dimanche 27 novembre 2016

Premier dimanche de l'Avent / Année A



Matthieu 24, 37-44

27/11/16

D’après la conception chrétienne du cosmos, le temps commence avec la création, et lorsque l’homme apparaît au terme d’une très longue évolution, l’histoire humaine commence. L’homme, la créature la plus jeune, la dernière venue dans ce long processus de création, est créé à l’image de Dieu et selon sa ressemblance. Il est appelé à vivre une relation d’amitié et de communion avec son Créateur. Le début de la nouvelle année liturgique, avec le premier dimanche de l’Avent, oriente notre regard, non pas vers la fête de Noël, mais vers l’accomplissement de notre histoire humaine à la fin des temps. Remarquons l’emploi du futur dans les lectures de cette liturgie. Le Fils de Dieu s’est manifesté à Noël en vue de notre salut, et il reviendra pour mettre un terme à la création telle que nous la connaissons aujourd’hui. Il viendra inaugurer des cieux nouveaux et une terre nouvelle où la justice habite, selon l’expression de la deuxième lettre de Pierre. L’Avent nous prépare d’abord à ce retour glorieux du Christ en nous donnant comme consigne : veillez et tenez-vous donc prêts ! Même si nous ignorons le moment de cette dernière étape de notre histoire humaine, nous savons avec certitude qu’au terme de notre vie nous vivrons aussi un Avent unique, celui qui nous prépare au passage de notre propre mort. Pour un chrétien cette préparation au Royaume de Dieu n’est pas une attitude passive, comme quand on attend le train sur le quai d’une gare. Notre attente du Royaume de Dieu est vigilante. Veiller est une attitude active qui implique de notre part un désir, celui de voir la justice de Dieu se manifester dans notre vie et dans la création tout entière. Veiller est une attitude active qui mobilise dès maintenant, sans attendre le dernier moment, notre amour et notre volonté pour que vienne le Règne de Dieu. C’est dire, bien sûr, l’importance de notre vie de prière. Les moines et les moniales sont essentiellement des veilleurs au milieu d’un monde, comme celui de l’époque de Noé, qui s’adonne à ses activités en oubliant la plupart du temps que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Nous ne pouvons pas demeurer éveillés dans ce monde, voué aux affaires et au commerce, sans une vie de prière authentique. A cette vie de prière correspond de notre part un engagement constant en faveur de la justice du Royaume de Dieu, c’est le lien entre prière et action, entre spiritualité et combat dans ce monde : revêtons-nous du Christ pour le combat de la lumière. La première lecture nous présente le pèlerinage de toutes les nations à Jérusalem. La ville sainte symbolise dans la perspective de l’Avent l’accomplissement du Royaume de Dieu à la fin des temps. Comment ne pas rêver en écoutant cette magnifique prophétie ? De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre. Lorsque la Parole de Dieu nous fait rêver, n’oublions jamais que ce qu’elle nous promet est réel et réalisable. Dans la Jérusalem d’en haut plus de place pour les péchés de haine, de division, de jalousie, de guerre et d’homicide, plus de place pour la folle et dangereuse course aux armements. Si nous marchons dans la lumière du Seigneur en veillant, nous ne pouvons pas nous résigner à accepter notre monde tel qu’il est. La résignation face au mal est toujours le signe d’un manque de foi en la puissance des promesses divines. Isaïe associe d’une manière étroite la Jérusalem à venir avec la paix du Royaume de Dieu. Veiller activement, c’est donc répondre à l’appel de Jésus dans les Béatitudes : Heureux ceux qui sèment la paix, ils seront appelés enfants de Dieu. Le chrétien qui veille sera toujours un résistant face à l’injustice du monde, un altermondialiste qui incarne dès maintenant par sa vie et ses choix la réalisation du Royaume.

dimanche 20 novembre 2016

Le Christ, Roi de l'univers


Colossiens 1, 12-20

20/11/16

Dans la deuxième lecture de ce dimanche, l’apôtre Paul nous parle du royaume du Fils bien-aimé de Dieu. Jésus a proclamé la venue du royaume de Dieu, et Paul nous montre comment le Christ est lui-même roi, partageant avec le Père la royauté. En tant que chrétiens nous avons accès à ce royaume de lumière dans la mesure où nous reconnaissons en Jésus le Christ et le Sauveur. En cette fête du Christ roi de l’univers, l’enseignement de saint Paul nous fait comprendre le mystère de cette royauté du Christ. Jésus, ressuscité et glorifié, est roi à un double titre : par rapport à la création et par rapport à l’Eglise.

