Nous
sommes rassemblés en ce jour dans la prière pour faire mémoire de toutes les
victimes civiles et militaires des guerres. Nous offrons le sacrifice du Christ
pour le repos de leur âme, le sacrifice de celui qui a proclamé heureux les artisans de paix car ils seront
appelés fils de Dieu. Cette commémoration de l’armistice est pour nous
l’occasion de réfléchir à la guerre et à la paix. Ce thème est important dans
la doctrine sociale de l’Eglise puisqu’elle y consacre un chapitre entier de
son Compendium, chapitre intitulé La promotion de la paix.
Tout
d’abord la guerre est toujours un péché grave car elle implique une
désobéissance préméditée et planifiée au commandement de Dieu : Tu ne tueras pas. Dans le sillage de la
guerre on trouve souvent la famine, le vol, le viol et des destructions de
villes et d’infrastructures qui sont, on l’oublie trop souvent, des
catastrophes du point de vue écologique. Si la reconstruction qui suit les
guerres est « bonne » pour l’économie, elle est en premier lieu un
énorme gaspillage écologique. Sans parler des résidus polluants d’armes et de
munitions répandus dans l’environnement… Sans parler de la perversion absolue
que constitue la guerre chimique et biologique qui consiste à polluer
volontairement l’environnement et à répandre des virus dans le camp des
ennemis. L’un des premiers exemples de guerre biologique remonte en 1763 :
Jeffrey Amherst, commandant en chef des troupes britanniques, et Henri Bouquet[1]
eurent recours à la transmission volontaire de la variole à l’aide de
couvertures distribuées aux Amérindiens. Plus récemment entre 1961 et 1971,
dans le contexte de la guerre du Vietnam, 80 millions de litres de produits
chimiques ont été déversés par l'armée des États-Unis dont 61 % d'agent orange.
Si la
guerre est toujours un péché, il est important d’en connaître les causes. La
cause principale des guerres est précisément le péché qui habite le cœur de
l’homme et le pousse à faire le mal en désobéissant aux commandements de
Dieu. Ce péché se repère dans des attitudes et des idéologies opposées au
message de l’Evangile. Tout d’abord l’orgueil du cœur humain, péché
capital par excellence. On fait la guerre à des frères humains parce que l’on
se croit supérieurs à eux, meilleurs ou encore plus civilisés. Ce fut le cas,
par exemple, des espagnols et des américains par rapport aux populations
indiennes qui furent réduites en esclavage puis exterminées. On fait aussi la
guerre parce que l’on se croit investi d’une mission supérieure à l’égard des
autres peuples : c’est l’impérialisme. On envahit et on exploite
sous le prétexte de civiliser ou d’apporter la démocratie. Mais bien souvent
les guerres s’enracinent dans le péché de cupidité, c’est-à-dire dans la
volonté de s’approprier par la force les ressources et les richesses d’autres
nations. Dans ce cas la guerre est un vol à grande échelle. Comme l’affirme
Saint Jacques dans sa lettre :
D’où viennent les guerres, d’où viennent les
conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur
combat en vous-mêmes ? Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien,
alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous
entrez en conflit et vous faites la guerre.
Paul Valéry
affirmait avec clairvoyance : La
guerre, c'est un massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens
qui se connaissent, mais ne se massacrent pas. En effet ceux qui déclarent
les guerres, les gouvernants, portent une très lourde responsabilité devant
Dieu. Il est tellement facile de faire faire la guerre aux autres alors que
l’on demeure en sécurité ainsi que sa famille. L’histoire du 20ème
siècle et de ses nombreuses guerres nous montre que si les gouvernants ont pu
entraîner leur peuple dans des guerres, c’était à cause de la complicité active
de la plupart des journalistes qui relayaient la propagande en faveur de la
guerre et grâce au silence ou à l’approbation des intellectuels de leurs
nations… Les exceptions furent rarissimes : un Romain Rolland en France,
un Hermann Hesse en Allemagne. La propagande en faveur de la guerre repose
toujours sur le même principe : nous sommes le camp du bien et en face se
trouve le camp du mal. Ce qui ne correspond pas, la plupart du temps, à la réalité
car la réalité est toujours bien plus complexe que ce type de raisonnement simpliste.
Dans sa
lettre encyclique Tous frères de
2020, le pape François aborde la question de la guerre et de la paix. Je lui
laisse la parole en guise de conclusion à cette réflexion :
On fait facilement le choix de la guerre sous
couvert de toutes sortes de raisons, supposées humanitaires, défensives, ou
préventives, même en recourant à la manipulation de l’information. De fait, ces
dernières décennies, toutes les guerres ont été prétendument “justifiées”… On
veut ainsi justifier indument même des attaques ‘‘préventives’’ ou des actions
guerrières qui difficilement n’entraînent pas « des maux et des désordres plus
graves que le mal à éliminer ». Le problème, c’est que depuis le développement
des armes nucléaires, chimiques ou biologiques, sans oublier les possibilités
énormes et croissantes qu’offrent les nouvelles technologies, la guerre a
acquis un pouvoir destructif incontrôlé qui affecte beaucoup de victimes
civiles innocentes… Nous ne pouvons donc plus penser à la guerre comme une
solution, du fait que les risques seront probablement toujours plus grands
que l’utilité hypothétique qu’on lui attribue. Face à cette réalité, il est
très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en
d’autres temps, pour parler d’une possible “guerre juste”. (n°258)
Toute guerre laisse le monde pire que dans
l’état où elle l’a trouvé. La
guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une
capitulation honteuse, une déroute devant les forces du mal. N’en restons pas
aux discussions théoriques, touchons les blessures, palpons la chair des
personnes affectées. Retournons contempler les nombreux civils massacrés,
considérés comme des “dommages collatéraux”. Interrogeons les victimes. Prêtons
attention aux réfugiés, à ceux qui souffrent des radiations atomiques ou des
attaques chimiques, aux femmes qui ont perdu leurs enfants, à ces enfants
mutilés ou privés de leur jeunesse. Prêtons attention à la vérité de ces
victimes de la violence, regardons la réalité avec leurs yeux et écoutons leurs
récits le cœur ouvert. Nous pourrons ainsi reconnaître l’abîme de mal
qui se trouve au cœur de la guerre, et nous ne serons pas perturbés d’être
traités de naïfs pour avoir fait le choix de la paix. (n°261)
[1]
Un mercenaire suisse, entré au service de l’armée britannique en 1756 avec le
grade de lieutenant-colonel.
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