vendredi 19 novembre 2010

30ème dimanche du temps ordinaire

30eme dimanche du TO/C
24 octobre 2010
Luc 18, 9-14 (p. 845)

Apres la parabole de la veuve et du juge, Jesus nous enseigne a nouveau en ce dimanche par une parabole, celle du pharisien et du publicain. Et comme dimanche dernier saint Luc nous donne le but de cet enseignement en nous designant a qui il s’adresse en particulier : « pour certains hommes qui sont convaincus d’etre des justes et qui meprisent tous les autres ». Le Seigneur veut ici nous mettre en garde contre une tentation qui peut concerner les hommes pieux et religieux, donc chacun de nous dans la mesure ou nous avons le desir de vivre notre foi chretienne de maniere fervente : celle de l’orgueil spirituel. Dans la savoureuse mise en scene de la parabole, tous les details sont importants et nous permettent ainsi de mieux connaitre la nature de cette tentation. Relisons ensemble cette mise en scene avec d’un cote le pharisien et de l’autre le publicain. Pour les deux personnages qui nous sont presentes en contraste, le contexte est le meme. Tous les deux montent en effet au Temple pour y prier. La priere du pharisien est interieure, ce que nous nommerions aujourd’hui l’oraison mentale. C’est aussi une priere d’action de graces, de remerciement, donc une priere qui commence tres bien : « Mon Dieu, je te rends grace... ». Combien il est important dans notre vie spirituelle de ne pas nous limiter a la priere de demande mais de donner aussi une place de plus en plus importante a la priere de remerciement, de louange et d’adoration silencieuse ! Mais voila que la priere de cet homme qui commencait si bien va deriver et se terminer tres mal... La ou ca derape c’est dans le motif de son action de grace : « parce que je ne suis pas comme les autres hommes... ou encore comme ce publicain ». Ce pharisien est le parfait exemple de l’orgueil spirituel et cela pour deux raisons. Tout d’abord de par son sentiment de superiorite spirituelle sur les autres, sentiment qui s’accompagne inevitablement d’un jugement impitoyable sur les autres qui sont tous mauvais... Nous connaissons peut-etre des personnes qui pour se prouver a elles-memes qu’elles sont dans le bon et droit chemin eprouvent le besoin de rabaisser les autres et de les condamner. Dans cette priere qui n’en a plus que l’apparence, le pharisien ne cherche pas a entrer en relation avec Dieu. De fait il se regarde lui-meme, se contemple, se considere si bon qu’il frise l’idolatrie. Est-ce vraiment Dieu qu’il adore ? N’est-ce pas plutot sa propre perfection morale et spirituelle ? La deuxieme cause de son orgueil spirituel se trouve dans l’etalage qu’il fait de sa fidelite aux details de la Loi de Moise. Cet homme n’a pas besoin de Dieu pour etre justifie et sanctifie. Il se justifie lui-meme a travers ses oeuvres. Non seulement ce n’est plus Dieu qu’il adore mais lui-meme, mais en plus il enleve a Dieu sa prerogative de juge des coeurs. Seul Dieu nous connait vraiment, bien mieux que nous-memes ne pouvons nous connaitre. Car seul Dieu lit dans les coeurs et penetre au trefonds de nos intentions les plus secretes. C’est grace a la connaissance parfaite qu’il a de notre coeur et des motivations de nos actions et de nos paroles que Dieu est le seul juge, celui qui ne peut jamais se tromper. C’est aussi pour cela que Jesus nous interdit de juger notre prochain et de le condamner. La deuxieme lecture nous montre comment saint Paul, le pharisien converti, a vaincu cette tentation de celui qui se justifie lui-meme en presence de Dieu. Dans ce passage de sa lettre a Timothee, l’apotre affirme sa fidelite a Dieu, il a persevere dans le droit chemin. Il a tenu bon jusqu’au bout, et c’est jusqu’au bout qu’il a annonce l’Evangile aux paiens. Mais il y a une grande difference avec le pharisien de notre parabole. Paul ne tombe pas dans le peche d’orgueil, il sait, et il le dit, que sa force, donc sa fidelite a sa mission, vient de Dieu : « Le Seigneur m’a assiste, il m’a rempli de force ». Paul ne tire pas sa justice de lui-meme ou de ses bonnes actions, car il sait que sans la grace de Dieu il serait encore prisonnier de l’ignorance et du peche. La priere du publicain, dans notre parabole, est une priere de supplication : « Mon Dieu, prends pitie du pecheur que je suis ! » Nos deux personnages incarnent donc deux attitudes opposees : l’orgueil et l’humilite. Rien ne nous eloigne davantage de Dieu que l’orgueuil spirituel qui est le peche de Satan, et rien ne nous unit davantage a Dieu que l’humilite. L’humilite, l’une des plus grandes vertus chretiennes, n’est pas l’humiliation ou encore le masochisme de celui qui ne veut voir en lui que les faiblesses, les defauts et le mal en repetant a longueur de journee : je suis nul, je ne vaux rien etc. L’humilite c’est porter un regard realiste sur ce que nous sommes et reconnaitre en effet la part d’ombre qui est en nous. Blaise Pascal dans ses Pensees a tres bien percu la valeur indispensable de l’humilite comme verite dans notre vie chretienne. Oui, la verite de notre etre c’est que nous ne sommes ni ange ni bete. Nous sommes des creatures humaines. Et il nous faut savoir garder l’equilibre de la verite lorsque nous nous presentons devant le Seigneur dans la priere. Nous ne nous presentons pas comme des saints ni comme des etres qui ne seraient que peche. Nous nous presentons tels que nous sommes : comme des pecheurs pardonnes et justifies, en marche vers la saintete. Pascal conseille au chretien, a la suite de l’Evangile, d’eviter les deux tentations opposees : l’orgueil d’un cote, le desespoir de l’autre. A nous de cultiver la simple et joyeuse humilite chretienne en sachant accepter les humiliations mais surtout en choisissant de nous abaisser en presence du Seigneur et des autres.

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