Jésus est d’abord le premier-né par rapport à toute créature. C’est en effet par son Fils, sa Parole, que le Père créé tout ce qui existe. Tout est créé par lui et pour lui. Dans la sainte Trinité le Fils est créateur, il est même le modèle et l’exemplaire de toute création, même si Lui n’est pas créé : car c’est en lui que tout a été créé. Ce qui signifie que toute la création, toutes les créatures portent la marque du Fils de Dieu, l’homme portant une image unique et particulière au sein de la création. L’enseignement de saint Paul fonde le titre donné au Christ par cette fête : il est roi de l’univers, et pas seulement de l’humanité. La royauté du Christ est cosmique et universelle, et rien dans la création ne se trouve en dehors de son royaume. Le texte de Paul élargit notre vision de la création et nous préserve d’une conception anthropocentrique de cette même création : ce n’est pas pour l’homme que tout a été créé, mais bien pour le Christ ! Tout a été créé pour lui. Le Christ n’est pas seulement le principe de la création, il en est aussi le but et à la fin, dans le sens de finalité. Dans son encyclique écologique, le pape François tire les conséquences de cette vérité trop souvent oubliée parmi les chrétiens :

L’aboutissement de la marche de l’univers se trouve dans la plénitude de Dieu, qui a été atteinte par le Christ ressuscité, axe de la maturation universelle. Nous ajoutons ainsi un argument de plus pour rejeter toute domination despotique et irresponsable de l’être humain sur les autres créatures. La fin ultime des autres créatures, ce n’est pas nous. Mais elles avancent toutes, avec nous et par nous, jusqu’au terme commun qui est Dieu, dans une plénitude transcendante où le Christ ressuscité embrasse et illumine tout ; car l’être humain, doué d’intelligence et d’amour, attiré par la plénitude du Christ, est appelé à reconduire toutes les créatures à leur Créateur. (n°83)

La royauté de l’homme sur la création est donc subordonnée à celle du Christ Roi et elle ne peut s’exercer, comme participation, qu’en conformité avec la volonté de Dieu créateur. C’est pour cette raison que le pape François qualifie de péché toute domination despotique et irresponsable de l’être humain sur les créatures et la création. C’est le péché contre l’écologie.

Dans la deuxième partie de sa réflexion, saint Paul nous présente le Christ comme roi de l’Eglise : le premier-né d’entre les morts. A ce titre et par sa victoire pascale, Jésus est le commencement d’une création nouvelle. L’Eglise, et chaque chrétien, est le signe de ce royaume dans lequel la création, abimée par le péché de l’homme, retrouvera une splendeur nouvelle. Jésus a souffert la mort de la croix pour donner naissance à un homme nouveau et à une création nouvelle. Son royaume est celui de la paix universelle car il est celui de la réconciliation. Puisque tout est créé pour le Christ, c’est seulement dans le Christ roi que toute chose trouvera son accomplissement total, c’est-à-dire sa perfection et sa sainteté en correspondance avec la volonté de Dieu. Le chrétien qui prend au sérieux l’enseignement écologique de l’Eglise œuvre dès maintenant à la réconciliation entre l’homme et les autres créatures, entre l’homme et la nature. Le chrétien, appelé à être artisan de paix dans ce monde pécheur, divisé et violent, ne sépare pas la paix entre les hommes de la paix entre l’homme et la création. Il s’oppose aussi fermement à la course aux armements, aux guerres, et à ceux qui les décident et en profitent, qu’aux pollutions et aux atteintes à l’environnement, ainsi qu’à tous les manques de respect et de considération envers la vie des autres créatures.

