dimanche 15 juin 2008

11ème dimanche du temps ordinaire

11ème dimanche du temps ordinaire / A
15 juin 08
Matthieu 9,36-10,8 (page 1053)
Saint Matthieu donne un magnifique prologue à l’appel des Douze : « Jésus, voyant les foules, eut pitié d’elles parce qu’elles étaient fatiguées et abattues comme des brebis sans berger. » Nous pouvons penser aux foules de notre époque, et nous pouvons peut-être nous dire que l’humanité n’a pas progressé depuis, et qu’elle a probablement empiré… Que de misère matérielle, humaine, intellectuelle, morale et spirituelle ! Nous pouvons penser à ces immenses mégapoles comme Mexico et Calcutta par exemple et contempler avec le cœur du Seigneur ces foules de notre temps, davantage victimes que responsables de leur misère… Et nous pourrions nous sentir impuissants !
Il est bon pour nous de saisir alors quelle est l’attitude intérieure de Jésus par rapport aux foules de son temps et aux foules de notre temps : Il les prend en pitié. Cette pitié est une conséquence immédiate de son amour divin pour chacune de ses créatures humaines. L’attitude intérieure de Jésus est proposée en modèle aux Apôtres d’hier et d’aujourd’hui. Remarquez bien que le Seigneur ne juge pas, ne condamne pas. Il contemple avec un cœur brisé ceux et celles qui sont fatigués et abattus, certainement parce qu’ils n’ont pas encore trouvé le sens profond de leur existence humaine ici-bas… Jésus n’en reste pas à la contemplation pleine de pitié de ces foules. Il est venu pour les soulager et leur apporter l’espérance qui leur manque. Le même saint Matthieu rapporte un peu plus loin dans son Evangile des paroles du Seigneur qui sont comme le prolongement de sa pitié face aux foules sans berger : « Venez à moi, vous tous qui peinez, qui êtes surchargés, et je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vos âmes. Car mon joug est aisé et ma charge légère. » Jésus est l’unique Bon Pasteur. Cela ne l’empêche pas de nous demander de prier pour que le Père envoie des ouvriers pour sa moisson. Les Douze sont les premiers parmi ces ouvriers que le Père donne à son Fils pour qu’Il les donne à son tour aux foules qui sont sans berger. La mission de l’Eglise vient du Père par le Fils dans l’Esprit.
Si nous voulons bien comprendre en quoi l’attitude intérieure de Jésus est vraiment une Bonne Nouvelle pour ces foules fatiguées et abattues, nous devons nous reporter au chapitre 3 de l’Evangile de Matthieu et à la prédication de Jean-Baptiste. Il y a bien des thématiques communes entre ce passage et l’Evangile de cette liturgie : l’annonce du Royaume de Dieu et la moisson. Mais la tonalité est vraiment différente. Jean-Baptiste n’a pas pitié des foules qu’il appelle à la conversion. Il les traite même avec dureté : « Race de vipères, qui vous donnera le moyen d’échapper à la Colère qui vient ? » Jean annonce le jugement de Dieu et l’éventualité, si ce n’est de l’enfer, du moins d’un châtiment sévère : « Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être abattu et jeté au feu. » En annonçant la venue de Jésus, Jean utilise l’image de la moisson, celle-là même que nous retrouvons dans notre Evangile de ce jour : « Il tient déjà la pelle en main pour nettoyer son blé ; il amassera le grain dans son grenier et brûlera la paille dans le feu qui ne s’éteint pas. » Dans la prédication de Jean il n’y a guère de place pour la miséricorde. Au contraire le regard que Notre Seigneur porte sur les foules est rempli de miséricorde à leur égard. C’est un regard absolument nouveau par rapport à celui de Jean. Il est d’ailleurs significatif que, dans les consignes qu’il donne aux Apôtres, Jésus n’inclue pas de dimension morale : « Convertissez-vous ou produisez de bons fruits », par exemple. Mais simplement : « Proclamez que le Royaume des Cieux est tout proche. » Ce que le Seigneur demande aux Douze, c’est d’être profondément bons et de faire le bien partout où ils passeront. Et cela gratuitement. Les apôtres transmettront seulement l’amour de Dieu pour les brebis perdues.
D’autres passages de l’Evangile nous montrent un Jésus qui semble plus sévère à l’égard de ses contemporains. Très peu de temps après l’envoi des Douze, il se pose une question : « Comment vais-je dépeindre la présente génération ? » Et il dénonce une attitude valable de son temps comme aujourd’hui : les gens ne sont jamais contents, et quoi que l’on fasse, ils critiquent et dénigrent… « Jean ne mangeait pas, il ne buvait pas, et quand il est venu on a dit : il a un démon. Et puis vient le Fils de l’Homme qui mange et qui boit, et l’on dit : il aime le vin et la bonne chère, c’est un ami des collecteurs de l’impôt et des pécheurs ! Mais on verra que la Sagesse a bien fait les choses. » Jésus nous montre ici que sa miséricorde n’exclue pas sa clairvoyance à propos de nos travers humains. Etre bon ne signifie jamais être bête. Et les Apôtres devront allier dans leur mission la prudence des serpents et la simplicité des colombes… Car certaines brebis égarées peuvent se transformer en loups ! Enfin la pitié du Seigneur, fruit éminent de son divin amour, ne l’empêche pas d’être profondément déçu face à notre lenteur ou à notre réticence quand il ne s’agit pas de notre fermeture à la grâce. Jésus est véritablement homme. Et il y a des moments où il prend le ton de Jean-Baptiste pour répondre à ses interlocuteurs, par exemple aux maîtres de la Loi et aux Pharisiens qui lui réclament un miracle : « Génération mauvaise et adultère ! »
L’envoi en mission des Douze concerne notre Eglise car elle est apostolique et catholique. Et il nous concerne donc de manière personnelle même si nous ne sommes pas appelés à être prêtre ou missionnaire… Prier pour les vocations, c’est nécessaire. Mais cela ne doit pas dispenser chaque baptisé d’être apôtre selon sa vocation et là où Dieu l’a placé. Le défi pour nous aujourd’hui est bien d’être apôtres à la manière de Jésus : prêcher d’abord par nos actes et ensuite par nos paroles un Evangile de salut. C’est-à-dire un Evangile qui n’enferme pas les personnes dans leur misère et leur péché, mais un Evangile de compassion et de bonté dans lequel les foules sans berger de notre temps pourront pressentir la grandeur de l’amour miséricordieux du Père. Qu’en nous voyant vivre et agir, « les brebis égarées » comprennent la logique du Royaume :
« Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné en plus. ».
Amen

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