mais bien comme celui qui croit en Jésus Sauveur, révélation du Père pour nous. Nous ne sommes pas des déistes qui croient en une vague entité supérieure. Pour nous Dieu a un visage humain, et c’est celui de Jésus-Christ : Celui qui m'a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : 'Montre-nous le Père' ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Oui, notre Dieu n’est pas abstrait, un être suprême très éloigné de nous, mais il est le Père de Jésus-Christ. Nous le contemplons dans la sainte Face de Jésus, visage tour à tour souriant, rayonnant de beauté intérieure, en pleurs, douloureux, humilié, bafoué, lumineux, glorieux, et resplendissant de la vie divine. Notre Dieu n’est pas d’abord un être transcendant, une généralité sans nom, mais une communion de personnes, c’est le mystère de la Sainte Trinité.
Cet homme unique qui nous sauve d’une vie absurde, sans espérance et privée de sens ultime, se révèle à nous comme le Chemin, la Vérité et la Vie. Au moment même où il va entrer dans la plus grande faiblesse et laisser bafouer en Lui, sans se plaindre ni se défendre, le Dieu vivant et vrai, il ose affirmer : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ».
Oui, Jésus Vivant, toi que nous célébrons en ce temps de Pâques, tu es pour chacun de nous le Chemin. Tu nous fais comprendre peu à peu que croire en Toi c’est un long chemin, avec ses étapes, ses peines et ses joies, jusqu’à la grande épreuve de la mort. Croire en Toi c’est essayer de mettre le chemin de nos vies en accord avec ta parole et tes exemples. Tu es la Vérité, une vérité qui nous rend libres de tout mal, une vérité qui nous fait avancer sans avoir peur, une vérité qui nous donne la joie de vivre. Tu es la plénitude de la vérité sur nous-mêmes et sur Dieu notre Père. Tu nous fais participer à ta vérité dans l’Eglise non pas pour que nous devenions des fanatiques utilisant ta vérité pour condamner et juger les autres. Mais bien pour que nous soyons les serviteurs de ce que tu nous donnes gratuitement, sans aucun mérite de notre part. Ô Jésus, apprends-nous à ne jamais séparer ta vérité de ton amour dans nos paroles, nos actes et nos pensées. Ta vérité a toujours le visage de la bonté, de la miséricorde et du pardon. Ô Jésus, tu es la Vie en surabondance, la vie de la Sainte Trinité communiquée à nos cœurs par le don de l’Esprit et par les sacrements. Donne-nous la force d’être les témoins de la valeur de toute vie humaine et de la beauté de notre vocation de fils de Dieu. Donne-nous le désir de faire grandir en nous ton visage et de révéler à nos frères leur beauté intérieure. Et pardonne-nous nos manques de foi en toi et dans nos frères. Amen

dimanche 8 mai 2011

3ème dimanche de Pâques

3ème dimanche de Pâques / A
8/05/2011
Luc 24, 13-35 (p. 527)

