vendredi 29 mars 2024

VENDREDI SAINT 2024


Méditation pour le vendredi saint 2024

L’évangéliste Jean nous dépeint la Passion du Seigneur comme un drame d’une rare intensité. En particulier la confrontation entre Pilate et les chefs des prêtres met en lumière l’obscurcissement des consciences de la part de ceux qui veulent obtenir à tout prix la mort de Jésus, homme juste et innocent. La Passion est le moment où s’accomplit la prophétie de Syméon : Ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. Comment ne pas penser aussi à ce que Jésus dit à l’aveugle de naissance après lui avoir rendu la vue ? Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. Au moment même où Jésus semble jugé par les autorités religieuses et civiles, c’est lui qui, en fait, opère un jugement en révélant au grand jour les secrets des cœurs et des consciences. Cela avait été aussi annoncé par le commentaire que Jean donne en conclusion de l’épisode des marchands chassés du temple : Jésus n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme. Jésus dans sa Passion est par sa seule présence un révélateur de ce qu’il y a dans le cœur de l’homme. Pilate, le païen, proclame à trois reprises l’innocence du Christ : Je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Le même Pilate fait à la foule une double présentation solennelle de l’homme qu’on lui dénonce comme méritant le supplice de la croix : Voici l’homme / Voici votre roi. Cette double présentation aux accents prophétiques a pour conséquence de mettre encore davantage en lumière la violence des autorités religieuses juives et de la foule manipulée par les grands prêtres : A mort ! A mort ! Crucifie-le ! Cette violence assoiffée de sang et de mise à mort s’accompagne de l’hypocrisie du mensonge : Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur. Jésus, dans sa Passion, est ainsi le grand révélateur de la violence homicide qui habite le cœur de l’homme depuis le péché des origines. L’histoire des guerres humaines nous montre malheureusement une constante : rares sont les artisans de paix. La majorité se laisse toujours entraîner par ceux qui ont intérêt à faire la guerre. Et les artisans de paix sont ridiculisés et persécutés par la masse de ceux qui sont aveuglés par l’instinct de violence. Dans sa Passion le Seigneur est véritablement l’homme des Béatitudes, celui qui oppose une résistance ferme et non-violente aux instincts de mort et au péché. Il est véritablement l’Agneau de Dieu qui porte et enlève le péché du monde. Douceur et innocence de l’agneau que l’on mène à l’abattoir. Je conclurai cette méditation en citant Denis Moreau, professeur de philosophie, qui, dans son livre Mort, où est ta victoire ?, propose une réflexion suggestive sur le moment de la Passion : Le salut ne s’obtient pas dans la facilité et par les moyens (le pouvoir, la richesse, les honneurs, le succès, la célébrité, la reconnaissance des autorités et des puissants, les manifestations de force, la volonté de dominer les événements et les autres hommes) à l’accoutumée promus dans le monde, ni par la violence, le désir de punir ou de se venger. La passion manifeste la difficulté du chemin qui conduit au salut, le caractère parfois douloureux et sacrificiel du combat – c’est-à-dire, étymologiquement, de la composante agonique avant d’être victorieuse- engagé contre le mal et ce qui y porte, en moi ou dans le monde, contre la dimension oppressive et violente des pouvoirs politiques et religieux. Elle exprime à sa façon le lien entre le péché et la mort, qui n’aurait pas été à ce point patent si le juste qui fut supplicié était mort de maladie, de vieillesse ou accidentellement. Elle dit le scandale du triomphe des méchants et de l’injustice. Elle indique que le salut chrétien non seulement ne s’acquiert pas par les puissances habituellement célébrées, mais aussi passe par l’acceptation de la faiblesse, le partage de la condition des petites gens et des simples, en somme par une certaine forme de renoncement aux grandeurs du monde et d’anéantissement… La passion manifeste aussi que Jésus a pleinement partagé la condition humaine, y compris dans ses dimensions essentielles et tragiques que sont la douleur et la mort de soi.


 

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