samedi 8 avril 2023

Méditation pour Pâque: une civilisation de la vie

 


Méditation pour la solennité de Pâques

9/04/2023

Au terme de ce Carême nous célébrons à nouveau l’événement de la Pâque, la résurrection de Jésus. Cette victoire de l’amour sur la haine, de la vie sur la mort est l’œuvre de Dieu en Jésus-Christ. Toute la vie du Christ pendant le temps de son incarnation nous enseigne la valeur et la dignité de notre vie humaine, la valeur de toute vie au sein de la création. Les miracles de guérison, les enseignements, la miséricorde qui pardonne les péchés, enfin la Passion, la mort et la résurrection du Seigneur peuvent se comprendre à la lumière de ce que Jésus affirme dans l’Evangile selon saint Jean : Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance. Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis. (Jean 10, 10.11)

A Pâques nous célébrons cette surabondance de vie. Il s’agit de notre vie humaine, terrestre, qui est appelée à entrer tout entière dans la joie de Dieu en se laissant transformer par la vie du Christ ressuscité. Pierre résume ainsi pour ses auditeurs le mystère de la Pâque : Vous avez tué le Prince de la vie, lui que Dieu a ressuscité d’entre les morts, nous en sommes témoins. (Actes 3, 15).

La formule est saisissante et résume bien en effet le drame de l’histoire de notre humanité. L’homme pécheur, l’homme mauvais est homicide. Il donne la mort et la propage. Dieu de son côté répare ce mal que nous commettons en nous proposant toujours de choisir le chemin de la vie et surtout en ressuscitant son Fils Jésus. Célébrer Pâque ne signifie pas se voiler la face et ne pas voir tout le mal dont souffre l’humanité actuellement. Un mal qui n’est jamais une fatalité mais dont nous sommes à divers niveaux partie prenante. Devant le tombeau vide et ouvert une espérance nouvelle se lève, celle de la civilisation de la vie qui est toujours la civilisation de l’amour. Le drame de l’humanité se joue en chacun de nous au niveau de notre conscience et de notre cœur. C’est celui de notre coopération ou pas à l’œuvre de Dieu. Remplis de l’amour du Christ et de la grâce de l’Esprit Saint, nous avons tous la possibilité de répondre oui à l’appel du Christ en vue d’une civilisation de la vie.

En 2020 Thomas Guénolé a écrit un livre choc intitulé Le livre noir de la mondialisation. A partir d’un sérieux travail de recherche s’appuyant sur les statistiques disponibles il a calculé le coût humain de notre organisation économique entre 1992 et 2017, soit en 25 ans : 400 millions de morts parmi lesquels pour ne prendre que quelques exemples : 11 millions de morts de faim malgré l’abondance de nourriture ; 56 millions de morts causées par les conditions de travail dont l’esclavagisme moderne ; 69 millions de morts de la catastrophe écologique ; 256 millions de morts de maladies pourtant soignables etc. Je ne vous donne pas ces chiffres pour vous plonger dans le désespoir. Je vous les donne, car, affirme l’auteur, rien de tout cela n’était une fatalité. Cette civilisation de la mort est le résultat de choix de société, de choix politiques et économiques mauvais et immoraux. Par exemple quand des Etats préfèrent investir des sommes d’argent colossales dans la course à l’armement et la préparation des guerres plutôt que dans la lutte contre la faim ou l’accès pour tous à l’éducation, aux soins et aux médicaments. Mais au cœur de cet énorme massacre silencieux il y a une constante : faire passer systématiquement le profit maximum au-dessus de toute considération morale et cela pour l’enrichissement d’une infime minorité. C’est bien la cupidité qui gouverne cette civilisation de mort. L’amour immodéré de l’argent est non seulement une folie, il est criminel et tue chaque jour. Saint Paul l’avait déjà clairement compris en son temps, mais que dirait-il aujourd’hui face à la multiplication des milliardaires et des profits colossaux ? La racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent (1 Timothée 6, 10).

L’Eglise dans sa sagesse nous offre sa doctrine sociale pour incarner dans notre vie, là où nous vivons, la bonne nouvelle de la résurrection du Seigneur. Aujourd’hui un chrétien, ou même un homme de bonne volonté comme il en existe tant, qui prend au sérieux l’enseignement du Christ a toutes les chances d’avoir des problèmes ou d’être persécuté. Cela ne doit pas nous empêcher de faire vivre le message des Béatitudes qui est un antidote aux fausses valeurs véhiculées par ce que l’on pourrait qualifier avec raison de domination universelle du dieu Argent et de la technique. Chacun de nous a la possibilité de s’engager avec humilité et résolution pour la dignité du travail humain, pour le respect de la création, donc pour l’écologie, pour la promotion de la paix et de la justice entre les nations et dans notre pays, pour l’accès de tous aux biens de la terre, nourriture et eau par le partage et la solidarité… Le trésor de notre foi est le meilleur rempart contre la dictature de l’argent qui tue et détruit lorsqu’il est érigé en idole et critère du succès. Notre foi est l’espérance d’un monde meilleur, d’un monde profondément converti à la vie, sur cette terre et pour la vie éternelle. Amen.

 


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