Parmi les Évangiles de Pâques le récit des disciples d’Emmaüs en saint Luc est unique. Non seulement parce que seul saint Luc en fait le compte-rendu (saint Marc le mentionne en passant), mais en raison des témoins choisis ici par Jésus, trois jours après sa mort. Il s’agit en effet de deux disciples presque anonymes et dont nous ne connaissons l’existence qu’à travers ce récit. C’est une différence de taille avec les manifestations du Ressuscité aux saintes femmes et aux apôtres. Un passage de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens nous rappelle cette diversité des témoins du Christ ressuscité :
« Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j'ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il a été mis au tombeau ;il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, et il est apparu à Pierre, puis aux Douze ; ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois - la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont morts - ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l'avorton que je suis. »
Le fait que les disciples d’Emmaüs ne soient pas des disciples connus, le fait qu’ils soient de simples disciples sans faire partie du groupe des apôtres, nous les rend immédiatement très proches. Le seul dont nous connaissons le nom, Cléophas, n’est pas dans le calendrier des saints comme Marie-Madeleine, Pierre, Jean, Thomas ou encore Paul. Cette manifestation du Ressuscité à ces deux hommes peut donner lieu à des interprétations très riches et intéressantes. On peut faire, par exemple, une lecture sacramentelle de ce récit en y reconnaissant les deux parties principales de l’eucharistie : la liturgie de la Parole et la fraction du Pain.
Je voudrais en ce dimanche vous proposer deux points de méditation. Le premier concerne notre espérance chrétienne. Le second aborde la présence du Christ dans nos vies.
Les deux disciples quittent Jérusalem, ville sainte devenue pour eux ville maudite : lieu du supplice et de l’échec de leur Maître. C’est trop peu de dire qu’ils sont tout tristes. Ils sont découragés et désespérés. Le premier message de ce récit est paradoxal. Il est parfois bon pour nous de passer par le découragement et le désespoir. Car malgré tout leur amour pour Jésus, leur espérance était encore trop humaine, trop terre à terre, trop politique en un mot : il avait réduit la mission de Jésus et ne l’avait donc pas comprise. Comme si le Fils de Dieu était venu partager notre humanité, souffrir sa Passion et sa mort pour libérer Israël du pouvoir de l’occupant romain ! Quand nous passons nous-aussi par des moments de doute et de découragement, nous avons peut-être à nous poser la question suivante : Mon image de Dieu, ma représentation de Jésus est-elle vraiment chrétienne ? Est-elle fidèle à ce que la Parole de Dieu m’en révèle ? Mon espérance est-elle vraiment chrétienne ? Je vais donner un seul exemple pour illustrer cela. En Europe les chrétiens pourraient en effet être tentés par le découragement en regardant les statistiques : baisse de la pratique dominicale, baisse des vocations sacerdotales et religieuses, indifférence massive de nos contemporains à l’égard de la religion etc. En 1978 le bienheureux Jean-Paul II nous avait proposé un autre chemin que celui des lamentations, il nous avait dit : « N’ayez pas peur ! » En tant que disciples de Celui qui a accepté de passer par la mort de la Croix pour connaître la gloire de la résurrection il serait étrange que nous mettions notre espérance dans des statistiques. Il serait encore plus étrange que nous refusions une certaine forme de mort d’une manière de vivre le christianisme en Europe. Cela n’est certes pas réjouissant, c’est une épreuve pour nous, croyants. Mais si nous avions assez de foi, nous n’aurions pas peur et nous nous rappellerions la parole du Ressuscité à ses deux disciples :
« Vous n'avez donc pas compris ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ? »
Ne rêvons plus d’être une majorité influente et puissante. Rêvons seulement d’être de véritables disciples du Christ, si possible toujours plus fidèles à sa Parole et donc toujours plus saints. Pour fonder son Église le Seigneur n’a pas recruté des troupes de propagandistes puissants et riches, mais il a choisi 12 hommes faibles et pauvres. Et c’est à partir de cette minorité apparemment insignifiante que la Parole de Dieu s’est répandue dans le monde entier.
Mon deuxième point de méditation me servira de conclusion et porte sur la présence du Christ dans le récit de Luc et dans nos vies. Mettons en parallèle le début et la fin de cet Évangile. Sur la route tout d’abord : Or, tandis qu'ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même s'approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissaient pas. Dans l’auberge ensuite : Quand il fut à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Jésus Ressuscité jouerait-il à cache-cache avec nous ? Il se rend présent aux disciples, ils ne le reconnaissent pas. Et quand enfin ils le reconnaissent, il disparaît ! La manière de faire du ressuscité nous rappelle qu’il est le Fils du Dieu caché. Nous ne pouvons pas mettre la main sur Dieu. Il demeure l’insaisissable. Et Jésus l’a fait aussi comprendre à Marie-Madeleine : Cesse de me tenir, je ne suis pas encore monté vers le Père. Va plutôt trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.
Oui, Jésus Vivant est présent à son Église et à chacun de ses disciples, particulièrement dans la célébration de l’eucharistie, dans la prière et l’annonce de l'évangile. Mais nous ne pouvons jamais le posséder ou le retenir entre nos mains. C’est pour cette raison que nous serons toujours des chercheurs de Dieu. Un croyant qui oublierait cela serait dans l’illusion. Si Dieu se révèle et se cache à la fois, c’est pour faire grandir en nous le désir de la communion avec lui, c’est pour nous éviter d’avoir une espérance seulement humaine et réduite. L’absence apparente de celui que nous aimons peut blesser notre cœur du feu de l’amour divin. C’est ainsi que Dieu peu à peu, si nous sommes fidèles, transforme notre cœur de pierre en un cœur brûlant d’amour comme celui des disciples d’Emmaüs. La vie chrétienne est toujours en même temps une grâce et une épreuve car elle consiste à s’unir à celui qui en passant par la mort est devenu le Vivant.

