dimanche 12 novembre 2006

32ème dimanche du temps ordinaire

32ème dimanche du TO/B
12 novembre 06
Page 935

L’évangéliste Marc nous invite à méditer en ce dimanche deux petits tableaux : celui dépeignant les scribes, et celui dépeignant la pauvre veuve. Le second tableau oppose les gens riches à la pauvre veuve, j’y reviendrai. Mais il y a aussi une opposition entre les scribes du premier tableau et la veuve du second tableau.
Ce n’est pas sans raison que Jésus souligne l’une des attitudes des scribes :
« Ils dévorent les biens des veuves. »
Cette remarque nous renvoie bien sûr à la pauvre veuve. Les scribes étaient des gens respectés et aisés. Et ils avaient tendance à abuser de leur pouvoir spirituel pour s’en mettre plein les poches, et cela aux dépens des plus pauvres. Dans la mentalité biblique, les plus pauvres ce sont les veuves et les orphelins. Cette fâcheuse tendance à instrumentaliser la spiritualité en vue de gains matériels n’appartient pas qu’au passé. L’Eglise a dû condamner la simonie tant les abus pouvaient être nombreux et scandaleux. C’est la vente des indulgences en vue de la reconstruction de la basilique saint Pierre qui a provoqué la révolte de Luther et le mouvement de la Réforme. Et aujourd’hui certains télévangélistes américains utilisent la foi chrétienne pour s’en mettre plein les poches, et cela en abusant bien souvent de la crédulité des personnes les plus simples et les plus pauvres.
Nous avons donc d’un côté les scribes qui exploitent les veuves, et de l’autre une pauvre veuve qui dépose dans le tronc tout ce qu’elle a pour vivre.
De cette scène, Jésus tire bien plus qu’un simple enseignement sur la générosité ou encore un enseignement de sagesse. Car en comparant les gens riches et la pauvre veuve, la sagesse nous enseigne que ce qui compte ce n’est pas la quantité de notre don, considérée en soi, mais bien le don relatif. C’est-à-dire notre don mis en relation avec notre situation personnelle. Une star du ciné qui donne 1000 euros à une œuvre caritative donne moins qu’un chômeur qui se sacrifie pour faire un don de 50 euros. C’est évident !
La pointe de cet Evangile n’est donc pas à chercher de ce côté-là. Tant que nous ne sommes pas scandalisés par l’attitude de cette pauvre veuve, nous ne pouvons pas comprendre cet Evangile. Car soyons honnêtes, qui d’entre nous, à la sortie de cette messe, serait prêt à donner tout le contenu de son compte en banque ? Or, c’est bien ce que fait cette veuve, en prenant sur son indigence, sur son nécessaire. Et nous pouvons bien qualifier son attitude de folie ou d’irraisonnable…
Avant d’aller plus avant établissons ce qui pourrait nous sembler au premier abord un paradoxe : moins une personne a de biens, plus elle peut être généreuse. Ce sont souvent les personnes riches qui ont le plus de mal à donner… C’est dans une certaine mesure assez logique : au plus notre capital est important, au plus nous risquons de nous y attacher… Et alors il coûte davantage de s’en défaire, même si ce n’est que du superflu…
C’est la deuxième lecture qui peut nous aider à trouver la fine pointe de cette scène évangélique :
« C’est une fois pour toutes, au temps de l’accomplissement, que le Christ s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. »
En fait l’offrande de la pauvre veuve est une image du sacrifice du Christ :
« Elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. » Ce geste est fou, car sans aide extérieure, la veuve se condamne ainsi à mort, car elle n’a littéralement parlant plus rien pour vivre. C’est donc un sacrifice qu’elle fait, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit d’un holocauste. C’est-à-dire un sacrifice total, dans lequel celui qui offre donne absolument tout et ne garde rien pour lui.
En s’offrant tout entier sur le bois de la croix, le Christ, grand prêtre de la nouvelle Alliance, réalise un holocauste. Non pas avec le sang des animaux, mais avec son propre sang, sa propre vie. Dans l’holocauste il n’y a pas de retour possible en arrière. Ce qui est donné est donné. Les holocaustes de l’ancienne Alliance consistaient à brûler entièrement la victime, à la réduire en cendres.
Le geste de la pauvre veuve est fou car il nous rappelle une autre folie, celle de l’amour divin dans le sacrifice de la Croix :
« C’est que le monde, avec sa sagesse, n’a pas reconnu Dieu quand il mettait en œuvre sa sagesse. Il a donc plu à Dieu de sauver des croyants grâce à une folie que nous proclamons.[1] »
Mis en présence de la pauvre veuve, nous nous sentons bien petits et incapables. Elle nous ouvre cependant un chemin de vie chrétienne : celui du don de soi à la suite du Christ. Un don qui ne triche pas, un don qui ne fait pas semblant, bref un don total, quelle que soit notre vocation et notre état de vie. Notre générosité et notre sens du partage sont des étapes indispensables dans notre apprentissage du don de nous-mêmes. Alors ne négligeons surtout pas de nous exercer dans ces domaines !
Amen
[1] 1 Co 1, 21

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