dimanche 17 mars 2024

Cinquième dimanche de Carême / année B

 


17/03/2024

Jean 12, 20-33

L’Evangile de ce dimanche de Carême nous introduit déjà dans le mystère de la Passion du Seigneur avec la mention de l’agonie de Jésus :

Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci !

Dans sa première lettre aux Corinthiens l’apôtre Paul situe ce mystère de la Passion dans son contexte historique :

Alors que les Juifs réclament des signes miraculeux, et que les Grecs recherchent une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes.

La Passion et la mort en croix du Fils de Dieu demeurent aujourd’hui quelque chose d’incompréhensible qui choque notre raison humaine et notre vision de la divinité. Aujourd’hui encore il est difficile pour nous chrétiens d’accepter cette logique du grain de blé tombé en terre qui doit mourir pour donner la vie. Aujourd’hui encore certains chrétiens sont attirés par les signes miraculeux, les séances de « guérisons » et d’ « exorcismes », les apparitions et les révélations de toutes sortes, oubliant qu’il n’y a pas d’autre signe que le signe de Jonas, c’est-à-dire le signe de la Passion, de la mort et de la résurrection de Jésus. Dans une société où la foi religieuse est en net recul, on constate aussi une aspiration à donner du sens à l’existence humaine par la recherche de la sagesse à la manière des Grecs de saint Paul. Il n’y a qu’à voir dans les librairies le nombre de parutions consacrées aux grandes sagesses de l’antiquité et à des philosophes comme Spinoza. C’est ce que Luc Ferry et André Comte-Sponville appellent une spiritualité sans Dieu, une spiritualité laïque. Tel est le terrain concret dans lequel le grain de blé de l’Evangile tombe en terre de nos jours. Le scandale et la folie du mystère chrétien nous conduisent à comprendre la différence essentielle entre sagesse humaine et foi dans le Christ. La foi ne supprime pas la raison ni la sagesse mais elle est d’un autre ordre. C’est ce que semblent comprendre les Grecs de notre Evangile. Ils ne sont pas Juifs mais ils estiment la religion des Juifs et reconnaissent le Dieu unique. Ces Grecs qui ont donné au monde le trésor de la sagesse antique, ces Grecs initiateurs de la philosophie et qui portent donc en eux le désir d’une vie selon la sagesse, ces Grecs demandent à voir Jésus. Dans l’antiquité les maîtres de sagesse étaient fort nombreux comme Socrate, Platon, Aristote, Epicure etc. Ils avaient leurs disciples comme Jésus avait les siens. Les Grecs de notre Evangile perçoivent quelque chose d’unique et de nouveau dans la personne de Jésus. Ils ne veulent pas apprendre seulement de belles doctrines sur la vie bonne, ils veulent rencontrer une personne qu’ils saisissent comme envoyée par Dieu, comme divine. Notre foi n’est pas d’abord un ensemble de doctrines religieuses, elle est désir, rencontre et communion avec le Christ. La démarche de ces Grecs nous fait penser à l’affirmation du magnifique prologue de l’Evangile selon saint Jean :

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu.

Le mot « Verbe » traduit ici le mot grec Logos qui signifie à la fois la raison et la parole. La sagesse que les Grecs recherchent tant, c’est une personne, c’est Jésus, le Verbe incarné. Dans le mystère de l’incarnation la Sagesse de Dieu se fait folie dans l’abaissement extrême du mystère de la Passion. En Jésus la folie de l’amour et la sagesse de Dieu sont unies. La démarche des Grecs commence le long cheminement de l’Evangile universel dans le cœur des hommes :

Et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. 


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