25/08/2024
Jean 6,
60-69
Le scandale eucharistique
provoqué par les paroles de Jésus entendues dimanche dernier grandit encore
avec la conclusion du chapitre 6 de l’Evangile selon saint Jean :
Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre
?... Ses disciples récriminaient à son sujet… À partir de ce moment, beaucoup
de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner.
Ce ne sont plus seulement les
Juifs en général qui sont scandalisés mais les disciples eux-mêmes. Alors que
Jésus n’a cessé d’insister sur la nécessité de « manger sa chair et de
boire son sang » (ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la
vraie boisson), il répond au scandale par une affirmation d’une grande
importance pour interpréter correctement ses paroles. Le scandale vient en
effet d’une mauvaise compréhension de son enseignement sur l’eucharistie.
C’est l’esprit qui fait vivre, la
chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et
elles sont vie. (6, 63)
La chair n’est capable de rien…
la chair ne sert de rien selon d’autres traductions… Voilà ce qui semble
contredire des affirmations comme « ma chair est la vraie nourriture » …
C’est donc le rapport entre chair et esprit qui va nous permettre de sortir du
scandale pour accéder à la compréhension du mystère eucharistique. Nous
trouvons une aide pour comprendre ce rapport dans le prologue même de
l’Evangile selon saint Jean mais aussi dans le récit de la profession de
foi de Pierre en saint Matthieu :
A tous ceux qui l’ont reçu, il a
donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne
sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme :
ils sont nés de Dieu.
Heureux es-tu, Simon fils de
Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon
Père qui est aux cieux.
La chair et le sang indiquent
dans la culture hébraïque ce monde d’en bas, purement humain et incapable de
communiquer avec Dieu. Seul l’Esprit de Dieu est capable de vivifier la chair.
Seule la grâce de l’amour divin est capable de faire vivre l’homme tout entier
dans sa dimension charnelle et spirituelle. Je cite ici le commentaire de La
Bible des peuples : « Jésus a parlé de nous donner sa
chair ; il ne faut pas l’interpréter comme la continuation de la religion
juive où l’on mangeait la chair des animaux sacrifiés. L’eucharistie contient
le corps ou la chair du Christ ressuscité. C’est une réalité transformée par
l’Esprit, transfigurée, et qui agit de façon spirituelle ». Dans le rite
de l’eucharistie, c’est bien l’Esprit de Dieu qui est appelé sur le pain et le
vin (épiclèse) pour qu’ils deviennent dans le sacrement le corps et le sang du
Christ : Corps glorifié du Christ ressuscité. Il ne s’agit évidemment pas
d’un morceau de viande comme celui que nous trouvons dans nos boucheries… Le
réalisme eucharistique est spirituel car les paroles de Jésus dans la
consécration sont esprit et elles sont vies. Ce réalisme de la présence réelle
n’a rien à voir avec une « boucherie divine » qui nous servirait à la
messe un morceau du corps de Jésus, ce qui réfute l’accusation porté par les
païens contre les chrétiens d’être des cannibales qui mangent leur dieu.
Dans ses lettres l’apôtre Paul
distingue les chrétiens charnels de ceux qui sont spirituels. Par
exemple : Frères, quand je me suis adressé à vous, je n’ai pas pu vous
parler comme à des spirituels, mais comme à des êtres seulement charnels, comme
à des petits enfants dans le Christ. C’est du lait que je vous ai donné, et non
de la nourriture solide ; vous n’auriez pas pu en manger, et encore maintenant
vous ne le pouvez pas, car vous êtes encore des êtres charnels. Puisqu’il y a
entre vous des jalousies et des rivalités, n’êtes-vous pas toujours des êtres
charnels, et n’avez-vous pas une conduite tout humaine ? Le reproche de
l’apôtre aux Corinthiens nous fait comprendre ceci : la conduite charnelle
des chrétiens signifie qu’ils agissent uniquement d’après des critères humains
et un jugement trop peu spirituel. Ils se laissent conduire par leurs passions
et leurs convoitises au lieu de se laisser conduire par l’Esprit. Lorsque Jésus
vit son agonie à Gethsémani, il enseigne à ses disciples endormis une grande
vérité : L’esprit est ardent, mais la chair est faible. (Mt 26, 41) C’est
bien parce que la chair (à ne pas confondre avec notre corps) est faible
qu’elle ne sert de rien quand il s’agit de célébrer le mystère du sacrement de
l’eucharistie. Ne nous approchons donc pas de ce sacrement avec la faiblesse de
notre nature humaine mais dans le feu d’amour de l’Esprit. C’est le message
même du chant eucharistique Tantum ergo :
Que les vieilles cérémonies
fassent place au nouveau rite ;
Que la foi de nos cœurs supplée
aux faiblesses de nos sens.
Adorons le corps et le sang du
Seigneur ressuscité en esprit et en vérité, dans l’action de grâce et le
mémorial du grand sacrement de l’eucharistie.
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