Je terminerai cette réflexion sur notre participation à la royauté du Christ par un passage de la prière du pape François à la fin de Laudato si’ :

Ô Dieu, Un et Trine,
communauté sublime d’amour infini,
apprends-nous à te contempler
dans la beauté de l’univers,
où tout nous parle de toi.
Éveille notre louange et notre gratitude
pour chaque être que tu as créé.
Donne-nous la grâce
de nous sentir intimement unis à tout ce qui existe.
Dieu d’amour, montre-nous
notre place dans ce monde
comme instruments de ton affection
pour tous les êtres de cette terre,
parce qu’aucun n’est oublié de toi.
Seigneur, saisis-nous
par ta puissance et ta lumière
pour protéger toute vie,
pour préparer un avenir meilleur,
pour que vienne
ton Règne de justice, de paix, d’amour et de beauté.
Loué sois-tu.
Amen.



dimanche 6 novembre 2016

TOUSSAINT 2016


La liturgie de la messe, spécialement la prière eucharistique, nous enseigne que Dieu seul est saint. La préface se termine par le chant du Sanctus, par lequel nous proclamons à la suite du prophète Isaïe la sainteté du Dieu Trinité. Les prières eucharistiques 2, 3 et 4 commencent par proclamer la sainteté de Dieu alors que la première prière, le canon romain, proclame sa bonté infinie :
Toi qui es vraiment saint, toi qui es la source de toute sainteté…
Tu es vraiment saint, Dieu de l’univers, et toute la création proclame ta louange, car c’est toi qui donnes la vie, c’est toi qui sanctifies toutes choses, par ton Fils, Jésus-Christ, notre Seigneur, avec la puissance de l’Esprit Saint…
Père très saint, nous proclamons que tu es grand…
Les prières 2 et 3 nous montrent Dieu notre Père comme la source de toute sainteté. Notre sainteté est donc un don de Dieu et une participation à sa propre sainteté. Et ce don de Dieu se concrétise d’une manière particulièrement forte à travers les sacrements, spécialement le baptême et la confirmation. Et comment ne pas rappeler, en cette année de la miséricorde, le sacrement de la confession ou du pardon qui nous remet dans la sainteté de notre baptême lorsque nous avons péché… La troisième prière eucharistique précise que Dieu le Père nous rend saints par son Fils Jésus, avec la puissance de l’Esprit Saint. Dans la prière eucharistique l’Eglise demande d’abord à Dieu de sanctifier le pain et le vin pour qu’ils deviennent le corps et le sang du Seigneur. Ensuite elle demande au Père de sanctifier tous les membres de l’assemblée :
Nous te demandons qu’en ayant part au corps et au sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps…
Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire, pour que nous obtenions un jour les biens du monde à venir…
C’est donc par la puissance de l’Esprit Saint que le pain et le vin deviennent corps et sang de Jésus, et que les membres de l’assemblée deviennent le Corps du Christ, l’Eglise de Dieu. C’est l’Esprit du Père et du Fils qui nous sanctifie et nous rend semblables à Jésus. Remarquons que dans la sainte Trinité, seule la troisième personne, l’Esprit, est qualifiée de sainte : le Saint Esprit. Cela m’invite à vous parler de la sainteté chrétienne à partir d’un texte de saint Paul dans sa lettre aux Galates :

Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi.

Si nous comparons ce texte aux Béatitudes, nous trouverons bien des points communs. Paul nous donne ici un critère sûr, le fruit de l’Esprit, pour savoir si nous nous laissons sanctifier par Dieu ou bien si, au contraire, nous résistons et refusons cette grâce. Sommes-nous sur le bon chemin de la sainteté ou pas ? Regardons honnêtement si dans notre vie règnent l’amour, la joie et la paix. La sainteté ne consiste pas seulement à vouloir faire la volonté de Dieu, à désirer ce qui est bon et juste. Elle consiste aussi à souffrir le mal, d’où la patience comme fruit de l’Esprit. La patience des saints et des saintes les a unis à la grande patience du Fils de Dieu, à sa Passion vécue pour chacun d’entre nous : Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux !

En cette solennité de la Toussaint, faisons nôtre la belle prière de l’Eglise à l’Esprit Saint, le Veni Sancte Spiritus :

O lumière bienheureuse,
Viens remplir jusqu’à l’intime
Le cœur de tous tes fidèles.
Sans ta puissance divine,
Il n’est rien en aucun homme,
Rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé,
Baigne ce qui est aride,
Guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide,
Réchauffe ce qui est froid,
Rends droit ce qui est faussé.

A tous ceux qui ont la foi et qui en toi se confient donne tes sept dons sacrés. Donne mérite et vertu, donne le salut final, donne la joie éternelle. Amen.