dimanche 1 mai 2011

2ème dimanche de Pâques

2ème dimanche de Pâques / A
1er mai 2011
Jean 20, 19-31 (p. 478)

En ce dimanche de l’octave de Pâques, l’Evangile nous ramène au soir du jour de la résurrection du Christ. Cette page évangélique comprend deux parties séparées entre elles par 8 jours. Je laisserai de côté l’épisode de l’apparition à Thomas pour me concentrer sur la première partie : la manifestation du Ressuscité à ses disciples. L’expérience qu’ils font du Ressuscité présent au milieu d’eux va les transformer. Ils vont en effet passer de la peur à la joie. J’y reviendrai.
Mais regardons d’abord le message de Pâques que Jésus leur adresse. Ce message est d’abord un don, il est ensuite un envoi en mission. Jésus Vivant se manifeste en effet à eux avec un double cadeau. Vainqueur pour toujours de la mort, il ne revient pas parmi eux les mains vides. Ce double cadeau est l’accomplissement d’une promesse qu’il leur avait faite le soir du jeudi saint. « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Ne restez pas dans le trouble et dans la crainte ». Dans la pièce où ils s’étaient enfermés par peur des Juifs, les disciples entendent à deux reprises la salutation de leur Maître : « La paix soit avec vous ! » Voilà le premier cadeau de Pâques : la paix dans le Christ, la paix spirituelle. Et ce premier don est en fait inséparable du second : celui de l’Esprit Saint. Lorsque saint Paul mentionne le fruit de l’Esprit dans sa lettre aux Galates il cite d’abord l’amour, la joie et la paix. Et dans sa lettre aux Romains il souligne l’importance de cette paix venant du Christ dans l’Esprit : « Le Royaume de Dieu n’est pas une affaire d’aliments et de boissons, mais de vie droite, de paix et de joie dans l’Esprit Saint ». Voilà ce qui nous caractérise en tant que chrétiens. Au baptême et à la confirmation nous avons, nous aussi, reçu ce grand don de Pâques, le don du Saint Esprit avec la paix du Ressuscité. Le temps de Pâques est le moment privilégié pour reprendre conscience de cette réalité merveilleuse : nous sommes les temples de l’Esprit Saint et nous pouvons accueillir jour après jour la paix du Christ. L’accueillir non pas pour la garder pour nous mais pour la rayonner autour de nous en artisans de paix. Comment savoir que nous accueillons bien cette paix et que nous en vivons ? Dans les moments difficiles et dans les épreuves comme les contradictions inévitables de notre vie ici-bas. Si dans ces moments là nous sommes capables de garder force, sérénité et espérance, c’est le signe évident que nous sommes habités par la paix du Christ. Si, aussi, nous refusons de répondre au mal par le mal, si nous écartons la vengeance, le ressentiment et la rancune. Si nous sommes capables de pardonner, alors oui nous sommes certains que notre cœur est ouvert à ce don merveilleux de la paix pascale.
Et cela m’amène naturellement à parler de l’envoi en mission qui accompagne le double don du Ressuscité : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Et nous voyons que dans cette mission des premiers disciples l’acte de pardonner les péchés au nom du Ressuscité est essentiel. La mission de l’Eglise est bien une mission de paix dans le sens d’une réconciliation toujours offerte avec Dieu et entre nous. La vraie paix n’ignore ni les difficultés, ni la terrible réalité du mal, mais elle les assume par la force de la miséricorde divine et du pardon dont nous sommes les témoins et les ambassadeurs. La vraie paix nous fait passer de la fatalité à l’espérance, de la confrontation stérile au dialogue du salut. Dans un monde qui a tendance à remplacer le raisonnement, l’argumentation et le dialogue par les instincts et les sentiments, nous pouvons être menacés par l’impossibilité à communiquer et donc par la violence. La vraie paix, et je reprends ce que je disais au début, nous fait donc passer de la peur à la joie chrétienne. Je laisserai le mot de la fin au Catéchisme pour adultes des évêques de France :

Les défis d'aujourd'hui sont immenses, dans les domaines de la culture, de l'économie, de la politique, des questions nouvelles posées par le progrès accéléré des techniques, de la biologie à l'informatique. Ayant dépassé toute peur, les disciples du Christ mort et ressuscité peuvent retrouver la fierté de leur foi, dans une attitude d'humble confiance en Dieu et d'ouverture aux questions des hommes. Ils sont forts de la conviction d'être porteurs pour le monde d'un message d'espérance qu'ils ont à rendre crédible par leurs paroles et leurs comportements.